Les résistances judiciaires à la primauté du droit communautaire( Télécharger le fichier original )par Sami Fedaoui Université de Rouen - Master I Droit international et européen 2006 |
Partie II : La relative résistance aux corollaires existentiels du principe.Il s'agit ici de mettre en évidence que si l'on peut relever des résistances à l'égard des implications liées au principe de la primauté du droit communautaire, celles-ci ne constituent pas pour autant une profonde obstruction de nature à compromettre le principe même de ladite primauté, que ce soit au regard de l'applicabilité directe ( A ), ou de l'applicabilité uniforme ( B ) du droit communautaire qui sont de véritables exigences à la base de la pleine effectivité de ladite primauté. A. La résistance avortée à l'applicabilité directe du droit communautaire.L'applicabilité directe du droit communautaire qui se rattache fondamentalement à la primauté du droit communautaire, a pu faire l'objet de certaines résistances qu'il convient toutefois de nuancer dans une certaine mesure. Section 1 : La garantie d'effectivité de la primauté à travers l'effet direct.S'il peut sembler commode de distinguer la primauté du droit communautaire et l'applicabilité directe de celui-ci, en tant que deux notions a priori dissociées, cette disjonction est peu pertinente dès lors que l'on se place dans le cadre de l'effectivité du principe de primauté du droit communautaire. En effet, ces deux principes participent d'un même mouvement jurisprudentiel en ce qu'ils constituent des préceptes de base du système d'intégration27(*). Une approche systématique révéle une cohérence et une complémentarité entre ces deux notions, ladite primauté serait, en effet, dépourvue d'effectivité si n'était pas reconnue une garantie selon laquelle le droit communautaire est d'applicabilité directe. Dans l'hypothèse où l'on ne pourrait appliquer directement la norme de droit communautaire dans l'ordre interne, ce serait vider de sa substance le principe même de la primauté car celui-ci n'a de sens que s'il s'avère effectif. Dès lors, on peut comprendre que la jurisprudence de la CJCE s'est efforcée, dans la logique du mouvement visant au développement du système de l'intégration, de poser préalablement l'exigence de l'effet direct du droit communautaire avant d'énoncer le principe de primauté28(*). Et dans cet ordre d'idées, c'est sans doute l'arrêt Simmenthal rendu par la CJCE en 1978 qui met véritablement en lumière l'exigence d'effet direct comme corollaire existentiel de la primauté. La primauté implique, selon la Cour, l'inapplicabilité de plein droit de la norme nationale incompatible avec la règle communautaire, et à cet effet le juge national est tenu d'écarter lui-même la première au profit de la seconde. Il s'agit ainsi de conférer à la norme de droit communautaire ce que certains désignent comme étant un effet maximal dit de "substitution" car celle-ci est censé suppléer la norme interne, en vue de permettre la pleine effectivité de la primauté du droit communautaire. Il existe dans une certaine mesure une interdépendance entre ces deux attributs du droit communautaire que sont la primauté et l'applicabilité directe, et par conséquent toute opposition à l'effet direct du droit communautaire revient, en quelque sorte, à compromettre la primauté du droit communautaire. * 27 La construction prétorienne de la Cour, où certains commentateurs voient un « activisme judiciaire », n'a eu de cesse de mettre en oeuvre des principes innovants traduisant la singularité de l'intégration. Parmi ceux-ci figurent les principes de primauté et d'applicabilité du droit communautaire, puisque le droit né des traités communautaires constitue une source normative autonome et intégrée au sein de l'ordre juridique interne des Etats membres. * 28 Arrêt Van Geen en Loos, ibid., puis Costa, ibid. |
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