Chapitre II :
Les types de politique industrielle et leurs
instruments
Pour repérer les types de politique industrielle
existants, on pourrait considérer les objectifs retenus par les
pouvoirs publics. Mais l'analyse de leurs grandes options reste difficile
à mener, étant donné les difficultés à
repérer les choix annoncés (quand ils le sont !).
Section 1 : Les objectifs des pouvoirs publics et les types
de politique industrielle
A- Les objectifs des pouvoirs publics :
Dans l'économie décentralisée qui sert de
référence à la théorie économique, les
agents prennent leurs décisions à partir des signaux du
marché. Ces décisions, pourvu que soient remplies les conditions
habituelles de la concurrence pure et parfaite, conduisent à un
état optimum de l'économie nationale. Il n'y a donc aucune raison
à l'intervention des pouvoirs publics. Cette prescription habituelle du
libéralisme doit être nuancée dans plusieurs cas
analysés par l'Economie publique :
v L'absence de marchés à terme empêche les
agents de former convenablement leurs plans pour le futur;
v Il existe des « échecs du marché »,
c'est-à-dire des situations où le marché ne peut pas
fonctionner convenablement (externalités, biens publics, monopoles,
rendements d'échelle croissants).
Dès qu'une telle configuration se manifeste, les pouvoirs
publics doivent intervenir pour permettre à l'économie de se
rapprocher de l'optimum. L'Etat est alors le « gardien de l'optimum
».
Les objectifs des pouvoirs publics débordent la seule
relance de la production industrielle et, dans certains cas, essaient
même d'intégrer les aspects techniques et sociaux des
décisions, ce souci de réduire l'inévitable dichotomie
entre les politiques industrielles et les politiques sociales pèse
encore toutefois d'un faible poids.
B- Les types de politique industrielle :
Pour avoir déterminé une typologie de politique
industrielle on a recours à deux grands critères :
1. La nature des tactiques d'intervention :
Elle dépend largement des conceptions qu'on se fait du
rôle de l'Etat dans le pilotage de l'économie et de son
degré de volontarisme.
v Les tactiques d'environnement : visant surtout
à agir sur les structures, il peut s'agir de peser sur les règles
du jeu, en codifiant l'activité des agents (réglementation de la
concurrence, normalisation des produits...) ; il peut s'agir aussi d'une
réglementation du travail, de politique salariale, de peser sur les
conditions de financement, sur l'effort de recherche ou sur les
débouchés.
v Les tactiques de comportement : qui visent soit
à peser sur les agents grâce à une "tactique d'influence"
(des contrats, des subventions, des commandes...) ; soit à agir
directement à la place des agents, grâce à une "tactique de
substitution" qui va s'appuyer sur les entreprises publiques, sur la prise de
participations majoritaires...
2. Les champs de l'intervention :
Le champ de la politique industrielle s'élargit sans
cesse, les mesures ne se limitent plus aux seules "mesures directes" qui
affectent les processus productifs, mais s'étendent largement aux
"mesures indirectes" qui modifient l'environnement au sens plus large dans
lequel les firmes se meuvent (mesures en faveur de l'enseignement, de la
formation...).
Les champs d'intervention des pouvoirs publics peuvent être
donc plus ou moins large :
v Il peut s'agir d'un champ général ou les mesures
ne prétendent pas avoir d'effet direct sur les activités
industrielles proprement dites : on met alors en place des "mesures indirectes"
correspondant soit à des politiques conjoncturelles
générales (politiques fiscale, budgétaire,
monétaire, des revenus...), soit à des politiques visant à
créer des modifications des structures économiques (politique
d'aménagement territorial, de relations de travail, d'aides aux
exploitations, de soutien de la recherche...).
v Comme il peut s'agir d'un champ restreint d'intervention
où les mesures prétendent avoir des "effets directs" sur les
activités industrielles. On peut distinguer deux types de mesures
directes :
· Les mesures directes horizontales : ont notamment
pour objet de promouvoir l'ensemble des entreprises, et peuvent correspondre
soit à des mesures conjoncturelles (politiques de prix, d'aides aux
exportations...), soit à des mesures d'organisation industrielle
(politique de la concurrence, de la concentration...).
· Les mesures directes spécifiques : ils
sont beaucoup plus sélectives et volontaristes que les
précédentes et peuvent viser plusieurs des firmes
déterminées ou des ensembles des firmes, s'agissant soit de
"politiques de firmes", dans le cadre d'un projet de défense, de
prestige, de soutien l'emploi... soit de "politiques de secteurs" ou
"politiques de branches", "politiques de projets", "politiques de
filières"...; ces politiques ont souvent reposé sur des
"méthodes de sélectivité" susceptibles de
permettre un tri parmi les activités à promouvoir, à
reconvertir ou à abandonner.
C'est à partir des analyses des tactiques
déployées et des champs d'intervention qu'on s'attachera à
repérer et à classer les mesures utilisées selon le
tableau suivant :
LES TACTIQUES D'INTERVENTION
|
LES CHAMPS D'INTERVENTION
|
|
Champ Général
|
Champ restreint
|
1. Tactique d'environnement
· Action sur les coûts
· Action sur les facteurs
· Action sur les débouchés
· ...
2. Tactique d'action
· Tactiques d'influence :
(faire-faire)
Conventions, accords, commandes publiques, aides ...
· Tactiques de substitution :
(faire)
Entreprises publiques, nationalisations...
|
1. Mesures indirectes
· Politiques conjoncturelles (fiscales, monétaires,
budgétaires...)
· Politiques d'infrastructures (localisation,
recherche...)
|
2. Mesures directes horizontales
· Politiques conjoncturelles (exportation, formation,
innovation...)
· Politiques d'organisation industrielle (concurrence,
concentration...)
3. Mesures directes spécifiques
· Politiques de branches, de filières...
· Politiques de firmes... etc.
|
|