1ère partie:
La Politique Industrielle
AVANT-PROPOS
D'année en année, les pouvoirs publics ne cessent
d'accroître leur intervention, mettant en place les
éléments de ce qu'on appelle plus ou moins confusément une
"politique industrielle" ; bien qu'omniprésent au sein des
économies modernes, dans la mesure où toutes les actions de
l'Etat ont de près ou loin une incidence sur les structures
industrielles et sur les comportements des agents, cette politique n'est pas
toujours avouée. Elle est de surcroît souvent mal définie.
Elle constitue pourtant, et de plus en plus, un instrument d'action
privilégié de la politique globale.
Peut-on saisir les contours de la politique industrielle de la
même façon qu'on peut concerner les contours des autres politiques
de l'Etat (politique sociale, politique fiscale...) ? Autrement dit, use-t-on
l'expression de la "politique industrielle" par simple "souci de
symétrie" avec ces autres politiques, ou les actions de l'Etat dans ce
domaine sont-elles à ce point dotées d'un système de
cohérence sans faille qu'elles constituent une véritable
politique ?
On va s'interroger, dans cette partie, sur les justifications
d'une politique industrielle et sur l'opportunité de son identification,
on évoquera ensuite les types de politique industrielle et ses
instruments ; et enfin de compte, on essayera de mettre en évidence les
limites à la politique industrielle.
Chapitre I :
Les justifications et la définition d'une
politique industrielle
La politique industrielle recouvre des pratiques multiformes,
d'existence ancienne, mais qui se sont développées et
modifiées dans les dernières décennies. Elle correspond
à des interventions des pouvoirs publics sur les appareils productifs,
au moyen de subventions ou de crédit d'impôt, qui ont pour but
d'aider la production ou la recherche et développement, mais aussi
à des politiques d'incitation au regroupement et à la
rationalisation des firmes, ou encore à la création de firmes.
Section 1 : Faut-il une politique industrielle ?
A- Fondements théoriques de l'intervention des
pouvoirs publics :
Il n'existe pas de théorie scientifique,
générale et complète du rôle économique de
l'Etat qui intégrait les diverses formes de son intervention dans une
explication d'ensemble et mettrait en évidence leurs effets dans
l'économie globale. Par contre, des grands courants théoriques
s'intéressent sur l'opportunité d'une intervention des pouvoirs
publics.
Or, rares sont ceux qui nient la nécessité d'une
intervention publique dans l'économie, aussi peu nombreux sont ceux qui
contestent l'intérêt du recours au mécanisme du
marché, ainsi qu'un consensus semble avoir émergé autour
d'une troisième voie entre le tout Etat et le tout marché, entre
le dirigisme étatique radical et le laisser faire absolu.
v Dans le cadre des idées libérales, la vie
économique est dominée par l'idée de
supériorité de l'initiative privée, l'Etat doit
donc laisser jouer la libre concurrence et les mécanismes du
marché. Il doit, normalement, se tenir en dehors de l'activité
économique et son action doit être aussi légère et
neutre que possible. Ainsi, le philosophe H. TAINE condamne-t-il violement tout
empiètement de l'Etat hors de ses missions spécifiques : «
L'Etat est mauvais chef de famille, mauvais industriel, agriculteur et
commerçant, mauvais distributeur de travail et de subsistance, mauvais
régulateur de la production, des échanges, de la consommation,
philanthrope sans discernement, directeur incompétent des beaux-arts, de
la science, de l'enseignement et des cultes. En tous ces offices son action est
lente ou maladroite, routinière ou cassante, toujours dispendieuse, de
petit effet et de faible rendement, toujours à côté et
au-delà des besoins réels qu'elle prétend satisfaire
». [Le Régime Moderne. Hachette. Paris. 1890. p 181.]
Traditionnellement, l'intervention des Etats se justifie
lorsqu'il s'agit d'accroître le "bien être social", autrement dit,
quand se manifestent des situations où le marché est incapable de
garantir une allocation optimale des ressources et où la politique
industrielle s'impose et qui sont : l'apparition de monopoles ; la
présence de biens publics ; le développement
d'externalités ; l'existence de biens collectifs ; des
différences entre les taux privés et les taux sociaux de
préférence pour le temps. En général, dans un
environnement incertain, l'intervention gouvernementale dépend de
l'imperfection des informations et de la présence des coûts de
transaction.
v Grâce aux apports de W. BEVERIDGE et J.M. KEYNES, au
lendemain de la première guerre mondiale, l'Etat était donc
devenu un Etat providence devant accomplir de nouvelles missions et
essentiellement en matière économique et sociale. Dans le cadre
d'une telle théorie interventionniste, l'Etat n'est plus le
simple ensemble d'individus qui décident d'agir collectivement de
l'analyse néoclassique, mais un véritable agent économique
placé au-dessus des autres agents économiques et à qui il
peut imposer ses vues. Dans cette optique keynésienne ou
néo-keynésienne, où l'intervention de l'Etat n'est plus
totalement taboue, on justifie très bien la coexistence d'un secteur
privé, soumis aux règles du schéma classique, et d'une
économie publique en charge de grands objectifs d'intérêts
généraux (plein-emploi, relance...).
v Selon la théorie marxiste, l'Etat est un instrument de
domination de la classe capitaliste détentrice des moyens de production.
Au sein des systèmes industriels modernes, son intervention a pour objet
d'assurer la persistance du mode de production dominant, prenant en charge le
financement du capital, budgétisant certaines activités publiques
rentables au profit d'intérêt privés, facilitant la mise en
sommeil des capitaux en excédent... Dans cette perspective, les
interventions étatiques sont présentées comme un moyen
d'éviter la faillite d'une société fondée sur les
rapports de production capitaliste.
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