§2. Un tribunal établi par la loi
Les mots <<tribunal>> et <<loi>>
reçoivent une interprétation autonome, détachée du
droit interne. La CEDH attribue effectivement une conception extensive a la
notion de <<loi>> en lui donnant un sens matériel et non pas
formel. Cette conception n'est pas forcément la distinction
traditionnelle entre les pays de common law et les pays continentaux. Dans son
arrêt Kruslin c. France, la Cour a donné explicitement la
signification de ce terme en jugeant que Dans un domaine couvert par le droit
écrit, la "loi" est le texte en vigueur tel que lesjuridictions
compétentes l'ont interprété en ayant égard, au
besoin, a des données techniques nouvelles ))3. Il en
résulte que la loi au sens matériel désigne l'ensemble du
droit en vigueur, qu'il soit législatif, réglementaire, ou
jurisprudentiel.
1 Dans un autre arrêt du 28 septembre 1995 ("Procola
contre Luxembourg") la Cour européenne a sanctionné aussi le
manque d&impartialité structurelle du Conseil
d&Etat du Luxembourg et condamné le Luxembourg pour
violation de l&article 6-1 de la Convention parce que, au sein
du Comité du Contentieux du Conseil d&Etat
luxembourgeois, quatre de ses cinq membres avaient eu a se prononcer, dans le
cadre de leurs fonctions juridictionnelles, sur la légalité
d&un règlement qu&ils avaient
examiné auparavant dans le cadre de leur mission de caractère
consultatif.
2CEDH, 7juin 2001, Kress c. France, requête
no 39594/98 § 81, disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.aspIitem=3&portal=hbkm&action=html&highlight=Kress%20%7C%20c.%20
%7C%20France&sessionid=897223&skin=hudoc-fr (consulté 15
mai 2007).
3CEDH, 24 avril 1990, Kruslin c. France, requête
no11801/85, § 29 : disponible sur
http: cmiskp.echr.coe.int tkp197
view.aspIitem=1&portal=hbkm&action=html&highlight=kruslin&sessionid=1028
6697&skin=hudoc-fr (consulté le 29 janvier 2007).
Dans le même esprit, la légalité du
tribunal fait l'objet d'une acception matérielle. il est a souligner que
le procès de type juridictionnel n'est pas exclusif dans l'acception de
l'article 6 § 1 tel qu'interprété par la CEDH. La Cour a
dans un premier temps précisé que le terme tribunal implique
seulement que l'autorité appelée a statuer doit avoir un
caractère judiciaire, c'est-à-dire être indépendante
du pouvoir exécutif comme des parties en cause; il ne se rapporte
aucunement a la procédure a suivre ))1, puis, dans un second
temps, que peu importe (...) la nature (...) de l'autorité
compétente en la matière (juridiction de droit commun, organe
administratif, etc.) ))2, cette autorité constitue un
<<tribunal>> au sens de l'article 6 § 1 car elle est
indépendante de l'exécutif comme des parties en cause, ses
membres sont nommés pour cinq ans et la procédure qui se
déroule devant elle offre les garanties nécessaires
))3.
Il est aujourd'hui clairement établi que par
"tribunal", l'article 6 § 1 n'entend pas nécessairement une
juridiction de type classique, intégrée aux structures
judiciaires ordinaires du pays ))4. La Cour adopte des
critères autonomes pour donner au tribunal une définition
uniforme afin de ne pas reprendre la qualification interne. En d'autres termes,
l'interprétation autonome montre l'attachement a une définition
matérielle du tribunal qui confirme en définitive la tendance a
considérer que le champ du procès équitable n'est pas
enserré dans des limites strictes définies, a priori, par les
Etats.
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