2. Définir l'objet :
En se basant sur les classifications de Pierre
Parlebas1, on définirait l'Aïkiryu comme une pratique de
coopération et de solidarité où les pratiquants utilisent
des techniques qui permettent d'aborder différents rôles
(attaquant, défenseur) pour lesquelles il y a interaction individuelle
dans un environnement humain. On peut donc dire qu'il s'agit d'une relation de
personne à personne dans groupe d'individu et dont l'échange se
fait par la technique.
Dans un premier temps, les influences reçues par
Charles Abelé dans sa pratique martiale sont nombreuses mais c'est sa
rencontre avec Kobayashi Hirukazu, élève direct de Morihei
Ueshiba, qui va l'inviter à travailler sur le principe de
spiralité et de prise de contact ainsi que du travail sur la relation du
centre à centre. C'est-à-dire que les rôles entre les
partenaires sont alternés, on attaque puis on défend, cette
relation à l'autre implique de l'ouverture et non du combat. Ce qui
rejoint tout à fait la définition proposée par Pierre
Parlebas visant à une pratique coopérative et harmonieuse.
L'Aïkiryu se définit comme une pratique,
d'après Charles Abelé, ayant pour objectif de transmettre «
un message d'amour », « permettre aux gens de se rencontrer »,
« de rendre possible toute harmonie et toute réalisation » par
des techniques souples, permettant des instants de contacts prolongés
mais sans rigidité et touj ours dans l'esprit d'harmonie entre les
partenaires. Ces objectifs montrent le caractère
fédérateur et rassembleur de la pratique. En effet, le «
sens du monde », initié par Max Weber1, tend à se
rationaliser les individus c'est-à-dire de rendre une part importante
à la raison plutôt qu'à la magie du monde et a les
dégager des contraintes religieuses. Il s'agit d'une perte de sens des
magies du monde et désensorcelé, dépoétisé.
L'Aïkiryu ne se place pas dans l'esprit ou le but est une fin en soi, ou
le travail est l'essentiel mais c'est le moyen pour y parvenir qui permet
à l'individu de « dépasser ses limites », de «
chercher à se réaliser libre, responsable et acteur de sa vie
», de « respecter l'autre quant à son intégrité
corporelle, affective ». Cette pratique se définit en ses termes
comme étant au service des individus, permettant de rapprocher les gens,
de redonner un « sens au monde » et ne peut se définir alors
comme un art martial mais plutôt comme un art du geste.
Bien sûr, il est important de parler de « l'Art du
Geste », Il s'agit là d'une pratique considérée comme
un « grand mouvement » qui englobe les différents domaines
artistiques (peintre, danseur, chanteur, aïkidoka, ..). C'est une
recherche de « l'harmonie », de « l'unité », de
« recherche la présence pleine dans les événements de
notre vie et la libération par l'intégration de ce qui nous
arrive », ce qui correspond à un courant de pensée qui
regroupe un champ plus large que la simple pratique d'un art martial.
Il y a une citation d'Yves Cadot, doctorant à
l'Université de Paris, 4ème dan de Judo et
diplômé des langues orientales, qui est intéressante car
l'approche du « ka » que
1 Weber, M. (2006) Sociologie de la religion, traduit
par Kalinowski, I., Flammarion
l'on retrouve dans la dénomination d'un pratiquant
(Aïkidoka, karatéka, judoka...) reflète bien l'esprit dans
lequel le pratiquant à comme importance par rapport à sa pratique
ainsi que le respect de celui qui la transmet, ce que l'on retrouve avec les
Aïkiryuka, « ka » étant la construction par l'homme d'une
protection pour ce qui lui est vital, ce qui lui est de plus précieux.,
« être judoka, c'est être habité par le judo. C'est
faire partie de la maison du judo et être soi-même celle-ci. C'est
à la fois faire du judo sa maison, son refuge, et en être
l'écrin, là ou il est protégé à l'abri des
agressions extérieures, là ou il peut vivre, se nourrir et se
développer »,
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