3. Processus de communautarisation :
Pour expliquer ce processus, un entretien d'Olivier
Aubel1 sur « l'escalade libre en France », permet de
comprendre la création de nouvelles pratiques en s'appuyant sur «
théories de la religion » de Max Weber. En effet, il met en
évidence une « rupture prophétique » qui est
initié par un individu ayant une volonté de «
déroutinisation » autour du retour à la pureté. Ce
qui avait eu lieu dans le monde de l'escalade à un moment ou la
compétition avait pris le pas sur l'escalade d'« origine ».
Dès lors, il y eu formation d'une communauté voulant un retour au
« vrai escalade » afin d'être en communion avec la nature.
L'intérêt de l'escalade libre réside dans le fait
d'être affranchie de l'esprit de compétition au profit d'un retour
a des valeurs qui semblent être meilleures pour les initiataires de cette
pratique, qui dans la forme ne change pas. Ce qui est intéressant dans
le cas de l'escalade libre c'est l'idée de la rupture, pour Bourdieu,
elle ne connaît le succès que parce que son message met des mots,
des symboles, sur les aspirations d'un groupe de gens qui se reconnaissent de
fait dans le message de la rupture et assure le succès de la
création de la communauté.
Ce n'est pas le retour à la nature qui est
intéressant mais plutôt le phénomène de «
rupture prophétique » et d'invitation à la
communauté.
Pour pouvoir définir l'idée de « rupture
prophétique », il faut d'abord aborder la notion importante, celle
de communauté. Cette notion a été étudiée
par Max Weber2 et Ferdinand Tonnies3.
3.1. Réenchanter le monde4 :
Cette notion de « désenchantement du monde »,
développé par Max Weber, est issue de l'analyse du lien entre les
processus économiques et les croyances des individus. La notion de
« réenchantement du monde » 5 au sens où
l'entend Michel Maffesoli, c'est-à-dire un glissement d'une
éthique universelle, d'une morale commune à tous vers des
formations de groupes, de communautés, ayant de multiples
éthiques à des
1 Aubel, O. (2005) L 'escalade libre en France : sociologie
d'une prophétie sportive, L'Harmattan
2 Weber, M. (2006) Sociologie de la religion, traduit
par Kalinowski, I., Flammarion
3 Une édition électronique réalisée
à partir d'un texte d'Émile Durkheim (1889), «
Communauté et société selon Tönnies. »
Extrait de la R e v u e Philosophique
4 Stiegler, B. association arts industrialis, (2006)
Réenchanter le monde, la valeur de l'esprit contre le populisme
industriel, Flammarion
5 Maffesoli, M. (2007) le réenchantement du monde,
La table ronde
groupes données. C'est donc le processus inverse visant
à proposer une autre forme de croyance basée sur une
société plus humaniste, sans contraintes et une personnalisation
des rapports sociaux. Et la création de la communauté ne peut
avoir lieu si au préalable certains individus ne sont
préparés à recevoir une nouvelle conception de la
société. Cette conception est de nature plus humaniste
c'est-à-dire qui vise à placer l'être humain au centre de
tout le dispositif de vie, comme par exemple le fait de manger biologique ou
bien de faire du commerce équitable.
C'est ce qui s'est produit pour Charles Abelé,
fondateur de l'Aïkiryu, art du geste issu de l'Aïkido, qui a
créé sa pratique pour transmettre sa vision de la vie et du
monde. Ce qui a produit une rupture dans la vision de la société
moderne. La caractéristique est qu'il propageait l'idée pour
elle-même et non pas comme une rétribution -officielle et
réglée- même si Charles Abelé vivait de son
enseignement. Un autre exemple permet d'illustrer cette idée de rupture
qui s'appuie sur un livre écrit par Bernard Stiegler, philosophe, et Ars
Industrialis, visant à créer une « société du
savoir » et une « révolution de l'intelligence ... face
à une sorte de misère spirituelle qui frappe le monde
industrielle, l'homme sent qu'il a un besoin irréductible d'esprit
». Ils expliquent qu'un moyen pour élever le niveau de vie,
c'està-dire de l'esprit, serait de mettre en place des recherches
publiques dans l'idée de faire de la télévision un moyen
d'apprendre des savoirs et non plus comme une occupation du temps de
disponibilité du cerveau. Donc c'est une proposition qui est faite pour
amener à une transformation de la société exactement ce
que Charles Abelé à fait avec l'Aïkiryu.
Il est important de revenir sur l'idée que Charles
Abelé puisse transmettre une vision de la vie par un vecteur qu'est
l'Aïkiryu. Les idées véhiculées tout au long de son
enseignement rejoignent la conception de « réenchantement du monde
». Il ne cherchait pas imposer une vision mais bien à proposer une
méthode de travail afin de rassembler les individus, de leur proposer
une vision de la vie et des relations interindividuelles différentes de
ce que l'on peut retrouver dans notre société actuelle, comme le
disait Max Weber dans différents ouvrages, dirigée par «
l'esprit capitaliste » et la « rationalisation » qui pousse
à la dégradation des relations sociales par un individualisme
poussé à son maximum.
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