b- Les normes objets du conflit de compétence
Si la Constitution ne le précise pas, la L.O.T.C.,
en son article 28.1 prévoit de son coté que les conflits positifs
résultant de normes législatives doivent faire l'objet d'un
contrôle de constitutionnalité concret ou abstrait. De la
même façon, dans l'hypothèse d'un conflit négatif de
compétence, il apparait impossible que le juge constitutionnel impose
une obligation d'agir aux Cortes, dans la mesure où celles-ci sont
inviolables (Art. 66, al. 3). De même, les actes juridictionnels ne
peuvent pas non plus être l'objet d'un conflit de compétence
puisque, comme nous l'avons précisé plus haut, les C.A. ne
disposent pas d'un pouvoir judiciaire autonome. En ce qui concerne les normes
de caractère administratif, à savoir si celles-ci peuvent faire
l'objet d'un conflit de compétence entre l'Etat et les C.A., la question
fut plus difficile à trancher. En effet, si le contrôle de la
légalité et de la constitutionnalité de l'administration
autonome, ainsi que celui des normes réglementaires qu'elle émet,
comme celui de n'importe quelle autorité administrative, relève
de la juridiction contentieuse administrative et bien, l'article 161.2 de la CE
semble semer le doute de la possibilité de contester ces normes,
également, devant le T.C. En effet, cet article dispose « le
Gouvernement pourra contester devant le T.C. les dispositions et les
résolutions adoptées par les organes des C.A. ». Il
s'agit donc la d'un véritable double contrôle puisque, selon
l'article 77 de la L.O.T.C., la contestation devant le TC pouvait être
envisagée « quelle que soit la raison sur laquelle elle serait
fondée ». L'interprétation littérale de cette
formule conduisait donc à penser que les dispositions et
décisions émanant des C.A. pouvaient être contestées
sur la base de leur inconstitutionnalité ou illégalité, ce
qui évidemment, n'est pas du ressort du contrôle du juge
constitutionnel, qui précise dans ses décisions du 66/1991 du 22
mars 1991 et 64/1990 du 5 avril 1990 que sa compétence de juge
constitutionnel se borne à juger de la conformité à la
norme fondamentale.
2_ L'évolution du droit constitutionnel entre les
mains du juge constitutionnel
a La répartition constitutionnelle des
compétences entre l'Etat et les C.A. et le déséquilibre au
profit de l'Etat
L'article 148 de la Constitution énumère les
différentes compétences que pourront, en exclusivité,
assumer les C.A.
En vertu du principe dispositif qui gouverne le processus
d'attribution de leurs compétences, ces dernières peuvent ainsi
inclure dans leur statut d'autonomie les compétences qu'elles souhaitent
exercer, mais ceci toujours dans le cadre de la « via » ou
modalité du processus d'autonomie choisie (celle précisée
à l'article 148 ou bien celle de l'article 149 de la CE) et ceci dans
le respect de la réserve de compétences exclusives de l'Etat
(Art.149.1 CE).
Ainsi les C.A. qui ont choisi la voie d'accès à
l'autonomie prévue à l'article 148 de la CE disposent au moment
de se constituer d'un niveau inférieur de compétences que celles
qui ont suivies la voie de l'article 149 de la CE.
Pour leur part, les Communautés d'autonomie
renforcée ayant choisi la voie de l'article 149 CE peuvent disposer de
davantage de compétences que celles prévues à l'article
148 de la CE mais ne pourront néanmoins en aucun cas, assumer les
compétences dévolues exclusivement à l'Etat et contenues
dans l'article 149.1 de la norme fondamentale.
Comme toutes les matières ne sont pas incluses,
l'article 149.3 de la CE présente une « clause de
disposition » au profit des C.A. : « les
matières non attribuées expressément à l'Etat dans
cette Constitution pourront correspondre aux C.A., en vertu de leurs propres
statuts d'autonomie. »
D'autre part, ce même article pose également une
clause résiduelle de compétence au profit de l'Etat en disposant
« la compétence en ces matières, non prévues par
les statuts d'autonomie, correspondront donc
résiduellement à l'Etat ».
Bien qu'ouvrant le droit aux C.A. d'amplifier leurs
compétences, la clause résiduelle au profit de l'Etat souligne la
encore un déséquilibre profond dans la distribution territoriale
de l'Etat et met en exergue la rupture du modèle espagnol avec le
fédéralisme, qui lui a coutume de faire bénéficier
de la clause résiduelle de compétences aux Etats
fédérés et non à l'Etat fédéral.
L'article 161.2 de la Constitution précise
« le Gouvernement pourra contester devant le T.C. les dispositions
et résolutions adoptées par les organes des C.A.. Cette
contestation produira la suspension de la disposition ou résolution en
question ; néanmoins, le T.C. devra alors délibérer
dans un délai limité à cinq mois ». L'Etat, en
ayant le privilège de voir suspendre automatiquement l'exécution
des actes contestés émanant des organes des C.A. jusqu'à
la sentence du T.C., jouit d'un déséquilibre important du point
de vue processuel, maintenant ainsi un avantage dont ne
bénéficient pas les C.A.. Pour maintenir la suspension de la dite
disposition ou résolution, qui produit un déséquilibre
majeur au profit de l'Etat, le T.C. fait donc preuve d'une considérable
rigueur, imposant donc un certain nombre de critères à
satisfaire. Le T.C. a donc tenté de faire un usage restreint de cette
suspension ; en atteste ses décisions n° 4/1981, 25/1981 et
76/1983 où il a écarté très directement la
suspension en question des actes autonomiques contestés.
Pour sa part, l'article 149.3 de la CE dispose :
« les normes étatiques prévaudront, en cas de conflit,
sur celles des CA, dans toutes les matières ou elles ne disposent pas
d'une compétence qui leur a été expressément
attribuée. Le droit étatique sera, dans tous les cas,
prévalent sur le droit des C.A. ».
Ce principe de prévalence du droit étatique joue
donc dans le cas ou Etat et C.A. disposent d'une compétence concurrente
en une même matière ; ainsi lorsque l'Etat adopte une norme
en vertu de la compétence dont il dispose en la dite matière,
celle-ci prime, en cas de conflit, sur celle, concurrente, de nature
autonomique. Là encore, peut être mis en relief l'ascendant de
l'Etat sur les C.A. en matière de conflit de compétence. Le juge
constitutionnel va donc être amené à, sinon corriger le
déséquilibre aménagé par la Constitution, tenter
par sa jurisprudence de maintenir celui-ci cohérent et opportun.
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