c_ Particularismes face à l'Etat unitaire
Ce qui marque nettement la rupture du modèle
espagnol avec un Etat unitaire est le pouvoir législatif dont
bénéficient les C.A. En effet un tel pouvoir ne serait pas
acceptable dans un Etat unitaire car c'est précisément, ce qui le
caractérise, la possession d'un seul et unique centre de pouvoir. Si
sous sa forme la plus décentralisé il peut
bénéficier d'institutions représentatives, l'Etat unitaire
ne peut en aucun cas disposer d'un exécutif et législatif
dotés d'un pouvoir normatif indépendant.
Par exemple, dans un Etat unitaire comme la France, la loi sur
le statut de la Corse et les compétences d'expérimentation
législative qu'elle prévoyait à été
fortement discutée et le texte diminué dans sa version
définitive.
La question de la langue interdit également de
classer l'Etat autonomique espagnol dans les Etats unitaires. La langue dans
l'Etat unitaire est unique alors que l'exemple Espagnol montre que les langues
régionales sont officielles dans leurs régions (Art 3.2 CE).
A l'inverse dans un Etat unitaire tel que la France, le breton
ou bien encore le corse, ne sont pas reconnus dans la Constitution ou
quelconque autre norme.
Les C.A. ont pour leur part, mis en place depuis une vingtaine
d'années, des dispositifs institutionnels pour la promotion des langues
basque, catalane et galicienne.
Il apparait ainsi que sur les dix-sept C.A. que compte
l'Espagne, onze incluent des zones bilingues plus ou moins
étendues.
Le cadre juridique de cette articulation des langues autonomes
et centrale est donc défini a la fois au niveau de l'Etat, à
l'article 3 de la Constitution, comme nous venons de le voir, mais
également au niveau des C.A..
Celles-ci ont, en effet, pour leur part, chacune en
conformité avec la Constitution et leur propre statut
d'autonomie, promulgué une loi concernant l'usage de l'espagnol et de
leur propre langue. On peut citer l'exemple du Pays basque pour qui
c'est la loi du 24 novembre 1982 sur l'usage de l'Euskera qui fixe le cadre
juridique de cette articulation linguistique.
d_ Particularismes face à l'Etat
fédéral
L'interdiction pour les C.A. d'avoir leur propre
Constitution interdit également à l'Etat des autonomies
d'être qualifié d'Etat fédéral.
Pour qualifier la norme basique institutionnelle de chaque
C.A., on parle en Espagne des « statuts d'autonomie » des
C.A., définis à l'article 147 de la CE.
Face au système de hiérarchie des normes
établi par la CE, il s'avère assez complexe de déterminer
la nature juridique exacte des statuts autonomiques.
En effet, cerner la nature juridique des statuts d'autonomie
est une oeuvre des plus ardues et la complexité de cette tache s'accroit
à partir du moment où l'on sait qu'il n'existe pas un mais deux
processus distincts d'élaboration des statuts d'autonomie et qu'il
n'existe pas non plus par ailleurs, une formule de ratification unique de ces
derniers.
On peut néanmoins souligner que les statuts ne se
révèlent être ni des lois de nature strictement
régionales ou étatique. En effet, ce ne sont pas des normes
régionales, dans la mesure où les statuts d'autonomie doivent
faire l'objet d'une ratification ultime des Cortes.
A l'inverse, dans un Etat fédéral, les
Constitutions des Etats fédérés sont ratifiées de
façon unilatérale par leurs parlements propres.
Pour autant, les statuts autonomiques des C.A. ne peuvent
être considérés comme des normes de nature étatique,
dans la mesure où bien qu'ils fassent l'objet d'une approbation par les
« Cortes, selon le procédé prévu pour n'importe
quelle loi organique (Art. 81 CE), les statuts d'autonomie sont
élaborés à l'initiative seule des C.A.
elles-mêmes.
En effet, comme le précise l'article 146 de la CE, le
projet de statut est élaboré par une assemblée
composée des sénateurs et députés des
différentes provinces qui composent la C.A. ; seulement
après succède sa ratification par les Cortes.
Les statuts d'autonomie constituent donc des normes de nature
juridique unique ; ni norme d'origine véritablement étatique
ou autonomique, ils intègrent le bloc de constitutionnalité
espagnol puisqu'ils sont ratifiés par les Cortes par le biais d'une loi
organique.
Par conséquent, toute réforme des statuts
d'autonomie requiert une réforme de la CE.
Les C.A. n'ont pas de système juridictionnel propre
et indépendant.
En effet, en Espagne, contrairement à un Etat
fédéral pour lequel le découpage juridictionnel correspond
au territoire des Etats fédérés, la compétence
juridictionnelle relève du pouvoir monopolistique de l'Etat central. La
distribution territoriale des tribunaux obéit ainsi à un
découpage essentiellement administratif.
En effet, si les Communautés Autonomes disposent
d'organes exécutifs et législatifs propres, indépendants
de ceux de l'Etat central, il en va distinctement pour ce qui attrait au
pouvoir juridictionnel ; l'article 117.5 de la CE garantit le principe
d' « unité juridictionnelle » comme base de
l'organisation et fonctionnement des tribunaux en Espagne.
L'unité du pouvoir juridictionnel ainsi
préservée, il apparaît donc que les C.A. sont
véritablement dénuées d'une Administration en la
matière propre et autonome, même si celles-ci peuvent, comme le
prévoit l'article 152.1.2° de la Constitution,
participer à la gestion des compétences administratives des
tribunaux.
En ce sens, la Constitution et les statuts d'autonomie
établissent un « Tribunal Supérieur de
Justice » dans chaque C.A.. Cette juridiction, composée de
quatre « salas » ou chambres, (civil, pénal,
contentieux administratif et social) reçois les recours en cassation des
décisions des juridictions de premier et second degré relevant du
territoire de la C.A. en question. (Ce Tribunal Supérieur de Justice
peut voir ses décisions réformées par la plus haute
juridiction espagnole, le Tribunal Suprême, établi à
Madrid). Il n'en reste pas moins que, s'il existe un Tribunal Supérieur
de Justice pour chaque C.A., celle-ci ne peut intervenir dans cette
compétence juridictionnelle exclusive de l'Etat que pour la gestion
administrative de la juridiction.
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