Section 5 : Les particularités du système
politique en République de Guinée
D'une manière générale, au lendemain des
indépendances, les pays de l'Afrique occidentale n'affichaient pas un
monopole juridique du regroupement des électeurs. Lorsque la
constitution contient une disposition relative aux partis politiques, la
disposition ne consacre pas le monopole du parti au pouvoir.
En République de Guinée par exemple, même
si l'article 40 de la constitution de 1958 garantissait la liberté
d'association, de réunion et de formation de partis politiques autres
que le P.D.G, il faut admettre que Sékou Touré, dans un entretien
avec un journaliste Danois en 1960, n'a pas manqué d'afficher sa
volonté favorable à la création de partis politiques
différents du sien (P.D.G.). Il souligne, je cite « Si certains le
désirent, qu'ils fondent un parti communiste Guinéen. Mais, le
nouveau pari doit se définir dans le sens de l'intérêt
majeure de la nation ». Selon Seydou Madani Sy, le président
Sékou Touré est allé jusqu'à avouer sa
disponibilité à apporter son aide au nouveau parti dans son
implantation en mettant à sa disposition les moyens nécessaires
à son développement. Tout en se réservant de porter un
jugement sur cet engagement de Sékou, nous certifions que la
réalité du monopole du parti au pouvoir n'était pas
posée en droit.
C'est-à-dire, l'établissement du régime
de parti unique n'était pas un fait constitutionnel. Cependant, dans les
faits, il en était autrement. En effet, il était à peu
près inacceptable qu'un
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nouveau parti émerge en opposition au parti
démocratique Guinéen dans la mesure où ce dernier
était déjà identifié et confondu avec le peuple
dont il croyait incarner les aspirations les plus profondes, détenir ses
destinés, d'être sa pensée collective et le gardien de sa
volonté. Lors d'un meeting, Sékou Touré ne tarde pas
à faire comprendre implicitement aux Guinéens qu'il ne saurait y
avoir qu'un seul et unique maitre lorsqu'il annonce : `'... le parti impose sa
dictature comme un conducteur impose sa dictature aux passagers d'un
véhicule...». Tel était le sens profond de la
révolution envisagée par Sékou Touré. Alors,
l'existence des droits et des libertés fondamentales du peuple, comme la
liberté d'association, de communication et d'information, de
manifestation, syndicale, idéologique devenait inconcevable en
Guinée. Bref, on ne pouvait s'entendre qu'à un règne
unitaire et sans partage du P.D.G.
En effet, l'autorisation d'un pluralisme, qu'il soit
idéologique, philosophique, politique, syndicale ou économique
constituerait à l'époque un facteur de désunion. Ainsi,
suite à ce meeting, certaines mesures restrictives sont
immédiatement prises par les autorités politiques. Par exemple,
en 1959, par un décret, la liberté d'information est
supprimée ; plus grave encore, on va jusqu'à conseiller aux
particuliers d'avoir un poste récepteur du moment que le ministre de
l'intérieur percevait cela comme un signe apparent de contestation du
pouvoir. Ensuite, on procéda à l'interdiction de Guinée
matin qui était actif dans toute l'Afrique occidentale et l'hebdomadaire
du parti, la liberté fut le seul autorisé. Il fut
également interdit aux avocats, notaires et huissiers de justice
d'exercer leur profession sans la demande des autorités.
Par ailleurs, un fait plus marquant de la direction qu'a pris
le régime du P.D.G est la création d'une organisation unique de
jeunesse appelée jeunesse de la révolution démocratique
africaine24. En effet, cette organisation de jeunesse, se trouvant
rattaché directement au parti démocratique de Guinée, se
trouvant sous sa tutelle, était un moyen d'étouffer les
libertés d'association des jeunes afin de mettre main sur eux. Lors du
congre constitutif de la jeunesse de la révolution démocratique,
Sékou Touré annonçait dans son discours : `'A partir de ce
moment, crie-t-il du haut de la tribune, aucune organisation des jeunes
étudiants, équipes sportives, scouts, associations culturelles ou
religieuses n'a d'existence légale en Guinée. Tous doivent
désormais se fondre dans la JRDA. En feront obligatoirement parti tous
les jeunes garçons et filles âgés de 10 à 25
ans». Cette organisation n'était en vérité qu'une
24 Kéita Sidiki Kobélé, «
Des complots contre la Guinée de Sékou Touré, 1958-1984
», Conakry, La Classique guinéen, 2002, p-45-47
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machine pour canaliser les mouvements de jeunesse. Le P.D.G.
s'en est toujours servi pour assurer son contrôle sur les jeunes qui
constituent le fer de lance de toute révolution populaire.
En 1958 déjà, les leaders partis politiques de
l'opposition, regroupés au sein du PRA-Guinée, ont
décidé de se rallier au mot d'ordre de l'indépendance
immédiate de Sékou Toué et de son parti : Selon Mamady
Sanassy Keita que nous rencontré, après l'indépendance, la
section guinéenne du PRA se sentant en position d'impopularité
face au PDG d'une part, et d'autres part soucieuse de la conservation de
l'unité nationale, a fini par se rallier en acceptant les exigences du
PDG.
Ce constat est partagé par Ibrahima Baba Kaké
dans son oeuvre le héros et le tyran. Selon ce dernier, aux
premières heures de l'indépendance en Guinée, tous les
Hommes politiques Guinéens jouaient le jeu de l'unité. Ainsi,
dans le but de conserver l'Independence nouvellement acquise, de renforcer le
tissu social et par peur à quelque égards (ceux qui ne voulaient
pas observer la logique du régime du P.D.G étaient exposer
à la perte de leurs postes ou de leurs têtes), le peuple trouva en
Sékou et en son parti l'homme et le parti nécessaires pour
conduire les aspirations les plus légitimes du peuple. Dès lors,
le PDG ne pouvait être qu'unique en Guinée. L'unicité du
régime du PDG était une nécessité politique du
moment. Nous venons de sortir du contexte de la colonisation dont la
stratégie essentielle était de diviser pour dominer.
Donc, la réalisation de l'unité nationale
était un préalable au service du jeune Etat africain. Par
conséquent, la fragmentation politique constituerait un frein pour la
réalisation de cet objectif. Par ailleurs, il est utile de remarquer
qu'au sein du P.D.G, la gestion des affaires ou la prise des décisions
revêtaient parfois une certaine caractéristique
démocratique. En effet, lorsqu'il était question de prendre une
décision importante, le pouvoir révolutionnaire central
consultait systématiquement tous les autres maillons de l'organisation,
notamment le pouvoir révolutionnaire régional, le pouvoir
révolutionnaire d'arrondissement et le pouvoir révolutionnaire
local, pouvoir qui, en raison de bonne organisation sur la base de l'Etat
central, a finalement le premier et le dernier mot. Cette consultation faisait
l'objet d'un véritable débat contradictoire.
Sur ce, contrairement à ceux qui pensent que le
gouvernement de PDG était marqué dans son ensemble par le
despotisme, la dictature, l'absolutisme, nous objections que bien que le
régime du PDG soit un régime à parti unique, à
l'intérieur de ce parti, existait une pluralité d'options,
d'idéologies, de convictions et la prise des décisions se faisait
des fois de façons
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collégiale. Selon l'avis convergent de la plupart des
personnes que nous avons rencontré, la gouvernance du PDG était
bien un régime à parti unique, mais le peuple, de la base au
sommet, était toujours appelé à donner son avis par
rapport à la prise des décisions. S'était une
véritable démocratie populaire.
Sur ce, il est possible de lire que la gouvernance du PDG
était régime à parti unique par sa forme, mais à
l'intérieur du quel existait une pluralité politique,
idéologique qui s'articulait conforment aux principales de la
démocratie pluraliste qui est l'acceptation de la différence dans
l'unité.
Néanmoins, le régime de PDG a réussi
à éteindre complètement l'effervescence partisane et la
contestation politique entre 1958 et 1984. En effet, le régime du PDG
était un régime de parti unique à direction centralisateur
avec une direction populaire fondée sur les principes du centralisme
démocratique. Dans ce cas, on note une primauté du parti sur
l'Etat. En ce qui concerne les régimes militaires, il est utile de noter
avant tout, qu'entre 1960 et 1990, les militaires ont réussi à
supplanter les gouvernements civils presque dans la moitié des Etats
africains25.
L'Afrique de l'ouest s'est montré la région la
plus attrayante aux phénomènes des coups d'Etat. Cela s'explique
par une double situation de crises qui prévalaient dans les Etats qui
l'ont expérimenté entre 1960 et 1990. Il s'agit notamment d'une
situation de décrépitude économique (qui est l'effet du
bannissement de l'initiative privée et de la nationalisation de toutes
les entreprises sous les régimes de partis unique) et d'une situation de
violation des droits de l'homme.
Alors, pour remédier à ces situations de
violation des droits de l'homme et de crises économiques, certains
militaires ou civils ont préféré renverser le pouvoir en
place qui est considéré comme la cause du mal collectif. C'est
pourquoi, la plupart des coups d'Etats comme celui du CMRN en 1984 et du CNDD
en 2008 en Guinée furent félicité par le peuple. Dans le
cadre spécifique de la Guinée, la junte militaire une fois au
pouvoir en 1984, interdit le PDG et la plupart de ses structures. Il s'agit
notamment de l'interdiction du CUM (comité d'union militaire) et la
dissolution de la milice populaire ; elle intègre la majorité des
membres de cette milice dans l'armée et la police. Elle procéda
également à l'amélioration
25 Souaré Issaka et Paul-Simon Handy, «
Bons coups, mauvais coups ? Les errements d'une transition qui peut encore
réussir en Guinée », Pretoria, Institut d'études de
sécurité, 2009, Papier no. 195.
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des conditions de vie des forces armées. Ensuite, la
fin du règne du P.D.G annoncée par les nouvelles autorités
militaires, les promesses d'engager la Guinée sur la voie de
l'édification.
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