Section 3 : De la période coloniale à
l'indépendance en République de Guinée
Bien que la Guinée ait accédé à
son indépendance avant 1960, nous considérons cette date comme
celle de la fin de la colonisation européenne sur le continent africain.
Cela parce qu'elle marque l'année d'indépendance de la plupart
des territoires de l'Afrique occidentale notamment dans les colonies
françaises groupées dans une grande fédération
dénommée Afrique occidentale française (A.O.F).
Joseph Kizerbo écrivait à propos des
premières attitudes des africains à l'arrivée des
colonisateurs : « Depuis des premières tentatives de
pénétration, sous des formes multiples, parfois ambiguës, le
nationalisme africain s'est toujours exprimé sans interruption
jusqu'à la reconquête de l'indépendance ». Ce
nationalisme africain à la veille de la colonisation est un corolaire de
la situation plus ou moins démocratique des sociétés
précoloniales.
Alors, dans le cadre de l'Afrique de l'ouest et plus
particulièrement celui de la Guinée, il est utile de remarquer
avant tout que les trois premières époques de l'ère
coloniale se divisent en deux périodes : la première va de 1880
jusqu'au début des années 1900. La seconde commence à
partir de 1900 jusqu'à la première guerre mondiale en 1914. En
effet, la première phase est marquée du côté
africain en général et guinéen en particulier par la
résistance souvent sous forme armée contre le colonialisme. C'est
pourquoi les français ne sont parvenus à s'installer solidement
en Guinée qu'après l'arrestation de Samori Touré le 29
janvier 1898.
Pour la seconde phase, elle aurait été
marquée par des révoltes armées et les fuites. En effet,
c'est des tentatives visant à rejeter la domination coloniale qui pesait
très lourd au regard de ses conséquences (brimades, travaux
forcés, crimes).
A ces deux facteurs, vient se greffer un troisième pour
faciliter la compréhension de la nature du système politique en
Afrique coloniale. Il s'agit notamment de l'incompatibilité de
l'entreprise coloniale avec le système démocratique. En effet, la
démocratie repose fondamentalement sur le respect des droits et
libertés humaines, notamment la liberté d'association, de
pensée, d'action et sur l'idée de l'autogestion. Donc, la
démocratie est en
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d'autres termes l'opposé de tout pouvoir arbitraire et
de toute répression ou oppression des libertés humaines.
Cependant, l'entreprise coloniale, dans sa logique, est une négation de
ces libertés et droits humains.
Sur ce, au regard, de la résistance à laquelle
les puissances colonisatrices étaient confrontées, et cela leur
donnant le prétexte de continuer avec des procédés ou
méthodes oppressives, il serait logique de soutenir que durant toute la
première moitié de l'ère coloniale, il n'y a pas eu des
processus démocratiques en Guinée et probablement nulle part
ailleurs en Afrique.
Par ailleurs, après la première guerre mondiale,
on assiste au lancement d'un processus de réforme politique. Ce
processus de réforme dépendait d'une nécessité
fondamentale notamment celle du maintien du pouvoir colonial de l'époque
qui commençait à être menacé par la monté
dans les populations coloniales un nationalisme effréné,
engendré par l'activisme politique de l'élite africaine ainsi
qu'aux populations notamment ceux qui avaient combattu du côté de
leur maitre. En reprenant le General De gaule, Joseph Kizerbo note à ce
propos : « sous l'action des forces psychiques que la guerre a
déclenchée, chaque population, chaque individu lève la
tête, regarde au-delà du jour et s'interroge sur son destin
».
Mais, pour le cas de la colonie de la Guinée, il a
fallu attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour qu'il ait une
réelle réforme politique et un véritable processus
démocratique. Ainsi, en Guinée comme ailleurs en Afrique
occidentale française, les soulèvements populaires, les
mouvements de grève contre les pratiques oppressives du système
colonial, l'affaiblissement de la France par la guerre ont conduit le
gouvernement français à entreprendre des réformes ouvrant
la voie à un processus démocratique dans ses colonies. C'est dans
ce cadre qu'on assista en 1946 à l'adoption par referendum la
constitution de la IVème République22. En
effet, cette constitution intègre les territoires d'outre-mer dans
l'union française tout en accordant la citoyenneté aux
populations des colonies.
Dans son article N°41, elle stipule expressément
que `'la France forme avec les territoires d'outre-mer d'une part et les Etats
associes d'autres part une union librement consentie». Cette brèche
introduite en 1946, va se poursuivre avec les contestations incessantes de
l'élite politique africaine de l'époque par l'adoption de la loi
N° 56-619 du juin 1956 dite loi cadre Defferre. Cette dernière,
plus que la première réforme, accorde beaucoup de libertés
aux colonies.
22 Ki-Zerbo Joseph, « Histoire de l'Afrique Noire
: D'Hier à Demain », Paris, Hatier, 1978.
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Elle accorde la possibilité pour les colonies de former
des assemblées territoriales, des gouvernements locaux et introduisit le
suffrage universel dans la gestion du pouvoir. Ainsi, avec ces réformes
citées ci-haut, l'élite africaine et guinéenne en
particulier emprunta les voies de la légalité et se constitua en
mouvement et partis politiques.
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