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L'alternance démocratique en afrique subsaharienne : cas de la république de guinée de 1990 à 2020


par Abdallah Moilimou
Université General Lansana Conté de Sonfonia/Conakry  - Diplôme de Master 2  2020
  

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Section 2 : Historique du processus démocratique en Afrique

2-1- Le temps précolonial :

Selon des auteurs comme Jean-François Bayart, Nzue Prince et François Mpuila Tshipamba, la démocratie dans la société négro-africaine se manifeste depuis déjà plusieurs siècles20. Il existe une vaste littérature sur l'émergence de la démocratie aux États-Unis, en France ou au Royaume-Uni, littérature reconnue sur le plan international. Par contre, en ce qui concerne le cas des pays subsahariens, l'histoire est moins connue ; cependant un regard sur les systèmes de gouvernance dans ces États nous révèle une forme de démocratie. Au prime à bord, en partant de la position géographique des pays de l'Afrique noire, nous voyons une nette différence avec l'Occident, le désert du Sahara ayant constitué une barrière naturelle. À l'époque, ce désert constituait un obstacle de taille pour les échanges avec les autres pays. Les États africains de l'époque ont donc dû développer des systèmes de gouvernance inspirés de leurs propres cultures locales compte tenu de leu ;' isolement. En étudiant ces cultures, les spécialistes relèvent certains traits caractéristiques propres aux régimes démocratiques et estiment aussi que l'avènement de la démocratie moderne a débuté avant la colonisation effective sur ce continent.

À cet effet, le premier auteur noir, lauréat d'un prix Nobel de littérature, Wole Soyinka, demanda au Président Chirac s'il croyait que l'Afrique n'ait jamais été mûre pour la démocratie. En réponse à ce questionnement, un expert des relations franco-africaines, François-Xavier Verchave, souligne « qu'on oublie toujours que l'Afrique a derrière elle des millénaires de traditions politiques qui étaient tout sauf des systèmes totalitaires Quelles sont les caractéristiques des systèmes politiques d'Afrique qui s'apparentent à celles de la démocratie moderne ?

Tout d'abord, dans les systèmes politiques centralisés, « il existait souvent des moyens de sanctionner ou d'empêcher la tendance à l'absolutisme, au despotisme à travers des mécanismes de participation du peuple au pouvoir ou de limitation de la liberté d'actions du Chef ». En effet, les pouvoirs du Chef des diverses sociétés africaines sont contrôlées par des instances d'opposition. Par exemple, le Chef « était tempéré soit par le Conseil Royal, soit par la Cour de la « Reine Mère », soit par des fonctionnaires religieux, des sociétés secrètes qui jouaient dans l'investiture du roi.

20 Fall Ibrahima, « Esquisse d'une théorie de la transition : du monopartisme au multipartisme en Afrique » Paris, Economica, 1993, pp. 42-53.

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À ce propos, on peut aussi constater l'exercice d'une forme de démocratie africaine dans des communautés locales spécifiques. Notons par exemple le cas de l'empire manding de Soudiata Keita ou l'empire wassoulou de Samori Touré et du fouta Djallon. Nous pouvons noter que la gouvernance du royaume du Fouta Djallon, de Samori Touré par exemple, revêtait un caractère démocratique. Dans le royaume wassoulou de Samori Touré, «Le conseil du roi n'est pas un organisme familial, les parents étant écartés au profit de routiniers ou d'hommes de castes». Cette brève description du royaume de Samori Touré ainsi que celui du Fouta Djallon et du Mali prouve davantage que les valeurs démocratiques n'étaient pas absentes dans les sociétés guinéennes précoloniales.

Nous pouvons également mentionner le cas de l'empire Mossi de Ouagadougou où le Chef Suprême nommé Mogh'Naba « avait autour de lui de nombreux fonctionnaires et dignitaires qui faisaient partie du Conseil des ministres ou du Conseil du Roi ». Ce Conseil avait pour mandat d'avoir la fonction de tribunal d'État. Il se prononçait donc sur les verdicts découlant de la volonté générale. L'auteur Prince évoque quelques proverbes qui témoignent de la soumission du Chef à un Conseil de Sages : « le Monarque apparemment puissant doit se soumettre au Conseil des Sages », ou « le Roi qui n'écoute pas les Sages écoute les courtisans ». Un autre aspect des formes de démocratie précoloniale en Afrique subsaharienne consiste en la transition démocratique.

Même avant tout contact avec la civilisation occidentale, la tradition africaine proposait (dans bon nombre de cultures politiques de la région) une limitation de mandat. Pour citer quelques exemples de cette tradition de transition politique, nous pouvons penser au peuple Abouré, aux Agni Indéniés et aux Morafoués où « le règne d'un souverain n'excédait jamais sept ans ». Dans d'autres communautés traditionnelles, la limitation du pouvoir et du mandat passe davantage par le jeu des pouvoirs opposés.

Notons que près de la Côte de la Guinée, les Chefs des confédérations étaient contrôlés par un collège d'oligarques nommé Mpanymfo. Cette limitation de pouvoir est aussi constatée dans le Royaume Ashanti (actuel Ghana) ou les Chefs provinciaux possédaient de larges pouvoirs qui venaient limiter ceux de l'Asantehene (le Chef Suprême).

À la lumière de ce bref historique de l'époque précoloniale sur le continent noir, il nous apparaît évident que certaines manifestations des attitudes démocratiques étaient palpables dans la tradition africaine21. Bien entendu, les principes d'alternance ou de transition

21 Offerlé Michel, « Les partis politiques », Paris, PUF, 1997.

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démocratique, de balance du pouvoir, de limitation des mandats, etc. n'étaient pas des valeurs communes à l'ensemble des communautés traditionnelles ; malgré tout, bon nombre d'exemples de sociétés locales de diverses régions africaines nous démontrent la manifestation d'une forme de démocratie. Voyons maintenant l'impact de la période coloniale sur ce processus démocratique.

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