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L'alternance démocratique en afrique subsaharienne : cas de la république de guinée de 1990 à 2020


par Abdallah Moilimou
Université General Lansana Conté de Sonfonia/Conakry  - Diplôme de Master 2  2020
  

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Section 9 : L'alternance démocratique en République de Guinée

Cependant, l'usage populaire de l'expression en donne un sens qui va au-delà du changement de personnalités d'un même groupe dirigeant à un véritable changement d'équipe gouvernementale. Ainsi, Jean-Louis Quermonne définit l'alternance au pouvoir comme « un changement de rôle entre les forces politiques situées dans l'opposition, qu'une élection au suffrage universel fait accéder au pouvoir, et d'autres forces politiques qui renoncent provisoirement au pouvoir pour entrer dans l'opposition. » C'est la même définition que lui donne Michael Bratton65 dans son article visant à analyser l'effet de l'alternance sur la perception des Africains de la démocratie. C'est en ce sens que le terme est employé dans la présente étude, c'est-à-dire le remplacement des anciennes autorités par de nouvelles élites appartenant à un parti de l'opposition ou une coalition de partis d'opposition." Et étant donné que chacun la Guinée a un système présidentiel, l'alternance ainsi définie ne peut s'effectuer qu'à travers les élections présidentielles. Ceci exclut donc de notre calcul les élections législatives. Mais même en considérant ces dernières, l'analyse des différentes échéances

64 Faye, « Guinée : Chronique d'une démocratie annoncée », Canada, Trafford, 2007.

65 Michael Bratton Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, Paris, Armand Colin (2004, pp. 147-158)

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électorales qui ont eu lieu dans notre pays durant la période examinée montre que le vainqueur du scrutin présidentiel s'est toujours imposé au Parlement.

En ce sens, 1' « alternance au pouvoir » peut s'appliquer à la fois au changement de la composition partisane de la législature (Parlement) ainsi que le remplacement d'une équipe dirigeante de l'exécutif par une autre. Dans ce dernier cas, elle peut signifier simplement le remplacement de l'occupant du plus haut poste exécutif par une autre personnalité. C'est le sens que semble lui donner Jeffrey Herbst dans son état des lieux sur la libéralisation politique en Afrique. Car l'auteur, en parlant des changements de régimes, ne cite que les changements de leaders qui ont perdu des élections et, par conséquent, ont quitté le pouvoir.

Il est vrai qu'il y a eu des alternances au sommet de l'État, par exemple au Bénin, mais tous ceux qui sont venus au pouvoir dans ce pays depuis 1991 sont des candidats indépendants qui n'étaient pas présentés par des partis politiques. Et la Guinée était dirigée par le Parti de l'unité et du progrès (PUP) lequel est d'ailleurs l'avatar de l'ancienne junte militaire à la tête du pays depuis avril 1984 -depuis l'introduction du multipartisme dans le pays en 1991. Ce sont la mort, le 22 décembre 2008, du président Lansana Conté, et la prise du pouvoir, le lendemain, par une junte militaire qui ont mis fin au règne du PUP. C'est pour dire qu'aucun parti d'opposition n'y a réussi à conquérir le pouvoir dans la période considérée. Sauf le parti du (RPG) en 2010 diriger par l'ex-président Alpha Condé après plus 40 ans d'opposition. Que dire alors de ces variations ?

Pourquoi en est-il ainsi ? Les partis au pouvoir seraient-ils plus solides, mieux organisés, voire plus populaires que les partis d'opposition ? Y aurait-il un déficit organisationnel ou déficience stratégique de la part des partis d'opposition ? Pour bon nombre d'observateurs de la politique africaine et presque tous les leaders vaincus de l'opposition, la réponse est simple : les partis au pouvoir s'y maintiennent grâce au truquage des processus électoraux ; Ainsi, les partis d'opposition contestent souvent les résultats et crient à la manipulation.

D'autre part, l'alternance voulue est-elle ethnique ou idéologique ? Ces interrogations sont toutes légitimes dans un débat libre et démocratique. En effet, jamais dans son histoire politique, la Guinée n'a connu l'alternance démocratique au sommet de l'État. Aucun président au pouvoir n'a encore perdu une élection permettant à son concurrent de prendre sa place. L'ouverture démocratique initiée par le Général Lansana Conté après la prise du pouvoir par l'armée a certes permis la tenue de plus d'une élection présidentielle, mais elle

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n'a pas empêché ce dernier à demeurer jusqu'à son dernier souffle le maître suprême du palais présidentiel. Avant lui, le Président Ahmed Sékou Touré était à la tête d'un régime où il était suicidaire de se déclarer opposant66.

Les deux présidents ont ainsi régné pendant un peu plus d'un demi-siècle sans que les guinéens ne vivent une seule fois l'alternance démocratique par la voie des urnes. À la mort de Lansana Conté, le Capitaine Moussa Dadis Camara à la tête d'une junte militaire avait au départ promis la transmission du pouvoir aux civils avant de se rétracter et d'être lui-même intéressé par celui-ci. Il a fallu l'entrée en scène du Général Sékouba Konaté, après la mise à l'écart de Dadis pour que les guinéens puissent voter en 2010 leur président, en la personne du Professeur Alpha Condé, dans le cadre d'une élection réunissant plusieurs candidatures concurrentes. Il ressort très clairement de ce cheminement historique que les chefs d'État guinéens se sont succédé à la tête du pays soit par suite d'une mort naturelle (cas de Sékou Touré et Lansana Conté), soit par une mise à l'écart provoquée par autrui (cas de Dadis Camara) et soit par un retrait volontaire (cas de Sékouba Konaté) après la tenue d'une élection qui a propulsé Alpha Condé à la tête du pays.

Ainsi, la Guinée a plutôt connu une succession de chefs d'État par différents mécanismes mais non par une alternance démocratique dans le sens d'une victoire électorale remportée par un président entrant contre un président sortant. L'autre question soulevée par la nécessité de l'alternance démocratique est de savoir ce que sera sa valeur ajoutée compte tenu de la nature du combat politique en Guinée. Ce combat se résume dans ses grandes lignes par une confrontation essentiellement ethnique. Les formations politiques les plus importantes du pays ne se définissent pas par leurs positionnements idéologiques ou leurs visions en faveur du développement. Au contraire, elles se distinguent par leurs capacités d'instrumentalisation des groupes ethniques auxquels appartiennent leurs leaders et qui forment autour d'eux un bloc homogène rigide. Cela est rendu possible par le fait que l'État en Guinée est encore et toujours dans sa forme néo-patrimoniale du pouvoir. C'est pour vous dire que, malgré toutes les techniques d'une coalition électorale de partis de l'opposition, on à remarquer c'est toujours le parti du pouvoir qui gagne l'élection depuis 1990 à 2020 dans notre pays d'étude la Guinée. Il est régi par un régime où ceux qui ont accès aux ressources nationales se préoccupent tout d'abord de « prendre soin » des leurs. Cette logique aboutit à la mise en place d'un système de redistribution où seuls auront accès aux postes de responsabilité les

66 Bratton Michael, « l'effet d'alternance en Afrique revue de la démocratie », 2004, pp. 147-158.

membres du réseau clientéliste constitué principalement des membres de l'ethnie auquel appartient le chef d'État. Et ce dernier n'a qu'un souci : demeurer à vie au pouvoir. C'est la seule garantie que lui et les siens continueront de bénéficier de leurs privilèges. Ils passeront ainsi la part la plus productive de leur temps à simuler des subversions et des complots, attribués à d'autres groupes ethniques dont le crime serait de rêver de prendre leur place. Ainsi, l'alternance recherchée ressemble fort à une alternance ethnique qui dans le fond, ne change pas grand-chose dans les maux de la société67.

Ce type de combat ramène perpétuellement sur la scène publique les mêmes problèmes d'unité et de cohésion sociale auxquels les citoyens sont confrontés dans l'ensemble. Dans ces conditions, le risque pour les nouveaux venus, à la suite d'une alternance même régulière, d'être combattus pour les mêmes raisons est énorme. Les partis politiques, les plus significatifs par le nombre, se battent en réalité pour les mêmes raisons : conquérir le pouvoir, s'y maintenir et s'approprier ses privilèges à titre exclusif et jamais dans l'intérêt collectif. C'est du moins l'impression qui se dégage en observant de près le combat politique en Guinée.

Or, il y a nécessité que le combat politique mute Guinée. Que la confrontation idéologique se substitue à la confrontation ethnique afin que l'alternance gagne en crédibilité et devienne la source d'évolution de nos moeurs politiques rétrogrades. C'est aussi à cette condition que l'alternance souhaitée pour la vitalité de la démocratie dans notre pays apportera un profond changement de notre système de gouvernance et renforcera l'unité nationale, qui reste le plus grand défi de la Guinée depuis plus de 60 années d'existence en tant qu'État.

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67 Shedler, Andreas, « le menu de la manipulation, journal de la démocratie » juin 2002, pp. 36-50.

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