CONCLUSION GENERALE
La présente étude a, de manière
générale porté sur l'alternance au pouvoir exécutif
par les partis politiques de l'opposition en Afrique
subsaharienne68. Le fait marquant est que malgré la
prolifération du multipartisme dans la sous-région au
début des années 1990, malgré la nature relativement
compétitive des élections présidentielles, la victoire des
candidats présentés par les partis de l'opposition n'est pas
fréquente à ces élections.
En dépit de tout, certains partis d'opposition de la
zone de notre étude ont bien réussi à conquérir le
pouvoir exécutif. Ce constat a dû être
problématisé. Le questionnement conséquent de cette
problématisation est de savoir comment expliquer la réussite de
certains partis d'opposition dans ladite zone et l'échec des autres dans
leurs efforts de conquérir le pouvoir d'État. Pour
répondre à cette question, nous avons réduit le champ
d'étude dans notre pays de la sous-région, en l'occurrence, la
République de Guinée. Nous avons ensuite procédé
à une étude comparative entre les dynamiques politiques et les
techniques d'acteurs de notre
pays entre janvier 1990 et décembre 2020. À
l'issue de cette étude, un certain nombre de conclusions sont apparues
évidentes.
Cependant, l'étude abordée sur certaines
questions est faite de façon sommaire. Car n'étant pas
directement liées à la problématique, mais qui comportent
des aspects intéressants méritant d'être analysés en
profondeur. Certaines de ces questions sont pourtant moins
étudiées et constituent donc des champs en jachère pour la
discipline de science politique. Ainsi, en plus de relever cette conclusion, il
sera également question d'identifier quelques pistes de réflexion
pouvant constituer des projets de recherche future.
Comme souligné ci-dessus, nous avons abordé un
certain nombre de questions sans pour autant approfondir l'analyse de tous
leurs aspects, car ces dernières ne sont pas directement liées
à la problématique de l'étude. Or, certaines de ces
questions ou leurs aspects non étudiés en profondeur
méritent de l'être, ne serait-ce que pour le développement
de la discipline. Le rôle crucial que jouent les acteurs individuels ou
collectifs dans les changements politiques a été suffisamment mis
en évidence dans la présente étude. Il a été
surtout question de souligner l'importance des stratégies qu'emploient
ces acteurs en vue de se maintenir au pouvoir ou d'y
68 Ouazani, Le Niger pourrait être
considéré comme le neuvième pays ayant aboli ce
dispositif, suivant l'adoption d'une nouvelle constitution en août 2009
qui ne le contient pas, 2009, CEDEAO. Coup d'Etat militaire ayant
renversé le régime de Mamadou Tandja le 18 février
2010.
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accéder. Mais une question dont tous les aspects n'ont
pas été suffisamment abordés est le rôle des
individus au pouvoir qui facilitent ou bloquent le changement. En d'autres
mots, il a été bien établi que la plupart des leaders
africains étaient contraints, par une conjugaison de pressions locales
et étrangères, à permettre un certain degré de
libéralisation de leurs systèmes politiques au début des
années 1990. Ce processus a débouché sur une
véritable libéralisation, voire de démocratisation, dans
certains pays (comme au Bénin, au Ghana, et au Cap-Vert). Par contre,
les leaders autoritaires d'autres pays (comme ceux de la République de
Guinée, du Gabon, du Cameroun et du Burkina Faso) ont tangué et
font quelques concessions sans vraiment céder.
Les concessions que certains de ces derniers ont fait seront
plus tard récupérées à travers des tripatouillages
constitutionnels, tels que ceux qui ont visé l'abolition des clauses
limitatives des mandats présidentiels, introduites dans les
constitutions de la plupart des pays africains au début des
années 1990. Nous avons bien tenté d'expliquer pourquoi certains
leaders ont réussi à outre passer la pression et/ou à
amender ainsi la constitution, tandis que d'autres ont échoué.
Les facteurs explicatifs avancés sont à la fois locaux (faiblesse
de l'opposition, par exemple) et étrangers (les considérations
géostratégiques des grandes puissances dans un pays comme
l'Égypte).
Mais des questions sont restées en suspens : pourquoi
des leaders, comme Rawlings au Ghana, n'ont « pas tenté » de
modifier la constitution pour se maintenir au pouvoir tandis que d'autres,
comme les Guinéens Lansana Conté et Alpha Condé, l'ont
fait, de meme que Alassane Wattara en Côte D'Ivoire, sachant que certains
de ceux qui ne l'ont pas fait pouvaient bien se le permettre ? Le cas de
Mamadou Tandja au Niger ne se conforme d'ailleurs pas aux variables
utilisées pour expliquer l'échec de Muluzi au Malawi (2002-2003),
de Chiluba en Zambie (2000-2001) et d'Übassanjo au Nigeria (2006) à
se maintenir au pouvoir. En effet, Tandja a en vue de se maintenir au pouvoir
au-delà de son second et dernier mandat constitutionnel devant expirer
le 22 décembre 2009, proposé de prolonger ce dernier de trois ans
puis d'abolir la clause limitative dans la constitution.
Comme dans le cas de ces leaders, la tentative de Tandja a
été efficacement opposée par la majorité
écrasante des partis de l'opposition, des organisations de la
société civile, de trois grandes institutions
républicaines (le Parlement, la Cour constitutionnelle et la Commission
électorale nationale), et des membres de la coalition dirigeante dont
des ministres ont démissionné de son gouvernement. Certes,
l'histoire postcoloniale de l'Afrique recèle
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plusieurs exemples de ce type de cas, mais les temps ont
changé depuis quelques années et bon nombre de ses homologues.
Peut-être la réponse se trouve dans une analyse
psychologique de la personnalité des leaders en question.
Peut-être ceux qui ont quitté le pouvoir étaient-ils soumis
à des pressions non apparentes ? Une étude de David Owen (2009)
tente une telle démarche. Selon cet auteur, l'expérience du
pouvoir entraîne, chez un grand nombre de chefs d'État, des
altérations psychologiques qui se traduisent par des illusions de
grandeur et des attitudes narcissiques et irresponsables. Ces illusions
constituent un « syndrome d'hubris » politique, qui fait que ces
dirigeants estiment qu'ils savent toujours mieux que les autres et que les
règles de moralité ne s'appliquent pas à eux.
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