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L'alternance démocratique en afrique subsaharienne : cas de la république de guinée de 1990 à 2020


par Abdallah Moilimou
Université General Lansana Conté de Sonfonia/Conakry  - Diplôme de Master 2  2020
  

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Section 8 : La formation de coalitions comme technique électorale

Peut-on établir, à partir de ce qui précède, une certaine corrélation, voire un lien de causalité, entre la stratégie de formation de coalitions et la possibilité de victoire électorale des partis d'opposition en Afrique subsaharienne ? Nicolas Van de Walle pense qu'il y a une corrélation entre les deux mais que le lien causal est moins prégnant. Il conditionne la corrélation au niveau de la démocratisation dans le pays concerné. Ainsi, pour lui, la probabilité de fraude électorale dépend du niveau de démocratisation dans un pays, et celui-ci, à son tour, détermine la probabilité qu'une coalition de l'opposition aboutisse ou non à la victoire électorale. Certes, le lien causal est moins clair, mais la corrélation est plus évidente que l'auteur ne veut l'admettre ou qu'il n'a pu la remarquer. Cet argument est basé selon laquelle l'alternance n'est possible que dans un système bipartisan (Duverger, 1973) ou bipolarisé (Quermonne, 1988).

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Chacun de ces deux systèmes comprend une certaine notion de coalition. Le premier sous-entend l'existence de deux grandes coalitions plus ou moins durables, tandis que la notion de coalition est presqu'explicite dans le second. Compris en ce sens, il est possible de démontrer, à partir des 30 expériences d'alternance au pouvoir « par les partis d'opposition » en Afrique subsaharienne entre 1990 et 2020 en particulier notre cher pays d'étude la Guinée. La formation de coalition est une condition nécessaire, quoique pas suffisante, pour la victoire électorale de l'opposition.

Par exemple, les cas d'alternance au pouvoir par un parti d'opposition advenus en Afrique entre 1990 et 2020 sont intervenus dans des systèmes bipartisans et/ou grâce à une coalition formée par un certain nombre de partis d'opposition63. Les deux seules exceptions à cette affirmation sont la victoire électorale de Bakili Muluzi de l'UDF au Malawi en mai 1994, et celle de Laurent Gbagbo du FPI en Côte d'Ivoire en octobre 2000. Dans ce dernier cas, l'élection avait été boycottée par le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), l'ancien parti au pouvoir, et le candidat populaire du Rassemblement des républicains (RDR), Alassane Ouattara, n'avait pas été autorisé par la junte au pouvoir (sous le Général Robert Gueï) à contester le scrutin.

Quant au cas malawite, il convient de rappeler que le scrutin a été disputé entre trois principaux partis politiques et un quatrième parti « mineur ». Les trois sont le Front démocratique uni (UDF) de Muluzi, qui l'a remporté avec 47% des voix ; le Parti du congrès malawite (MCP) du président sortant, Hastings Banda, qui s'est placé en deuxième position avec 33,45% des voix ; et l'Alliance pour la démocratie, du syndicaliste Chakufwa Chihana, qui a eu 19% des voix. Ces résultats présentent un système plutôt « tripartite », donc multipartite, ce qui semble contredire notre argument à propos de la nécessité du bipartisme ou de la bipolarisation pour effectuer l'alternance.

Ces exemples montrent bien l'impact positif de la formation de coalitions sur les chances de l'opposition d'effectuer dans l'alternance au pouvoir. Il est fort possible d'en déduire presqu'une impossibilité, pour les partis d'opposition des pays multipartistes, d'effectuer l'alternance sans se coaliser. L'exemple précité de l'élection présidentielle Comorienne de 24 mars 2016 illustre bien ce constat. Les résultats de l'élection présidentielle gabonaise d'août 2009 offrent un autre cas de figure. Le système électoral y étant plural taire, Ali Bongo, le candidat du Parti démocratique du Gabon (PDG, au pouvoir) l'a remportée avec seulement

63 Quermonne, Jean-Louis, « L'alternance au pouvoir », Paris, PUF, 1988.

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41,5%, selon la Commission électorale. Or ses deux plus grands adversaires ont obtenu, chacun, 25% des voix. Avec un total de 50% des voix (soit 8% de plus que celui du candidat du parti au pouvoir), une coalition entre ces deux personnalités aurait très vraisemblablement assuré la victoire à l'opposition.

Lors de nos enquêtes de terrain, nous posions aux militants et sympathisants des partis d'opposition la question suivante : « Selon vous, qu'est-ce qui explique la ténacité du régime au pouvoir et quelles sont les principales faiblesses de l'opposition ? » Une réponse courante était de dire que le parti au pouvoir truque les élections et l'exemple précité de l'élection présidentielle Guinéenne sont celles de 1993 ; de 1998 et de 2003. Le parti au pouvoir (PUP) a réussi à altérer les élections ; ainsi que, l'élection présidentielle de 2010 ; 2015 et 2020 le parti au pouvoir (RPG) a fait la même chose (modifier les élections). Mais beaucoup de militants guinéens ajoutaient la désunion des partis d'opposition et leur échec de former des coalitions électorales. Le manque d'unité était d'ailleurs la seule réponse pour certains. Bon nombre de personnes en Guinée ont régionalisé la réponse à la seconde partie de la question, blâmant la faiblesse de l'opposition sur le « manque d'attente entre les Sudistes », étant donné que les leaders de tous les principaux partis d'opposition sont du Sud du pays.

Conscients de ce fait, les partis d'opposition guinéens ont tenté, à plusieurs reprises, de former des coalitions électorales contre le régime de Lansana Conté. Faye (2007, p. 53-82) en recense au moins sept entre 1992 et 2006. Mais aucune de ces coalitions n'a réussi à se maintenir ou à présenter un candidat -de poids unique. Pour un membre du Bureau politique national (BPN) de l'Union pour le progrès et le renouveau (UPR), les partis d'opposition guinéens n'ont jamais formé d'alliance, proprement dite, car toutes les expériences sont des groupements préélectoraux dont les membres ont leurs stratégies et leurs programmes particuliers.

Presque toutes les personnes que nous avons interviewées ont reconnu l'égoïsme des leaders d'opposition comme l'une des principales raisons de l'échec de ces tentatives. Quatre jeunes étudiants interviewés en groupe ciblés à l'Université de Conakry en septembre 2015 se sont dits déçus par les leaders de l'opposition. Deux d'entre eux avaient décidé de se désengager de leur parti (UFDG), tandis que deux autres n'avaient jamais appartenu à un parti politique. À notre question de savoir pourquoi ils avaient démissionné de leur parti ou n'adhéraient pas à un, ils ont répondu dans les propos suivants :

Moi, je me suis rendu compte que tous ces leaders sont les mêmes ; ils veulent tous le pouvoir, aucun ne veut s'effacer pour l'autre, même si qu'il sait bien qu'il n'a aucune chance.

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C'est pourquoi ils ne s'entendent jamais entre eux. C'est la raison pour laquelle moi j'ai décidé de ne plus jamais les suivre. Maintenant, je m'occupe de mes études supérieures. Lansana CONTE était là depuis 1984 jusqu'à en 2008 et aujourd'hui, Alpha CONDE va s'en aller quand Dieu voudra, car ces opposants ne pourront jamais le battre s'ils ne se donnent pas la main (Entrevue le 7 novembre 2021).

Pour l'un des deux qui n'appartiennent pas à un parti64: « Bon, pour moi, je pense qu'ils voudraient bien former une coalition ; ils l'ont tenté plusieurs fois.... Mais je pense que le problème est que chacun veut être le chef de la coalition, et c'est là le problème. Bon, à vrai dire, je comprends parfois, c'est la politique ; mais nous nous voudrions qu'ils mettent l'intérêt national avant leurs calculs politiciens. C'est vraiment dommage. » Mais un membre du BPN du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) soutient que l'infiltration des alliances par des partis satellitaires agissant au compte du régime au pouvoir aurait souvent joué contre les alliances. Peu importe les raisons de cet échec et leur pertinence, la conclusion est que l'échec de former de coalitions a contribué à l'échec des tentatives des partis d'opposition visant à conquérir le pouvoir en Guinée.

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