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L'alternance démocratique en afrique subsaharienne : cas de la république de guinée de 1990 à 2020


par Abdallah Moilimou
Université General Lansana Conté de Sonfonia/Conakry  - Diplôme de Master 2  2020
  

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Section : 6 Le poids des acteurs internationaux et l'alternance politique

Compte tenu de la dépendance politique et économique un peu disproportionnée de la plupart des pays africains de l'étranger, le poids de ce dernier semble constituer un facteur important dans l'explication de la situation politique par rapport aux processus de libéralisation dans bon nombre de ces pays africains. Ceci est vrai aussi bien au stade de libéralisation et de transition qu'à la phase de consolidation, ce qui nécessite un rappel du débat sur les origines ou «facteurs catalyseurs » des changements politiques qui ont rythmé la vie politique de plusieurs pays africains au début des années 199056.

Ainsi, dans son analyse des conditionnalités politiques de la coopération allemande en Afrique entre 1990 et 1994, Gerhard Boké semble accorder une grande importance au rôle de ces conditionnalités dans l'avènement de la démocratie en Afrique, des conditionnalités qui s'étaient longtemps heurtées « aux intérêts divergents qui prévalaient dans les rapports entre l'Ouest et l'Est tout au long de la guerre froide ». Pour sa part, Goldsmith voit une corrélation entre le niveau de libéralisation du système politique dans les pays africains et le volume d'aides étrangères dont ces derniers ont bénéficié au début des années 1990.

Mais en quoi concrètement le poids politique et économique de l'étranger serait-il important pour l'alternance au pouvoir dans ces pays ? Selon Moss, le rôle de l'étranger se manifeste de deux manières principales : Par la « politique du bâton », d'une part et, par celle « de la carotte », d'autre part. Dans le premier cas, il s'agit de conditionner l'offre d'assistance aux régimes africains par la démocratisation au stade de libéralisation. Aux stades de la transition et de la consolidation, il s'agit d'exiger que les pays africains jouent par les règles démocratiques déjà établies. Dans le second cas, c'est une question de promettre une aide accrue aux pays qui s'engagent dans la voie de la démocratie pour soutenir et encourager leurs efforts.

Goldsmith ajoute deux autres stratégies par lesquelles les pays donateurs ou institutions financières internationales peuvent influencer l'attitude des régimes africains par rapport à la démocratisation. Une de ces deux stratégies est le soutien que certains donateurs accordent

56 Moss, Todd J., « politique américaine et démocratisation en Afrique les limites de l'universalisme libéral revue d'étude africaines modernes » 1995, pp. 189-209.

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aux organisations de la société civile qui luttent pour la démocratie et le respect des droits humains dans les 173 pays africains. Hearne attribue un rôle important à de tels groupes dans l'avènement des réformes politiques successives intervenues au Ghana dans les années 1990. L'autre stratégie qu'identifie Goldsmith est celle qu'il considère comme « accidentelle », c'est-à-dire les réformes politiques qu'entreprennent des régimes africains afin de satisfaire aux exigences « économiques » et « techniques » que leur imposent les programmes d'ajustement structurel des institutions financières internationales. Bon nombre de pays, comme le Ghana, ont adopté ces programmes à partir de la seconde moitié des années 1980.

Sans nier la possibilité que les stratégies mentionnées plus haut des acteurs externes puissent avoir un impact sur l'alternance au pouvoir dans des pays africains, il importe de nuancer les arguments précédents par deux principales remarques. D'abord, il n'est pas évident que les « conditionnalités » des pays occidentaux dans l'octroi de leurs fonds d'assistance s'appliquent à tous les pays ou de la même manière. Leurs effets « positifs » ou objectifs escomptés ne sont pas non plus évidents, même quand on les applique de façon directe.

Alors, où est-ce que le poids de l'étranger peut compter concrètement dans la problématique d'alternance en Afrique et comment ? Il est possible d'arguer que cela réside davantage dans son effet « négatif » que dans son hypothétique effet « positif ». En d'autres termes, le poids de l'étranger compte davantage lorsque des puissances étrangères se rangent au côté du régime au pouvoir ou demeurent indifférentes aux appels de l'opposition par rapport aux manquements de ce régime aux règles démocratiques, rendant ainsi extrêmement difficile l'avènement de l'alternance, sans qu'elle ne soit pour autant impossible. Ce soutien « négatif » de l'extérieur peut n'avoir aucun lien direct avec le paysage politique à l'intérieur du pays. Cependant, il peut s'avérer important dans la mesure où il peut constituer un support psychologique non négligeable pour le pouvoir en place. Dépendamment des stratégies que ce dernier emploiera ensuite pour exploiter cette situation, les actions du régime en place peuvent constituer un obstacle majeur en face des partis d'opposition dans leur quête pour le pouvoir.

Par exemple, des faits historiques et socioculturels ont fait que la plupart des réfugiés libériens et sierra-léonais, fuyant la guerre civile dans leurs pays dans les années 1990, ont choisi la Guinée comme lieu d'asile. Pour ces raisons et autres considérations politiques, la Guinée fut amenée à jouer un rôle important dans le maintien de la paix et de la stabilité dans ces deux pays voisins, voire aussi en Guinée-Bissau en 1998-99, sous l'égide de la

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CEDEAO57. Ceci, et le traitement appréciable qu'ont reçu ces réfugiés en Guinée ont fait du régime de Lansana Conté un « partenaire important » de la communauté internationale soucieuse de rétablir la paix et la stabilité dans la sous-région ouest-africaine.

Un autre facteur s'est ajouté à cela, notamment vers la fin des années 1990 et le début du nouveau millénaire. Il s'agit là de l'antagonisme entre Londres et Washington, d'une part, et le régime de Charles Taylor au Liberia d'autre part, en plus du fait que Taylor s'était fait une image d'ennemi à Conakry en tentant de déstabiliser la Guinée en septembre 2000. De cette dynamique s'est créée 176 alliance entre Washington, Londres et Conakry contre Taylor, et cette alliance s'est traduite par un soutien important de ces deux puissances pour le régime de Lansana Conté afin d'éliminer Taylor. Or, les partis d'opposition guinéens étaient au moins ambivalents à l'égard de cette politique d'isolement de Taylor et du soutien militaire de la Guinée pour les groupes armés libériens opposés à Taylor. Certains s'y sont carrément opposés. Cela explique peut-être la défense de ces deux puissances étrangères de tout acte pouvant déstabiliser le régime de Conakry, d'où leur indifférence, au moins jusqu'au départ de Taylor du pouvoir en 2003, à l'égard des appels des partis d'opposition qu'ils sont en face d'une dictature. Ceci a eu pour conséquence un confort psychologique pour le régime de Conté, car ce support lui aurait permis de maintenir le statu quo avec un minimum de concessions.

Mais comme nous l'avons démontré plus haut, les pressions en provenance de l'étranger peuvent avoir un effet « positif » en faveur de l'opposition dans l'avènement de l'alternance. Il semblerait, cependant, qu'une telle hypothèse est conditionnée à au moins trois facteurs : que l'acteur étranger ait déjà des bons rapports avec le régime en place ; qu'il exerce cette pression de façon très discrète mais ferme ; et, finalement, qu'il y ait une opposition largement crédible et capable de battre le parti au pouvoir aux urnes dès lors que cette dernière joue aux règles démocratiques du jeu électoral.

Toutes ces trois conditions auraient été réunies au Ghana à l'approche des élections présidentielles de décembre 2000 qui ont vu le parti d'opposition, NPP, venir au pouvoir, son

57 Annan Kofi, « Les causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement durables en Afrique » Rapport du Secrétaire général de l'ONU, Éditions Berger-Levrault, avril 1998.

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candidat ayant battu celui du parti au Pouvoir. Un autre élément externe aux partis politiques est la situation économique du pays58.

Un exemple frappant est le cas du Bénin et du Niger étudié, en détail, par Gazibo (2005). Les indicateurs de développement humain (IDH) du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) confirment ce constat. Par exemple, en 2000, quand la première alternance au pouvoir est intervenue au Ghana, le PIB par habitant de ce pays, selon le rapport 2000 du PNUD basé sur les données de 1998 qui faisait 390$ contre 530$ pour la Guinée et $380 pour le Bénin. L'argument devient d'ailleurs irréfutable avec une vue d'ensemble sur le classement des pays africains dans ce rapport. En effet, la Libye et l'Algérie, deux pays moins libéraux sinon autocratiques occupent respectivement les 72ème et 107ème rangs sur 174 pays, loin devant le Ghana 12ème, le Bénin 157ème et le Mali 165ème libéraux. Aucune de ces conditions ne semble être réunie en Guinée. Mais là aussi, les stratégies des acteurs de l'opposition n'y sont pas pour rien.

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