Section 3 : Les partis politiques dans le processus
démocratique en Guinée
Pour mieux apprécier le dynamisme des partis politiques
guinéens dans le processus démocratique de 1990 à 2020, il
est utile de procéder avant tout à une division binaire de la
période considérée : il s'agit notamment de la
période allant de 1990 à 2008 et de celle de 2008 à
2020.
En effet, la première période, marquée
par le règne du PUP constitue une période très critique de
l'activité partisane en Guinée. Certes, l'ouverture politiques
amorcée en 1985 représente une avancée démocratique
incontestable par rapport au monopole de fait qui eut cours entre 1958 et 1984.
Mais, cette ouverture était très contestée à cause
de son caractère autoritaire et arbitraire. Elle était ressentie
comme une démocratie `'voilée», c'est-à-dire qui ne
respectait pas dans la pratique les principes théoriques d'une
démocratique pluraliste. En effet, elle n'admettait pas les
échanges. Par exemple, lors de la convention de son parti, le 13
décembre 2003, le président Lansana Conté déclarait
à propos des partis politiques d'opposition qu'ils étaient des
étrangers qui n'avaient pour autres vocations en Guinée que la
conquête du pouvoir. Alors, il remarqua qu'il s'engagera à leur
empêcher d'atteindre cet objectif et de s'installer.
D'ailleurs, dans son discours, il considérait les
partis politiques d'opposition comme des ennemis et non des adversaires. Durant
cette période, malgré la pléthore des partis politiques,
la scène politique est restée dominer par le PUP : dans la
période considérée, ce parti fut le seul à
remporter toutes les élections législatives et
présidentielles du pays. Ce monopole du PUP s'exerçait avec
l'appui de l'armée dont était issu le président et la
complicité de certains leaders politiques. Aussi, le militantisme dans
le PUP était la règle d'or du clientélisme et de la
promotion administrative.
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Dans ce cadre, l'opposition politique était sujette
à des brimades militaires et policières, à des menaces
d'intimidation politicienne, à des arrestations arbitraires, à
des tortures... Bref, le pouvoir de PUP fut un régime
autoritaire31. Pourtant, ce régime proclamait, surtout
à l'étranger, qu'il adhérait aux principes de la
démocratie pluraliste. Il s'agissait en vérité d'une
démocratie de propagande qui, par sa forme, présentait l'image
d'un système multipartite dont le contenu était vide.
Néanmoins, le PUP ne réussit pas à
éteindre complètement la dynamique partisane et contestation
politique. Plusieurs partis politiques furent créés, soit une
moyenne à peu près de 47 partis entre 1993 et 2008. Certains de
ces partis ont d'une manière relative dominée la scène
politique. Il s'agit notamment du Rassemblement du Peuple de Guinée
(RPG), de l'Union pour le Progrès de la Guinée (UPG), de l'Union
pour la Nouvelle République/Union des Forces Démocratiques de
Guinée (UNR/UFDG), de l'Union des Forces Républicaines (UFR), le
Parti du Renouveau et du Progrès/Union pour le Progrès et le
Renouveau.
Ici, il est utile de noter que chacun de l'UNR/UFDG et PRP/UPR
ont été créé respectivement comme UNR et PRP en
1992. Ils ont chacun en ce qui le concerne, participé aux
élections présidentielles de 1993 et législatives de 1995
sous ces noms. Mais, à la veille de l'élection
présidentielle de 1998, ils ont fusionné en UPR et ont
présenté un candidat unique à cette élection, le
président de l'UNR, Amadou Bhoye Bah. Aussi, aux élections
législatives de 2002, ils ont présenté une liste commune.
Mais, après cette élection, la coalition éclata quand Ba
Amadou a quitté la coalition pour adhérer à l'UFDG. De ce
fait, l'ancien PRP conserva la dénomination commune de l'UPR. Il est
également utile de noter que c'est en raison de sa popularité et
de son implantation sur le territoire national à partir de l'an 2000 que
nous considérons l'UFR parmi les principaux partis politiques.
Par ailleurs, suite à la mort du président de la
République, le Général Lansana Conté en 2008, un
groupe de militaire à sa tâte le capitaine Moussa Dadis Camara
profite de la situation et prend le pouvoir par le biais d'un coup d'Etat.
L'arrivée de cette junte au pouvoir suscita un grand espoir au sein de
la classe politique guinéenne. Au lendemain de son coup d'Etat, le
président de la junte, Moussa Dadis Camara affiche sa volonté
d'assurer la transition politique et de céder le pouvoir aux civils par
le biais d'une élection démocratique libre, transparente et
crédible.
31 Chambers, Paul, « Guinée : le prix
d'une stabilité à court terme, » Politique africaine, 2004,
pp. 128-148.
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Mais hélas, le président de la junte, à
travers une sortie médiatique, annonce de façon implicite et
contre toute attente des leaders de l'opposition et de la communauté
internationale sa volonté d'ôter la tenue et de se
présenter à la prochaine élection présidentielle.
Alors, l'opposition politique, surtout la plus radicale dans son opposition
était exposée à des menaces d'intimidations, à des
injures. En septembre 2009, une manifestation de l'opposition est violemment
réprimée par les militaires qui a fait au moins 156 personnes
disparues ou tuées, leurs cadavres enterrés dans des fosses
communes. Environ 109 filles et femmes victimes de violences sexuelles et
tortures32. Mais rien de cela n'a permis de fléchir le
dynamisme de l'opposition. On assiste au contraire à une
prolifération du nombre de partis politiques sur la scène
marquée par un dynamisme effréné.
Cependant, en dépit de cette pléthore des partis
politique, seulement cinq partis politiques ont réellement du
dominé la scène politique guinéenne dans l'intervalle de
2008 à 2015. Il s'agit notamment du RPG, de l'UFDG, de l'UFR, du PEDN,
du BL et de l'UPG. Il est utile de noter que le bloc libéral est
considéré parmi les principaux partis politiques en raison de son
succès électoral lors des élections présidentielles
de 2015.
De même que certains pays africains, la distinction
partis de masses et partis de cadres est obsolète pour analyser le
paysage politique guinéen. Car, il est difficile compte tenu de la
complexité des organisations partisanes guinéennes
d'établir une bonne idéologique entre elles. Dans ce contexte, il
est possible de dire qu'il n'y a ni de partis de masse ni de partis cadre en
Guinée. Néanmoins, lorsqu'on part de l'examen des statuts des
différents partis politiques, les divergences idéologiques
apparaissent à certains égards. Mais, elles disparaissent dans la
pratique et l'expérience de la discussion publique. Ce qui
caractérise les partis politiques guinéens de l'opposition dans
le processus démocratique de 1990 à 2015, c'est leur
efficacité clientéliste, leur performance électorale, leur
incapacité de s'unir contre le parti majoritaire. Il leur manque
également de stratégies claires pour atteindre leurs objectifs de
conquête. En effet, les partis politiques guinéens, à
l'instar de ceux du Sénégal, se démarquant d'une part par
le durcissement de leurs oppositions ou l'acceptation de la solidarité
gouvernementale. D'autre part, ils ont pour traits essentiels de regrouper un
grand nombre de partisans sur la base des relations ethniques, communautaires
ou régionales (les facteurs ethnique, communautaire et régional
sont essentiels et déterminants en Guinée).
32 Commission d'enquête du Haut-Commissariat des
Nations Unies au Droit de L'Homme (HCDH), article, 2009.
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Par ailleurs, la cohabitation gouvernementale guinéenne
est l'expression la plus déformés de la démocratie
multipartite33. En effet, malgré son association
gouvernement, l'opposition n'intervient pas du tout dans le processus de prise
des décisions. Cela implique qu'il y a certainement une connivence qui
est nécessairement une convention imparfaite et non une conciliation de
compromis. En Guinée, les partis politiques qui participent au
gouvernement au lieu d'être les partenaires de la discussion
démocratique, se réduisent à des témoins passifs,
à des faire-valoir d'une démocratie pluraliste.
Ainsi, la Guinée malgré son adhésion
à la démocratie pluraliste dans les 1990, est toujours
confrontée à la culture du parti unique. En effet, malgré
la pléthore des partis politiques, le champ politique guinéen,
est marqué par un manque de mobilité, d'alternance
démocratique. Cela sous-entend semble - il un manque de dynamisme ou
d'efficacité des partis politiques guinéens dans le processus
démocratique. La plupart des partis politiques guinéens n'existe
que de non comme des têtes d'affiche de l'opposition. Cela explique
nécessairement un dysfonctionnement des institutions politiques et ses
fâcheuses conséquences dont le risque de pérennisation du
parti au pouvoir et l'inadéquation des partis politiques par rapport,
à l'histoire de la nation et au besoin de la population. En
Guinée, faire de la politique, c'est chercher une place.
L'idéologie des partis, leurs orientations politiques est absentes dans
tout débat. Ils ne sont là que pour amuser la galerie, remplir
une coquille vide. La plupart des partis politiques guinéens sont
créés non pas pour marquer la diversité idéologique
ou pour défendre les projets alternatifs de société, mais
pour satisfaire des intérêts égoïstes, ethniques,
communautaristes ou régionalistes de leurs responsables.
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