Section 2 : Rupture et réintroduction du
multipartisme en Guinée
A la veille des indépendances, la guinée
était un pays multipartite29. En effet, avec les
réformes politiques introduites dans les colonies au lendemain de la
deuxième guerre mondiale, on assista à une activité
partisane en Guinée comme ailleurs en Afrique occidentale
française. En Guinée à la faveur de ces réformes,
on assista premièrement à la création des organisations
régionalistes, ethniques, ensuite des organisations syndicales puis des
partis politiques.
Au niveau politique, plusieurs partis politiques furent
créés. Nous avons par exemple l'union franco-guinéenne de
Yacine Diallo, le parti progressiste africain de Guinée, l'union
démocratique africaine de Lamine Kaba, le parti socialiste de
Guinée, le parti démocratique guinéen. Mais, à
cause des considérations ethniques, régionalistes dominantes, ces
partis ont été marqués par une grande division entre eux.
Lors des élections législatives et territoriales, chaque ethnie
s'épuisait dans la constitution de listes de candidature sur la base
communautaires, régionales.
Chaque association ethnique désirait choisir un
représentant à elle. Ainsi, l'absence d'une plate-forme politique
cohérente, le repliement des responsables politiques sur leurs
communautés, l'absence d'organisations politique unique capable de
mobiliser les masses constituaient l'une des causes de leur échec
partiel. Mais, jusqu'à la veille de la chute du mur de Berlin en 1989,
la Guinée n'était pas à proprement dit un pays pluraliste.
La scène politiques guinéenne est restée dominée de
1958 à 1984 par un seul parti, en l'occurrence le parti
démocratique Guinée (PDG). Après la mort de son
président, le pays fut conduit par une junte militaire, le comité
militaire de redressement national qui en était le seul maitre.
En effet, dans son oeuvre intitulé
«L'avènement du parti unique en Afrique noire'', le
professeur Ahmed Mahiou certifie qu'en 1958, il y avait une soixantaine de
partis politiques dans les 15 pays de l'Afrique subsaharienne. Mais, il note
aussi que dès 1946, ce nombre
29 Bangroura Dominique, « De quel État et
de quel régime politique parlons-nous ? », décembre 2003,
Paris, L'Harmattan, 2004, pp. 29-38.
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avait baissé à 20 parmi les premiers pays
africains à adopter le système de parti unique, figue la
Guinée, la Centre-Afrique. Alors, à la lumière de ce qui
est dit ci-haut, il faut se poser la question de savoir comment des pays comme
la Guinée où régnait le multipartisme à la veille
indépendances, ont-ils débouché sur des régimes de
partis uniques ?
En effet, cette situation est l'aboutissement d'un processus
historique et politique dans les Etats qui l'ont expérimenté. En
Afrique, ce processus a commencé sous le signe du multipartisme,
remplacé par le bipartisme (dans certains pays) et le parti
unifié (dans d'autres). Effectivement, la situation sociopolitique qui
prévalait dans certains pays africains au lendemain des
indépendances, justifiait des comportement ou actes allant dans le sens
de l'établissement de l'union nationale. Personne n'était
censé ou jugeait sage d'aller contre l'indépendance acquise,
contre l'unité nationale.
Par ailleurs, il est utile de souligner aussi qu'au fond,
l'avènement des régimes de partis uniques en Afrique et
particulièrement en République de Guinée découlait
d'un souci de conversation du pouvoir des nouveaux responsables. En effet, ne
voulant pas céder le pouvoir, ces derniers ont opté pour une
stratégie d'exclusion de tout concurrent afin de demeurer le seul maitre
du jeu politique. Ainsi, on a procédé dans un premier temps
à l'établissement des partis dits' 'unifiés½ (lorsque
l'ensemble des partis politiques ont accepté de s'associer autours d'un
programme commun dans un même gouvernement). Plus tard, le parti unique
s'est imposé lorsque les partis membres de la coalition ont perdu leurs
identités. De même, Lancinet Sylla remarque que
l'établissement des systèmes de parti unique en Afrique noire
s'est opéré trois méthodes : des procédés
juridiques ou institutionnels, politiques et autoritaires.
Si les procédés politiques ont suivi le
schéma que nous avons décrit ci-haut, les procédés
juridiques et institutionnels ont consisté en un renforcement du parti
gouvernemental face aux paris minoritaires et les acteurs politiques. Mais, il
faut noter que la réussite de ce procédé dépendait
beaucoup du charisme du leader au pouvoir. Par exemple contrairement à
beaucoup d'auteurs qui prétendent que l'unicité et la
longévité du régime du PDG de Sékou Touré
s'explique par l'oppression et le culte de personnalité de ce dernier,
nous certifions ici, sur la base de témoignages nombreux et concordant,
que c'est la réussite du leader du PDG à bien communiquer son
idéologie à ses militants et la volonté
délibérée des responsables des autres
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partis politiques à oeuvrer avec le PDG à la
veille du référendum de 1958 qui explique son influence sans
conteste jusqu'en 1984.30
Le contexte de la guerre froide représenté aussi
facteur important dans l'explication de l'avènement et la
longévité du règne de la plupart des régimes de
partis uniques. Par exemple, Issiaka, atteste que le régime du PDCI-RDA
de Félix Houphouët-Boigny a pu résister aux multiples
vicissitudes du temps grâce au soutien permanent de la France au nom de
la solidarité idéologique et des considérations
géostratégiques et économiques.
Par ailleurs, avec la disparition naturelle du
président de la république, Sékou Touré le 26 mars
1984, se posa la question de sa succession constitutionnelle. En effet, selon
l'article 51 de la constitution de 1982, `'En cas de vacance de la
présidence pour quelque cause que ce soit, le gouvernement
révolutionnaire reste en fonction pour expédier les affaires
courantes jusqu'à l'élection d'un nouveau chef d'Etat dans un
délai de 45 jours, au cours desquels les élections
présidentielles sont organisées».
Mais, cette disposition présente des insuffisances
liées à son interprétation. Elle ne désigne pas
explicitement de successeur constitutionnel du président de la
république. A partir de ce moment, se manifeste plusieurs protagonistes
pour assurer l'intérim du président. Néanmoins, le premier
ministre assura l'intérim 26 mars au 3 avril 1984.
Conscient de la faiblesse juridico-institutionnelle
caractérisée par un texte constitutionnel flou et un parti d'Etat
dont l'organisation et le fonctionnement dépendait du ressort de son
chef, il était certain que la guerre de succession sera
déclenchée. Ainsi, un groupe de militaires à sa tête
certain Lansana Conté, profite pour prendre le pouvoir à la suite
d'un coups-d `Etat sans effusion de sang. Ce coups-d `Etat mettait fin à
26 ans de règne du PDG et marquait le début d'un régime
militaire.
L'ouverture politique ou la réintroduction du
multipartisme n'est intervenue en Guinée qu'au début des
années 1990. En effet, c'est suite à la contestation de
l'opposition rentrée de l'exile contre l'article 95 de la loi
fondamentale du 23 décembre 1990 qui limitait le nombre de partis
politiques susceptibles d'être constitués à deux, qu'est
intervenu en 1991, une loi organique, la loi organique L/9/003/CTRN du 23
décembre 1991 instaurant le multipartisme intégral ou sans limite
de nombre en Guinée. Dès lors, la scène politique
guinéenne s'enrichit aussi de
30 Sylla Lancine, « Tribalisme et parti unique en
Afrique noire », Abidjan, Presse de la fondation nationale de science
politique, 1977.
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plusieurs partis politiques. En 1992 déjà on
compte presqu'une quarantaine de partis politiques légalisés.
Aujourd'hui, nombre s'élève à plus de deux-cent paris
politiques. Sur ce, quel est l'impact des partis politiques guinéens
dans le processus démocratique amorcé depuis 1990 par Lansana
Conté ?
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