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L'alternance démocratique en afrique subsaharienne : cas de la république de guinée de 1990 à 2020


par Abdallah Moilimou
Université General Lansana Conté de Sonfonia/Conakry  - Diplôme de Master 2  2020
  

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INTRODUCTION GENERALE

Ce mémoire porte sur « L'alternance démocratique en Afrique subsaharienne : cas de la République de Guinée de 1990 à 2020 ». En effet, au début des années 1990, après plusieurs décennies de régimes de parti unique et de juntes militaires, la plupart des leaders africains furent obligés, par des pressions locales conjuguées avec une pression internationale, de céder aux appels exigeant l'ouverture politique et l'instauration ou l'autorisation du multipartisme. Des dizaines de partis politique sont créés dans les pays de la sous-région, comme ailleurs en Afrique, avec un objectif précis d'accéder au pouvoir exécutif suprême4.

Environ deux décennies plus tard, peu de ces partis ont atteint leur objectif de conquête du pouvoir. Ainsi, le principal objectif de ce mémoire est d'essayer de comprendre cette situation et, dans le cas des partis d'opposition qui ont réussi à atteindre leur objectif, comprendre et analyser comment ils y sont parvenus. Ceci dans le cadre d'une étude comparative et empirique sur l'ensemble des 15 pays de l'Afrique de l'Ouest, on notera qu'entre 1990 et 2020, c'est dans seulement sept d'entre eux qu'un parti d'opposition a réussi à conquérir le pouvoir exécutif.

Afin de présenter davantage et de justifier le champ de recherche, nous avons procéder à une délimitation périodique et géographique de la recherche et à la justification théorique ou analytique du choix de pays retenus, ainsi que préciser la nature de l'alternance au pouvoir qui nous intéresse.

S'agissant de la période couverte, (1990-2020), deux décennies du processus démocratique, le recul historique que permet cette période semble raisonnable pour esquisser une étude. Néanmoins, la référence est faite, chaque fois que cela s'avère nécessaire, à l'histoire proche et/ou lointaine de notre pays d'étude. En effet, comme l'a dit Maurice quoiqu'on puisse relativiser ce propos concernant les partis politiques : « De même que les hommes portent toute leur vie l'empreinte de leur enfance, ainsi les partis subissent profondément l'influence de leurs origines5 ». Et c'est là l'apport de l'approche historique à ce mémoire comme cadre théorique et méthodologique.

Pour ce qui est de la délimitation géographique, la recherche est limitée à un seul pays de la sous-région ouest-africaine ; la République de Guinée. Le choix de ce pays s'est opéré en

4 Carbone ; Giovanni, « Comprendre les partis et les systèmes de partis africains : entre modèle et recherches empiriques, » Politique africaine, décembre 2006, pp. 18-37.

5 DUVERGER Maurice, « Un opposant au pouvoir, l'alternance piégée ? » Paris, la sentinelle, 1951, p. 181

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fonction de trois critères. Premièrement ce pays a servi de cadre pour notre formation académique, ce qui est un atout capital dans toute recherche scientifique ; deuxièmement, par le fait que la langue française qui est la langue officielle du pays et dans laquelle la plupart des documents sont rédigés. Troisièmement par le fait que ce pays a connu une relative stabilité politique et un manque total d'alternance durant la période retenue. Nous pensons que ce sont des raisons qui justifient une telle étude du système démocratique guinéen.

Ensuite, d'autres pays ont connu des troubles politiques majeurs dans la période retenue et ont été exclus d'emblée, parce que ces troubles suspendent généralement tout processus électoral. Or les élections constituent un élément important dans la démonstration de notre hypothèse. Tels que, la Côte d'Ivoire (en guerre civile entre septembre 2002 et mars 2007), la Sierra Leone (en guerre civile entre 1991 et 2002), et le Libéria (bouleversé entre 1990 et 1996, puis de 1999 à 2003) ont été écartés6. Mais la République de Guinée n'a jamais connu une guerre, de 1958 à la période de rédaction du présent mémoire (septembre 2022).

De prime abord, « l'alternance au pouvoir » peut s'appliquer à la fois au changement de la composition partisane de la législature (Parlement) ainsi que le remplacement d'une équipe dirigeante de l'exécutif par une autre. Dans ce dernier cas, elle peut signifier simplement le remplacement de l'occupant du plus haut poste exécutif par une autre personnalité. C'est le sens que semble lui donner Jeffrey Herbst dans son état des lieux sur la libéralisation politique en Afrique subsaharienne.

Cependant, l'usage populaire de l'expression en donne un sens qui va au-delà du changement de personnalités d'un même groupe dirigeant à un véritable changement d'équipe gouvernementale. Ainsi, Jean-Louis Quermonne définit l'alternance au pouvoir comme « un changement de rôle entre les forces politiques situées dans l'opposition, qu'une élection au suffrage universel fait accéder au pouvoir, et d'autres forces politiques qui renoncent provisoirement au pouvoir pour entrer dans l'opposition. » C'est la même définition que lui donne Michael Bratton (2004, p. 147-158) dans son article visant à analyser l'effet de l'alternance sur la perception des Africains de la démocratie (Hermet, 2005, p. 18). C'est en ce sens que le terme est employé dans la présente étude, c'est-à-dire le remplacement des anciennes autorités par de nouvelles élites appartenant à un parti de l'opposition ou une

6 BOLLE Stéphane, Communication présentée à la « Conférence internationale : Les défis de l'alternance démocratique, » Cotonou, 23 au 25 février 2009.

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coalition de partis d'opposition." Et étant donné que la Guinée a un système présidentiel, l'alternance ainsi définie ne peut s'effectuer qu'à travers les élections présidentielles. Ceci exclut donc de notre calcul les élections législatives. Mais même en considérant ces dernières, l'analyse des différentes échéances électorales qui ont eu lieu dans notre pays durant la période examinée montre que le vainqueur du scrutin présidentiel s'est toujours imposé au Parlement. Sur le thème « L'alternance démocratique en Afrique subsaharienne : cas de la Guinée de 1990 à 2020 », de nombreuses questions centrales surgissent, notamment :

y' Pourquoi les partis politiques de l'opposition guinéenne, ont toujours échoué dans leur tentative de conquérir le pouvoir ?

y' Quelles sont les causes profondes des crises en Guinée ? Sont-elles d'ordre social, culturel ou politique ?

y' L'absence d'alternance en République de Guinée ou de concertations entre les acteurs peut-elle favoriser un climat de paix et de quiétude sociale ?

Pour répondre à cette série de question, nous avons bâti notre plan de travail autour de trois (3) chapitres :

Dans le chapitre I, titré ; Cadre théorique et méthodologique, subdivisé en huit (8) sections. Là, nous avons abordé la Problématique, l'Hypothèse de recherche, la Revue de la littérature, le Cadre conceptuel et théorique, la Méthodologie de la recherche, la Recherche documentaire, Les enquêtes de terrain et de traitement des données.

Dans le chapitre II, intitulé ; Evaluation de l'idée de démocratie en République de Guinée est subdivisé en cinq (5) sections. Les sections étudiées sont les suivantes : Démocratie en Afrique subsaharienne : réalité, discours ou simple théorie ? ; Historique du processus démocratique en Afrique ; De la période coloniale à l'indépendance en République de Guinée, De l'indépendance à la chute du mur de Berlin, en fin, Les particularités du système politique en République de Guinée.

Dans le chapitre III, titré ; Le multipartisme et l'alternance au pouvoir en République de Guinée, subdivisé en neuf (9) sections à savoir : La naissance des partis politique en Guinée, Rupture et réintroduction du multipartisme en Guinée, Les partis politiques dans le processus démocratique en Guinée, Les facteurs du manque d'alternance politique en Guinée, L'instrumentalisation de la société civile, Le poids des acteurs internationaux et l'alternance politique, Les techniques de campagne des partis politique et l'alternance démocratique en Guinée.

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CHPITRE I : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

Section 1 : Problématique

En dépit des multiples variations au tour du concept d'alternance démocratique, celui-ci semble avoir pris aujourd'hui presque dans tous les pays du monde une certaine préoccupation digne d'intérêt. Cet intérêt est certainement lié à l'éternel quête humaine de liberté, de prospérité, d'égalité, et de bonheur.

En Afrique subsaharienne et particulièrement en Guinée, avec la fin de la guerre froide en 1989, on assiste au début des années ½90½a un élan de démocratisation. En effet, avec la chute du mur de Berlin en 1989 suite à la montée au pouvoir en Union Soviétique de Mikhaïl GABATCHEV qui prônait une vision beaucoup plus libérale du monde, on assiste en Afrique à un début du démantèlement des régimes monopartites. Ce démantèlement des régimes autoritaires africains sera d'avantage accéléré par des soulèvements populaires dus à une double crise : celle économique qui aboutit à l'ajustement structurel et la crise de légitimité de l'Etat. Aussi, le discours de François Mitterrand à Baule, le 20 juin 1990 va davantage ébranler la nostalgie des régimes anti-démocratiques africains. Car dans son discours, Mitterrand subordonnait la continuité de la traditionnelle aide française vers les pays africains à l'introduction de la démocratie, du multipartisme, à la proclamation des libertés, à la reconnaissance de l'opposition.

En Guinée, le retour à l'ordre démocratique à très tôt commencé avec le président LANSANA CONTE. Dans son discours programme du 22 décembre 1985, il fit le serment solennel de respecter les droits de l'homme, de créer les bases d'une démocratie réelle et de rétablir les libertés syndicales7. Ce changement politique abouti dans la plupart des pays de l'Afrique subsaharienne à la naissance du multipartisme, des élections plus ou moins crédibles.

Cependant, malgré l'avènement de la démocratie en Afrique subsaharienne et la tenue d'élections régulières et compétitives, la Guinée avec une histoire politique de plus de 60 ans n'a jusqu'à présent pas connu d'alternance démocratique nonobstant un environnement électoral compétitif. Ce sujet empreint d'interrogation, mérite d'être analysé dans le cadre d'un mémoire.

7 Dominique Bangoura, Mohamed Tétémadi Bangoura et Moustapha Diop ; « Enjeux et défis démocratiques en Guinée, février 2007-décembre 2010, Paris, L'Harmattan, 2007, pp. 85-90.

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? Quels sont les facteurs qui entravent la réalisation de l'alternance démocratique en Guinée de 1990 à 2020 ?

? Les partis au pouvoir seraient-ils solides, mieux organisés, voire plus populaires que les partis d'opposition ?

? Pourquoi dans certains cas les règles constitutionnelles sont appliquées avec succès et dans d'autres cas, elles sont plutôt contournées ou modifiées ?

1-1- Question spécifique de recherche

Cette problématique soulève plusieurs interrogations relatives au développement en Afrique de la bonne gouvernance, de la démocratisation des Etats et de l'alternance au pouvoir. Mais, dans le but de cadrer notre recherche, nous avons limité notre travail à une question spécifique. Celle de savoir : Quels sont les facteurs qui ont empêché l'effectivité de l'alternance démocratique en Guinée de1990 à 2020 ? , une simple coïncidence ou une préméditation ?

Section 2 : Objectif de recherche : En réalisant cette étude, nous avons proposé d'atteindre deux types d'objectifs. Ces objectifs sont les suivants :

2-1- Objectif générale :

Notre objectif général est de produire un document scientifique qui étudie les problèmes de l'alternance démocratique en République de Guinée entre 1990 et 2020 et proposer des recommandations.

2-2-Objectif spécifique : Nos objectifs spécifiques consistent à :

- Remettre en cause avec le regard du philosophe le dispositif politique, juridique et institutionnels relatif à l'alternance démocratique en République de Guinée d'une part, et comprendre les contraintes et limites justifiant l'absence de l'alternance constaté d'autre part.

- Identifier les facteurs qui ont contribué au changement de pouvoir par la transition en lieu et place de l'alternance.

- Etudier les aspects liés à l'imprécision des dispositifs normatifs qui favorisent non seulement la pratique des révisions constitutionnelles mais également la pratique de l'interprétation biaisée de ces mêmes dispositions.

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- Analyser les causes profondes de l'usage abusif du pouvoir, les dessous de la révision de la constitution et le manque de rigueur dans la formulation de certains énoncés constitutionnels qui ont contribué à freiner où à éloigner la perspective de l'alternance démocratique en République de Guinée.

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