Section 3 : Hypothèse de recherche
Maurice Duverger soutient que « l'alternance suppose le
dualisme », c'est-à-dire qu'il faut un système bipartisan
pour qu'un parti de l'opposition puisse parvenir au pouvoir. D'autres auteurs
tel que Adejumobi dans «Partis politiques en
Afrique de l'Ouest : le défi de la démocratisation dans les Etats
fragiles» ont opté pour le « système
bipolarisé », c'est-à-dire une coalition des partis
d'opposition contre le parti au pouvoir, comme un substitut au système
bipartisan afin d'assurer l'alternance véritable.
Cependant, malgré l'adhésion de la Guinée
au pluralisme démocratique en 1990 et l'organisation
régulière d'élections compétitives, le pays n'a
connu aucune alternance démocratique jusqu'à nos jours (2022).
Sur ce, notre hypothèse de départ est que certains facteurs, soit
ethniques ou régionalistes... influencent négativement la
matérialisation de la démocratie guinéenne. De ceux-ci,
nous croyons que le manque d'alternance politique en République de
Guinée de 1990 à 2020 est dû fondamentalement à des
facteurs et à des circonstances telles que :
? La volonté expresse des chefs d'Etats à
tripatouiller la constitution pour aller au-delà des mandats requis est
l'une des raisons de l'absence de l'alternance en République de
Guinée ;
? Faire recours à l'instrumentalisation de la
société civile guinéenne dans l'optique de la sauvegarde
du pouvoir ;
? L'organisation de la fraude électorale en
complicité avec l'institution en charge de l'organisation des
élections ;
? Le caractère ethnique et/ou régionaliste des
partis politiques en République de Guinée ; ? L'ingérence
des puissances étrangères dans les politiques internes des Etats
en Afrique.
Section 4 : Revue de la littérature
Ils existent une abondante littérature sur notre
thème de recherche et autres sujets comme la démocratie et
l'histoire générale de la vie politique et
socio-économique du pays qui fait l'objet d'étude de notre
recherche. Cela signifie que nous sommes sur un terrain déjà
exploré
17
par bon nombres de chercheurs. Néanmoins, il est utile
de remarquer qu'une insuffisance apparait dans les études sur la
démocratie guinéenne. Généralement, celles qui
portent sur le multipartisme et la démocratie, se limitent à
leurs caractéristiques, leurs historiques et à la vie des partis
au pouvoir. Dans son mémoire, « La pratique du multipartisme en
Afrique de l'ouest : Etude croisée des cas Guinéens et
Sénégalais de 1990 à 2015 », Abou CISSE remarque
contre la thèse défendue par J-F Bayart dans son article «la
problématique de la démocratie en Afrique noire» que
l'échec de la démocratie libérale et la gestion
autoritaire du pouvoir en Afrique noire n'est pas relatif à la
reproduction du système de l'administration coloniale.
Par ailleurs, Richard Banégas, dans son ouvrage «
Politique africaine ; parlement de la rue, espace publics de la parole et
citoyenneté en Afrique », montre les logiques paradoxales qui
caractérisent la consolidation démocratique dans ce pays. Ils
remarquent qu'au cours des campagnes électorales, le clientélisme
et l'achat des électeurs sont courant, mais n'empêche pas ces
derniers de voter selon leur conscience8. Bien ! Avec cet auteur,
nous sommes d'accord que la marchandisation de la démocratie n'affecte
pas la conscience des électeurs le jour du vote. Mais, nous remarquons
qu'elle peut constituer une véritable source de conflit
électorale. Puisque, au cours de la campagne électorale, les
statiques de sondage du code de popularité donneront un candidat favori
par rapport aux autres. Alors que dans la réalité des urnes,
cette popularité ne s'exprime pas. Un tel candidat, peut à la
proclamation des résultats se fier à la popularité qu'il a
acquise à travers l'achat des électeurs lors de la campagne pour
contester les résultats. D'où les conflits.
Quant à Francis AKINDES, dans son article
intitulé «Lutte contre les inégalités : état
d'urgence», il note que la démocratie en Afrique Subsaharienne,
souffre d'un dysfonctionnement majeur, celui de l'incompatibilité de la
culture africaine caractérisée par un esprit communautaire et le
besoin conscient et inconscient d'un chef fort et riche, ne devant souffrir
d'aucune contestation et les valeurs démocratiques occidentales
fondées sur le culte de l'individualisme9. On est bien
d'accord avec cet auteur que l'esprit communautaire, régionaliste est le
principal frein de l'expression d'une démocratie alternative en
Afrique
8 Richard Banégas, chercheur en sciences po,
« Politique africaine ; parlement de la rue, espace publics de la parole
et citoyenneté en Afrique ». Ed. KARTHALA 22-24, boulevard Arago
75013. Paris
9 Francis Augustin AKINDES, Professeur de
sociologie à l'Université Alassane Ouattara, Côte d'Ivoire,
«Lutte contre les inégalités : état d'urgence»,
Dakar, 2011.
18
noire. Mais, ce caractère n'est pas le seul qui
justifie la difficile de l'alternance en Afrique. Il pourrait être
justifié par l'instrumentalisation de la société civile ou
sa destruction par les partis au pouvoir. Donc, il convient de noter que tous
les régimes tyranniques qui ont fait d'innombrables victimes ont d'abord
détruit ou sapé la société civile, puis assis leur
pouvoir sur des idéologies discriminatoires ou intolérantes.
La démocratie ne peut pas exister sans la
société civile et la société civile ne peut pas
exister sans une population qui a la volonté et la capacité d'en
défendre les valeurs et les institutions. Par ailleurs, d'autres
théoriciens de la démocratie construisent leur conception en
établissant un lieu entre démocratie et croissance
économique. Pour cette conception, la démocratie est comme
`'un véhicule de progrès social». C'est pourquoi
ils en font une question de substance alors que la conception
procédurale des auteurs suscités, en fait une question de
procédure.10
Partant de l'analyse d'une étude sur les perceptions de
la démocratie Zambienne faite par Jean Pascal Daloz, Issiaka soutient
que c'est cette conception qui est privilégiée par les masses
populaires en Afrique. Selon l'auteur, pour les habitants du quartier Lusaka de
Zambie et presque pour tous les milieux populaires africains, la
démocratie est synonyme d'amélioration des conditions
d'existence, la démocratie, c'est d'abord pour les gens du quartier, des
magasins qui ne sont plus vides.
Pour Amartya, les libertés politiques et civiles
catalysent les initiatives privées qui a leur tour promeuvent le
développement socio-économique. Pour cet auteur, le régime
politique est ce qui détermine le niveau des secteurs d'activités
publiques et que la défaillance de la démocratie est la cause
principale du sous-développement structurel qui sévit en Afrique
subsaharienne.
Section 5 : Cadre conceptuel et théorique 5-1-
Cadre conceptuel :
Dans le cadre de ce mémoire, nous nous sommes
intéressés à l'analyse des concepts de démocratie
et d'alternance. à ceux-ci viennent s'ajouter les concepts connexes.
Nous avons traité ces concepts selon deux visions : premièrement,
nous les avons abordé d'une manière générale
c'est-à-dire les définitions et les débats
théoriques autour de ces concepts, deuxièmement nous avons
apporté la perception particulièrement africain.
10 Jean Pascal Daloz, « Transitions
démocratiques africaines : dynamiques et contraintes », la
philosophie Africaine, 2009, p.45
19
5-1-1- Démocratie :
Le concept démocratie requiert une pluralité de
sens. En dépit de cette diversité de définition, il est
utile de noter que presque tous les auteurs conviennent qu'il dérive de
deux mots grecs ; dêmos (« peuple »)
et kratos (« pouvoir »), ce qui signifient
littéralement pouvoir du peuple. Dans la
présente étude, notre objectif ne se limite pas à la
connaissance de ce que signifie le mot démocratie ; mais
également quel système peut être qualifié de
démocratique. Dans cette optique, les conceptions des auteurs y varient
constamment.
Pour Robert Dahl, un régime pour être
qualifié de démocratique, doit remplir deux conditions
essentielles : une participation effective de la population aux prises des
décisions et l'organisation d'une compétition
réelle11. Quant à Joseph Schumpeter, la
démocratie est une méthode de gouvernement qui repose sur
l'idée qu'il n'y a aucune doctrine générale qui
s'imposerait à tous, mais elle permet à la société
de s'auto-administrer par la libre compétition des groupes partageant
les charges et les privilèges de la coopération sociale.
Par ailleurs, Jean François Revel la définit
comme «forme de société qui parvient à concilier
l'efficacité de l'Etat avec sa légitimité, son
autorité avec la liberté des individus». Pour Legros, il l'a
défini en se fondant sur deux principes : un principe culturel ou social
et un principe politique. Du point de vue social ou culturel, il la fonde sur
l'égalité des conditions de vie des citoyens en soutenant que les
sociétés pré-démocratiques reposaient sur un
principe d'inégalité des conditions de vie des citoyens. Sur le
plan politique, il entend par démocratie, `'un système politique
dans lequel le pouvoir repose sur le principe de souveraineté de la
nation». Au regard des définitions susmentionnées, nous
pouvons dire que la démocratie est un droit fondamental du citoyen qui
doit être exercé dans des conditions de liberté,
d'égalité, de transparence et de responsabilité, dans le
respect de la pluralité des opinions et dans l'intérêt
commun. Elle est à la fois un idéal à poursuivre et un
mode de gouvernement à appliquer selon des modalités traduisant
la diversité des expériences et des particularités
culturelles, sans déroger aux principes, normes et règles
internationalement reconnus. En ce sens, la démocratie vise
essentiellement à préserver et à promouvoir la
dignité de du citoyen et du peuple.
11 Amartya, « La liberté politique en
Afrique noir », 2010, p.14-15
20
5-1-2- Alternances :
Ce concept renvoie premièrement à la situation
d'un régime politique ou des courants, des tendances au pouvoir. Elle
intervient lorsque la majorité politique est renversée par
l'opposition dans le respect des règles constitutionnelles, lors d'une
élection législative ou présidentielle.
De ce fait, nous pouvons dire que tout changement le
régime qui ne s'inscrit pas dans la logique du strict respect des
règles constitutionnelles n'est pas politique. En tant que condition
indispensable à la démocratie, l'alternance témoigne de
l'existence des libertés politiques et d'un régime pluraliste ou
le parti au pouvoir accepte de se retirer en cas de défaite
électorale. Elle a pour conséquence le renforcement de la
légitimité de la constitution et l'adhésion des citoyens
au régime politique.
Au nombre des conditions pour une vraie démocratie en
Afriques, Lokengo Antshuka plaide pour l'instauration d'une gestion rotative du
pouvoir. Pour lui, la finalité d'une telle gestion du pouvoir est
d'assurer la paix dans cité. Car, l'alternance est l'expression de la
reconnaissance des autres, de leurs valeurs, de leurs idéologies, de
leur philosophie. Elle suppose de ce fait l'acceptation de l'autrui. Elle est
fondée sur une vertu, la tolérance qui est la condition de toute
cohabitation paisible. De ce fait, elle permet également d'assurer les
droits fondamentaux de l'individu, la justice sociale, à favoriser le
développement économique et social de la collectivité,
à renforcer la cohésion sociale ainsi que la stabilité
nationale et à créer un climat propice à la paix
internationale. En tant que forme de gouvernement, elle est le meilleur moyen
d'atteindre ces objectifs ; elle est aussi le seul système politique
apte à se corriger lui-même. L'Etat démocratique est celui
qui garantit que les processus d'accessions au pouvoir et d'exercice et
d'alternance du pouvoir permettent une libre concurrence politique et
émanent d'une participation populaire ouverte, libre et non
discriminatoire.
5-1-3- Les partis politiques :
Le concept de partis politique est sujet à plusieurs
interprétations. En d'autres termes, il n'y a pas une définition
précise d'un parti politique. Mais, il existe des usages politiques et
sociaux très variés qu'on applique souvent à des groupes
considères comme partis politiques. Sur ce, Offerlé donne une
double définition aux partis politiques. Ce sont notamment une
définition limitée selon laquelle un partis politique est : une
organisation durable (dont l'espérance de
21
vie politique est supérieure à celle de ses
dirigeants) ; bien établie au niveau local et national du pays dans
lequel il se trouve ; avec une volonté de ses dirigeants de prendre et
d'exercer le pouvoir, seul ou avec d'autres partis politiques ; et qui a enfin
le souci de rechercher un soutien populaire à travers les
élections ou toutes autres manières.
Cette définition est qualifiée de limitée
par ce qu'il est difficile à certains partis politiques de
répondre à tous ces critères sans que cela ne leur
empêche d'être considères comme partis politiques. Par
exemple, la plupart des partis politiques américains tels que : Le
conservative party of New York, Le new progressive party of puerto
Rico, Le southerm party, Vermont prossive party sont régionaux,
provinciaux. Mais cela ne les empêche nullement d'être des partis
politiques.
La deuxième définition est celle élargie
selon laquelle les politiques sont des : associations reposant sur un
engagement (formellement) libre ayant pour but de procurer à leurs chefs
le pouvoir au sein d'un groupement et à leurs militants actifs des
chances idéales ou matérielles de poursuivre des buts et
objectifs, d'obtenir des avantages personnels ou de réaliser les deux
ensembles12.
Dans le même sillage, Michel Offerlé
définit les partis politiques comme des : organisations plus ou moins
développées et plus ou moins permanentes, des organisations qui
cherchent à faire élire des candidats dans un corps
électoral, qui comprennent une proportion plus ou moins grande des
personnes considérées comme adultes dans la collectivité
ou ont lieu des élections13. Cette définition pose
trois conditions pour qu'une organisation soit qualifiée de parti
politique. Il s'agit premièrement de l'organisation et la permanence du
groupe, en suite sa participation aux élections et en fin son ambition
de former un gouvernement.
Pour Ibrahima Fall, les partis politiques sont : des
associations spécifiques de citoyens partageant une même
conception de l'organisation à des fins de pouvoir politique. Cette
association décide de conquérir démocratiquement tout dans
l'appareil d'Etat en vue de réaliser son projet de
société. Quant à Brechon, il définit les partis
politiques en se fondant sur quatre critères qui sont notamment, une
organisation durable c'est-à-dire qui va au-delà de la vie de ses
fondateurs, une organisation complète qui est structurée de la
base au sommet et
12 Jean François Revel, « relation
international » 1999, P.14
13 Michel Offerlé, « les partis
politiques », 128 pages, collection que sais-je ? Ed. Presse universitaire
de France, 2018
22
caractérisée par une relation permanente entre
ses étapes d'organisations et la recherche du soutien populaire.
Comme on le voit bien, ces définitions suscitées
ont entre elles des points de convergences et de divergences. Mais, en se fiant
aux points de convergence entre elles, on pourrait dire dans le cadre de cette
étude, qu'un parti politique est toute organisation porteuse d'une
idéologie, d'un programme de société différent de
celui qui est dominant, qui cherche à faire valoir son idéologie,
ambitionne de contrôler et de conquérir le pouvoir d'Etat par le
biais d'une compétition électorale régulière. Ici,
l'ambition de conquérir le pouvoir, la diversité des
idéologies sont les critères fondamentaux pour qu'une
organisation soit qualifiée de parti politique. Car, l'existence de
plusieurs partis politiques ou du multipartisme en un mot, est fondée
sur deux idées essentielles : elle est premièrement fondée
sur l'idée que la nature humaine est contradictoire, variée et
que cette variété de la nature humaine entraine
nécessairement une variété de sentiment,
d'intérêts, d'idées. Donc, les partis politiques sont
l'expression de la diversité naturelle des sentiments, des
intérêts, des idées des hommes ; le deuxième
fondement est qu'aucune idée, personne, sentiment particulier n'est
indispensable, mais que tout est relatif.
Pour Paul Ricoeur, est démocratique, une
société qui se reconnait diviser, c'est-à-dire
traversé par des contradictions d'intérêt et qui fixe comme
modalité d'associer à part égales chaque citoyen dans
l'expression de ces contradictions, l'analyse de ces contradictions et la mise
en délibération de ces contradictions en vue d'arriver à
un arbitrage. Cette conception de Ricoeur sous-entend l'existence d'une
diversité d'opinion, de pensée, d'idéologie entre les
quelles le peuple libre, souverain choisi celui qui doit le représenter,
le diriger. C'est la démocratie au sens de la pluralité
politique, idéologique. C'est ce sens qui retient notre attention dans
cette étude.
5-1-4-Afrique subsaharienne :
L'Afrique subsaharienne est l'étendue du continent
africain au Sud du Sahara, séparée écologiquement des pays
du Nord par le climat rude du plus vaste désert chaud du monde. Elle
abrite quarante-huit États, dont les frontières sont issues de la
décolonisation. Ses climats se distinguent par la variation
pluviométrique annuelle plutôt que par les variations des
températures. C'est la zone riche sur le plan de la biodiversité
quoique vulnérable au dérèglement climatique.
23
L'Afrique subsaharienne est aussi la partie de la
planète terre la plus dynamique en matière démographique.
Elle a une Superficie de 22.431.000 km2 avec une population
estimée à 1.022.664 451 habitants (2017)14. Son taux
de croissance annuel est de 2,3 %. Sa situation démographique
conditionne sa situation économique actuelle et à
venir15. Vous verrez bien des illustrations en annexe.
5-2-Cadre théorique :
5-2-1- L'approche institutionnelle :
Ordinairement, on distingue deux types d'institutionnalisme :
l'institutionnalisme sociologique et l'institutionnalisme historique. Mais,
avant d'établir la différence entre les deux types
d'institutionnalisme, il est nécessaire de souligner qu'il n'y pas de
compromis entre les théoriciens de l'institutionnalisme sur le nombre de
ses variations. La théorie institutionnelle n'est pas un courant de
pensée unifié. Mais, en dépit du manque de consensus entre
les théoriciens de l'institutionnalisme, nous optons dans le cadre de ce
mémoire pour une division binaire de la théorie.
Revenons maintenant à la distinction entre les deux
formes de l'institutionnalisme susmentionnées. Les théoriciens de
l'institutionnalisme historique mettent particulièrement l'accent sur
les institutions qu'ils définissent comme les procédures, les
protocoles, les normes et les conventions officielles et officieuses
inhérentes à la structure organisationnelle de l'Etat ou de
l'économie politique. Selon Issiaka dans son essai de sciences-po sur
`'la réinvention de soi dans la violence», cette forme de structure
est celle qui a dominé la politique comparée du dernier tiers du
19esiècle jusqu'à l'entrée des deux guerres.
Pour ses tenants, la comparaison doit se faire entre les institutions
réputées fonctionnelles ou non et les conséquences
politiques de ces institutions ou dispositions institutionnelles, leur impact
sur la consolidation de la démocratie.
De même que les tenants de l'institutionnalisme
historique, les partisans de l'institutionnalisme sociologique accordent la
primauté aux institutions dans l'étude des
phénomènes sociaux comme le processus démocratique. Mais,
à la différence de leurs prédécesseurs, ils optent
pour une définition beaucoup plus large des institutions afin de couvrir
l'étude traditionnelle de l'Etat, des institutions sociales, de la
démocratisation, des
14 Statistique de l'Organisation des Nations Unies,
2017.
15 Donnée de la Banque mondiale dans le
rapport intitulé « La transition démographique africaine :
dividende ou désastre », 2015.
24
luttes pour le contrôle du pouvoir politique, ainsi que
des grandes entreprises et firmes multinationales. Mais, que ça soit
l'institutionnalisme historique ou sociologique, il est évident que
l'approche institutionnelle met l'accent sur les institutions et le rôle
de celle-ci dans l'avènement et la consolidation de la démocratie
dans un pays. On s'intéresse spécifiquement aux aspects
juridiques et formels notamment les garanties constitutionnelles pour les
partis politiques, les règles électorales en vigueur ainsi qu'aux
dynamiques d'institutionnalisation du système (le type de régime
politique dans le pays selon qu'il est présidentiel ou parlementaire).
C'est pourquoi, nous y recourons en plus de l'approche stratégique pour
comprendre le rôle des mécanismes institutionnels dans notre pays
d'étude et leur impact dans le processus démocratique
déclenché véritablement en 1990.
Cependant, il est nécessaire de souligner que
l'approche institutionnelle présente certaine insuffisance. Puisque, en
dépit du fait qu'elle permet d'expliquer la consolidation
démocratique, la stabilité et la continuité des
institutions, ses postulats ontologiques sont moins prégnants pour
rendre compte des changements et des transitions de régimes. Et
même dans le cadre de la consolidation démocratique, il est
nécessaire de tenir compte du rôle principal que jouent les
acteurs politiques.
5-2-2 L'approche stratégique :
Pour les partisans de cette approche, la compréhension
des phénomènes sociaux comme la lutte pour le pouvoir qui est le
principal sujet de cette étude, nécessite de prendre en compte
les acteurs ainsi que leur action comme variables explicatives. Sur ce, on se
rabat sur les motivations individuelles pour aboutir à
l'émergence d'un effet global par association des comportements
individuels. Cet individualisme méthodologique est un point de consensus
pour les perspectives de l'approche stratégique.
Cependant, il faut souligner qu'il n'y a pas de compromis
entre les tenants de cette approche sur tous ses postulats. C'est ce qui fait
dire à Issiaka que la théorie stratégique n'est qu'une
étiquette qui rassemble une communauté de chercheurs peu
liée qui participent ensemble à un programme de recherches
commun.
Par ailleurs, il faut dire que la théorie de l'approche
stratégique est sujette à plusieurs critiques16. L'une
des plus âpres est l'oeuvre de Donald Green et Ian Shapiro, `'pathologies
of national choice theory». Pour ces deux auteurs, l'application empirique
de la théorie de
16 Issikia Souaré, essai de sciences-po
«la réinvention de soi dans la violence», 2010, p.19
25
l'approche stratégique est émaillée de
plusieurs lacunes méthodologiques générées en
grande partie, par les prétentions universalistes de ses tenants. Ces
failles auraient pour causes l'obsession des tenants de l'approche
stratégique avec les démarches et concepts subjectifs au
préjudice de la compréhension et de la recherche de solutions aux
problèmes. Alors, ces critiques sont-elles fondées et est ce
qu'elles sont de nature à invalider le recoure à l'approche
stratégique comme cadre théorique dans la présente
étude ?
Pour répondre à cette question, il est
nécessaire de souligner qu'en dépit de leur critique, les deux
autres (Tshiyembe, 2001 et Diamond, 2007) reconnaissent à l'approche
stratégique un certain mérite et précisent que les failles
qu'elle comporte sont inévitables. Sur ce, ils préconisent
une½ universalité partielle' 'et exigent que la théorie
stratégique soit dirigée vers la résolution des
problèmes, donc les études empiriques au lieu de se limiter aux
simples exercices de théorisation et de modélisation. Cela veut
dire que, si ces failles étaient évitées, il n'y a aucun
problème pour nous de s'en servir comme cadre théorique dans la
présente étude. Dans tous les cas, pour traiter le sujet
d'alternance politique dans ce mémoire, les partisans de l'approche
stratégique mettraient l'accent sur les actions et les stratégies
des leaders des partis politiques. Ainsi, des postulats de cette approche sont
employés pour mieux analyser le rôle que jouent les acteurs
politiques dans notre pays d'étude.
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