Section 2. L'acquisition de la nationalité
La nationalité d'origine étant
conservée par l'intéressé, l'acquisition d'une autre
nationalité permet à ce dernier d'avoir la qualité de
double national. On peut ainsi devenir double national par adoption (§1),
par naturalisation (§2) et par mariage (§3).
§1. L'acquisition de la nationalité par
adoption
La double nationalité étant
consacrée comme principe en droit burundais, il est fort normal et
logique que l'enfant étranger adopté par un Burundais ait la
double nationalité s'il garde sa nationalité
étrangère. En droit burundais, l'acquisition de la
nationalité par adoption est prévue par l'article 5 litera
b.
En vertu de cette disposition « peut
acquérir la nationalité burundaise : en cas d'adoption
plénière, l'enfant adopté par une personne de
nationalité burundaise, à condition que l'intéressé
réside au Burundi au moment de la déclaration d'option
».
La lecture de cette disposition nous amène
à faire l'observation suivante : seule l'adoption plénière
produit des effets en matière de nationalité. Or, la mention
d'une chose implique l'exclusion d'une autre. La conclusion suivante se
dégage : l'adoption simple ne permet pas, du moins en droit burundais,
d'acquérir la nationalité et, par conséquent, ne
confère pas la double nationalité.
Ailleurs, l'adoption simple confère la
nationalité. Mais, à la différence de l'adoption
plénière « l'adoption simple n'exerce de plein droit aucun
effet sur la nationalité ».149 Ainsi, par exemple, en
droit français, l'adoption plénière d'un enfant
étranger par un Français entraîne l'attribution de la
nationalité française d'origine.150
149 M. REVILLARD, Droit international privé et
communautaire : pratique notariale, 6e éd.,
Defrénois, Paris,
2006, p. 234
150 Idem, p. 24
39
En revanche, l'enfant qui a fait l'objet d'une
adoption simple par une personne de nationalité française peut,
jusqu'à sa majorité, déclarer qu'il réclame la
qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa
déclaration il réside en France.151
Cependant, cette condition de résidence ne
s'impose pas dans tous les cas en droit français. L'obligation de
résidence est supprimée lorsque l'enfant a été
adopté par une personne de nationalité française n'ayant
pas sa résidence habituelle en France.152
Nous remarquons donc que le droit burundais exige la
résidence au Burundi en cas d'adoption plénière alors que
cette condition s'impose en cas d'adoption simple en droit
français.
La naturalisation est un autre mode d'acquisition de
la nationalité et peut être à l'origine de la double
nationalité.
§2. L'acquisition de la nationalité par
naturalisation
La double nationalité peut résulter
« de ce qu'une personne acquiert du fait (...) de sa naturalisation une
seconde nationalité sans que la législation de l'Etat d'origine
fasse de cet événement une cause de perte de sa propre
nationalité, ou que celle de l'Etat d'accueil subordonne sa faveur
à une renonciation à la nationalité d'origine
».153
Le droit burundais reconnaît la double
nationalité, comme le précise l'article 21 du code burundais de
la nationalité. En vertu de cet article, en effet, « Tout
burundais, à qui la loi attribue cette qualité à titre
originaire, a le droit d'avoir une double nationalité
».
En outre, le Code prévoit que toute personne
peut acquérir la nationalité burundaise par naturalisation
lorsque certaines conditions de fond et de forme sont
réunies.
151 En ce sens, voy., F. MELIN, op. cit., p.
221
152 M. REVILLARD, op. cit., p. 24
153 J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p.
333
40
A. Conditions de fond de recevabilité de la
requête en naturalisation
Les conditions de fond de la naturalisation sont
limitativement énumérées à l'article 7 du code
burundais de la nationalité et reprises à l'article 2 du
Décret n°100/15 du 14 octobre 2003 portant modalités pratiques
d'acquisition de la nationalité burundaise par naturalisation. La
lecture de ces deux dispositions nous permet de relever cinq conditions, dont
les trois premières peuvent être constatées objectivement,
tandis que les deux dernières supposent une appréciation
subjective de l'administration.
1. Condition d'âge
Au moment de la demande, l'intéressé
doit être âgé de vingt-et-un ans au moins, ou, s'il s'agit
d'un enfant dont la demande est introduite en même temps que celle de son
père ou de sa mère, de vingt ans au
plus.154
Pour cette condition d'âge, le droit burundais
prévoit deux cas possibles : le cas où la demande est
formulée à titre principal et où l'intéressé
doit avoir un âge minimum de vingt-et-un ans et celui où
l'intéressé introduit la demande accessoirement à celle de
son père ou de sa mère. Dans ce dernier cas, un âge maximum
de vingt ans est exigé.
En principe donc, ne peut acquérir la
nationalité burundaise par naturalisation, toute personne qui n'a pas
atteint l'âge de vingt-et-un ans, l'exception ne pouvant être
admise qu'en cas de demande d'un enfant introduite accessoirement à
celle de ses parents. Ici, l'âge se prouve par la production « des
extraits de l'acte de naissance (...) ou, à défaut, tous
documents en tenant lieu».155
154 Art. 7, lit. a, de la loi n°1/013 du 18 juillet 2000
portant réforme du Code de la nationalité, in B.O.B.
n°8bis/2000
155 Art. 4 du D. n°100/156 du 14 octobre 2003 portant
modalités pratiques d'acquisition de la nationalité burundaise
par naturalisation, in B.O.B. n°10/2003
41
2. Absence de condamnation
Le candidat à la naturalisation doit
être exempt de toute condamnation résultant d'un crime ou d'un
délit.156 Ici, la loi précise bien qu'il doit s'agir
d'un crime ou d'un délit qui constitue un obstacle à
l'acquisition de la nationalité par naturalisation.
Par conséquent, parmi les personnes ayant
déjà subi une condamnation, seules celles qui l'ont
été pour contravention peuvent acquérir la
nationalité burundaise par naturalisation.
Selon l'esprit de la loi sous analyse, « une
société a le droit de s'opposer à l'acquisition de la
nationalité par une personne ayant subi des condamnations attestant un
comportement gravement délictuel ».157
3. Condition de résidence permanente
L'intéressé doit avoir
résidé en permanence au Burundi pendant une durée d'au
moins dix ans.158 La résidence permanente au Burundi pendant
ce délai est une garantie sérieuse d'assimilation à la
communauté burundaise. Cette condition prévue par le droit
burundais est analogue à celle que le droit français qualifie de
condition de stage. En droit français, en effet, le code civil
subordonne la naturalisation à l'accomplissement d'un stage
antérieur, consistant en une résidence habituelle en France
pendant les cinq années qui précèdent le
dépôt de la demande.159
Le code civil français distingue ainsi la
condition de stage et la condition de résidence. Cette dernière
condition signifie, en droit français du moins, que le candidat à
la naturalisation doit résider en France au moment de la signature du
décret de naturalisation.160 Le droit burundais est muet
à ce propos ; il ne précise pas si l'intéressé doit
obligatoirement résider au Burundi, au moment de la signature du
décret de naturalisation.
156 Art. 2, lit. b, du D. n°100/156, in B.O.B.
n°10/2003
157 P. COURBE, op. cit., p. 240
158 Art. 2, lit. d, du D. n°100/156, in B.O.B.
n°10/2003
159 P. COURBE, op. cit., p. 240
160 Ibid.
42
Cependant, si, en principe, le délai de
résidence est fixé à un minimum de dix ans par le droit
burundais, ce dernier a prévu une exception en la matière. Le
délai de dix ans est réduit à cinq ans en faveur des
étrangers mariés à des burundaises ainsi qu'à des
étrangers qui ont rendu des services exceptionnels au
Burundi.161
4. Condition de moralité
Le requérant doit être de bonnes
conduite, vie et moeurs.162 Nul ne peut donc être
naturalisé, s'il n'est pas de bonnes conduite, vie et moeurs. Si la loi
exige le respect de cette condition, elle veut signifier que dans l'examen de
la recevabilité des demandes de naturalisation, il est tenu compte du
comportement social du postulant.163
A propos de cette condition de moralité, il se
pose la question de détermination de bonnes conduite, vie et moeurs.
Quel est, en effet, le contenu de ce qu'il convient d'appeler moralité ?
Dans la jurisprudence française, il a été jugé que
le candidat à la naturalisation, divorcé ou père de trois
enfants mineurs qui s'était soustrait à son obligation
alimentaire ne justifie pas de bonnes vie et moeurs.164 Le droit
burundais ne donne pas de précision à ce propos.
5. Condition d'attachement et d'assimilation
En vertu de l'article 7, litera c, « le
requérant doit justifier de son attachement à la nation
burundaise et de son assimilation aux citoyens burundais ». Mais ici se
pose la question de connaître les critères de justification de
cette condition. Le Décret n°100/156 du 14 octobre 2003 portant
modalités pratiques d'acquisition de la nationalité burundaise
par naturalisation, en son article 2, litera d y répond de la
manière suivante : « Peuvent notamment être
considérés comme critères de justification de
l'attachement à la nation burundaise et d'assimilation aux citoyens
burundais : la connaissance de la langue nationale, le Kirundi ; le fait
d'être domicilié au Burundi et d'y posséder des biens ;
l'exercice d'une activité professionnelle ».
161 Art. 2, lit. d, du D. n°100/156, in B.O.B.
n°10/2003
162 Art. 2, lit. b, D. n°100/156, in B.O.B.
n°10/2003
163 P. COURBE, op. cit., p. 240
164 Idem, pp. 240-241
43
Afin de pouvoir prouver que les conditions qui
viennent d'être énumérées sont réunies pour
permettre à l'intéressé de se voir conférer la
nationalité par le procédé de la naturalisation, certaines
pièces doivent être fournies et celles-ci font l'objet du point
concernant les conditions de forme et de procédure.
B. Les conditions de forme et de
procédure.
Après le dépôt de la requête
de l'intéressé (1) et l'enquête de l'administrateur
communal (2), le dossier est transmis au Ministre de la Justice (3) qui propose
à l'autorité compétente de prendre la décision de
naturalisation (4). Cette dernière, une fois prise, doit être
signifiée à l'intéressé (5) avant de faire objet de
l'enregistrement et de la publication (6).
1. Dépôt de la requête.
Toute requête en naturalisation portant la
signature de celui qui la forme165
« doit être adressée au Ministre de
la Justice sous couvert du Procureur de la République compétent.
Celui-ci en informe l'administrateur communal du lieu de résidence du
requérant ».166 En vertu de l'article 6 du Décret
n°100/156,
« Dès la réception de la
requête en naturalisation, le Procureur de la République
procède à son affichage par extrait afin de permettre à
toute personne qui aurait d'éventuelles objections à formuler de
les lui faire connaître. L'affichage dure au moins trois mois
».
Après l'affichage de la requête
effectué par le Procureur de la République, cette dernière
fait l'objet d'un second affichage, celui effectué par l'administrateur
communal.
En effet, en vertu de l'article 7, alinéa
1er du Décret « Dès la réception du
dossier, l'administrateur communal procède à l'affichage par
extrait de la requête en naturalisation. L'affichage dure au moins trois
mois ».
Il importe de préciser que la requête en
naturalisation doit être accompagnée des pièces
établissant que les conditions de sa recevabilité sont
réunies.
165 Art. 3 du D. n°100/156 du 14 octobre 2003
portant modalités pratiques d'acquisition de la nationalité par
naturalisation, in B.O.B. n°10/2003
166 Art.5 du D. n°100/156, in B.O.B.
n°10/2003
44
L'article 4 du Décret énumère les
pièces suivantes :
· un curriculum vitae du requérant :
celui-ci permet à l'autorité compétente d'avoir des
renseignements suffisants sur les services déjà rendus au Burundi
par l'intéressé.
· des extraits d'acte de naissance du
requérant et de ses enfants mineurs ou, à défaut, tous
documents en tenant lieu : ce document servira à la détermination
de l'âge du requérant.
· un certificat de nationalité du
requérant ou tout autre document prouvant sa nationalité
;
· une attestation délivrée par les
services d'immigration établissant la durée de séjour au
Burundi ; le cas échéant, ce document sera accompagné des
pièces établissant que l'intéressé peut
bénéficier de la réduction du délai prévue
par l'article 2, litera d du présent décret ;
· une attestation de bonnes conduite, vie et
maeurs ;
· un extrait du casier judiciaire, pour prouver
l'absence de condamnation pour crime ou délit ;
· tous documents prouvant l'attachement du
requérant au Burundi et son assimilation aux citoyens
burundais.
2. Enquête de l'administrateur communal
L'administrateur communal du lieu de résidence
du requérant, après avoir reçu et affiché la
requête en naturalisation, procède aux investigations. Il «
vérifie notamment si le requérant remplit les conditions
exigées par l'article 2 du présent décret
».167
Aux termes de l'article 7, alinéa 3 du code
burundais de la nationalité, « après clôture de
l'enquête dont la durée ne peut excéder six mois à
dater du jour de la réception du dossier, l'administrateur communal
transmet au Procureur de la République sous pli confidentiel les
résultats de l'enquête ».
167 Art. 7, al. 2 du décret n°100/156 du 14
octobre 2003, in B.O.B. n°10/2003
45
3. Transmission du dossier au Ministre de la
Justice
Le procureur de la République, après
s'être assuré que tous les éléments requis par la
loi et le présent décret ont été réunis,
transmet le dossier complet accompagné de son rapport au Ministre de la
Justice.168
4. Décision de l'autorité
compétente
La naturalisation est octroyée par
décret sur proposition du Ministre de la Justice. Il s'agit donc d'un
acte émanant du Président de la République. C'est par
là que nous admettons que la naturalisation est un mode d'acquisition de
la nationalité par décision de l'autorité
publique.
En droit belge, la naturalisation est accordée
par acte du pouvoir législatif conformément à l'article 9
de la constitution.169
Il importe de rappeler que même si elle est
recevable, la demande n'est pas toujours admise : l'opportunité de la
décision relève du pouvoir d'appréciation de
l'autorité compétente,170 ce qui signifie qu'elle peut
prendre une décision d'octroi ou de refus de la
nationalité.
Il convient, en outre, de préciser qu'une
commission consultative pour la naturalisation, chargée de donner des
avis en la matière, a été créée par
Ordonnance du Ministre de la Justice.171
5. Signification de la décision
La décision d'octroi ou de rejet de la
naturalisation est signifiée au requérant endéans deux ans
à dater de son enregistrement à l'office du Procureur de la
République compétent.172
168 Art. 8 du décret précité, in
B.O.B. n°10/2003
169 R. ERGEC, op. cit., pp. 104-105
170 Voy. Supra, p. 21
171 Art. 1er, O.M. n°550/1158 du 28 novembre
2006 portant nomination des membres de la commission consultative pour la
naturalisation, inédit.
172 Art. 15, al. 1er du D. n°100/156 du 14
octobre 2003, in B.O.B. n°10/2003
46
Lorsque la requête en naturalisation a
été rejetée, aucune autre requête ne peut être
introduite avant l'expiration d'un délai de trois ans à dater de
la signification de la décision de rejet par le Ministre de la Justice.
C'est ce qui ressort de l'article15, alinéa 2 du présent
décret.
6. Enregistrement et publication
En vertu de l'article 16 du Décret n°100/156 du
14 octobre 2003, le décret de la naturalisation est enregistré au
registre-répertoire des actes modificatifs ou déclaratifs de
nationalité et publié par extrait au Bulletin Officiel du Burundi
selon le modèle défini par Ordonnance du Ministre de la
Justice.
Aux termes de l'article 17 du Décret
précité, « Les frais d'enquête et de publication sont
déterminés par Ordonnance conjointe des Ministres des Finances et
de la Justice ». Ils sont fixés à cinquante mille francs
burundais, pour l'enquête et à dix mille francs burundais par
tranche de une à douze lignes, pour la
publication.173
La naturalisation permet à
l'intéressé d'avoir la qualité de double national par
elle-même, mais la double nationalité peut s'acquérir
également par le biais d'un acte juridique, le mariage.
§3. L'acquisition de la nationalité du
conjoint
D'une façon générale, l'un des
époux a la possibilité d'acquérir la nationalité de
son conjoint. Cependant, le droit burundais de la nationalité se
caractérise par sa particularité par rapport à la
règle générale.
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