Section 2. Fondements du droit de la
nationalité
La nationalité est indubitablement d'une
importance capitale et celle-ci se trouve être le fondement de son
acquisition. Elle entraîne, en effet, certains effets de droit
nécessaires à la plénitude de la personnalité
juridique (§1), elle permet de déterminer la loi applicable en cas
de conflit de lois (§2) ainsi que d'éviter l'apatridie
(§3).
§1. La nationalité : un des attributs de la
personnalité juridique
Outre le nom et le domicile, la nationalité est
un troisième attribut de la personnalité juridique. Toute
personne physique possédant la personnalité juridique a vocation
à avoir une nationalité quel que soit son âge ou sa
capacité juridique.115 La nationalité est un facteur
déterminant de la qualité de sujets de
droits.116
Pour L. LEAH, « La nationalité demeure
l'un des attributs nécessaires au bien-être matériel et
spirituel des individus. La nationalité confère une
identité ».117
Cette identité est, selon l'auteur, liée
à une implantation géographique qui implique le droit à la
protection des lois en vigueur sur le territoire relevant de la
compétence de l'Etat.118 L'auteur défend son argument
en plaçant la nationalité sur le plan matériel. Nous avons
déjà signalé que l'Etat a des responsabilités
touchant à la protection de ses ressortissants sur le territoire
d'autres Etats dans le cadre de la protection diplomatique.
Sur le plan de l'identité, la
nationalité donne à l'individu le sentiment d'appartenir à
une communauté et celui de sa propre valeur.119
Enfin, nous l'avons déjà
souligné, le PIDCP prévoit explicitement le droit pour chaque
enfant d'acquérir une nationalité.120
115 D. HOLLEAUX et alii, op. cit., p.
25
116 En ce sens, voy. H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op.
cit., p. 6
117 L. LEAH, Droits de l'homme, Questions et
Réponses, 2e éd., éditions U.N.E.S.C.O., Paris,
1997, p. 118
118 Ibid.
119 Ibid.
120 Voy. Supra, p. 9
27
S'il est donc convenu que la personnalité
juridique est l'aptitude à être titulaire de droits et
d'obligations, la nationalité est un élément important de
la personnalité sans lequel l'individu se voit refuser certains de ses
droits tandis que certaines obligations ne sauraient peser sur lui.
La nationalité est, bien entendu, un attribut
de la personnalité juridique mais elle est, en outre, un critère
de rattachement permettant de résoudre certains conflits de
lois.
§2. La nationalité : critère de
détermination de la loi applicable en cas de conflit de lois
Le conflit de lois est, par définition, le
« concours de deux ou plusieurs ordres juridiques émanant d'Etats
différents et susceptibles d'être appliqués à un
même fait juridique ».121 Le conflit de lois exige le
choix entre les lois de ces Etats celle qui sera appelée à
régir le rapport de droit considéré. Il faut donc trouver
un critère de rattachement permettant de déterminer, entre les
différentes lois susceptibles de s'appliquer, celle qui correspond le
mieux au cas en l'espèce.
La nationalité est ainsi souvent retenue comme
facteur de rattachement selon les cas.
C'est la solution défendue par A. WEISS
lorsqu'il note ce qui suit : « Si la loi est personnelle, sa puissance ne
connaît pas des limites géographiques : elle s'applique non pas
à tel lieu, à telle région déterminée ; elle
s'applique à des personnes, à raison de certaines qualités
qui leur sont propres, de certains traits qui leur sont inhérents et qui
les accompagnent dans leurs déplacements dans tous leurs séjours
à l'étranger ; elle doit donc les accompagner, elle aussi, elle
doit les régir toujours et partout ».122 Or, il faut
entendre par loi personnelle, la loi de la personne en cause,
déterminée à partir, soit de la nationalité (loi
nationale), soit du domicile (loi du domicile).123 Ici, le
critère de rattachement qui nous intéresse, c'est la
nationalité.
121 S. GUINCHARD (dir.), op. cit., p.
157
122 A. WEISS, Traité théorique et
pratique de droit international public, T. III. Les conflits de lois,
2e éd., L.S.R.G.L.A., Paris, 1912, p. 2
123 J. DERRUPPE, op. cit., p. 69
28
Précisons que la prise en considération
de la nationalité comme critère de
rattachement dans la résolution du conflit de
lois est préconisée par la méthode dite «
bilatérale ».124 La méthode est
bilatérale, car une catégorie juridique,
l'état
des personnes, est rattachée à une loi,
la loi du pays dont la personne est ressortissante, par le moyen d'un
critère de rattachement, la nationalité.125 Le
but
de cette méthode est, au fond, d'assurer
l'harmonie internationale des solutions.126
Ainsi, il y a lieu de distinguer les solutions selon
que l'on se place sur le plan soit personnel, soit réel.
A. Le statut personnel
La loi de la nationalité de
l'intéressé s'applique en ce qui concerne aussi bien le statut
individuel (1) que le statut familial (2).
1. Le statut individuel
a) Le nom est soumis à la loi
personnelle.127 Cependant, une précision s'impose pour cette
affirmation : la transmission du nom par filiation ou par mariage
paraît plutôt devoir être soumise
à la loi des effets de la filiation ou du
mariage.128
b) La capacité -donc l'incapacité- est
soumise à la loi nationale.129 En droit
burundais, l'état et la capacité de
l'étranger sont régis par la loi du pays dont il
relève.130
124 En ce sens, voy. F. MELIN, Droit international
privé, Droit des conflits de juridiction, Droit des conflits des
lois, Droit de la nationalité, Condition des étrangers en France,
3e éd., Gualino, Paris, 2008, p. 105
125 P. COURBE, op. cit., p. 33
126 F. MELIN, op. cit., p. 106
127 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p.
382
128 Idem, p. 382-383
129 D. GUTMANN, op. cit., p. 108
130 Art. 2 du CPF, in B.O.B.
n°6/93
29
2. Le statut familial
Les conditions de fond du mariage sont soumises
à la loi nationale de chaque époux.131
Le mariage est régi, quant à ses effets
sur la personne des époux, en l'absence de convention commune, par la
loi de la nationalité du mari au moment de la
célébration.132 Ici, le choix de la nationalité
comme critère de rattachement revêt un caractère
subsidiaire. On applique la loi de la nationalité du mari lorsque les
parties n'ont pas prévu leur propre convention.
Ailleurs, les effets du mariage sont régis par
la loi nationale des époux.133 Mais là encore une
précision s'impose. Si la loi nationale est considérée
comme une solution de principe, il est un cas qui exige une solution
subsidiaire. Ainsi, si les époux sont de nationalités
différentes, les effets du mariage sont régis par la loi de leur
domicile commun, s'ils n'ont ni nationalité, ni domicile commun, par la
loi du for.134
En outre, quant à ses effets sur la personne de
l'enfant, le mariage est régi par la loi de la nationalité du
père au moment de la naissance. C'est ce que prévoit le CPF
burundais, en son article 7 litera d.
Aux termes de l'article 8 du CPF, « Le divorce
d'étrangers ne peut être prononcé au Burundi qu'en vertu
des causes prévues par leur loi nationale, dans la mesure où
elles ne sont pas contraires à l'ordre public burundais ». Il
importe ici de faire remarquer que l'exception d'ordre public peut constituer
un obstacle à l'application de la loi nationale des époux
étrangers en cas de divorce.
B. Le statut réel
Aux termes de l'article 4, alinéa
1er du CPF, « Les actes de dernière volonté sont
(...) régis, quant à leurs substances et effets, par la loi
nationale du défunt ».
Le 2e alinéa de l'article
précité dispose que « (...) l'étranger faisant un
acte de dernière volonté au Burundi a la faculté de suivre
les formes prévues par sa loi nationale ».
131 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p.
117
132 Art. 7, lit. b du CPF, in B.O.B. n°6/93
133P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 117 134
Ibid.
30
Les actes sous seing privé peuvent être
passés dans les formes également admises par les lois nationales
de toutes les parties.135
L'acquisition de la nationalité procure un
avantage certain dans la mesure où elle permet de résoudre
certains conflits de lois, mais encore elle permet d'éviter la situation
d'apatridie.
§3. La nationalité : moyen d'éviter
l'apatridie
L'apatridie, telle qu'elle a été
définie, devrait être évitée, parce qu'elle
entraîne des effets néfastes au préjudice de
l'intéressé. C'est pourquoi certains moyens permettant de
l'éviter ont été prévus. Ainsi, la convention sur
la réduction des cas d'apatridie vise à faire obligation à
tout Etat d'assurer une nationalité à toute personne née
sur son territoire qui, dans le cas contraire, serait apatride, et à
empêcher un Etat de retirer la nationalité d'une personne dans le
cas où ce retrait en ferait un apatride.136
La lecture de la législation burundaise sur la
nationalité nous permet d'affirmer la volonté du
législateur de se conformer à l'exigence de la convention
susvisée. En ce sens, le droit burundais prévoit l'acquisition de
la nationalité par présomption légale. En outre, l'article
30 du code burundais de la nationalité subordonne la renonciation
à la qualité de Burundais à la possession d'une
nationalité étrangère.
Cependant, si la convention sur la réduction
des cas d'apatridie subordonne la perte de la nationalité à la
possession ou l'acquisition d'une autre nationalité, il faut
préciser que cette obligation se justifie uniquement en cas de
renonciation.
En revanche, il n'est guère possible de
soumettre à cette condition la déchéance à titre de
sanction. On ne saurait, en effet, exiger à l'Etat d'accorder une faveur
à celui dont le comportement l'incite à agir. C'est ainsi que,
selon l'article 33 du code burundais de la nationalité, toute personne
devenue Burundaise par déclaration, par option et par naturalisation, si
elle l'a acquise par dol, corruption d'un agent public ou par tout autre
procédé illégal, toute personne qui s'engage dans une
armée étrangère d'un Etat en guerre déclarée
contre le Burundi, peut être déchue de cette
qualité.
135 Art. 5 du CPF, in B.O.B.
n°6/93
136 L. LEAH, op. cit., p. 119
31
On se rend compte que le droit burundais n'exige pas,
avec raison bien sûr, la possession d'une autre nationalité avant
d'infliger la sanction de déchéance à
l'intéressé.
Si tous les Etats comprennent que chaque individu doit
avoir une nationalité, il est une situation, normale bien entendu,
à l'égard de laquelle les réactions des Etats
diffèrent : il s'agit de la double nationalité.
|