CONCLUSION GENERALE
L'on ne comprend la notion de double
nationalité que si l'on essaie de comprendre celle de « simple
» nationalité. Cette dernière se conçoit comme
étant un lien juridico-politique entre l'individu et l'Etat.
La notion de nationalité nous fournit, en
outre, une différence entre la nationalité sociologique et la
nationalité juridique, la coïncidence entre les deux, même si
elle n'est pas toujours possible, est plus que souhaitable.
De surcroît, l'attribution de la
nationalité est dominée par certains principes de droit
international.
Ainsi, la nationalité se veut nécessaire
pour les individus. Elle est attribuée par un Etat souverain qui exerce
son pouvoir discrétionnairement.
De là apparaissent deux éléments
de la nationalité auxquels vient s'adjoindre le troisième, celui
du lien entre l'individu et l'Etat qui évoque les critères dont
s'inspire chaque Etat dans l'attribution de sa nationalité. Ces
critères veulent que, dans son rôle de donneur de
nationalité, l'Etat tienne compte de ses besoins, des aspirations des
individus demandeurs de nationalité, dans la mesure où les
intérêts de ces derniers s'avèrent compatibles avec les
siens, sans oublier bien sûr que les nécessités
internationales doivent également entrer en ligne de compte.
En outre, la triple nature juridique de la
nationalité nous révèle que le lien de nationalité
est un lien légal, en dépit de l'opinion contraire tendant
à lui conférer le caractère contractuel. Il est aussi un
lien de droit public en ce que seul l'Etat peut accorder la nationalité
à l'intéressé, quand bien même une partie de la
doctrine soutient l'idée que la nationalité constitue une
législation autonome produisant des effets de droit privé et des
effets de droit public. De même, la nationalité est un lien de
droit interne entraînant des effets internationaux.
La nationalité peut être, soit d'origine
si elle est attribuée selon les modes prévus, c'est-à-dire
le lien de filiation et le lien avec le territoire, soit acquise si elle est
conférée par naturalisation, par déclaration, par option
et par recouvrement.
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deviendrait apatride. Il s'agit d'une
présomption qui a été prévue par la loi dans le but
de réduire autant que possible les situations d'absence de
nationalité.
La nationalité est un critère de
rattachement dans tous les cas où l'on a besoin de déterminer la
loi applicable dans l'hypothèse de conflit de lois, elle assure la
plénitude de la personnalité juridique tandis que son acquisition
permet d'éviter l'apatridie.
La plupart des modes d'attribution ou d'acquisition de
la nationalité sont celles-là même qui se trouvent
être les facteurs juridiques de la double nationalité. A
l'égard de cette dernière, les Etats adoptent des attitudes
différentes, mais il faut mentionner que le Burundi adopte une attitude
de reconnaissance pure et simple de la binationalité.
Ainsi donc, comme facteurs juridiques de la double
nationalité, outre l'application simultanée du jus soli et du jus
sanguinis, cette situation peut résulter du recouvrement de la
nationalité, de la naturalisation, de la transmission de la
nationalité aussi bien par le père que par la mère, de la
transmission de la double nationalité par le père ou par la
mère, etc.
A ce niveau, il convient de souligner que le droit
burundais consacre une inégalité entre l'homme et la femme car,
d'un côté, la loi prévoit la possibilité pour une
femme étrangère d'acquérir la nationalité de son
mari burundais alors que le contraire n'est pas possible, d'un autre
côté, seul l'homme confère, en principe, sa
nationalité aux enfants, la femme ne pouvant la leur conférer
qu'à titre subsidiaire, lorsque la filiation paternelle n'est pas
établie.
En plus, en droit burundais, au contraire de
l'adoption simple, seule l'adoption plénière confère la
nationalité et, partant, la double nationalité à
l'adopté.
La double nationalité crée des conflits,
soit positifs, soit négatifs.
Ainsi, sans ignorer qu'elle procure des avantages
à l'intéressé notamment en augmentant les chances de la
protection diplomatique, en accroissant la liberté d'aller et de venir
et les droits du double national, la double nationalité plonge
l'intéressé dans une situation embarrassante, en matière
d'obligations militaires, elle crée le problème d'exercice de la
protection diplomatique et ce problème s'accentue lorsque la
prétendue victime a également la nationalité de l'Etat
défendeur.
Des problèmes naissent aussi en matière
d'état et de capacité des personnes.
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La doctrine propose des solutions dont la plupart
résultent des conventions internationales, notamment la prise en
considération de la nationalité unique de
l'intéressé, de la solution qui tient compte du but à
atteindre, la prise en compte de la nationalité la plus effective et
celle de la nationalité du for. C'est cette dernière qui est
préconisée par le droit burundais même si elle n'est pas
satisfaisante. Ce dernier prévoit également une solution en
matière d'obligations militaires qui n'est qu'un expédient car
elle laisse subsister les obligations civiques à charge d'un double
national sans prévoir une solution au cas où ce dernier se
verrait appelé sous les drapeaux par un autre Etat dont il a aussi la
nationalité et cela, au même moment.
En cas de conflit de deux nationalités
étrangères, le droit burundais ne prévoit aucune
solution.
Les conflits négatifs, quant à eux, sont
le résultat de l'apatridie. L'apatride connaît ainsi des
problèmes de rattachement, en matière de statut personnel, des
problèmes de protection diplomatique tandis qu'il a toujours la crainte
de se voir expulsé, etc.
Des conventions internationales ont été
conclues en vue d'assurer la protection de l'apatride et de déterminer
le critère de son rattachement en matière de statut personnel.
Là aussi, les solutions ne sont pas satisfaisantes car les exigences
nationales en matière démographique passent avant les
intérêts des apatrides.
Sur le terrain de la pratique, notre constat est que
les cas de jurisprudence sont limités. Nous ne prétendons pas
avoir épuisé l'étude de tous les contours de la question.
Le sujet mérite d'être approfondi et nous espérons que
d'autres chercheurs voudront bien nous compléter.
Nous déplorons en outre que certaines des voies
que nous avions voulues emprunter dans le but d'améliorer notre travail
ne nous aient pas été accessibles.
Cependant, par de-là toutes les
difficultés rencontrées, les efforts fournis nous ont permis de
détecter quelques lacunes dans l'arsenal juridique burundais, ce qui
nous amène à émettre les recommandations suivantes
:
Le législateur burundais devrait permettre
à la femme de conférer sa nationalité à ses enfants
sans aucune autre considération ; permettre à un mari
étranger d'acquérir la nationalité burundaise de son
épouse ; compléter l'article 28 du code burundais de la
nationalité, en indiquant au juge la solution à adopter en cas de
conflit de deux nationalités étrangères ; en
matière de protection
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diplomatique, clarifier la situation de la victime,
lorsque celle-ci a également la nationalité de l'Etat
défendeur ;
L'Etat du Burundi devrait inventorier les Etats dont
les nationaux ont également la nationalité et conclure avec eux
des conventions tendant à résoudre tous les conflits positifs de
nationalité, plus particulièrement en matière
d'obligations militaires.
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