La CEEAC et la problématique des élections présidentielles au Tchad: implication et impact sur le processus d'intégration régionale en Afrique Centralepar Kissalaye LOPSOU Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC)/Université de Yaoundé 2 - Master en Relations Internationales, Option : Intégration Régionale et Management des Institutions Communautaires 2023 |
Première partie : CADRE GENERAL DE L'IMPLICATION DE LA CEEAC DANS L'OBSERVATION DES ELECTIONS PRESIDENTIELLES AU TCHAD« Le souhait de la grande majorité des êtres humains est de vivre en paix et en sécurité, d'avoir un toit sur la tête, de nourrir leurs enfants, de les envoyer à l'école et d'avoir accès aux soins médicaux quand la maladie ou l'âge l'exigent. Mais cette vision du monde, logique, raisonnable, dépassionnée, n'est pas partagée par les gouvernements autoritaires et les groupes radicaux en lutte pour le pouvoir ».267(*) En Afrique, la démocratie apparait comme un système politique importé,268(*) et c'est bien le point de vue de Catherine COQUERY-VIDROVITCH,269(*) malgré le fait que d'autres auteurs croient en une omission et qu'elle existerait en Afrique subsaharienne270(*) depuis la période précoloniale et coloniale,271(*) mais qu'elle était communautaire.272(*)Cette démocratie à l'africaine valorisait déjà le consensus au bout de longues réflexions et discussions palabriques,273(*)c'était une démocratie naturelle274(*) que les peuples africains n'ont pas su développer et édifier.275(*) Unique, elle n'a pas été évaluée par rapport à un modèle universaliste.276(*)Nelson MANDELA va plus loin en parlant de la tradition précoloniale de la démocratie et de la gouvernance en épiloguant : « Alors notre peuple vivait en paix, sous le gouvernement démocratique de ses rois, [...]. Alors le pays était à nous, en notre nom, et notre droit [...]. Tous les hommes étaient libres et égaux, et c'était là le fondement du gouvernement. Le conseil [des anciens] était si totalement démocratique que tous les membres de la tribu pouvaient participer à ses délibérations. Chef et sujet, guerrier et guérisseur, tous prenaient part et s'efforçaient d'influencer les décisions ».277(*) Le pluralisme du lendemain des indépendances valaisser place au régime à parti unique,278(*)qui apparait lorsque des dirigeants africains ont commencé à évoquer le développement et l'unité nationale.279(*)Le retour au parti unique permettait, selon certains auteurs, de renouer avec les formes africaines précoloniales de gouvernement fondées sur le consensus280(*)et pourrait favoriser la cohésion sociale dans les sociétés multiethniques africaines là où le multipartisme a été présenté comme une source de division.281(*)Entre 1960 et 1999, la situation de la démocratie occidentale impulsée en Afrique dès les indépendances est alarmante282(*).L'Afrique apparaît effectivement comme la « région du monde la plus affectée par les luttes armées ou les crises politiques porteuses de germes de guerre283(*) ». A partir de ce moment, apparait la nécessité de repenser la politique africaine, afin de trouver des solutions qui puissent permettre une pacification des Etats. Et la démocratie occidentale est réapparue à cet effet, avec son corollaire, les élections, comme un facteur clé dans la pacification de ces Etats.Cette démocratie semble s'exprimer nécessairement par les élections. D'ailleurs, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme consacre, dans son article 21, paragraphe 3, le lien étroit entre les deux notions : « la volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes, qui doivent avoir lieu périodiquement...284(*) ». Pour l'OIF, c'est « un élément essentiel de la consolidation de la démocratie...285(*) ». Dans cette partie où il sera question de présenter le cadre général et les modalités d'implication de la CEEAC dans l'observation des élections présidentielles au Tchad, il s'agira d'aborder le contexte général de l'implication de la CEEAC dans l'observation des élections présidentielles au Tchad (Chapitre 1er) et les modalités d'implication (Chapitre 2ème). * 267 Nicole BACHARAN, Historienne et politologue a publié en collaboration avec Dominique SIMONNET : Les Secrets de la Maison Blanche, Perrin, 2014. * 268 FWELEY DIANGITUKWA, « La lointaine origine de la gouvernance en Afrique : l'arbre à palabres », volume 11, 2014, https://id.erudit.org/iderudit/1038881ar, consulté le 30 mars 2022 à 12h42minutes. * 269 Catherine COQUERY-VIDROVITCH, « La politique en Afrique noire. Héritage et avenir », Le genre Humain, n°26, novembre 1992, Pp. 130. * 270 Julius NYERERE, Socialisme, démocratie et unité de l'Afrique, Paris, Présence africaine, 1960, p.29. * 271 Achille MBEMBE, Afriques indociles : christianisme, pouvoir et Etat en société précoloniale, Paris, Karthala, 1988. * 272 David NZENZE, « Construire une démocratie consociative en Afrique subsaharienne. Cas de la république Démocratique du Congo », Licence en Science Politique et Administrative, Université de Kinshasa, 2015, p. 28 * 273Phambu NGOMA-BINDA, Une démocratie libérale communautaire pour la RDC et l'Afrique, Paris, l'Harmattan, 2001, p. 110. * 274 Ibid., p. 20 * 275 MAYOYO BITUMBA TIPO-TIPO, L'ajustement politique africain : pour une démocratie endogène au Congo Kinshasa, Paris, l'Harmattan, 1999, p. 25. * 276 Claude AKE, « The Unique case of AfricanDemocracy », International Affairs, volume 69, n°2, 1993, cité par Patrick QUANTIN, « La démocratie en Afrique à la recherche d'un modèle », Pouvoirs, n°129, 2009. * 277 Nelson MANDELA cité par George AYITTEY, « La démocratie en Afrique précoloniale », Afrique 2000, n° 2, Juillet 1990, p. 39. * 278 Martin KUENGIENDA, L'Afrique est-elle démocratisable ? Constitution, sécurité et bonne gouvernance, op.cit, p. 9. * 279 Jean François MEDARD, « Autoritarismes et démocratie en Afrique noire », Politique africaine, n°43, Octobre 1991, p. 94 * 280 Mamoudou GAZIBO, « Introduction à la politique africaine », Montréal, Presses de l'Université de Montréal, 2010. * 281 Peter SCHRAEDER, African politics and society: A mosaic in transformation, Boston/New York, Bedford/St Marin, 2000, p. 269. * 282Au sortir du système colonial, la paix et la stabilité constituaient deux des principaux enjeux auxquels les pays africains devaient faire face en raison de leur histoire politique et institutionnelle. Comme le montre C. Young, bien qu'elle n'ait duré qu'une période relativement courte de moins d'un siècle dans l'histoire africaine, la colonisation a complètement remodelé ce continent. Elle a créé de nouveaux États, redéfini les enjeux de pouvoir, réorienté les formes économiques, cristallisé de nouveaux intérêts... Le risque, dans ces conditions, était de voir le continent sombrer dans d'interminables guerres de frontière après la fin de la régulation coloniale. * 283Anatole AYISSI, « Le défi de la sécurité régionale en Afrique après la guerre froide, vers la diplomatie préventive et la sécurité collective », Travaux de recherche de l'UNIDIR, New York et Genève, no 27, 1994, cité dans Daniel BACH et Luc SINDJOUN, « Ordre et désordre en Afrique », Polis, Revue camerounaise de science politique, vol. 4, no 2, 1997, p. 3-18, www.polis.sciencespobordeaux.fr/vol4n2/intro.html. * 284 Article 21, Paragraphe 3 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, adopté le 10 Décembre 1948. * 285 OIF, Rapport de 2008 sur l'état des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone, p.49. |
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