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La CEEAC et la problématique des élections présidentielles au Tchad: implication et impact sur le processus d'intégration régionale en Afrique Centrale


par Kissalaye LOPSOU
Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC)/Université de Yaoundé 2 - Master en Relations Internationales, Option : Intégration Régionale et Management des Institutions Communautaires  2023
  

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Paragraphe 1er : Les conjonctures d'ordre normatif et les difficultés d'ordre opératoire, inhérentes aux missions internationales d'observation électorale de la CEEAC

Les missions internationales d'observation électorale de la CEEAC sont confrontées à des défis normatifs (A) et opérationnels (B) qui entravent leur efficacité.

A. Les limites d'ordre normatif

Les conjonctures d'ordre normatif font référence aux conditions politiques, légales et réglementaires qui influencent les missions internationales d'observation électorale de la CEEAC. Cela peut inclure des lois électorales, des règles de transparence et de responsabilité, des normes internationales en matière d'élections libres et équitables, etc.

Nous monterons ici la décrépitude des textes normatifs conduisant à une certaine inadaptabilité de ces textes (1) et le fait que les documents de procédure ne soient plus adéquats dans l'atteinte des objectifs (2).

1. La décrépitude et l'inadaptabilité des textes normatifs

Lorsqu'un texte juridique est entré en décrépitude, c'est-à-dire qu'il est devenu obsolète ou inadapté aux réalités actuelles, cela peut avoir des conséquences importantes sur son application et sur le fonctionnement du système juridique dans son ensemble695(*). Tout d'abord, il est important de souligner que les textes juridiques sont souvent conçus pour répondre à des besoins spécifiques à une époque donnée696(*). Cependant, avec le temps, les circonstances peuvent changer et rendre ces textes obsolètes ou inadaptés697(*). Dans ce cas, les conséquences peuvent être multiples. L'application du texte peut devenir difficile ou impossible698(*). De plus, les autorités chargées de faire respecter le texte peuvent avoir du mal à le faire appliquer de manière efficace, ce qui peut entraîner une perte de confiance dans le système juridique699(*). En outre, un texte juridique obsolète peut également entraver l'évolution du droit et la mise en place de nouvelles réglementations700(*). Pour éviter ces conséquences, il est essentiel de surveiller régulièrement l'application des textes juridiques afin de les adapter en fonction des réalités actuelles701(*).

Au sein de la CEEAC, les textes qui encadrent la promotion de la démocratie et l'observation électorale ne répondent aux réalités de la communauté et nécessitent une révision. Pour cause, les réformes de la CEEAC de 2019, ayant conduit à la révision du traité de la CEEAC et du protocole du COPAX entrainent forcément une application inadéquate de ces textes. Il faut alors tenir compte de cette décrépitude pour impulser un changement au sein de la Commission en charge des affaires politiques et du maintien de la paix. La déclaration de BATA de 1998702(*) a conduit à l'adoption, le 05 juin 2005 à BRAZZAVILLE de la déclaration qui étendait le mandat de la CEEAC en matière électoral en lui confiant la mission d'appuyer les Etats membres de manière multiforme dans les processus électoraux. Cette mission est basée sur le postulat selon lequel, une bonne préparation et une bonne organisation des élections sont des facteurs déterminants de stabilité dans l'espace communautaire703(*). Depuis ce moment la CEEAC déploie des missions internationalesd'observation électorale et apporte un appui technique et financier aux Etats membre qui en ont besoin. La CEEAC a prévu à cet effet :

- Rendre pleinement opérationnel la direction des affaires politiques ;

- Réviser le Guide de l'observation électorale en accordant plus de pouvoirs aux Missions d'observation électorale ;

- Elaborer et adopter un Protocole sur la démocratie, les élections et la gouvernance en Afrique centrale en s'appuyant sur l'expérience de l'UA ;

- Opérationnaliser l'architecture de médiation de la CEEAC notamment en créant un groupe de sage en Afrique centrale ;

- Créer un cadre régional de concertation entre les autorités en charge des élections en Afrique centrale ;

- Appuyer l'organisation des dialogues politiques inclusifs dans certains Etats membre notamment la République du Tchad et la RCA704(*).

Il est bien vrai que ces perspectives sont louables mais le retard dans leur mise en oeuvre rend encore plus difficile, le travail des Missions d'observation électorale et ne rend pas compte forcément de tous les problèmes liés à cette question qui, somme toute, demeure une problématique à haut risque.

2. Une inadéquation des documents de procédure

L'inadéquation des documents de procédures fait référence à une situation où les documents nécessaires pour mener à bien une procédure ou un processus ne sont pas complets, précis ou pertinents. Cela peut entraîner des retards, des erreurs ou des résultats insatisfaisants. Par exemple, dans le contexte des élections, l'inadéquation des documents de procédures peut se manifester par des listes électorales incomplètes ou incorrectes, des bulletins de vote mal conçus ou des procédures de dépouillement non claires. Les documents de procédure de la CEEAC dont il est question peuvent inclure des directives, des règles et des normes pour l'organisation et la conduite d'élections, ainsi que des formulaires et des modèles pour les listes électorales, les bulletins de vote et les procédures de dépouillement.

Tout d'abord, il convient de noter que la situation politique dans chaque Etat membre de la CEEAC peut varier considérablement. Les différences culturelles, sociales, économiques et politiques peuvent influencer les pratiques électorales et les attentes des électeurs. Par conséquent, il peut être difficile de créer des documents de procédure qui conviennent à tous les pays membres. De plus, les documents de procédure en matière électorale sont souvent élaborés par des experts internationaux qui n'ont pas une connaissance approfondie des contextes politiques locaux. Ces experts peuvent avoir des idées préconçues sur ce qui est considéré comme une pratique électorale acceptable ou non. Ils peuvent également ne pas comprendre les dynamiques politiques locales et les enjeux sous-jacents qui influencent les élections. La mise en oeuvre des documents de procédure peut être difficile en raison de problèmes logistiques et opérationnels. Les autorités électorales locales peuvent ne pas avoir les ressources nécessaires pour mettre en oeuvre les directives et règles énoncées dans les documents de procédure. De même, les observateurs électoraux peuvent avoir du mal à surveiller efficacement le processus électoral en raison des contraintes de temps et de ressources.

Bref, l'inadéquation des documents de procédure en matière électorale de la CEEAC peut être due à plusieurs facteurs, notamment les différences culturelles et politiques entre les pays membres, les préjugés des experts internationaux et les problèmes logistiques et opérationnels. Il est important que les documents de procédure soient adaptés aux contextes politiques locaux et que les autorités électorales aient les ressources nécessaires pour les mettre en oeuvre efficacement.

B. Les difficultés d'ordre opératoire

Les difficultés d'ordre opératoire font référence aux défis pratiques rencontrés lors dans la mise en oeuvre de ces missions d'observation électorale. Cela peut inclure des problèmes logistiques tels que la sécurité des observateurs, la communication dans des zones reculées, l'accès aux bureaux de vote, etc. Cela peut également inclure des défis liés aux relations avec les acteurs locaux, tels que les partis politiques, les autorités électorales et les groupes de la société civile.Ici, nous présenterons les problèmes d'ordre logistique (1) et la question des compétences (2).

1. Les problèmes d'ordre logistique

Un problème d'ordre logistique est un problème lié à la gestion des opérations matérielles et organisationnelles nécessaires pour mettre en oeuvre une activité. En matière électorale, cela peut inclure des difficultés à fournir suffisamment de matériel de vote, à organiser la formation des agents électoraux, à assurer la sécurité des bureaux de vote et des électeurs, à distribuer les bulletins de vote, etc. Les problèmes logistiques peuvent avoir un impact significatif sur la qualité et la transparence du processus électoral.

Les missions internationales d'observation électorale de la CEEAC au Tchad sont confrontées à plusieurs problèmes logistiques qui peuvent entraver l'atteinte de leurs objectifs705(*). Ces problèmes incluent :

- Les défis liés aux infrastructures : Les mauvaises routes, l'absence d'électricité et de télécommunications dans certaines régions peuvent entraver le transport des observateurs et la communication entre eux706(*).

- La sécurité : Le Tchad est confronté à des défis de sécurité importants, notamment dans les zones frontalières. Les observateurs peuvent être confrontés à des menaces de sécurité, ce qui peut compliquer la logistique électorale707(*).

- Les défis liés au personnel : Le recrutement et la formation des observateurs peuvent être difficiles, en particulier dans les zones reculées. De plus, les observateurs doivent être hébergés et nourris, ce qui peut être difficile dans les zones où les infrastructures sont limitées708(*).

- La coordination : Les missions d'observation électorale impliquent souvent plusieurs organisations et partenaires, ce qui peut compliquer la coordination des activités logistiques709(*).

- Le temps : Les missions d'observation électorale ont souvent des délais stricts pour la mise en place de la logistique électorale. Les délais peuvent être difficiles à respecter, surtout si les infrastructures sont limitées ou si la sécurité est un problème710(*).

Ces problèmes logistiques peuvent être un frein pour les missions internationales d'observation électorale de la CEEAC car elles peuvent avoir des difficultés à se déplacer dans les zones éloignées et à accéder aux bureaux de vote. Cela peut limiter leur capacité à observer le processus électoral dans son intégralité et à recueillir des informations précises sur le déroulement du scrutin. De plus, les problèmes logistiques tels que les retards dans la livraison de l'équipement nécessaire, les pannes de communication et les problèmes de transport peuvent entraver la capacité des observateurs à communiquer efficacement entre eux et avec les parties prenantes locales. Cela peut également affecter la qualité des rapports d'observation et la capacité de la mission à fournir des recommandations utiles pour améliorer le processus électoral.

2. La question des compétences

La question des compétences opérationnelles peut également être un défi pour les missions internationales d'observation électorale de la CEEAC au Tchad. Ilest important de souligner que la compétence des observateurs internationaux peut être limitée par plusieurs facteurs.

Tout d'abord, certains observateurs peuvent manquer d'expérience et de connaissances approfondies sur les contextes politiques, sociaux et économiques du pays hôte, ce qui peut affecter leur capacité à analyser les résultats électoraux de manière précise et complète. Des observateurs envoyés par des pays membres de la CEEAC qui n'ont pas de liens étroits avec le Tchad et qui n'ont pas une expertise spécifique dans les affaires tchadiennes peuvent manquer d'expériences et de connaissances approfondies du contexte politique, économique du Tchad. Il s'agit surtout de la compréhension des dynamiques politiques, économiques et sociales en jeu dans le pays, ce qui affecte leur capacité à évaluer objectivement la situation et à fournir des recommandations pertinentes. De plus, ces observateurs pourraient être influencés par leurs propres perspectives et intérêts nationaux, plutôt que par une compréhension approfondie des besoins et des défis du Tchad.

En outre, les observateurs internationaux peuvent être confrontés à des défis liés à la langue et à la culture, ce qui peut rendre difficile la compréhension des nuances des interactions entre les différents acteurs politiques et les électeurs. Les observateurs de la CEEAC sont confrontés à des défis linguistiques au Tchad car le pays compte plus de 100 langues différentes, dont la plupart ne sont pas parlées en dehors du Tchad. Le français est la langue officielle, mais il n'est pas largement utilisé dans les zones rurales. De plus, certains groupes ethniques ont leur propre langue et peuvent ne pas parler français. Cela peut rendre la communication difficile pour les observateurs de la CEEAC qui ne parlent pas couramment le français ou ne sont pas familiarisés avec les langues locales. Cela peut également rendre difficile la collecte d'informations précises et la compréhension des perspectives locales. Une source qui soutient cela est un rapport de l'ONG International Crisis Group sur les défis de la gouvernance au Tchad, qui souligne les difficultés liées aux différences linguistiques dans le pays et leur impact sur la gouvernance et la participation politique711(*).

Enfin, les observateurs peuvent être confrontés à des défis logistiques tels que des difficultés de déplacement, des retards dans l'obtention des visas ou des problèmes de sécurité, qui peuvent affecter leur capacité à observer les élections dans toutes les parties du pays. Malgré ces défis, il est important que les observateurs internationaux soient bien préparés et formés pour remplir leur mission de manière efficace et impartiale. Cela peut inclure une formation approfondie sur les procédures d'observation électorale, la familiarisation avec le contexte politique et social du pays hôte, ainsi qu'une coordination étroite avec les autorités électorales locales et les autres observateurs internationaux pour garantir une couverture complète et impartiale des élections.

Les problèmes de compétences peuvent être un défi pour l'atteinte des objectifs des missions internationales d'observation électorale au Tchad car les observateurs doivent être en mesure de communiquer efficacement avec les électeurs, les responsables électoraux et les autres parties prenantes. Si les observateurs ne parlent pas couramment le français ou ne sont pas familiers avec les langues locales, cela peut rendre la collecte d'informations précises difficile et limiter leur capacité à comprendre les perspectives locales. De plus, si les observateurs ne sont pas bien formés sur les procédures électorales locales et les lois électorales, cela peut également affecter leur capacité à observer le processus électoral de manière efficace et à fournir des recommandations utiles pour améliorer le processus électoral712(*).

* 695Centre de Recherche sur les Droits de l'Homme et le Droit Humanitaire. "La décrépitude des lois." Consulté le 03 avril 2023, https://www.crdh.fr/la-decrepitude-des-lois/.

* 696Richard A. POSNER, The Decay of American Law. Harvard University Press, 2017.

* 697Richard SUSSKIND, The End of Lawyers? Rethinking the Nature of Legal Services. Oxford University Press, 2008.

* 698Tom BINGHAM, The Rule of Law. Penguin Books, 2011.

* 699David GARLAND, The Limits of the Law. University of Chicago Press, 1985.

* 700Parisi, Francesco. The Future of Law and Economics: Essays in Reform and Recollection. Yale University Press, 2011

* 701Richard ABEL et Philip LEWIS, (dir.), Law and Society in Transition: Toward Responsive Law, Transaction Publishers, 2013.

* 702CEEAC. (1998). Déclaration de Bata. Bata, Guinée équatoriale : Sommet de la Communauté économique des États de l'Afrique centrale.

* 703CEEAC. (2011). Mission d'observation électorale de la CEEAC : rapport final des élections présidentielles et législatives en République du Congo. Brazzaville, Congo : Communauté économique des États de l'Afrique centrale. - CEEAC. (2014). Mission d'observation électorale de la CEEAC : rapport final des élections présidentielles et législatives au Gabon. Libreville, Gabon : Communauté économique des États de l'Afrique centrale. - CEEAC. (2016). Mission d'observation électorale de la CEEAC : rapport final des élections présidentielles et législatives en République du Congo. Brazzaville, Congo : Communauté économique des États de l'Afrique centrale.

* 704 Entretien avec SEM. Daniel Pascal ELONO...

* 705 CEEAC (2019). Rapport de mission d'observation électorale au Tchad. Disponible sur : https://www.ceeac-eccas.org/images/2019/Tchad/rapport_de_mission_tchad_2019.pdf

* 706 Entretien avec Hélène LAMBATIM

* 707 Entretien avec BAIDESSOU SOUKOLGUE

* 708 Entretien avec Yves Paul MANDJEM

* 709 Entretien avec Inna Kourra OWONA MFEGUE

* 710 IFES. (2014). Logistique et élections : Guide de planification et de mise en oeuvre. ; UNDP. (2015). Logistique électorale : Manuel à l'intention des organismes de gestion électorale. ; IDEA. (2012). Gestion de la logistique électorale : Manuel à l'intention des organismes de gestion électorale. Journal of Business. ; Logistics. (2015). Logistique et gestion de la chaîne d'approvisionnement dans le processus électoral, 36(2). ; EU EOM. (2019). Logistique électorale : Défis et meilleures pratiques.

* 711 International Crisis Group. (2019). Chad: GovernanceunderStrain. Consulté le 20 octobre 2021, à partir de https://www.crisisgroup.org/africa/central-africa/chad/301-chad-governance-under-strain

* 712 Entretien avec DJIMET Clément BAGAOU, Conseiller National de Transition, Opposant politique, Président de Parti Démocratique du Peuple Tchadien (PDPT), Candidat aux élections présidentielles de 2016.

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