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La CEEAC et la problématique des élections présidentielles au Tchad: implication et impact sur le processus d'intégration régionale en Afrique Centrale


par Kissalaye LOPSOU
Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC)/Université de Yaoundé 2 - Master en Relations Internationales, Option : Intégration Régionale et Management des Institutions Communautaires  2023
  

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Paragraphe 2ème : Les impacts économiques négatifs des actions de la CEEAC dans l'observation électorale sur le processus d'intégration régionale en Afrique centrale

Dans le cas de l'observation électorale internationale de la CEEAC au Tchad, il subsiste des versants économiques négatifs des impacts de ses actions sur les élections présidentielles au Tchad. Il s'agit donc, dans ce paragraphe, de présenter la méfiance des investisseurs étrangers par rapport aux « violations » des impératifs démocratiques (A) et le recours à la conditionnalité politique dans la coopération et l'octroi de l'aide publique au développement (B).

A. La méfiance des investisseurs étrangers par rapport aux « violations » des impératifs démocratiques

« S'il existe des économies pour lesquelles on se doute que les projets économiques ne sont pas toujours adaptés, c'est indubitablement celles en développement. Des économies qui représentent une part marginale dans les échanges commerciaux et financiers, qui sont à l'écart du redéploiement industriel et manufacturier, de l'investissement dans la recherche et l'innovation technique, des économies engluées dans l'endettement et qui enregistrent les plus forts taux de mortalité à en croire les statistiques »659(*). Mais au-delà de tous ces obstacles, l'aspect de la méfiance des investisseurs étrangers par rapport aux violations des impératifs démocratiques posent un problème et c'est le cas du Tchad qui est visible par le biais de l' « échec relatif » du financement et de la mise en oeuvre du Plan National du Développement 2017-2021 (1) et le retard causé par la méfiance et la peur des partenaires étrangers dues aux incertitudes de la vie politique (2).

1. L' « échec relatif » du financement et de la mise en oeuvre du Plan National du Développement 2017-2021

Selon le rapport d'évaluation finale du Plan National de Développement (PND) 2017-2021660(*), il présente quelques insuffisances dans la chaîne des résultats. Il s'agit : de la faible application de l'approche de gestion axée sur les résultats (GAR) et de l'approche programmes et projets, (ii) du faible lien entre les actions, les produits et les effets attendus, (iii) de la faible articulation entre le PND et le cadre de gestion du budget de l'Etat, (iv) de la faible appropriation par les responsables sectoriels et les autres acteurs de la vie économique et sociale, (v) des indicateurs qui présentent beaucoup d'insuffisances, etc661(*). Pour mener une analyse approfondie, il sied d'ajouter à ces insuffisances, certaines difficultés particulières, notamment politiques.

La mise en oeuvre du PND 2017-2021 connaît une forte implication financière de la République du Tchad, ce qui n'exclut cependant pas des difficultés d'implémentation budgétaires et économiques.662(*) Les territoires de projet résultent de la conjonction d'une intervention publique et d'une relative homogénéité économique voire socio-culturelle d'un espace infra-régional. Cette superposition est censée conférer à l'intervention publique une meilleure efficacité, reposant sur une meilleure utilisation de ressources spécifiques et une prise en compte des demandes des acteurs locaux663(*). Seulement, cette mise en oeuvre est confrontée à plusieurs défis d'ordre politique. Les principaux défis sont l'instabilité politique, le manque de participation citoyenne dans le sillage de l'Etat de droit. Concernant tout d'abord l'instabilité politique, le Tchad est confronté à une instabilité politique chronique qui entrave la mise en oeuvre des programmes de développement. Les changements fréquents de gouvernement, les conflits armés et les rébellions ont un impact négatif sur la stabilité politique et la sécurité du pays. Par ces faits, la mise en oeuvre des projets de développement et en particulier du PND se voit chamboulée en termes de durée et d'efficacité.

Le manque de participation citoyenne est un autre défi important dans la mise en oeuvre du programme de développement. Les citoyens ne sont souvent pas impliqués dans la planification et la mise en oeuvre des projets, ce qui peut réduire l'efficacité des interventions. Non seulement cette implication mais également le respect de leurs droits qui s'avèrent restreints, toute chose qui amène les populations soit à rejeter les projets de développement soit à ne pas s'y intéresser. Surtout dans un contexte de fragilité de l'Etat de droit où les citoyens se voient dépourvu de leur liberté d'expression. A titre d'illustration, l'on peut citer la répression des manifestations et plus particulièrement celle d'octobre 2022 contre la prolongation de deux ans de la transition par le pouvoir du président Mahamat Idriss Déby, qui a causé une cinquantaine de morts et des centaines de blessés664(*).

Le rapport d'évaluation final précise qu'en termes d'efficacité, la gouvernance et l'Etat de droit sont à améliorer au regard des faibles résultats665(*). Les indicateurs relatifs au 2ème effet (Gouvernance démocratique et l'auto Administration locale sont renforcées et les Entités autonomes sont opérationnalisées) ont connu de légères améliorations mais très peu significatifs666(*).

Pour surmonter ces défis, il est essentiel de renforcer la stabilité politique, de renforcer la capacité institutionnelle, de promouvoir la paix et la réconciliation, d'encourager la participation citoyenne et l'élaboration des politiques publiques efficaces qui répondent aux besoins réels. Ces mesures permettront de créer un environnement propice à la mise en oeuvre efficace du programme de développement Tchad et PNUD.

2. Le retard économique causé par la méfiance et la peur des partenaires étrangers dues aux incertitudes de la vie politique

Le respect de la démocratie est souvent considéré comme une condition préalable à l'octroi de l'aide publique au développement. Le Tchad, un pays d'Afrique centrale, a été confronté à des défis importants en matière de gouvernance et de développement économique, ce qui a affecté son accès à l'aide internationale. En 2019, le Tchad a été classé 187ème sur 189 pays dans l'Indice de développement humain du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD)667(*). Le pays a également été classé 165ème sur 180 pays dans l'Indice de perception de la corruption de Transparency International en 2019668(*). Le gouvernement tchadien a pris des mesures pour améliorer la gouvernance et la transparence, mais des problèmes persistent.

En 2018, le Fonds monétaire international (FMI) a suspendu son programme d'aide au Tchad en raison de la mauvaise gestion des finances publiques et de la corruption669(*). La communauté internationale a également exprimé des préoccupations concernant les droits de l'homme au Tchad. En 2019, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme a publié un rapport sur les violations des droits de l'homme au Tchad, notamment les exécutions extrajudiciaires, les arrestations arbitraires et la torture670(*). En réponse à ces préoccupations, les bailleurs de fonds internationaux ont conditionné leur aide au Tchad au respect de la démocratie et des droits de l'homme. En 2019, l'Union européenne a suspendu son aide budgétaire directe au Tchad en raison de préoccupations concernant la gouvernance et les droits de l'homme671(*).

En 2021, le gouvernement tchadien a organisé des élections présidentielles qui ont été saluées par la communauté internationale pour leur transparence et leur crédibilité. En réponse, la France a annoncé une augmentation de son aide au développement au Tchad672(*). En conclusion, le respect de la démocratie et des droits de l'homme est une condition importante pour l'octroi de l'aide publique au développement au Tchad. Les bailleurs de fonds internationaux ont exprimé leur préoccupation quant à la gouvernance et aux droits de l'homme dans le pays, et ont conditionné leur aide à des améliorations dans ces domaines. Les récentes élections présidentielles crédibles ont été saluées par la communauté internationale et ont conduit à une augmentation de l'aide au développement de la France.

Cependant, il est important de noter que l'aide publique au développement ne peut pas résoudre tous les problèmes de développement d'un pays. Le Tchad doit également s'engager à mettre en place des politiques économiques et sociales efficaces pour améliorer la vie de ses citoyens. Les bailleurs de fonds internationaux peuvent fournir une aide financière et technique, mais le Tchad doit également prendre des mesures pour améliorer la gouvernance, lutter contre la corruption et respecter les droits de l'homme. C'est à ce niveau que la CEEAC devrait intervenir pour proposer de programmes de développement économique adossés sur la bonne gouvernance.

B. Le recours à la conditionnalité politique dans la coopération et l'octroi de l'aide publique au développement

Le recours à la conditionnalité politique dont il est question ici, c'est celui qui conduit à la suspension de l'aide publique au développement et les sanctions économiques (1) et une imposition d'un modèle économique libéral comme corollaire du régime démocratique (2).

1. La suspension de l'aide publique au développement et les sanctions économiques

Après la deuxième guerre mondiale, la communauté internationale assiste à une nouvelle ère de revendications des pays du Sud. Encore plus avec les indépendances politiques en Asie et en Afrique, l'aide au développement en vient à constituer un élément central des rapports de pouvoir Nord-Sud et des économies politiques de ces États nouvellement indépendants673(*). Ressource majeure de la Guerre froide674(*), mais aussi espace de contestation pour les tenants d'un « nouvel ordre économique international675(*), elle s'inscrit pleinement dans le processus de construction du multilatéralisme, avec la formation et l'ancrage institutionnel d'acteurs tels que la Banque mondiale, l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) ou l'Organisation mondiale de la santé (OMS)676(*).

Le respect des droits de l'homme, de l'Etat de droit et des impératifs démocratiques sont devenues une condition d'accès à l'aide publique au développement.677(*) Ces conditionnalités formalisées dans les « contrats » de partenariat ou tacite assurent non seulement une socialisation internationale des Etats mais aussi une désocialisation internationale des Etats en référence à la démocratie. La conditionnalité politique de l'aide publique au développement ne pose pas le problème de l'existence juridique internationale des Etats mais elle crée une relation identitaire, un lien d'appartenance à la communauté internationale dont serait privé l'Etat rejetant les principes de l'autorité du droit, du respect des droits de l'homme et des impératifs démocratiques. C'est ce qui peut conduire à la suppression du versement de l'Aide Publique au Développement. Il s'agit là d'une réplique à une règle ou politique intérieure jugée inacceptable. Si au Tchad, ce cas n'a pas aussi été flagrant, il faut reconnaitre qu'il y a eu une certaine méfiance de la communauté internationale quant aux conditions de vie de la population et des politiques du gouvernement jugées insuffisantes pour atteindre les objectifs et respecter les principes du modèles démocratique. Il s'agit exactement de la mise en oeuvre du linkage négatif, souvent appelé « bâton », reposant sur un embargo-sanction, ponctuel qui peut être tout autant spécifique que diffus.

2. Une imposition d'un modèle économique libéral comme corollaire du régime démocratique

L'observation internationale des élections se présente comme un rite d'interactions au cours duquel l'Etat peut, soit faire bonne figure, soit perdre la face sur la scène internationale. « ...Le principe de l'égale légitimité des régimes politiques envisagée comme un corollaire de la souveraineté, tend à céder le plus à un principe de légitimité démocratiques, soit que les Etats affaiblis dans le Tiers Monde et à l'Est aient pris conscience de l'échec des régimes non démocratiques et du lien entre les exigences du développement et celle des droits de l'homme, soit qu'ils cèdent à la pression exercée par les puissances démocratiques [...]. L'évolution en ce sens est naissante mais de façon plus radicale le libre choix des modèles de développement et des politiques économiques qui apparaissent, particulièrement dans le droit du développement comme un corollaire de la souveraineté, cède le pas à des choix économiques guidés ou imposés par les dispensateurs d'aides et de contours aux Etats qui en sont les bénéficiaires... ».678(*)Cependant, sa portée est limitée dans plusieurs cas de figure, d'une part, du fait d'une conception absolue de la souveraineté étatique, du caractère déclaratoire des rapports d'observation, voire de la « Realpolitik » des puissances occidentales et, d'autre part, des limites organisationnelles propres aux missions d'observations internationales des élections. Il s'agit là d'un problème très préoccupant pour la communauté internationale dans la mesure où il empêche la construction d'une civilisation des moeurs politiques souhaitée depuis la fin de la guerre froide. Il s'avère urgent de trouver une solution adéquate à ce défi.

En général, les régimes démocratiques ont tendance à favoriser le libéralisme économique en raison de leur engagement en faveur de la liberté individuelle et de la propriété privée. Le libéralisme économique repose sur l'idée que les marchés doivent être libres et non réglementés, et que les entreprises doivent être libres de poursuivre leurs propres intérêts sans intervention gouvernementale excessive. Adam SMITHsoutient que la concurrence sur les marchés est bénéfique pour tous et que le rôle du gouvernement devrait être limité à la protection des droits de propriété et à la réglementation minimale des marchés679(*). C'est aussi d'ailleurs le point de vue de Friedrich Hayek qui soutient que le libéralisme économique est essentiel pour préserver la liberté individuelle et éviter les abus de pouvoir gouvernemental680(*). L'idée, c'est que le marché libre est le meilleur moyen d'allouer les ressources et de stimuler l'innovation, et que le gouvernement devrait se concentrer sur la fourniture de biens publics tels que l'éducation et la sécurité nationale plutôt que sur la réglementation économique681(*). La pensée économique moderne a contribué à promouvoir le libéralisme économique comme modèle économique préféré dans les régimes démocratiques, conduisant pratiquement à son imposition dans les Etats du monde, y compris le Tchad, en Afrique centrale.

* 659 Water Amedzro St-Hilaire, l'hétérogénéité des stratégies et projets de développement, Paris, l'Harmattan, 2016, p.9

* 660 Le Plan National de Développement Tchad 2017-2021 est un programme de développement économique et social mis en place par le gouvernement tchadien pour les cinq prochaines années. Il vise à stimuler la croissance économique, à améliorer l'accès aux services sociaux de base tels que la santé et l'éducation, à renforcer la gouvernance et à promouvoir la paix et la sécurité dans le pays. Le plan est basé sur quatre axes stratégiques : la transformation structurelle de l'économie, le développement du capital humain, la consolidation de l'Etat de droit et la promotion de la paix et de la sécurité.

* 661 Rapport d'évaluation finale, p.4

* 662 Le rapport d'évaluation finale précise que Selon le Ministère des Finances et du Budget, le volume des ressources mobilisées au titre des Lois de finances de 2017 à 2020 s'élève globalement 3.613,50 milliards de FCFA sur 3.668,77 milliards de FCFA de prévisions (98%). On note que, 50% des fonds propres proviennent des recettes hors pétrole, soit 1.800,82 milliards de FCFA sur les 1.683,60 milliards de FCFA de prévisions (107%). Les recettes pétrolières représentent 30%, soit 1.070,23 milliards de FCFA sur les 1.116,17 milliards de FCFA de prévisions (96%), suivies des recettes en capital (19%), soit 689,81milliards de FCFA sur 689,81 milliards de FCFA de prévisions (85%). Les recettes exceptionnelles ne représentent qu'une infime partie (1%).

* 663 Marielle BERRIET-SOLLIEC et Aurélie TROUVE, « Développement des territoires de projet. Quels enjeux pour les politiques rurales ? », Économie rurale, 335 | 2013, 7-19.

* 664 www.bbc.com, consulté le 11 mars 2023 à 12h25min

* 665 Rapport d'évaluation finale, p.6

* 666 Ibid.,

* 667Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) : Human Development Index 2019

* 668Transparency International : Corruption Perceptions Index 2019

* 669Fonds monétaire international (FMI) : Tchad - Communiqué de presse de fin de mission de l'article IV et déclaration du Conseil d'administration 2018

* 670Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme : Rapport sur les violations des droits de l'homme au Tchad 2019

* 671Union européenne : Suspension de l'aide budgétaire directe au Tchad 2019

* 672France Diplomatie : Aide au développement au Tchad 2021

* 673Jacobo GRAJALES, Marie SAIGET, « Repolitiser l'étude de l'aide au développement», in Cultures & Conflits, 2022/2 (n° 126), p.7

* 674 Sara LORENZINI, Global Development: A Cold War History, Princeton Oxford, Princeton University Press, 2019.

* 675 Christy THORNTON, Revolution in Development. Mexico and the Governance of the Global Economy, Oakland, University of California Press, 2021.

* 676 Amy L. STAPLES, The Birth of Development: How the World Bank, Food and Agriculture Organization, and World Health Organization Changed the World, 1945-1965, Kent, Kent State University Press, 2006.

* 677Petros N. STANGOS, « Les conditionnalités politiques, en termes de protection des droits de l'homme, de démocratie et d'Etat de droit, des relations économiques extérieures de la Communauté et de l'Union Européenne », in H. Ruiz Fabri, L.-A. SICILLIANOS, J.-M Sorel (dir.), L'effectivités des organisations internationales. Mécanismes de suivi et de contrôle, Pedone, 2000, pp.273-321 ; JOLY (Ch.), « La conditionnalité politique », in MEHDI (R.), La contribution des Nations Unies à la démocratisation des Etats, Dixièmes rencontres internationales d'Aix-en-Provence, Pedone, 2003, pp.63 et s. ; FEUER (G.), « Le nouveau paradigme pour les relations entre l'Union Européenne et les Etats ACP : l'Accord de Cotonou du 23 juin 2000 », RGDIP, T. 106/2002/2, pp.269 et s.

* 678 Thierry Hubert, « L'Etat et l'organisation de la société civile », in L'Etat souverain à l'aube du XXIème siècle, op. cit., pp. 189-211.

* 679 Adam SMITH, An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations. Edinburgh: W. Strahan and T. Cadell, 1776.

* 680Friedrich A. HAYEK, The Road to Serfdom. Chicago: University of Chicago Press, 1994 ; Le Mirage de la Justice.Paris: PUF, 1986.

* 681Milton FRIEDMAN, Capitalisme et Liberté. Paris: Les Belles Lettres, 2010.

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