La CEEAC et la problématique des élections présidentielles au Tchad: implication et impact sur le processus d'intégration régionale en Afrique Centralepar Kissalaye LOPSOU Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC)/Université de Yaoundé 2 - Master en Relations Internationales, Option : Intégration Régionale et Management des Institutions Communautaires 2023 |
Paragraphe 1er : La rationalité des Missions d'observation électorale internationaleApparue comme un mécanisme destiné à permettre l'éclosion d'une culture démocratique enracinée488(*) et effectivement traduite en actes par le retour aux élections pluralistes, l'observation électorale internationale se fait, au sein de la CEEAC, sous la bannière d'une Mission Internationale d'Observation Electorale qui obéit aux règles d'une détermination, d'une composition et des objectifs (A) et le travail de cette dernière (B) A. De la détermination, de la composition et des objectifs des missions d'observation électorale internationale de la CEEAC La détermination et la composition des missions internationales d'observation électorale de la CEEAC font référence au processus de sélection et de désignation des membres des missions d'observation électorale de la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC). C'est un préalable essentiel pour assurer l'efficacité et la légitimité de ces missions.Il s'agit de montrer comment sont déterminées et composées (1) et de dire quels sont ses objectifs (2). 1. De la détermination et de la composition des missions d'observation électorale internationale de la CEEAC La détermination et la composition des missions d'observation électorale internationale de la CEEAC font référence au processus par lequel la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC) sélectionne et organise des équipes d'observateurs pour surveiller les élections dans les pays membres. Cela implique la définition des critères de sélection des observateurs, la formation et la préparation des équipes, ainsi que la coordination avec les autorités électorales locales et les autres partenaires internationaux. Les missions d'observation électorale de la CEEAC sont dénommées « Mission Internationale d'Observation Electorale ».Leurs compositions et les détails spécifiques y relatifs varient en fonction des besoins et des objectifs de chaque mission. Mais généralement, la CEEAC compose ses missions internationales d'observation électorale de manière à ce que tous les pays membres, excepté celui qui organise les élections, soient représentés. Les missions d'observation électorale de la CEEAC sont composées d'experts électoraux et de représentants de la société civile489(*). Ces experts et représentants sont sélectionnés en fonction de leur expérience pertinente en matière d'élections et de leur connaissance de la région de l'Afrique centrale.Elle s'assure que l'équilibre genre est respecté, et que les jeunes et les personnes vivant avec un handicap soient aussi représentés. Les missions internationales d'observation électorale de la CEEAC sont constituées, d'un Chef de Mission, d'un Superviseur Général, d'une Commission Technique et des Observateurs. - Le Chef de Mission est désigné parmi les personnalités ayant occupé des postes politiques élevés dans un État membre, avec l'accord des Autorités du pays en question. On peut y trouver d'anciens Chefs d'Etats et Gouvernements, d'anciens hauts commis de l'Etat (Cours suprême, Conseil Constitutionnel etc...) ; - La supervision est, dans la plupart des cas, assurée par le Commissaire en charge des Affaires Politiques, Paix et Sécurité de la CEEAC. - Le Comité de coordination technique est composé par des fonctionnaires de la Commission. Ce comité est piloté par le Chef de l'Unité électorale. - L'équipe des observateurs de la CEEAC est constituée de tout ressortissant d'Afrique Centrale jouissant de ses droits civiques et politiques. Elle est composée de vingt (20) observateurs agréés par la CEEAC en raison de deux (02) par Etat membre, sauf l'Etat dans lequel se déroulent les élections. Ces observateurs, avant de s'engager dans une activité d'observation, doivent satisfaire à des préalables : solliciter et obtenir une accréditation auprès des autorités nationales compétentes, le Gouvernement ou l'organe en charge du déroulement des opérations électorales. L'accréditation est accordée à titre personnel à l'observateur international et sa validité territoriale est définie par les autorités nationales490(*). 2. Des objectifs des missions d'observation électorale internationale de la CEEAC Les objectifs des missions d'observation électorale internationale de la CEEAC sont les buts ou les objectifs à atteindre lors de la surveillance des élections dans les pays membres de la communauté. Ces objectifs visent à garantir des élections libres, transparentes et crédibles en évaluant la conformité aux normes internationales et aux lois nationales, en signalant tout incident ou irrégularité, en renforçant la confiance des électeurs dans le processus électoral et en promouvant la participation civique. Les Missions d'observation électorale peuvent couvrir tout le cycle électoral. Le Plus souvent, la CEEAC déploie des Missions à court terme qui couvrent la période préélectorale et la période électorale. Mais il est arrivé qu'elle ait déployé des Missions d'observation à long terme qui oeuvrent jusqu'à la phase post-électorale. Ces missions ont des objectifs qui consistent en ceci : · Offrir aux acteurs extérieurs de juger de la crédibilité des élections et des personnes et organes en charge en charge de leur organisation et de leur déroulement ; · Evaluer la régularité et la transparence des élections ; · Contribuer à réduire les risques de la contestation pouvant naitre des tensions ou/et déboucher sur des conflits ; · Marquer le soutien de la Communauté international tant à l'Etat qu'au processus électoral ; · Evaluer le processus électoral à l'aune des normes démocratiques internationalement admises ; · Favoriser une large mobilisation du corps électoral et minimiser le phénomène de l'abstention ; · Renforcer la confiance des électeurs dans les institutions et principes démocratiques tels que l'alternance au pouvoir par des moyens pacifiques ; · Minimiser les tentatives d'intimidation, de fraudes et de manipulation en rassurant la population sur l'équité du vote ; · Contribuer à accepter le verdict des urnes ; · Evaluer les conditions du déroulement de la campagne électorale notamment à travers le rôle des médias d'Etats ou privés ; · Renforcer l'Etat de droit à travers la neutralité et l'impartialité de l'Administration.491(*) Bref, il s'agit de favoriser des élections libres, transparentes, crédibles et pacifiques sous la supervision d'une organisation régionale ou internationale impartiale, fournir une analyse impartiale et objective de la conduite du processus électoral, en examinant les aspects légaux, politiques, organisationnels et techniques du processus, encourager les juridictions électorales nationales à respecter les normes et les pratiques internationales d'intégrité électorale, soutenir l'observation des élections afin de renforcer la responsabilisation démocratique des gouvernements et promouvoir la transparence et la reddition de comptes dans les processus électoraux, faciliter la prévention et la résolution des conflits liés aux élections et contribuer à la consolidation de la paix régionale. En résumé, les missions d'observation électorale internationale de la CEEAC visent à renforcer la démocratie, à prévenir les violations des droits de l'homme et à aider à garantir des élections libres, justes, transparentes et crédibles dans la région de l'Afrique centrale. B. Le renforcement du consensus politique et la rationalisation du contentieux post-électoral Le renforcement du consensus politique signifie la promotion de la coopération et de l'accord entre les différents acteurs politiques492(*). La rationalisation du contentieux post-électoral consiste à améliorer le processus de règlement des différends électoraux en éliminant les obstacles et les obstacles qui peuvent entraver l'efficacité et la transparence de ce processus493(*). Ici, il s'agit de montrer comment les missions d'observation électorale de la CEEAC travaillent pour une consolidation d'un consensus politique autour des élections apaisées (1) et la rationalisation du contentieux électoral (2). 1. La consolidation d'un consensus politique autour des élections apaisées La consolidation d'un consensus politique autour des élections apaisées signifie la création d'un accord solide et durable entre les différents acteurs politiques pour assurer que les élections se déroulent de manière pacifique et sans violence. Cela implique la promotion de la coopération et de l'accord entre les partis politiques, les candidats, les organisations de la société civile et les autorités électorales, en encourageant le dialogue et la négociation avant, pendant et après les élections. L'objectif est d'assurer que toutes les parties acceptent les résultats des élections et travaillent ensemble pour construire une démocratie stable et durable. La consolidation d'un consensus politique autour des élections est un processus complexe qui nécessite une coopération étroite entre les différents acteurs impliqués dans le processus électoral. La CEEAC encourage la mise en place de mécanismes de dialogue politique entre les différentes parties prenantes afin de faciliter la création d'un consensus politique autour des élections. La CEEAC organise également des ateliers de formation et des séances d'information pour les acteurs politiques et sociaux afin de renforcer leur capacité à participer efficacement au processus électoral et à construire un consensus politique autour des élections. En outre, la CEEAC travaille avec les autorités nationales et locales pour assurer que les élections se déroulent dans un environnement pacifique et sécurisé. Elle encourage la mise en place de mécanismes de résolution pacifique des conflits et de prévention de la violence électorale, ce qui peut contribuer à la consolidation d'un consensus politique autour des élections. Enfin, la CEEAC travaille en étroite collaboration avec d'autres organisations régionales et internationales pour coordonner les efforts d'observation électorale dans la région. Elle participe également à des missions d'observation électorale dans d'autres pays pour renforcer son expérience et sa capacité à organiser des missions d'observation électorale efficaces. En résumé, la consolidation d'un consensus politique autour des élections est un processus complexe qui nécessite une coopération étroite entre les différents acteurs impliqués dans le processus électoral494(*). La CEEAC travaille en étroite collaboration avec les autorités nationales et locales, les acteurs politiques et sociaux, les organisations de la société civile et les médias pour faciliter ce processus. Elle encourage la participation de tous les acteurs dans le processus électoral et travaille à assurer un environnement pacifique et sécurisé pour les élections. 2. La rationalisation du contentieux post-électoral Le contentieux électoral est « l'une des plus grandes questions politiques qui aient été présentées ».495(*) Il recouvre l'ensemble des litiges relatifs aux résultats du scrutin496(*). Comme le souligne DELPEREE Francis, « les différends ne naissent pas en un jour, celui du scrutin. Ils s'inscrivent dans un processus c'est-à-dire un ensemble d'opérations, qui s'enchainent les uns aux autres et qui concourent à la sélection des élus. Ces opérations se réalisent avant, pendant ou après les élections »497(*). Pour Bernard MALIGNER498(*), le contentieux électoral peut être défini comme le règlement par le juge constitutionnel de toute question de droit électoral indépendamment de tout recours formé contre des opérations électorales déterminées. La rationalisation du contentieux post-électoral est un processus visant à régler les différends qui peuvent survenir après une élection de manière pacifique et légale. Il s'agit d'un mécanisme important pour garantir la stabilité politique et la démocratie dans un pays. La Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC) joue un rôle clé dans la gestion des questions de contentieux électoral dans la région. Elle a créé en 2009 un Centre d'observation et de suivi des élections en Afrique centrale (COSCEAC), qui a pour mission de surveiller les élections dans les États membres et de fournir des recommandations pour améliorer le processus électoral. En cas de contentieux électoral, la CEEAC peut également mettre en place des missions d'observation et de médiation pour aider à résoudre les différends de manière pacifique. Elle peut également travailler avec les autorités nationales pour renforcer les institutions chargées de gérer les élections et pour améliorer la transparence et l'intégrité du processus électoral. * 488 Déclaration de Bamako, Nov. 2000 ; Albert BOURGUI et J.P. COLLIN, op. cit. * 489 Entretien avec BAIDESSOU SOUKOLGUE, Directeur exécutif de EISA. * 490 Guide de l'Observateur de la CEEAC, p.2. * 491 Guide de l'Observateur Electoral de la CEEAC, pp.2-3. * 492 Paola DIAZ, Carolina Gutierrez RUIZ, Fabriquer le consensus pour produire la démocratie ? Le programme de gouvernement de la transition chilienne In : Les programmes politiques : Genèses et usages. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2016. * 493 Edouard Laferrière, Chapitre VI - Contentieux électoral : Revue générale du droit on line, 2020, numéro 52432 ( www.revuegeneraledudroit.eu/?p=52432) * 494Thania PAFFENHOLZ, « Promotion de la paix et coopération internationale : histoire, concept et pratique », Annuaire suisse de politique de développement, 25-2 | 2006, 19-45. * 495 MIRABEAU cité par Francis DELPEREE, Le contentieux électoral, Paris, PUF, 1998, p.7. * 496 Jean-Claude MASCLET, « Contentieux électoral », in Dictionnaire du vote, Paris, PUF, 2001, p.201. * 497 Francis DELPEREE, op. cit. p.3. * 498 Bernard MALIGNER, Contentieux des élections parlementaires, Juris-Classeur Administratif, 2007, fascicule1467, p.5. |
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