La CPI et la lutte contre l'impunité des crimes internationauxpar Berger-Le-Bonheur RAWAGO Institut Supérieur de Droit de Dakar - Master 2 Droit Public 2023 |
CONCLUSION GENERALETout le long de cette étude, nous avons tenté de déterminer le fondement de la compétence de la Cour Pénale Internationale ainsi que les entraves qui affaiblissent celle-ci dans l'exécution de la mission qui lui incombe : la lutte contre l'impunité des crimes internationaux. La Cour Pénale Internationale représente l'aboutissement d'un projet vieux d'un siècle, né des cendres du premier conflit mondial299 : une justice internationale chargée de juger les auteurs des crimes internationaux. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, des États ont décidé d'accepter la compétence d'une cour pénale internationale permanente, chargée de poursuivre les crimes les plus graves commis sur leur territoire ou par leurs ressortissants. Dans la première partie de notre travail, une attention particulière a été mise sur la CPI en temps qu'instrument nécessaire de lutte contre l'impunité des crimes internationaux. Cela s'explique par le fait qu'elle trouve son fondement sur le Statut de Rome, qui est un traité international. Le Statut de Rome, qui encadre la CPI compte aujourd'hui 123 États parties, et repose sur l'héritage des tribunaux internationaux ad hoc qui l'ont précédée. L'adoption de ce statut représente un jalon dans l'évolution du droit pénal international. Ayant officiellement démarré ces activités le 1er juillet 2002, la CPI est une juridiction permanente et à vocation universelle. Elle a été instaurée pour l'ouverture d'enquêtes, la poursuite et le jugement des toutes personnes accusées d'avoir commis les crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale, à savoir le crime contre l'humanité, le crime de génocide, le crime de guerre et le crime d'agression. Etant un tribunal de dernier ressort pour les graves infractions, la CPI intervient quand les gouvernements nationaux n'ont pas les moyens ou la volonté de faire enquête et d'intenter des poursuites, car elle n'a pas été créée pour remplacer les tribunaux nationaux. Elle est basée sur le principe de la complémentarité et celui de la coopération des Etats. Le Bureau du Procureur de la CPI est un organe indépendant de cette dernière qui est investi du pouvoir d'ouvrir des enquêtes, sous réserve de certaines conditions. Une enquête de la CPI peut également être instituée à la 299 Art. 227 du Traité de Versailles du 28 juin 1919. demande des États parties ou du Conseil de sécurité des Nations Unies300. Ainsi donc, l'efficacité du système répressif établi par le Statut de Rome suppose incontestablement une bonne coopération des systèmes judiciaires nationaux. Cependant, Cette coopération est pourtant loin d'être obtenue, pour des raisons politico-juridiques. Suite à quelques années d'activité, l'espoir mis dans la CPI n'a pas été totalement vain. De hautes personnalités politiques impliquées dans des crimes internationaux ont fait l'objet d'affaires devant cette Cour. Il faut reconnaître que l'existence de cette dernière tend à s'affirmer de plus en plus au sein de la Communauté internationale. Toutefois, de nombreuses zones de faiblesses et d'incapacités liées aux actions de tous les acteurs de la CPI ne peuvent être négligées, susceptibles d'altérer l'activité optimale de cette juridiction301. En effet, de nombreux obstacles empêchent la Cour de remplir pleinement et efficacement son rôle, comme le démontre ce mémoire, dans la seconde partie qui renvoie à la CPI comme une juridiction affaiblie par des entraves. Dans cette seconde partie du mémoire, nous avons démontré que la Cour est confrontée à de nombreux obstacles d'une part politique et d'autre part juridique. En effet, la lutte efficace contre l'impunité des crimes graves implique en outre que les États et la CPI fondent toujours leurs actions sur le droit. Ce mémoire a révélé, malheureusement, que le fondement juridique de cette lutte est souvent compromis. La CPI fait face de loin ou de près à la question de l'immunité internationale et à celle de la « la puissance absolue et perpétuelle d'une République »302, c'est-à-dire la souveraineté, pour reprendre les propos de Jean BODIN. En effet, il a été démontré qu'en se basant sur las souveraineté, les Etats en tendance à se dresser face à l'action de la CPI contre leurs ressortissants dans le but de faire échapper ces derniers à la répression pénale internationale. Cela peut se faire soit par l'émission des mesures de clémence que sont l'amnistie ou la grâce présidentielle, soit en mettant en avant les interdits des lois nationales. Pour ce qui concerne l'immunité internationale, il a été démontré dans ce mémoire que le Statut de Rome, bien qu'ayant trouvé une solution pour empêcher des Etats de l'évoquer, le juste équilibre entre immunités et lutte contre l'impunité n'a, selon nous, pas 300 Statut de Rome de la CPI, art. 13. 301 CLERC (M.), La Cour pénale internationale : une victoire contre l'impunité ?, op. cit., p. 4. 96 302 BODIN (J.), Les Six livres de la République, Paris, Jacques du Puis, 1576, 861 p. 97 encore été trouvé. En effet, les immunités coutumières n'admettent aucune exception en présence d'un crime international, mais force est de constater que l'immunité personnelle des hauts représentants ne faiblit pas. Les difficultés d'ordres politiques de la CPI quant à elles, proviennent de nombreux aspects, mais dans le cadre de cette étude nous sommes focalisés que sur le défaut de la coopération saine de la CPI avec les Etats africains et avec le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Ce mémoire a démontré que les critiques du bilan de la Cour bilan ont été particulièrement acerbes de la part de l'Afrique et comprennent des accusations de racisme et des appels au retrait massif des pays africains. En effet, lors de la saisine des affaires devant la Cour, des pressions politiques exercées sur ses travaux par les grandes puissances, au nom de leurs intérêts, ont soumis la Cour à des critiques quant à sa politique sélective à l'égard des crimes commis dans le monde. Au regard de l'étude de notre sujet, nous concluons ce mémoire en reprenant en substance un ensemble de résultats et de recommandations déjà recensés. En effet, des lacunes s'expriment souvent dans les rapports que cette Cour entretient avec le Conseil de sécurité. Des rapports qui, il faut le reconnaître, ne sont pas régis par une rationalité objective. L'explication des rapports entre la CPI et le Conseil de sécurité, constitue de fait une donnée essentielle pour comprendre la portée et l'effectivité de cette juridiction pénale internationale permanente303. Il a été démontré que le Conseil de Sécurité des Nations Unies qui dispose de la capacité d'ouvrir des enquêtes, de suspendre les activités de la CPI mais aussi qui dispose du total contrôle de l'action de ou de l'inaction de la CPI sur les crimes d'agression. Mis à part cela, l'abstention de certains pays à ratifier le Statut dans le but d'échapper à l'application de la compétence de la Cour sur eux, surtout la majorité qui compose les membres permanents du CSNU, justifiant cela par plusieurs arguments qui ont fait naître des positions divergentes envers la CPI. Le cas échéant des États-Unis comptent parmi les grandes puissances qui restent en marge du régime du Statut de Rome et sont parfois hostiles à ses activités. Il a également été démontré que le véto au sein du Conseil de sécurité est aussi l'un des soucis majeurs qui freinent ou empêche l'action efficace de la CPI sur les crimes internationaux. 303 NDIAYE (S.A,), Le Conseil de sécurité et les juridictions pénales internationales, op. cit., p. 240. Malgré ces écueils, le mandat de la CPI consistant à mettre un terme à l'impunité pour les atrocités commises aux quatre coins du monde conserve toute sa pertinence, et la Cour continue de faire évoluer le droit pénal international dans cette voie. Elle a démontré la viabilité d'une institution permanente qui peut mener des enquêtes sur des crimes internationaux et intenter des poursuites, mais son bilan est peu reluisant pour ce qui est d'obtenir des condamnations. En date de novembre 2022, le Bureau du Procureur avait ouvert 17 enquêtes sur des situations dans 16 pays. Ces enquêtes ont mené à des accusations dans 33 affaires concernant 49 défendeurs. Bon nombre de ces affaires sont encore en instance - dans certains cas, parce que les accusés sont en liberté - ou ont pris fin avant que le verdict soit rendu. Au total, la CPI a reconnu cinq individus coupables de crimes relevant de sa compétence et cinq autres de crimes liés à ses procédures, dont la subornation de témoin304. En partant des entraves qui se dressent face à la CPI dans l'exécution de sa mission dans cette optique : quelles sont les solutions possibles pour assainir les rapports qu'entretiennent la Cour Pénale Internationale avec les Etats Africains et le Conseil de Sécurité des Nations Unies ? 98 304 Statut de Rome de la CPI, Article 70 (1.C) : « Subornation de témoin, manoeuvres visant à empêcher un témoin de comparaître ou de déposer librement, représailles exercées contre un témoin en raison de sa déposition, destruction ou falsification d'éléments de preuve, ou entrave au rassemblement de tels éléments (...) » BIBLIOGRAPHIE 99 I- TEXTES CONVENTIONNELS ET DOCUMENTS OFFICIELS :
+ La Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide, approuvée par l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa Résolution 260 (III) du 9 décembre 1948 et entrée en vigueur le 12 janvier 1951. + Les quatre Conventions de Genève du 12 août 1949. + La Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa Résolution 239 (XXIII) du 26 novembre 1968 et entrée en vigueur le 11 novembre 1970. + Le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux. (Protocole I du 8 juin 1977) 100 + La Charte des Nations Unies du 26 juin 1945, ratifié par le Rwanda dès son admission comme membre de l'ONU après son indépendance en 1962 + La Convention de Vienne sur le droit de traités du 23 mai 1969 + La Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 + La Convention des Nations Unies sur les missions spéciales du 8 décembre 1969 + La Convention internationale sur l'élimination et la répression du crime d'apartheid du 30 novembre 1973, ratifié par le Rwanda, le 10 octobre 1974 + La Convention sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de 2004. + La Conventions de Genève de 1949 + La Conventions de Genève et du Protocole additionnel II, ratifié par le Rwanda, 19 novembre 1984 + La Convention de Genève du 22 août 1864 pour l'amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne. Genève, 22 août 1864. + La déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 + La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948, Résolution 217 A (III) du 10 décembre 1948 + Le Traité de Sèvres de 1920, relatifs à la punition de crimes contre l'humanité commis par la Turquie + Le Traité de Versailles du 28 juin 1919, prévoyant l'instauration d'une juridiction pénale internationale destinée à juger Guillaume II ex-empereur d'Allemagne pour offense suprême contre la morale internationale et l'autorité des traités + Rapport de la Commission Internationale de l'Intervention et de la Souveraineté des Etats, 2001. + Rapport du Secrétaire général sur l'établissement d'un Tribunal spécial pour la Sierra Léone, Doc.NS/2000/915, le 4 octobre 2000 + Résolution 1593 - Reports of the Secretary-General on the Sudan, U.N. Doc. S/RES/1593 (2005) + Résolution 1970 - Peace and Security in Africa, U.N. Doc. S/RES/1970 (2011) + Résolution 1422 (2002) adoptée par le Conseil de Sécurité le 12 juillet 2002, Z/RES/1422 (2002) + Résolution 1487 (2003) adoptée par le Conseil de Sécurité le 12 juin 2003, Z/RES/1487 (2003) 101 + Résolution 1497 (2003) adopté par le Conseil de Sécurité le 1er août 2003, S/RES/1497 (2003) C) LES TEXTES ET DOCUMENTS OFFICIELS COMMUNAUTAIRES ET NATIONAUX : + L'Acte constitutif de l'UA de Lomé au Togo du 11 juillet 2000. + Le Protocole sur les amendements de l'Acte constitutif de l'Union Africaine Maputo (Mozambique, 11 juillet 2003). + Le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples, portant création de la Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples, adopté à Ouagadougou, Burkina Faso, le 10 juin 1998. + Le Protocole portant amendement à l'amendement portant création de la Cour africaine de justice et des droits de l'Homme du 27 juin 2014. + Les résolutions Doc Assembly / AU/3 VID et Doc Assembly /AU/Doc 40 (XVIII), adoptées par la Conférence des Chefs d'États et de Gouvernement de l'Union Africaine, respectivement le 02 juillet 2006 à Banjul et le 31 janvier 2012 à Addis-Abeba, donnant mandat au Sénégal de poursuivre et de juger le ou les responsables des atteintes au droit international. + La déclaration sur la coopération entre les juridictions nationales de l'UA et la CPI, Conférence de Révision du Statut de Rome de la Cour pénale Internationale, Kampala 31 mai- 11 juin 2010. + La décision sur la mise en oeuvre des décisions de la Conférence de l'Union, 17éme session ordinaire 30 juin- 1er juillet 2011, Malabo, relative à la Cour pénale internationale ; Assembly / AU/ Déc. 366 (XVII), Doc. EX. CL/670 (XIX). + L'Accord entre le Gouvernement de la République du Sénégal et l'Union Africaine du 22 août 2012 portant création des Chambres Africaines Extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises. + L'Accord de paix de Lomé entre le Gouvernement de la Sierra Léone et le Front révolutionnaire uni (RUF) a été conclu à Lomé le 7 juillet 1999. + Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001 (Loi n°2001-03 du 22 janvier), JORS du 22 janvier 2001 pp. 27 et s. 102 + La loi Constitutionnelle N° 2008-33 du 07 Août 2008 facilitant la tenue du procès Hissene Habré. + L'Accord de Coopération et d'assistance entre la Cour pénale internationale et l'Union européenne, ICC-PRES/01-01-06, 1er mai 2006. |
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