Partie 3 : La place de la polyvalence
Afin d'aider le manager à s'adapter au monde
bousculé par l'arrivée d'une pandémie, nous allons essayer
de fournir des données clés afin que ce dernier puisse piloter
ses équipes. En effet, nous allons expliquer en quoi la polyvalence ou
la polycompétence est nécessaire pendant cette crise sanitaire et
économique et comment la présenter aux collaborateurs
déjà en place. Par les explications données aux
employés le bien être est amélioré, car chacun
trouve un sens à son travail et comme nous l'avons
démontré dans les parties précédentes les
collaborateurs sont davantage productifs ce qui est bénéfique
à toutes les parties prenantes.
Nous allons donc étudier les changements que la crise
du Covid-19 a engendré pour ensuite étudier comment
intégrer cette idée de polycompétence auprès des
collaborateurs en poste puis des nouveaux entrants dans l'entreprise.
1. Le contexte du covid : ce que ça a
changé
En novembre 2019 eut lieu l'apparition d'une maladie qui
changea le fonctionnement du monde, le covid-19. L'Organisation mondiale de la
santé (OMS) alerte le pays où apparut le virus pour la
première fois, la Chine. L'OMS déclare le 30 janvier 2020
l'état d'urgence de santé publique de portée
internationale.
Le 11 mars 2020, l'épidémie de Covid-19 est
déclarée en tant que pandémie. Ce qui engendre la mise en
place de mesures de protection essentielles pour éviter la saturation
des soins intensifs et renforcer l'hygiène préventive. Afin de
freiner le virus, de nombreux pays décident de mettre en place des
confinements avec fermetures des frontières, des établissements
publics comme les lieux de formation et commerces considérés
comme non essentiels.
Ces décisions ont des conséquences sur tous les
domaines de la vie humaine (économiques, sociales, politiques,
environnementales, culturelles, ...).
En effet avec un double choc d'offres (baisse de la
production) et de demandes (baisse de la consommation particulièrement
pour les services) les entreprises se retrouvent à l'arrêt total
ou partiel. Par exemple sur la région Rhône Alpes sur les 220
hôtels existants seuls 20 étaient ouverts dont le Mercure Lyon
Centre Charpennes. Ces hôtels ouverts ont permis notamment d'accueillir
le personnel hospitalier qui
avaient besoin d'un lieu où loger afin d'éviter
les potentielles contaminations de leurs foyers.
Au niveau des marchés financiers, des chutes peuvent
être observées le 24 février pour mener à un krach
boursier le 12 mars à la bourse de Paris.
Concernant la culture, tout a été mis à
l'arrêt avec l'annulation et les reports des évènements
(sportifs, musicaux, salons, élections...). Cependant, durant cette
pause dans le temps il y a eu des effets bénéfiques sur
l'environnement (réapparition de la faune en ville, baisse des
émissions de CO2...) mais aussi sur les façons de penser.
Effectivement, cette crise a permis à de nombreux acteurs politiques,
économiques, intellectuels de penser au monde de demain.
Si nous nous concentrons sur le fonctionnement des
établissements hôteliers pendant la crise du covid, nous avons pu
observer dans tous les établissements en France que les employés
ont dû devenir plus flexibles sur leurs tâches. Ils sont devenus
polycompétents.
La polycompétence est la capacité d'un
opérateur à prendre en charge des tâches qui ne sont pas
normalement dévolues à son métier technique (CAPRARO &
BAGLIN, 2002). En effet, dans les hôtels avec des effectifs de moins de
35 personnes, les employés ont appris de nouvelles compétences et
se sont vu attribuer de nouvelles tâches quotidiennes. Ce changement est
principalement dû au fait que certains employés sont au
chômage partiel, ou que l'entreprise a dû mettre en place des
licenciements économiques.
Par exemple, au Mercure Lyon Centre Charpennes les
réceptionnistes ont dû prendre en charge le room service et le
service des petits déjeuners, ainsi que le planning du personnel
d'étages. Tandis que le service commercial s'est occupé du
nettoyage des communs, des remplacements en réception, de la
réalisation de certaines tâches en cuisine...
D'après des entretiens informels réalisés
dans différents hôtels de Lyon comme le Mercure Lyon Centre
Charpennes, Holidays Inn Vaise, Novotel Confluence, Ibis Part Dieu
auprès des employés :
C'est pourquoi nous allons voir dans une seconde partie
comment manager ces collaborateurs fatigués par cette polyvalence.
- Ils ont été compréhensifs au
début de la crise sanitaire en mars 2020 jusqu'en novembre 2020 (en
moyenne) et ils se sont pliés aux nouvelles règles et ont
accepté les nouvelles tâches, le nombre de clients étant
peu conséquent cela leur permettait de s'occuper.
- Ils ont compris l'importance de la polycompétence car
il y avait moins de personnel et clients
- Cependant à partir de novembre 2020/début 2021
une grande lassitude et stress se sont installés auprès de chaque
collaborateur les clients devenant de plus en plus exigeants et non
compréhensifs vis à vis des règles sanitaires
- Une reprise économique s'est réalisée
depuis mi-mai, donc augmentation du nombre de clients et une surcharge de
travail s'est fait ressentir pour les employés.
Après avoir discuté avec des managers
d'établissement hôtelier, comme M Desbou-dard directeur du Ibis
Part Dieu ou M Garnier directeur du Première Classe Annecy, nous pouvons
comprendre également le point de vue des managers qui ont mis en place
cette polyvalence. En effet, ils se sont vu contraindre de l'appliquer pour des
raisons économiques.
Selon le baromètre HotStats, le coût du travail
par chambre disponible a chuté de 50 % entre 2019 et 2020 des deux
côtés de l'Atlantique. En Europe, cela représente un gain
quotidien de 26 euros par chambre. Les revenue managers, chargés de
l'optimisation de la rentabilité d'un établissement, estiment que
de nombreuses tâches ont vocation à être
automatisées. (Clément, Juin 2021)
Pour des raisons économiques, il est donc
nécessaire de garder la polyvalence même si la crise sanitaire va
diminuer dans le temps. Cependant, il est important de faire comprendre aux
salariés qui sont présents depuis le début de la crise
l'importance de cette polycompétence et pourquoi leurs postes
nécessitent maintenant cette diversité de tâches.
2. Faire comprendre aux collaborateurs la
nécessité de la
polycompétence
Afin d'intégrer la polycompétence dans la vie de
tous les jours des collaborateurs il est important de valoriser cette
polyvalence.
En effet il est démontré que la polyvalence
favorise le bien-être des individus puisque celle-ci valorise leurs
compétences, empêche la monotonie des tâches quotidiennes et
donne dans ce contexte sanitaire, du sens à l'action. Être
polyvalent, c'est aussi avoir une vision globale de l'établissement et
des différents services, c'est un atout pour être solidaire.
Chacun sachant maitriser les différentes tâches ils peuvent
s'aider les uns les autres pendant des moments où l'activité
augmente soudainement.
Les salariés se lancent de nouveaux objectifs, ils
enrichissent leur savoir et trouvent une nouvelle source de motivation.
(unknown, 2020)
Ensuite, il est important de mettre en place des formations
afin que les collaborateurs se sentent accompagnés et pas seulement
comme une ressource utilisée en dernier recours. Il peut s'agir de
mettre en place des formations groupées avec 2/3 personnes du même
service ou des formations faites par une personne qui maitrise les tâches
qui seront demandées à un autre collègue.
Pour éviter la démotivation au sein d'un
établissement suite à cette polyvalence demandée aux
collaborateurs, on peut mettre en place un rendez-vous afin de ré
évaluer la fiche de poste de ces derniers. Lors de ce rendez-vous, le
manager pourra réexpliquer la situation économique dans laquelle
l'hôtel se trouve et faire comprendre la nécessité de cette
solidarité et polycompétence. Il est important de discuter avec
les collaborateurs les moins motivés car stressés par la
surcharge de travail, pour comprendre comment diminuer ce stress. :
souhaitent-ils des formations ou seulement être écoutés
pour dire leurs frustrations ? On peut aussi réaménager leur
poste de travail. Pour formaliser officiellement, il est possible de remanier
leur fiche de poste avec le collaborateur afin que toutes les parties soient
d'accord sur les tâches attribuées. Il est possible
également de faciliter les tâches quotidiennes avec une
simplification de la carte de restauration, ou une réduction de la mise
à disposition de goodies aux clients (gain de temps lors des remises
à propres de chambres ou salles séminaires).
3. Le rôle des hôteliers en
évolution
Le secteur de l'hôtellerie a évolué
rapidement pendant la crise du covid. Comme nous l'avons vu, la
polycompétence est maintenant une nécessité dans le
secteur. Un des effets inattendus de la crise sanitaire est que le milieu va
devoir revaloriser ses métiers car d'après une étude du
cabinet Akto pour le patronat du secteur, les salariés aux tâches
ingrates, mal rémunérés ne reviendront pas
forcément. Selon Sébastien Bazin "Cette crise est le moment
de réfléchir à ce qu'on a bien fait, à ce qu'on n'a
pas bien fait : il y a un certain nombre de travaux dans les hôtels et
les restaurants qui sont pénibles. Il faut mieux reconnaître et
revaloriser les personnes par le salaire et des postes beaucoup plus
polyvalents. Je risque de perdre un quart des gens qui travaillent dans mes
hôtels : peut-être ne reviendront-ils pas travailler, car ces
personnes ont appris à passer du temps précieux avec leur
famille. ».
De plus huit professionnels sur dix de l'hôtellerie
prévoient une activité au ralenti pour au moins deux
années supplémentaires, et un sur trois s'inquiète du
retour de ses salariés.
Donc cette crise a accentué les difficultés de
recrutement déjà constatées auparavant qui sont
liées aux conditions de travail. Ces conditions sont ressenties comme
difficiles à cause des horaires décalés et du travail le
week-end et soir.
Nous pouvons également évoquer la théorie
des ressources pour compléter cette évolution des postes dans le
secteur hôtelier. Selon Barney et Wernerfelt, (Barney, 1991) la
rentabilité et la force des entreprises sont issues des ressources
intrinsèques et pas uniquement du secteur. Dans ces ressources nous
pouvons y trouver le capital physique (installations, équipements...),
le capital humain (les collaborateurs) et le capital organisationnel
(système de gestion, management appliqué...). Ce modèle
part du postulat que les companies d'un même secteur peuvent avoir des
ressources stratégiques hétérogènes. Donc d'un
hôtel à l'autre les ressources varient. Ensuite ce modèle
explique que les ressources internes à chaque entreprise ne sont pas
mobiles entre établissement. Alors
l'hétérogénéité des ressources entre
entreprises peut être durable.
A travers cette théorie des ressources nous pouvons
comprendre qu'il est nécessaire d'ajuster nos techniques de management
en fonction des ressources de type capital humain accessible dans l'entreprise.
Puisque le secteur de l'hôtellerie a des
difficultés de recrutement il faut savoir, en tant que
manager, s'adapter et jouer des forces déjà en place.
Les manageurs peuvent se concentrer sur la GSRH (gestion
stratégique des ressources humaines) en accordant plus de valeur aux
équipes. Dans le milieu de l'hôtellerie, secteur du service, il
est nécessaire de se créer un avantage concurrentiel basé
sur les ressources humaines. La théorie des ressources vise à
développer l'efficacité collective des employés avec des
agents hautement qualifiés et hautement impliqués.
Il est donc important pour attirer et recruter du personnel de
qualité de revaloriser le poste par une rémunération un
peu plus importante mais qui doit être avantageuse pour l'entreprise. De
plus, il est important de décrire sur la fiche de poste toutes les
tâches auxquelles le collaborateur pourra faire face lors de ses
journées de travail.
Ensuite lors du recrutement, il serait nécessaire de
faire un suivi et une formation avec la personne jusqu'à ce que cette
dernière se sente capable de gérer ses missions de façon
autonome.
Le patron en France du groupe hôtelier américain
Hyatt, Michel Morauw pense « qu'il va être difficile de trouver
des équipes pour les hôtels : c'est un métier qui est
à la fois passionnant et très exigeant. Pour cela, il faut
changer notre manière de recruter. L'industrie va aussi devoir recruter
des gens de tous âges, sans expérience mais qui sont
alignés avec notre raison d'être : aimer les gens, être
à l'écoute, avoir l'esprit d'accueil. Il faudra offrir des
carrières très dynamiques plus question de rester confiné
toute sa carrière à la plonge ou au service d'étages. La
jeune génération veut que ça bouge vite : on doit
s'adapter à ça aussi » (Clément, Juin 2021)
En conclusion, afin de lutter contre le manque de personnel pour
des raisons économiques ou manque d'attractivité du secteur il
est nécessaire d'appliquer plusieurs techniques. Tout d'abord, la
communication est un élément clé pour que tout le monde
puisse comprendre les enjeux. Ensuite, nous avons le développement de la
polycompétence au sein de tous les postes, ce qui favorise
l'élargissement des compétences de chacun et permet de diminuer
les frais de personnel. De plus, le manager a un rôle clé lors des
recrutements afin de déceler les compétences et points forts de
chacun afin d'optimiser les ressources. Ainsi, l'entreprise améliore son
efficacité et ses services fournis aux clients.
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