I.1.2. La citoyenneté affligeante des
élèves
De nos jours, la citoyenneté des burkinabè en
général et des élèves en particulier est peu
reluisante. Le Burkina Faso, autrefois cité en exemple, pour les vertus
d'intégrité, de courage et de patriotisme de son peuple, est
devenu aujourd'hui le théâtre de nombreux actes d'incivisme et de
comportements dépourvus de sens de citoyenneté. De la ville
à la campagne, on assiste à la montée de l'incivisme : le
non-respect des droits et devoirs du citoyen, la banalisation des symboles de
l'État, la spoliation et/ou le non-respect des biens privés et
publics. Ainsi, des phénomènes de foule et/ou individuels
incompatibles avec l'État de droit, sont observables dans toutes les
couches socio-professionnelles. KAGAMBÈGA (2010) décrit
très bien la situation dans son mémoire de fin de formation
à la fonction d'inspecteur de l'enseignement du premier degré
:
Que ce soit au niveau des dirigeants que des citoyens
ordinaires les dérives ont toujours été relevées.
L'opinion publique dans sa grande majorité se fait à
l'idée que la morale agonise au pays des hommes intègres. Des
détournements de biens publics, laxisme au travail, irrespect des lois
et règles de la république. La moindre manifestation est
une
3 AEEMB : Association des Élèves et
Étudiants musulmans du Burkina ; JEC : Jeunesse Étudiante
Catholique ; GB : Groupe Biblique.
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occasion pour détruire tous les symboles de
l'État4.
Aussi poursuit-il « ... comme l'école est un
produit de la société, celle-ci à son tour sera prise
également dans le tourbillon de l'incivisme »5. En
milieu scolaire, l'incivisme a atteint des proportions inquiétantes et
se manifeste par le non-respect du personnel pédagogique, administratif
et d'encadrement de la vie scolaire. Ainsi, ces dernières années,
les mauvais comportements des élèves se manifestent sous les
formes suivantes :
- la fréquence des destructions des biens publics et
privées pendant les manifestations des élèves ;
- les tricheries et falsifications sur les copies de devoirs,
les bulletins, les livrets et autres documents scolaires sont de plus en plus
récurrentes ;
- la multiplicité des violences verbales et physiques :
insultes, coups, séquestrations, assassinat.
À ce propos, LAMIEN (2013)6, dans une
enquête réalisée dans le cadre de son mémoire de fin
de formation, révèle qu'au moins 60% des enquêtés
affirment avoir été victimes ou témoins de violences en
milieu scolaire. D'autres formes de mauvais comportements sont rapportés
et font la une des journaux : séquestration de proviseur à
Niangoloko, à Garango et Imasgo. Le paroxysme a été
atteint le 29 janvier 2013 avec l'homicide de l'élève du groupe
scolaire saint Viateur illustrant la montée de la violence. Les «
grèves sauvages » sont devenues le quotidien de certains
établissements. Les titres des journaux s'en donnent à coeur joie
: « Les élèves du lycée professionnel Régional
Doma Somé de Gaoua ont chassé leur proviseur », «
Niangoloko : le véhicule du proviseur incendié par des
élèves ». Le Burkina Faso assiste impuissant au règne
de l'enfant-roi.
La citoyenneté vue sous l'angle du civisme n'est pas la
chose la mieux partagée dans les établissements d'enseignement au
Burkina Faso. Avec un tel degré d'incivisme, peut-on réellement
parler de participation des élèves à la vie scolaire de
leur établissement ?
4 KAGAMBEGA, Tambi (2010). « L'incivisme
en milieu scolaire : quelle contribution du théâtre-forum pour
l'éducation à la citoyenneté ? » Mémoire
de fin de formation IEPD, UK/ENS, p. 11.
5 Ibid. p. 11
6 LAMIEN, Joanny (2013). « Quelle
contribution de l'éducation pour l'émergence d'une vie citoyenne
dans les établissements d'enseignement secondaire ? »
Mémoire de fin de formation CE, ENS/UK, p. 53.
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