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La citoyenneté en droit constitutionnel camerounais


par Ampère Romuald NGASSAM KANGUE
Université de Douala - Master 2 en droit public 2015
  

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B. Les droits politiques du citoyen

A l'origine de la citoyenneté, les droits politiques étaient considérés comme la pierre angulaire du statut de citoyen ; car ils « font de lui un acteur de la cité, partie prenante à l'exercice du pouvoir »72. Autrement dit, « la liberté politique est le droit, pour les citoyens, de participer au gouvernement de l'Etat, c'est-à-dire de désigner et de révoquer leurs gouvernants »73. Relèvent essentiellement de la famille des droits politiques, le droit de vote (1) et le droit à l'éligibilité (2).

1. Le droit de vote

Les autorités détentrices du pouvoir politique au sein de l'Etat, tiennent leur pouvoir du peuple à travers la voie des élections au suffrage universel direct ou indirect74. Ainsi, « Le vote est égal et secret ; y participent tous les citoyens âgés d'au moins vingt (20) ans »75. Par le moyen du suffrage universel, les citoyens contribuent à la formation du destin commun et de la volonté générale. Ce raisonnement est partagé par Yves Déloye et Olivier Ihl, qui affirment que : « le vote relie des gens qui ont peu en commun »76. Ils ajoutent par ailleurs que l'acte de vote « procure aux citoyens le sentiment d'appartenir à une même communauté nationale »77.A la lecture de l'art. 2al. 3 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 sus, les caractères du vote renvoient à l'égalité, au secret et à la condition d'âge.

70 Le préambule de la Constitution énonce en effet que « L'Etat est laïc. La neutralité et l'indépendance de l'Etat vis-à-vis de toutes les religions sont garanties »

71 Jérôme Francis Wandji K., « La déclaration française des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et l'Etat en Afrique », Revue française de droit constitutionnel, 2014/3, no 99, pp.e1-e28, (spéc. p. e10).

72 Ibid., p. e17.

73 Jean Gicquel, Jean-Eric Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Montchrestien, 20è éd., 2005, p. 83.

74 Voir art. 2 al.2 de la Constitution du Cameroun.

75 Voir art. 2 al.3 de la Constitution du Cameroun.

76 Yves Déloye, Olivier Ihl, L'acte de vote, Paris, Presses de sciences po, 2008, p. 46.

77 Ibid., p. 47.

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L'égalité du vote, encore appelée égalité de suffrage, se résume par la formule « Un homme, une voix ». Elle signifie que tous les citoyens-électeurs participent égalitairement à la désignation des dirigeants de l'Etat. Autrement dit, l'évaluation numérique du suffrage valablement exprimé ne se fait pas en considération de la condition sociale ou économique encore moins de la race, de la religion ou de l'origine de l'électeur. Selon Elisabeth Zoller, le suffrage doit être égal en ce sens que « l'électeur doit être équitablement et effectivement représenté »78. Ainsi, « Dire que le suffrage doit être égal signifie au minimum que chaque voix doit peser d'un poids identique à l'autre ou, si l'on préfère, que chaque voix doit compter pour un vote, non pour une moitié de vote ou pour deux votes »79. Le principe de l'égalité du vote exclut donc automatiquement le vote familial, le suffrage multiple et le suffrage plural80. La technique du découpage électoral participe de la mise en oeuvre de la règle de l'égalité de vote. Dans ce cadre, le nombre de sièges par circonscription électorale est attribué sur la base de l'importance démographique de celle-ci81.

Le secret du vote signifie que le vote est caché de la vue, qu'il est confidentiel. Sur le plan pratique, ce sont entre autres la présence d'un isoloir dans le bureau de vote, la mise du bulletin de vote dans une enveloppe qui permettent de garantir la confidentialité du vote.

Concrètement, à l'issue de la phase de campagne électorale, après la ventilation des programmes et des professions de foi des candidats, l'électeur se retrouvera tout seul dans l'isoloir le jour du scrutin pour faire son choix entre plusieurs bulletins de vote, cela loin des influences des médias et des groupes de pression. Nul ne peut donc déterminer le bulletin qu'il a introduit dans l'enveloppe. Le secret du vote permet donc de protéger l'indépendance

78 Elisabeth Zoller, Droit constitutionnel, Paris, Puf, 1è éd. 1998, p. 503. 79Ibidem.

80 En fait, Le vote familial est un système de vote dans lequel le chef de famille détient un nombre de voix qui correspond à l'importance numérique de cette famille.

Quant au suffrage multiple, c'est un système qui permet à une catégorie d'électeurs, en raison du fait qu'ils remplissent certaines conditions, de voter dans plusieurs circonscriptions lors d'une même élection. Il était en vigueur en Grande Bretagne jusqu'en 1951.

Le suffrage plural enfin est celui qui attribue une ou plusieurs voix supplémentaires aux électeurs qui ont un intérêt spécial dans les affaires de l'Etat, il peut s'agir des diplômés, des propriétaires, des chefs de famille nombreuse, des opérateurs économiques, etc.

81 En ce qui concerne notamment l'élection municipale, l'art. 173 al.1de la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012, portant code électoral, prévoit par exemple que pour : Les communes de moins de cinquante mille habitants, le nombre de conseillers municipaux est de vingt-cinq ; pour les communes de cinquante mille à cent mille habitants, le nombre de conseillers est de trente et un ; alors que pour les communes de cent mille un à deux cent mille habitants, le nombre de conseillers est de trente-cinq.

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de l'électeur. Ainsi, « pour les citoyens, il est indispensable que le vote soit secret pour préserver leur liberté et éviter les pressions »82.

Le Pr. Marie-Anne Cohendet pense par contre que le vote ne devrait pas être secret pour les élus car la publicité de leur vote est « nécessaire pour qu'ils respectent leurs engagements et assument leurs responsabilités devant leurs électeurs »83.

Un minimum de maturité intellectuelle et de conscience politique sont nécessaires pour pourvoir participer aux élections de manière éclairée. Longtemps fixée à 21 ans84, la majorité électorale a été abaissée à 20 ans depuis la loi constitutionnelle du 18 janvier 196085.

Conformément à cette disposition constitutionnelle, l'art. 45 de la loi no 2012/001 du 19 avril 2012, portant Code électoral, prescrit que seuls les citoyens âgés de 20 ans révolus peuvent être inscrits sur les listes électorales86.

La condition d'âge est une exigence fondamentale du droit électoral camerounais. C'est

fort de cela que les requêtes de deux parties politiques, à savoir le SDF et de l'UNDP, portant sur l'annulation des élections législatives et municipales du 30 juin 2002 dans la circonscription électorale de la Mefou et Akono au motif qu'avaient pris part au vote des jeunes âgés de moins de 20 ans. Au final, le juge électoral, par l'arrêt no 32/CE/01-02 du 17 juillet 2002, avait donné une suite favorable à ces requêtes en décidant de l'annulation et de la reprise des élections dans ladite circonscription.

2. Le droit à l'éligibilité

En principe, tout citoyen peut librement se porter candidat à une élection nationale ou locale. Tel est en effet le sens du droit à l'éligibilité, qui est le corolaire du droit de vote ; car en effet, tout électeur à une élection peut potentiellement être candidat à la même élection. C'est dans ce sens qu'Elisabeth Zoller disait que : « Théoriquement, les conditions d'éligibilité devraient coïncider avec celles de l'électorat en ce sens que tout électeur inscrit

82 Marie-Anne Cohendet, Droit constitutionnel, Paris, Montchrestien, 3e éd, 2006, p. 149.

83 Ibidem.

84 Voir l'art. 2 de la Constitution camerounaise du 02 juin 1972.

85 Voir l'art. 2 al. 3 de la Constitution.

86 Toutefois, l'art. 46 al. 2 du code électoral atténue un tout petit peu cette exigence en prévoyant que : « Peuvent également être inscrits sur les listes électorales, les citoyens qui, ne remplissant pas les conditions d'âge [...] requises lors de la révision des listes, les rempliront avant la clôture définitive des inscriptions ou le cas échéant, le jour du scrutin ».

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dans une circonscription donnée devrait pouvoir se présenter à toutes les élections ayant lieu dans la circonscription en question »87 . Mais dans la réalité, il existe des conditions à l'exercice du droit à l'éligibilité. Elles sont prévues par la loi et sont cumulatives. Il s'agit entre autres de L'âge, de la jouissance de ses droits civiques et politiques ou de la résidence.

S'agissant de la condition d'âge, il faut relever que conformément aux art. 6 al. 5 de la Constitution et 117 du code électoral, les candidats à l'élection présidentielle doivent avoir 35 ans révolus à la date de l'élection. Il est à noter que depuis la Constitution du 04 mars 1960 jusqu'à celle du 02 juin 1972 en passant par les réformes constitutionnelles du 18 janvier 1996 et du 14 avril 2008, l'âge minimum exigé pour être candidat à cette élection est demeuré maintenu à 35 ans.

En ce qui concerne des élections législatives, sénatoriales, régionales ou municipales, l'âge requis pour être candidat diffère en fonction du scrutin. En effet, les candidats aux élections législatives, municipales et régionales doivent avoir au moins 23 ans révolus à la date de l'élection88. L'on remarque à propos de ces trois scrutins que la tendance est à la juvénilisation.

Pour le cas des élections sénatoriales, « Les candidats à la fonction de sénateur, ainsi que les personnalités nommées à ladite fonction, doivent avoir quarante (40) ans révolus à la date de l'élection ou de la nomination »89. Manifestement la tendance est de faire du sénat une chambre composée de personnes d'un âge plus ou moins avancé. En tout cas, le moins qu'on puisse dire c'est que l'âge minimal requis pour prétendre à la fonction de sénateur est supérieur par rapport à celui exigé pour autres les autres fonctions suscitées. Cela confortant ainsi l'idée selon laquelle le sénat est une chambre de gérontocrates.

De ce qui précède, force est de constater que l'âge minimum requis pour être électeur, c'est-à-dire vingt ans, ne coïncide pas avec celui exigé pour être candidat à l'une ou l'autre des élections évoquées ci-haut.

Le candidat à une élection doit jouir de la plénitude de ses droits civiques et politiques. Aussi, ne peut être candidat à une élection nationale ou locale, l'individu frappé d'incapacité mentale ou d'indignité. L'incapacité mentale renvoie à la situation des aliénés mentaux ou des

87 Elisabeth Zoller, Droit constitutionnel, Paris, Puf, 1e éd., 1998, p. 532.

88 Voir les art. 156, 175 al. 1 et 252 du code électoral camerounais.

89 Cf. art.220 al.1 du code électoral camerounais

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faibles d'esprit. Il s'agit de personnes mentalement défaillantes, qui ne peuvent de ce fait raisonnablement exprimer leurs choix, et, a fortiori exercer la fonction de représentation de leurs concitoyens ; car un minimum de discernement est requis dans ce cadre.

Quant à l'indignité, elle renvoie à la situation des personnes qui, soit sont ou ont été sous le coup d'une condamnation pénale, soit sont coupables de complot ou de trahison contre l'Etat. De ce point de vue, l'altération de la qualité de citoyen de la République, être épris de valeurs communes, par la personne même des individus rendus indignes, dissout le droit à l'éligibilité. Le code électoral camerounais se montre d'ailleurs clair à ce sujet en énonçant que sont inéligibles à toutes les fonctions politiques nationales ou locales90, « les personnes qui, de leur propre fait, se sont placées dans une situation de dépendance ou d'intelligence vis-à-vis d'une personne, d'une organisation ou d'une puissance étrangère ou d'un Etat étranger »91. Il est donc clair que tout citoyen qui aspire être élu à une fonction politique doit jouir d'une certaine exemplarité du point de vue du respect de la loi et des valeurs communes.

Quant à la condition de résidence, elle est définie en fonction de la nature du scrutin. Pour ce qui est du candidat à l'élection présidentielle, il doit justifier d'une résidence continue sur le territoire national d'au moins douze mois consécutifs92. Il en est ainsi parce que le candidat doit être le plus proche possible des réalités nationales.

Pour les candidats au poste de député, il ne leur est fait aucune obligation de résider sur le territoire de la circonscription électorale où ils font office de candidature. Il en est ainsi en vertu du fait que le député n'est pas seulement l'élu de sa circonscription, mais de toute la nation entière. Le cadre géographique de son élection est certes une circonscription électorale donnée, mais sa sphère de représentation concerne tout le territoire national. Or, les candidats à la fonction de sénateur sont astreints de résider effectivement sur le territoire de la région qui constitue leur circonscription électorale.

Enfin, conformément à l'esprit de la décentralisation93, le candidat à la fonction de conseiller municipal doit justifier d'une résidence effective d'au moins six mois sur le territoire de la commune concernée94. Toutefois, la loi atténue cette exigence en énonçant

90 Il s'agit des fonctions de Président de la République, de député, de sénateur de conseiller municipal ou de conseiller régional.

91 Cette disposition est contenue indifféremment dans les art. 118 al.1, 158 al.1 et 176 al.1 du code électoral.

92 Voir l'art. 117 du code électoral.

93 La décentralisation vise en effet le rapprochement de l'administration des citoyens locaux.

94 Voir l'art.175 al.1 du code électoral.

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que : « Les personnes non résidentes peuvent être candidates si elles justifient d'un domicile d'origine dans le territoire de la commune concernée »95. De même, le candidat à un mandat de conseiller régional, doit justifier d'une résidence effective sur le territoire de la région concernée96. Cependant, le candidat non résident sur le territoire de la région concernée sera éligible s'il a un domicile réel dans ladite région97.

Paragraphe 2 : LES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS DU CITOYEN

Les droits économiques sociaux et culturels relèvent de la catégorie des droits dont l'effectivité nécessite une intervention de l'Etat vis-à-vis de ses bénéficiaires. C'est la raison pour laquelle ils sont qualifiés de droits-créances. Comme pour les droits civils et politiques, leur consécration suprême réside essentiellement dans le préambule de la Constitution. Il nous revient ici d'examiner séparément ce groupe de droits.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand