CONCLUSION GENERALE
L'entreprise de caractérisation de la
citoyenneté en droit constitutionnel camerounais nous a amené
à décrypter les voies par lesquelles elle est prise en charge.
Employée dans l'oeuvre de conceptualisation de la citoyenneté, il
nous a semblé judicieux d'inscrire notre étude dans une vision
holistique ; ce qui a permis certes d'aborder les aspects parcellaires de la
citoyenneté, tout en essayant cependant de les dépasser et de les
synchroniser.
La citoyenneté est le produit d'une construction
historique qui est partie de l'émergence de la flamme de la conscience
citoyenne du sujet indigène et s'est poursuivie au fil des
aménagements textuels. Elle émerge véritablement à
l'aube de l'accession de l'Etat à la souveraineté internationale.
Dès lors, sa saisine et son encadrement par le constitutionnalisme
naissant furent immédiats. D'ailleurs, il faut souligner à ce
propos que l'intégration de la citoyenneté dans le processus de
renforcement des bases du nouvel Etat était nécessaire ; car la
citoyenneté « revêt un statut de primauté dans toutes
les fins [...] sociétales »474.
En ce sens, au regard du constitutionnalisme camerounais, la
citoyenneté se caractérise par un ancrage
certain475.
Dans un premier temps, les différentes constitutions
ont bâti et renforcé au fil du temps un arsenal juridique des
droits et devoirs du citoyen, qui a connu un enrichissement notoire à la
suite de l'avènement des courants démocratiques et des droits et
libertés fondamentales. A ce niveau seulement, l'essentiel, ou encore,
le squelette de la citoyenneté est perceptible.
Mais, le constituant a aussi voulu attribuer à la
citoyenneté un rôle encore plus fonctionnel476. C'est
dans ce sillage que nous avons montré comment elle est promotrice de
l'intérêt général, car il n'existe pas de
citoyenneté pour la citoyenneté. Cette dernière ne sera
utile que si elle permet de sauvegarder les acquis du vivre ensemble. Lesquels,
dans le
474 Alain Didier Olinga, « Le citoyen dans le cadre
constitutionnel camerounais », op. cit., p. 155.
475 Alain Didier Olinga dans « Le citoyen dans le cadre
constitutionnel camerounais », op. cit. , parle dans de ce sens
du citoyen comme étant au « coeur du constitutionnalisme
camerounais ».
476 Malinowski étudie la notion de fonction à
travers le postulat du système social global, dans lequel ses
éléments remplissent chacun un rôle et sont
interdépendants. Voir Madeleine Grawitz , op. cit., p. 242.
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contexte camerounais, se résument en l'unité
nationale et la République des valeurs fondamentales transcendantes des
aspirations communautaires ethno régionales entre autres.
Par rapport à cette mission suprême, nous avons
pu identifier la connexion entre l'intérêt général
et la société civile. Analysant le déploiement de cette
dernière, l'on s'est aperçu que son action déterminante
permet de faire ressortir les avantages de la citoyenneté collective. En
effet, en tant la société civile se place à la fois dans
la posture de porte-parole des citoyens et d'interlocuteur des gouvernants.
Analysant par ailleurs la portée du lien
indéniable entre la citoyenneté et l'intérêt
général, nous avons pu constater sa déstabilisation par la
montée de l'individualisme au Cameroun. Désormais la
citoyenneté est en crise ; sa perte de vitesse semble être due
aussi au dévoiement de la participation politique. Il s'en suit que la
recapitalisation de la citoyenneté doit passer par l'ouverture constante
de possibilités de participation citoyenne.
En outre, pour montrer le caractère dynamique de la
citoyenneté en droit constitutionnel camerounais, nous avons
recensé les éléments qui ont ou sont susceptibles de
modifier ses bases structurantes telles que l'égalité,
l'universalité et l'appartenance à la Nation.
De là, nous avons montré le caractère
différencié de la citoyenneté, qui instaure dès
lors le paradoxe dans l'idée de République.
Sous ce prisme, nous avons démontré l'implosion
de la citoyenneté républicaine par la consécration des
minorités et des populations autochtones. Relevant au préalable
que cette reconnaissance participait d'une certaine accommodation à la
diversité sociologique et culturelle qui caractérise le Cameroun,
il a été démontré à termes que cela a
gravement désagrégé la citoyenneté. En ce sens, en
relevant l'imprécision constitutionnelle des notions de minorité
et de populations autochtones, comme traductrice d'une réserve du
constituant, nous avons par ailleurs soutenu l'idée du
démantèlement de la règle fondamentale de
l'égalité en droits des citoyens par l'existence de divers
mécanismes de discrimination positive.
Par ailleurs, pour montrer que la citoyenneté ne se
caractérise pas par une certaine homogénéité, nous
avons identifié dans le droit électoral des
éléments de distanciation entre les citoyens. Cela nous a permis
de constater d'une part que l'égalité des citoyens en sort
atténuée, privant un certain nombre d'individus de la
plénitude la citoyenneté.
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Au demeurant, nous avons analysé l'évolution
difficile de la citoyenneté, déconnectée, qu'elle est
devenue, de l'appartenance à la Nation. Cette déconnexion en
effet, apparait sous deux visages.
Premièrement, la négation de l'appartenance
à la nation des camerounais d'origine est appréhendée
comme un facteur d'exclusion. Mais par la démonstration du rattachement
patent, liée à leur origine, nous avons abouti à la
conclusion que le refus de la double nationalité était
anachronique et que la perspective logique serait la reconnaissance de la
citoyenneté hybride par la voie de la double nationalité.
Dans le même cadre, la situation démographique
qui prévaut dans le territoire camerounais de Bakassi, marquée
par la forte démographie nigériane, serait susceptible de
déboucher sur une confusion réelle. En effet, se prévaloir
opportunément de la nationalité camerounaise sans pour autant se
sentir camerounais dans son affect, remet en cause la substance du sentiment
d'appartenance à la Nation. C'est pourquoi, nous avons
suggéré des pistes par lesquelles la garantie de
l'intégrité de la citoyenneté camerounaise pourrait se
faire.
A la fin, il est à noter que la thématique de la
citoyenneté reste un objet d'étude important, d'autant qu'elle se
construit tous les jours au gré des évolutions de l'Etat.
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