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La citoyenneté en droit constitutionnel camerounais


par Ampère Romuald NGASSAM KANGUE
Université de Douala - Master 2 en droit public 2015
  

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A. La réintégration dans la nationalité camerounaise

Dans la perspective de la reconnaissance légale de la double nationalité419, tous les individus qui, en vertu de la l'art. 31 (a) de la loi de 1968, avaient perdu leur nationalité camerounaise, pourront la recouvrer par le processus de la réintégration. De la sorte, il émergera une citoyenneté hybride, c'est-à-dire une citoyenneté née de la combinaison ou de la juxtaposition de la citoyenneté étrangère avec celle du Cameroun.

Au regard de la loi n° 68-LF-3 du 11 juin 1968 portant code de la nationalité, la réintégration dans la nationalité des camerounais d'origine s'avérerait plus ou moins complexe. Cette loi prévoit en effet que : « La réintégration dans la nationalité camerounaise est accordée [...] à condition toutefois que l'intéressé apporte la preuve qu'il a eu la qualité de ressortissant camerounais et justifie de sa résidence au Cameroun au moment de la réintégration »420.

S'agissant particulièrement de la preuve de la nationalité camerounaise, elle peut être apportée en l'occurrence par la production d'un acte d'état civil tel que l'acte de naissance notamment. Par ailleurs, la réintégration telle que définie actuellement ne pourra être appliquée à la situation des camerounais d'origine compte tenu de la condition de résidence à cause du fait que ces derniers sont des individus essentiellement issus de la diaspora, qui par conséquent ne résident pas sur le territoire camerounais.

Dans l'objectif de la réintégration des camerounais d'origine, des mécanismes juridiques doivent pouvoir créer d'une part des moyens pour faciliter le retour des personnes d'origine camerounaise et leur installation permanente au Cameroun. Cela commencerait par

419 Cette reconnaissance légale se présenterait comme le prolongement de la reconnaissance sociologique et politique de la double nationalité.

420Cf. art. 28 de la loi portant code de nationalité.

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la suppression de l'obtention par ces dernières du visa d'entrée au Cameroun. D'autre part, ces mécanismes doivent permettre l'octroi automatique de la nationalité et de la citoyenneté camerounaises à l' égard des personnes susmentionnées en les dispensant de certaines conditions légales requises notamment celle de renoncer forcément à leur nationalité étrangère. De la sorte, bien qu'étant citoyens d'autres Etats, les individus d'origine camerounaise se verraient reconnaitre en même temps au Cameroun le statut légal de citoyen, avec tous les droits qui y sont attachés ; sous réserve évidemment de certains droits comme l'éligibilité à certaines fonctions421.

La réintégration dans la nationalité a souvent été un mécanisme important mis en oeuvre dans le processus de construction de l'Etat-Nation. Elle permet en fait le resserrement des liens entre l'Etat et ses nationaux vivant à l'étranger de sorte que survive sur la nationalité étrangère de ces derniers, la manifestation concrète de leur appartenance à leur Nation d'origine.

En se référant au droit comparé, il faut remarquer que la réintégration dans la nationalité des personnes qui sont originaires du pays est facilitée au travers du droit positif. La constitution arménienne par exemple prévoit en son article 14 que « toute personne d'origine arménienne aura la faculté d'obtenir la citoyenneté, via une procédure simplifiée ». En Allemagne par contre, la Constitution permet à toute personne de souche allemande de réintégrer la nationalité allemande. Mieux encore, une loi « a étendu le droit automatique à la citoyenneté à toute personne de souche allemande habitant l'Europe de l'Est et de l'Union soviétique »422.

De ce qui suit, la réintégration des camerounais d'origine dans la nationalité constituerait un moyen pour montrer que le lien de sang entre eux et la Nation peut certainement connaitre l'érosion, mais qu'il reste invulnérable à la péremption.

421 Cette barrière trouverait sa justification dans le fait que les personnes élus à ces différents scrutins exercent des fonctions de représentation du peuple aussi bien à l'échelle nationale qu'internationale, cela explique qu'elles ne puissent pas partager leur loyauté entre le Cameroun et un autre pays. Par ailleurs, la constitution du Cameroun énonce en son art.4 que l'autorité de l'Etat est exercée par le Président de la République et le Parlement. De ce point de vue, dans le souci de la préservation des intérêts de l'Etat et du fait de la sacralité des fonctions de Président de la République ou de parlementaire, elles ne doivent pas être exercées par des binationaux. Dans le cadre de la commune notamment, la coopération décentralisée au niveau international pourrait potentiellement placer les élus binationaux dans une situation embarrassante.

422 A. Rubinstein, A. Yakobson, Israël et les Nations. L'État-nation juif et les droits de l'homme, Paris, PUF, 2006, p. 174, cité par Charles Leben, op. cit., p. 159

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B. Les axes d'aménagement de la double citoyenneté

Dans la perspective de la reconnaissance de la double nationalité ou double citoyenneté au Cameroun, il s'avérerait impératif d'y appliquer quelques aménagements. Lesquels tourneraient autour de l'objectif de garantir l'allégeance des binationaux à l'égard de l'Etat du Cameroun d'une part (1), de même qu'ils auront trait à la protection diplomatique d'autre part (2).

1. La garantie de l'allégeance des citoyens binationaux à l'égard de l'Etat du Cameroun

L'un des aspects essentiels des rapports entre l'Etat et le citoyen est l'obligation d'allégeance du second à l'égard du premier. L'effectivité d'une telle obligation à propos spécialement des binationaux passe par la mise sur pied par la législation sur la nationalité de mécanismes divers.

Il peut s'agir par exemple de la mise à la charge pour les binationaux, de l'obligation de déclarer allégeance à l'Etat du Cameroun, cela sous la forme d'une prestation de serment. Ce mécanisme peut être opérationnalisé par l'insertion dans la loi d'une formule par laquelle le binational s'engage à être loyal à l'Etat du Cameroun en dépit de son autre nationalité. L'énoncé de cette formule peut être le suivant : « je promets de faire allégeance à l'Etat du Cameroun, de respecter en tout temps et en tout lieu les lois et valeurs de la République et de protéger les intérêts de notre Nation ». Par le prononcé de cette formule, l'individu affirmera pour ainsi dire sa « camerounité » et sa volonté à servir le Cameroun. Dans le même sens, par cette promesse de loyauté, l'intéressé s'engage à éviter d'adopter une position ambivalente vis-à-vis du Cameroun et surtout face à l'autre Etat dont il est tout aussi citoyen. Autrement dit, il ne doit pas, à travers son comportement, ses actes ou ses déclarations, marquer implicitement ou explicitement sa préférence pour son autre Etat. C'est dire ici que le double national ne doit pas être tiraillé entre les deux allégeances, mais doit plutôt établir entre elles une sorte de coexistence pacifique.

Cette déclaration d'allégeance peut aussi se faire à travers plusieurs formules séparées, mais dont le contenu et la finalité seront identiques.

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Bien évidemment, le comportement déloyal du citoyen binational doit donner lieu à des sanctions, dont principalement la déchéance de la nationalité, sans préjudice des condamnations judiciaires qui peuvent s'y adjoindre. A ce sujet, la Convention des Nations Unies sur la réduction des cas d'apatridie du 30 août 1961, entrée en vigueur le 13 décembre 1975, prévoit qu'un Etat peut conserver la faculté de priver un individu de sa nationalité si ce dernier, dans des conditions impliquant de sa part un manque de loyalisme envers l'Etat contractant a eu un comportement de nature à porter un préjudice grave aux intérêts essentiels de l'Etat423.

En tout état de cause, la double nationalité ne doit d'aucune manière infléchir la souveraineté de l'Erat sur ses ressortissants.

2. Les aménagements relatifs à la protection diplomatique

Approuver la double nationalité c'est aussi donner vie à la double allégeance.

Sur le plan pratique, cette double allégeance peut poser des problèmes quant à la question de la protection diplomatique. En fait, Un Etat peut-il exercer la protection diplomatique en faveur de son ressortissant qui est à la fois le national de l'Etat auquel la violation des droits est imputée ?

En outre, dans le cas de figure où la violation des droits est imputée à un Etat tiers, lequel des deux Etats dont l'individu est le national devra-t-il assurer la protection diplomatique ? C'est à ces questions, souvent hautement sensibles du point de vu des relations internationales bilatérales, que devra répondre une législation à venir sur la double nationalité au Cameroun.

En guise de réponse à la première interrogation, il faut simplement dire qu'un Etat ne peut prétendre détenir un droit de protection diplomatique lorsque cette protection doit être exercée en faveur de son ressortissant, qui possède concurremment la nationalité de l'Etat en l'encontre duquel elle doit être mise en oeuvre. Concrètement, un camerounais binational ne pourrait, afin de bénéficier de la protection diplomatique de son autre Etat, se prévaloir de sa nationalité étrangère à l'égard du Cameroun ; ce dernier le considérera plutôt comme son ressortissant exclusif. C'est donc à cette solution que doit tendre la législation sur la double nationalité à venir au Cameroun ; car l'enjeu ici serait la préservation de la souveraineté de

423 Voir l' art. 8 al. 3a ii de la Convention des Nations Unies sur la réduction des cas d'apatridie du 30 août 1961.

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l'Etat. Elle serait du reste une application de la règle de la non-responsabilité consacrée par la convention de la Haye sur la nationalité du 12 avril 1930424. D'ailleurs, la Cour internationale de Justice a fait application de cette règle lorsqu'elle déclara se référer à la « pratique généralement suivie selon laquelle un

Etat n'exerce pas sa protection au profit d'un de ses nationaux contre un Etat qui considère celui-ci comme son propre national»425.

A la question de savoir entre le Cameroun et un autre Etat dont un individu est concurremment le ressortissant lequel devra exercer la protection diplomatique à l'encontre d'un Etat tiers, il faut dire que la solution serait moins complexe. En fait, l'exercice de la protection diplomatique pourra revenir à l'Etat de résidence dudit individu.

La déconnexion entre la nationalité et la citoyenneté au Cameroun est encore plus plausible lorsqu'on évoque la situation particulière de la presqu'île de Bakassi.

SECTION II : LE FAIBLE ENRACINEMENT DE LA NATIONALITE CAMEROUNAISE DANS LA PRESQU'ILE DE BAKASSI

Selon la théorie générale de l'Etat, la population est l'un des éléments essentiels de l'Etat426. Le territoire de Bakassi est certes retourné dans le giron du territoire national427, cette zone présente cependant des particularités démographiques notoires. En effet, compte tenu de la forte concentration des ressortissants nigérians en l'occurrence dans cette zone, dont l'importance numérique est particulièrement élevée, la nationalité camerounaise y est plutôt à l'étroit en quelque sorte.

Du point de vue juridique, cette situation ne peut manquer de susciter des interrogations quant à son impact à la fois sur la nationalité et la citoyenneté camerounaises dans cette zone. En effet, la force démographique des étrangers nigérians établis dans la zone de Bakassi est

424Cf. art. 4. de la convention de la Haye sur la nationalité.

425Cf. l'avis consultatif de la CIJ sur la réparation des dommages subis au service des Nations Unies du 11 avril 1949.

426 Selon le Pr. Joseph Owona par exemple, « la population est constitue le groupement humain qui est à la base de l'Etat ». Lire Joseph Owona, Droits fondamentaux et institutions politiques du monde contemporain. Etude comparative, op. cit. , p. 18.

427 Le Cameroun a recouvré sa pleine souveraineté sur ce territoire suite notamment au verdict de la CIJ du 10 octobre 2002 et à l'accord de retrait de l'administration civile et des forces de police de la République fédérale du Nigéria et de transfert d'autorité à la République du Cameroun du 14 août 2008.

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susceptible d'y entrainer la perméabilité de la nationalité camerounaise (§1) cette occurrence nous conduit ainsi à examiner les perspectives de la nationalité et de la citoyenneté dans cette zone là (§ 2).

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle