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La citoyenneté en droit constitutionnel camerounais


par Ampère Romuald NGASSAM KANGUE
Université de Douala - Master 2 en droit public 2015
  

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A. Les cas d'inéligibilité liés à la qualité de citoyen d'adoption

Au regard du Code électoral camerounais, le droit à l'éligibilité n'a pas les mêmes contours selon qu'il concerne le citoyen d'origine et le citoyen d'adoption. L'inéligibilité

342 Voir à ce sujet le mémorandum du « Grand-nord (Cameroun) » intitulé « Le Nord en déperdition qui accuse», in Le Messager du 23 septembre 2002.

343 Il convient tout de même de signaler que ce qui a présidé au choix du département du Nkam est le fait que nous résidions dans la région du Littoral, d'où une certaine proximité géographique avec elle, ce qui nous permet de mieux cerner les réalités qui lui sont propres.

344 Car, avec un plus grand nombre de députés, sa cause se verrait ainsi encore plus amplement défendue au niveau national, lui permettant par-là de rattraper le niveau de développement des autres départements de la région.

345 Le Dr Mballa Owona Robert fait ainsi remarquer que « Dans la région du Littoral par exemple, il y a des différences si accusées entre le département du NKAM, notoirement enclavé et le département du WOURI, fortement urbanisé » Cf. Robert Mballa Owona « La notion d'acte administratif au Cameroun », Thèse de doctorat de l'université de Yaoundé II Soa 2010 p. 595.

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absolue de ce dernier aux élections présidentielle et sénatoriale (1) est toutefois conditionnée par l'écoulement d'une période de probation pour les autres élections (2).

1. L'inéligibilité absolue des citoyens d'adoption aux élections présidentielle et sénatoriale

Aux termes de la Constitution camerounaise, « Les candidats aux fonctions de Président de la République doivent être citoyens camerounais d'origine »346. Cette disposition est reprise in extenso par l'art.117 du Code électoral camerounais. Ce texte dispose dans le même sens que les candidats à la fonction de sénateur « doivent être citoyens camerounais d'origine »347. Ainsi, bien qu'étant membres de l'Etat du Cameroun348 aux plans juridique et politique, les citoyens d'adoption sont clairement frappés d'une incapacité de jouissance qui les rend inaptes à être titulaires du droit à l'éligibilité aux postes suscités.

A chacune de ces exclusions se rattachement bien entendu des raisons diverses.

La fonction présidentielle est incontestablement la fonction suprême de l'Etat au regard des pouvoirs constitutionnels qui y sont attachés349. Cela pourrait expliquer la raison pour laquelle elle doit être exercée par une personnalité qui soit foncièrement rattachée à l'Etat aussi bien affectivement, mais surtout originellement, c'est-à- dire par le lien de sang350. Cette option est aussi celle des constituants togolais351, tchadien352 et congolais353.

En fait, comment le Président de la République, citoyen d'adoption et par conséquent « étranger d'origine », peut-il, en vertu de l'art.8 al.1 de la Constitution, représenter « l'Etat dans tous les actes de la vie publique » notamment dans ses rapports avec l'Etat dont il originaire ? En tout cas, le risque est grand que cette double appartenance fasse peser sur lui

346 Voir art. 6 al. 5 de la Constitution.

347 Voir art. 220 al. 2 du code électoral.

348 Car leur naturalisation leur confère ces liens et politiques avec l'Etat du Cameroun.

349 Voir les art.5 et suivants de la constitution.

350 Le lien de sang permet la détermination de la nationalité d'après la filiation de l'individu. C'est-à-dire que ses parents doivent être des camerounais d'origine.

351 L'art 62 de la constitution du Togo prévoit que nul ne peut être candidat aux fonctions de Président de la République s'il n'est exclusivement de nationalité togolaise de naissance

352 L'art. 62 de la Constitution du Tchad du 31 mars 1996 prévoit que les candidats aux fonctions de Président de la République doivent « être Tchadien de naissance, né de père et de mère eux-mêmes tchadiens d'origine et n'avoir pas une nationalité autre que tchadienne ».

353 L'art. 58 de la constitution du Congo du 20 janvier 2002 prévoit que : Nul ne peut être candidat aux fonctions de Président de la République « s'il n'est de nationalité congolaise d'origine ».

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un risque de confusion des intérêts de l'Etat et puisse influencer ses choix politiques354. De ce point de vue, cette inéligibilité, bien qu'étant un vecteur d'exclusion se justifie néanmoins valablement.

Quant à l'inéligibilité des citoyens camerounais d'adoption à l'élection sénatoriale, elle est la conséquence d'un revirement législatif. En effet, en vertu de l'art. 10 de la loi no 2006/005 du 14 juillet 2006 fixant les conditions d'élection des sénateurs, tout candidat à la fonction de sénateur devait être un citoyen camerounais d'origine ou naturalisé depuis au moins dix (10) ans. Cette loi a par la suite été abrogée avant même de commencer à être appliquée par la loi no 2012/001 du 19 avril 2012 portant code électoral du Cameroun

Nous pouvons trouver la raison de ce changement législatif dans la logique de la cohérence de l'ordre juridique constitutionnel notamment. En effet, en maintenant la possibilité pour les citoyens d'adoption d'être élus ou nommés aux fonctions de sénateur comme le prévoyait la loi de 2006, l'on pourrait se trouver dans l'éventualité d'avoir un citoyen naturalisé exerçant les fonctions de Président de la République, puisque l'al. 4a de l'art. 6 de la constitution mentionne que « L'intérim du Président de la République est exercé de plein droit, jusqu'à l'élection du nouveau Président de la République, par le Président du Sénat. Et si ce dernier est, à son tour empêché, par son suppléant suivant l'ordre de préséance du Sénat ». Au regard de cette disposition, même si le Président du Sénat ou l'un de ses suppléants est un citoyen naturalisé il ne pourrait pour être disqualifié à assurer la fonction de Président de la République par intérim, bien que cela remettrait en cause les art.6 al.5 de la constitution et 117 du code électoral355.

2. La période de probation, préalable à la jouissance par les citoyens d'adoption du droit à l'éligibilité aux autres élections politiques

A partir de l'acquisition de la nationalité camerounaise, le nouveau citoyen ne peut cependant pas immédiatement jouir de tous les droits qui en découlent. En effet la loi n° 68-

354 C'est pour pallier à ce risque que le code électoral camerounais prévoit déjà en amont en son art. 118 al. 1 que sont inéligibles à la fonction de Président de la République « les personnes qui, de leur propre fait, se sont placées dans une situation de dépendance ou d'intelligence vis-à-vis [...] d'un Etat étranger ». Cette disposition est donc connexe au refus du droit à l'éligibilité, car la situation de dépendance ou d'intelligence vis-à-vis d'un Etat étranger peut justement être favorisée a priori par le fait que le candidat élu ou à élire en est originaire.

355 Ces deux dispositions prévoient similairement que les candidats aux fonctions de Président de la République doivent être des citoyens camerounais d'origine.

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LF-3 du 11 juin 1968 portant code de la nationalité camerounaise et le code électoral prévoient conjointement cette incapacité pour le citoyen naturalisé d'être candidat aux élections législatives, municipales et régionales, sauf après l'écoulement d'une période de probation de dix ans. A ce propos justement, il est opportun de révéler une double ambiguïté découlant de l'examen conjoint des deux textes suscités.

La première vient de ce que le code de nationalité fixe la durée de la période de probation à cinq ans, alors que le code électoral la fixe à dix ans.

Le premier texte prévoit en effet que « pendant un délai de cinq ans à compter du décret de naturalisation, l'étranger naturalisé ne peut être investi de fonctions de mandat électif »356. Tandis que les art. 157 et 175 al. 3 du second disposent mutatis mutandis que : « L'étranger qui a acquis la nationalité camerounaise par naturalisation n'est éligible qu'à l'expiration d'un délai de dix (10) ans à compter de la date d'acquisition ».

Dès lors, il existe à ce sujet une contrariété patente sur la durée de la période de probation, laissant ainsi le citoyen d'adoption dans l'embarras quant à savoir le texte à invoquer pour revendiquer son éligibilité à l'une ou l'autre des élections sus mentionnées.

La seconde ambiguïté réside en ce que le code de nationalité prévoit une exception à l'exigence de l'écoulement d'un délai préalable de cinq ans à la possibilité de candidature des citoyens d'adoption. Dans ce sens, il dispose que : « l'étranger naturalisé qui a rendu au Cameroun des services exceptionnels ou dont la naturalisation présente pour le Cameroun un intérêt exceptionnel, peut être relevé de l'incapacité précitée par décret »357. Or, le code électoral est muet sur la question et ne prévoit aucune dérogation à l'exigence de l'expiration du délai de dix ans préalablement à l'éligibilité des citoyens naturalisés.

Quoiqu'il en soit, contrairement à la France où le législateur a permis l'éligibilité immédiate des citoyens naturalisés 358 , au Cameroun ces derniers ne peuvent pas immédiatement jouir de ce droit au même titre que les citoyens d'origine.

356 Voir l'art. 30 al. 2 de la loi n° 1968-LF-3 du 11 juin 1968, portant code de la nationalité camerounaise.

357 Voir l'art.30 al.2 du code de la nationalité camerounaise.

358 « Depuis la loi organique n° 83-1096 du 20 décembre 1983, les personnes ayant acquis la nationalité française par mariage [...] sont immédiatement éligibles ». Lire Mastor Wanda, « Les droits du candidat à l'élection présidentielle », Pouvoirs, 2011/3 n°138, p. 33-46, (spéc. p. 37).

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B. Les disparités entre citoyens inhérentes à la candidature indépendante aux élections

L'on parle de candidature indépendante lorsqu'un citoyen se présente à une élection locale ou nationale sans être investi par un parti politique. A défaut d'être tout simplement exclue comme c'est le cas pour les élections locales (1), la candidature indépendante à l'élection présidentielle est soumise à plusieurs pesanteurs (2),

1. L'exclusion de la candidature indépendante aux élections locales

Au Cameroun, dans le cadre des élections sénatoriales, législatives, régionales et municipales, les partis politiques sont les seuls foyers pourvoyeurs de compétiteurs électoraux. En effet, pour ces élections, tout citoyen désireux de briguer un mandat doit de façon incontournable être investi par un parti politique légal.

En effet, la déclaration de candidature à l'élection des députés à l'Assemblée Nationale doit indiquer entre autres le titre de la liste et, le parti politique auquel elle se rattache en plus d'une attestation par laquelle le parti politique investit l'intéressé en qualité de candidat359, l'absence de cette pièce entraînant ipso facto l'invalidation de la candidature. Cette exigence est reprise mutatis mutandis concernant la candidature à la fonction de sénateur360.

De la même manière, à travers l'exigence selon laquelle la déclaration de candidature aux élections municipales et régionales doit comporter une attestation par laquelle le parti politique investit l'intéressé en qualité de candidat361, l'on constate l'exclusion explicite de la candidature indépendante à ces élections.

Mais en dépit de ce que la loi électorale précise que les conditions d'éligibilité exigées pour la validation de la candidature, notamment la présentation par un parti politique, doivent continuer d'être remplies par les candidat élu pendant toute la durée de son mandat, sous peine de déchéance, ce dernier, une fois élu, n'est pas contraint de demeurer dans ce parti. En effet, le parti politique ne saurait être pour l'élu une camisole de force. Si ce dernier est exclu

359 Voir l'art.164 al. 4 et 165 du code électoral.

360 Voir l'art. 231 du code électoral.

361 Voir l'art. 182 du code électoral.

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ou démissionne du parti politique qui l'a investi, il ne peut être déchu de son mandat, car aux termes de l'art. 15 al. 3 de la Constitution, « Tout mandat impératif est nul ».

De ce qui suit, si l'élu séparé du parti politique qu'il l'a investi peut se prévaloir d'un mandat libre vis-à-vis de celui-ci, pourquoi un tel affranchissement ne pourrait-il pas exister en amont de telle sorte que tout citoyen puisse, indépendamment d'un parti politique, se porter candidat à l'une des élections susmentionnées ? D'autant plus que les partis politiques, bien qu'ils soient chargés de concourir « à l'expression du suffrage universel »362, ils ne sont pas en réalité les seules entités politiques et devraient donc en aucun cas monopoliser le jeu électoral.

2. Les pesanteurs de la candidature indépendante à l'élection présidentielle

Lors de la compétition électorale, le candidat indépendant et celui investi par un parti politique sont soumis à des traitements différents susceptibles de faire naitre entre les deux une inégalité.

Le Pr. Luchaire disait qu' « on ne se porte pas candidat soi-même à la Présidence de la République ; il faut être présenté »363. C'est ainsi que l'art.121 du code électoral prévoit qu'ils doivent être « présentés comme candidat à l'élection du Président de la République par au moins trois cents (300) personnalités originaires de toutes les Régions, à raison de trente (30) par Région et possédant la qualité soit de membre du Parlement ou d'une Chambre Consulaire, soit de Conseiller Régional ou de Conseiller Municipal, soit de Chef Traditionnel de premier degré ».

Cependant, l'on peut imaginer la difficulté pour un candidat indépendant à recueillir les signatures des personnalités indiquées, compte tenu de ce qu'aucune obligation n'est faite aux personnalités énumérées par l'art. 121 du code électoral d'apposer leur signature sur la lettre de présentation du potentiel candidat. De plus, « une signature donnée pourrait être interprétée comme un acte de dissidence ou de désaveu de Paul Biya »364. Dès lors, elles n'encourent aucune sanction en cas de refus, délibéré ou non motivé de signature. Cela signifie malheureusement que le candidat indépendant ne peut se prévaloir d'un droit à être présenté.

362 Voir l'art. 3 de la Constitution du Cameroun.

363 F. Luchaire, Le conseil constitutionnel, Economica, 1980, p.281.

364 Jérôme Francis Wandji K., « Processus de démocratisation et évolution du régime politique camerounais d'un présidentialisme autocratique à un présidentialisme démocratique », op. cit., p.444.

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Par ailleurs, de l'analyse de la législation électorale, l'on note l'existence de certains éléments défavorisant d'une manière ou d'une autre les candidats indépendants.

C'est le cas par exemple en matière de contentieux pré-électoral relatif à la couleur, au sigle ou au symbole. L'art.131al. 2 du code électoral prévoit que « le Conseil Constitutionnel attribue par priorité à chaque candidat sa couleur, son sigle ou son symbole traditionnel, par ordre d'ancienneté du parti qui l'a investi et, dans les autres cas, suivant la date de dépôt de la candidature, le récépissé de dépôt faisant foi ». Il découle de cette disposition que le juge s'attèle prioritairement à départager les partis politiques. Cela entraine donc que ce contentieux soit désavantageux pour les candidats indépendants, qui sont exposés au risque de perdre leurs couleurs, sigles et symboles initiaux.

In fine, les candidats à l'élection présidentielle, investis ou indépendants, ne bénéficient pas tous d'un traitement identique.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams