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La citoyenneté en droit constitutionnel camerounais


par Ampère Romuald NGASSAM KANGUE
Université de Douala - Master 2 en droit public 2015
  

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A. La formulation du lien société civile-intérêt général

La promotion de l'intérêt général est largement l'apanage de la société civile, considérée comme « la société des citoyens » et composée des organisations non gouvernementales, des syndicats, des associations professionnelles, des communautés religieuses, des autorités coutumières etc.

Avec l'avènement de la société civile, il s'est produit comme un transfèrement partiel des missions de réalisation du bien commun de l'Etat (qui est a priori le seul garant de l'intérêt général) vers cette dernière.

En effet, à côté de l'Etat, la société civile se pose comme l'un des acteurs « capables de produire des biens publics et de contribuer, autant que possible, à la satisfaction des besoins fondamentaux des populations camerounaises et à la défense de leurs droits »189.

normative, capable de libérer, de mobiliser les forces des changements alternatifs ». Lire Nasser Etemadi, concept de société civile et idée du socialisme, Paris, L'Harmattan, 2002, pp. 88-89.

Sur un tout autre plan, il faut noter que le concept de société civile résulte de l'émergence de l'Etat organisé au détriment de l'état de nature. Ainsi pour Hobbes, « la société civile est une autre façon de nommer l'Etat défini comme forme politique et organisée, émanation du contrat social noué entre individus et matérialisation de la civilité qui préside à leurs relations ». Lire René Otayek « et al.», « Les sociétés civiles du Sud : Un état des lieux dans trois pays de la ZSP : Cameroun, Ghana, Maroc », op.cit. p. 31.

De la contribution de Gramsci à la saisine du concept de société civile, il faut relever qu'il le définit comme « un complexe d'institutions sociales privées » dont le rôle est « la diffusion de normes et de valeurs, c'est-à-dire d'une certaine conception de la vie en société, des rapports entre individus et groupes sociaux, de la relation à l'Etat, de représentations relatives à l'ordre, au pouvoir et à la légitimité ». cf. op. cit. , p. 32.

187 Jérôme Francis Wandji K., « Processus de démocratisation et évolution du régime politique camerounais d'un présidentialisme autocratique à un présidentialisme démocratique », op. cit., p. 446.

188 Maurice Kamto, « Rapports Etat-Société Civile en Afrique », RJPIC, octobre-décembre, no 31994, p.287.

189 René Otayek « et al.», op. cit. , p. 39.

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La loi no 99/014 du 22 décembre 1999 régissant les organisations non gouvernementales, conforte solidement l'idée de l'implication de la société civile dans la promotion de l'intérêt général, car aux termes de cette dernière, « une ONG est une association [...] agréée par l'administration en vue de participer à l'exécution des missions d'intérêt général »190. De même, ces missions d'intérêt général peuvent ressortir des domaines divers, notamment juridique, économique, social, culturel, sanitaire, sportif, éducatif, humanitaire, protection de l'environnement ou promotion des droits de l'Homme191.

Fort de ce qui suit, les organisations de la société civile (OSC) apparaissent comme des laboratoires d'étude des préoccupations de la société. Elles sont des « lieux de proposition et d'imagination collective pour la croissance et l'amélioration des conditions de vie de la nation »192. En d'autres termes, l'activité citoyenne menée par la société civile va au-delà d'un cercle restreint, mais vise généralement à contribuer au bien-être du maximum d'individus ou de la collectivité toute entière 193; puisqu' « En se constituant, les groupes d'ordres divers et particulièrement les groupes professionnels, bien loin de compromettre le lien national, viennent le renforcer en donnant à la solidarité nationale une structure plus complexe »194.

Si « La participation citoyenne implique une intervention directe des citoyens ou parfois leurs interventions indirectes à travers le tissu associatif »195, cela révèle clairement que la société civile est consubstantielle à la citoyenneté. C'est ce que semblait reconnaitre Célestin Monga lorsqu'il énonçait que l'action des organisations tenues comme appartenant à la société civile « tend à amplifier le processus d'affirmation des droits attachés à la citoyenneté »196. C'est sans doute en vertu de ce rôle de relais essentiel de l'expression citoyenne, faisant d'elle un instrument d' « actionnariat collectif » à la disposition des

190 Voir l'art. 2 al. 1de la loi no 99/014 du 22 décembre 1999 régissant les organisations non gouvernementales.

191 Voir l'art. 3 de la loi no 99/014 du 22 décembre 1999 régissant les organisations non gouvernementales.

192 Coalition citoyenne pour le changement (3C) observatoire des promesses électorales, « Le pacte citoyen (La parole des citoyens aux élus) pour moins de pauvreté et plus de démocratie au Cameroun. Propositions de la société civile aux candidats à la présidentielle de 2011 et aux futurs candidats aux municipales et législatives de 2012 », Yaoundé, septembre 2011, p.19.

193 A partir de là, l'on admet l'idée que « Les associations sont [...] pratiquement orientées vers la poursuite d'activités d'intérêt général, mais, plus substantiellement, elles sont reconnues comme dépositaires d'une parcelle de l'intérêt général au travers d'intérêts collectifs ». Voir David Hiez et Rémi Laurent, op. cit., pp. 4041.

194 Léon Duguit, Traité de droit constitutionnel, op. cit. , p. 10.

195 Voir Zair Tarik dans son article intitulé : citoyenneté et démocratie participative au Maroc, les conditions de la construction d'un modèle, présenté lors du colloque organisé à Marrakech les 29-30 mars 2012 dont le thème général était : Processus constitutionnels et processus démocratiques : Les expériences et les perspectives, p.7.

196 Voir Célestin, Monga, Anthropologie de la colère : société civile et démocratie en Afrique, Paris, L'Harmattan, 1994, p. 102. Cité par Otayek René et al., op. cit., p. 39.

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citoyens, que la société civile constitue un interlocuteur des autorités gouvernantes, dont elle influence par ailleurs les décisions. De là découle toute la légitimité des OSC, qui « sont une forme de représentation de la population. Elles agissent dans l'intérêt de celle-ci, en font émerger une parole collective »197 ; ce qui fait de ces dernières une sorte d'alternative198.

Le lien intérêt général et société civile peut aussi être décrypté à travers la politique des subventions accordées à cette dernière pour la réalisation de ses activités. A ce sujet, David Hiez et Rémi font observer que : « les subventions ne peuvent être accordées qu'aux associations qui poursuivent des buts d'intérêt général avéré »199. Ils poursuivent en disant que : « Quand on connaît le poids des subventions dans le budget des associations et le nombre d'associations qui perçoivent de telles subventions [...], on mesure le lien qui les rattache à cet intérêt général »200.

Mais au-delà de leur formulation théorique, les démarches citoyennes de la société civile sont menées suivant plusieurs mécanismes pratiques.

B. Les mécanismes de promotion de l'intérêt général par la société civile

La participation citoyenne des OSC à la promotion et à la défense de l'intérêt général peut synthétiquement emprunter trois mécanismes, à savoir l'information et la communication (1), le plaidoyer (2) et le contrôle de la gestion des affaires publiques (3).

1. l'information et la communication

Dans le domaine de l'information et de la communication, les OSC en général et les ONG en particulier, mènent des initiatives en vue de sensibiliser les citoyens relativement à

197Ibid. p. 25.

198 A ce propos, l'on faisait déjà remarquer qu'en Afrique en général et au Cameroun en particulier, la société civile est considérée « comme l'unique solution alternative à la crise de l'Etat post-colonial autoritaire dont l'échec fut aussi bien politique qu'économique... ». Voir René Otayek , op. cit., p. 33.

199 David Hiez, Rémi Laurent, « La nouvelle frontière de L'économie sociale et solidaire : L'intérêt général ? », op. cit. , p. 40.

200 Ibidem.

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diverses questions relatives aux droits fondamentaux, au patriotisme, à la participation électorale, à la protection de l'environnement etc. A ce sujet, l'on remarque leur grande implication, à travers l'organisation de conférences-débats, de forums ou de manifestations publiques, dans la célébration des journées nationales d'une part, et internationales d'autre part consacrées soit au niveau de l'organisation des Nations unies et relatives aux activités de l'un ou de l'autre de ses organismes spécialisées, soit au niveau de l'Union africaine ou de toute autre organisation sous-régionale dont le Cameroun est membre. L'objectif recherché est notamment d'informer les citoyens sur l'importance de tel ou tel évènement et son enjeu sur ses droits ou ses conditions de vie.

Entre autres problématiques qui connaissent particulièrement les interventions des OSC sur le plan de l'information et de la communication, il y'a par exemple la participation électorale. En fait, elles oeuvrent pour inciter les citoyens à prendre part activement aux différentes phases du processus électoral. Ainsi, à l'occasion de la refonte des listes électorales, entamée dans le courant de l'année 2012 au Cameroun, l'on a pu observer une forte activité de sensibilisation des populations par les OSC afin que celles-ci s'inscrivent massivement sur les listes électorales et remplissent ainsi leur devoir civique201.

Parmi les activités d'information et de communication menées par les OSC, l'on citera également la publication de rapports annuels et des résultats d'enquêtes circonstancielles destinés à d'informer à la fois les pouvoirs publics et les citoyens202 et portant sur divers domaines tels que la situation des droits de l'homme en termes de leur violation et d'avancées dans leur respect, la gouvernance publique ou la corruption. A la fin, il se dégage que les campagnes d'information et de communication menées par la société civile visent la promotion de la culture citoyenne.

201 D'ailleurs, de nombreuses concertations ont été menées entre l'organisme en charge des élections au Cameroun à savoir ELECAM et plusieurs groupements de la société civile à l'effet d'adopter des stratégies visant à favoriser l'adhésion des citoyens à ce processus là.

202Ces rapports et autres publications des OSC sont d'une importance certaine, d'autant plus qu'ils servent parfois de base de référence de certains organismes internationaux ou de certaines missions diplomatiques dans l'appréciation de la situation des droits de l'homme par exemple. A ce sujet, l'ex ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun, Robert P. Jackson, dans son discours sur les Rapports par pays du Département d'Etat américain sur la situation des droits humains dans le monde en 2010, déclarait que « Aux fins d'élaboration du chapitre consacré au Cameroun, le Département d'Etat s'est appuyé sur des informations recueillies par les fonctionnaires de notre ambassade [...].Nous avons également sollicité et obtenu des informations utiles auprès d'autres sources [...] non gouvernementales de défense des droits humains, aussi bien internationales que nationales. Le Département d'Etat a recueilli des informations auprès des universitaires, des avocats, des syndicats, des chefs religieux et des médias ». Ce discours a été recueilli sur le site de l'Ambassade des Etats -Unis ( http://yaounde.usembassy.gov), (consulté le 13 décembre 2010 à 17H).

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2. Le plaidoyer

Le rôle de plaidoyer, répondant au souci de servir et de défendre la cause commune, peut être défini comme « un ensemble d'actions ciblées en vue de soutenir une cause, un problème, d'inverser une situation dommageable, une législation insatisfaisante »203.

Au plan politique, le plaidoyer « consiste à agir sur le pouvoir à travers la vie des associations démocratiques et la libre discussion dans la sphère publique culturelle »204. Le plaidoyer permet la société politique et la société civile de mettre en avant la discussion dans leurs rapports. C'est dans cette optique que s'inscrivait la publication du « pacte citoyen pour moins de pauvreté et plus de démocratie »205, document présentant une vue synoptique de la situation du Cameroun sur tous les plans, et dont l'intérêt majeur est qu'il était assorti d'un ensemble de propositions de solution aux problèmes recensés d'une part, et qu'il fut adressé aux candidats à l'élection présidentielle de 2011 aux élections législatives et municipales de 2013. L'enjeu ici était de subordonner le soutien de la société civile à un quelconque candidat à l'acception par lui de mettre en oeuvre le dit pacte une fois qu'il aurait été élu.

De façon générale, il faut remarquer que la société civile camerounaise s'est toujours mobilisée lorsque l'intérêt général était en péril206. L'histoire politique de notre pays retiendra à jamais sa participation à la fameuse conférence tripartite convoquée du 30 octobre au 17 novembre 1991, qui avait réuni, dans un même cadre et pour un même objectif, les acteurs du pouvoir politique, ceux de l'opposition et ceux de la société civile207. De cette rencontre

203 Association des amoureux du livre (ASSOAL), sous la coordination de Nguebou jules Dumas, Manuel du budget participatif au Cameroun : concepts, méthodes et outils pour suivre la décentralisation et améliorer la gouvernance locale, Yaoundé, CRDL, 2014, p.207.

204 Voir Nasser Etemadi, concept de société civile et idée du socialisme, Paris, L'Harmattan, coll. ouverture philosophique, 2002, p. 92.

205 Il s'agit en fait d'un document élaboré par un regroupement d'OSC dénommé coalition citoyenne pour le changement (3C).

206 A titre d'exemples, le gouvernement, à travers le Ministère du travail et de la sécurité sociale, a consacré le concept de « dialogue social ». Ce concept signifie tout simplement que la concertation entre l'Etat et les organisations syndicales aussi bien patronales que des travailleurs, reste d'une part le cadre idéal de présentation des problèmes liés au conflit social patent ou potentiel inhérent au monde du travail ou à l'activité socio-économique et d'autre part une plateforme productrices de propositions en vue de la résolution de ces problèmes. Dans ce cadre, plusieurs concertations entre les syndicats et le gouvernement ont ainsi permis de désamorcer plusieurs grèves dont les mots d'ordre avaient déjà pourtant été donnés. Il y va ainsi de la préservation de la stabilité sociale.

207 La tripartite permettait la présence de la société dans la discussion pour l'élaboration d'une nouvelle Constitution. Or, dans plusieurs pays africains, la conférence nationale souveraine avait été retenue à cet effet, ce qui ne mettait en scène que le pouvoir politique régnant et es acteurs de l'opposition.

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sortira la définition d'un nouvel avenir politique et constitutionnel du pays adapté à l'avènement de la démocratie au début des années 90208. Ainsi, l'on conviendra que la société civile a joué dans l'histoire constitutionnelle du Cameroun, le rôle majeur de pouvoir constituant dérivé209. En effet, c'est de la tripartite de 1991 qu'est née la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996. Cela démontre, s'il en était encore besoin, de l'importance de la place de la société civile dans la conduite du destin national.

3. Le contrôle de la gestion des affaires publiques

La société civile se veut très active dans le contrôle de la gestion des affaires publiques. Ce rôle de sentinelle de la gouvernance publique se matérialise concrètement par des actions de suivi et d'évaluation des projets ou de programmes initiés notamment par le gouvernement lui-même. Jean L. Cohen et Andrew Arato font d'ailleurs remarquer que « la société civile n'a pas pour but la prise en soi du pouvoir politique, elle infléchit néanmoins sur ses orientations et ses formes de fonction »210.

Le contrôle de la gestion des affaires publiques par les OSC constitue un moyen de participation citoyenne à l'action publique, puisque les citoyens sont les destinataires majeurs de l'activité gouvernementale. Les actions qui en découlent consistent entre autres en des descentes sur le terrain, des tables rondes, des ateliers, des séminaires. C'est à toutes ces activités que renvoie l'idée de suivi-évaluation participatif.

Par ailleurs, précisons que le contrôle de la gestion des affaires publiques opéré par la société civile ne peut être efficient que si sont consacrés en aval certains principes fondamentaux tels que la transparence et l'obligation de rendre compte.

Par le premier principe, le gouvernement est appelé à garantir l'accès équitable, la justesse et la compréhensibilité de l'information pour que transparaisse effectivement la réalité de l'état des lieux relativement à la gestion des deniers publics, au processus décisionnel au sein de l'administration, à la conjoncture socio-économique par exemple.

208 Le Pr. Joseph Owona dit à ce propos que la tripartite s'était accordée sur la résolution d'une « adaptation de la constitution de la République du Cameroun au processus de libéralisation et de démocratisation en cours dans notre pays ». Lire Joseph Owona, Droits constitutionnels et institutions politiques du monde contemporain, étude comparative, op. cit. , p.82.

209 Le pouvoir constituant dérivé est en fait le pouvoir qui porte sur la révision d'une constitution déjà existante, selon les règles qu'elle prescrit elle-même.

210 Nasser Etemadi, op. cit. , p.93.

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L'obligation de rendre compte par contre, renvoie à l'idée que les gouvernants sont redevables de la gestion publique qui est la leur vis-à-vis des citoyens, de qui ils tiennent par ailleurs leur pouvoir.

Le lien entre la citoyenneté et l'intérêt général, tel qu'il a été développé ci-dessus s'avère évident, mais qu'en est-il de sa portée ?

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld