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La citoyenneté en droit constitutionnel camerounais


par Ampère Romuald NGASSAM KANGUE
Université de Douala - Master 2 en droit public 2015
  

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Conclusion du chapitre

L'avènement de l'Etat indépendant du Cameroun suffisait à lui seul pour donner vie à la citoyenneté camerounaise puisqu'il permettait a priori le passage des populations du statut de sujets coloniaux à celui de citoyen de l'Etat.

Si l'accession de l'Etat à la souveraineté représente pour ainsi dire l'acte de naissance de la citoyenneté, il faut tout de même souligner que cette existence plus ou moins théorique a été renforcée par la construction dynamique d'un régime de la citoyenneté, qui se définit clairement en une détention indivisible de droits et de devoirs.

En reconnaissant que le citoyen camerounais est d'abord et avant tout un être humain, il s'ensuit que le régime de ses droits varie autour de deux pôles majeurs, dont l'un est lié aux droits fondamentaux inhérents à tout homme, et l'autre est relatif aux droits de participation, rattachés par essence à la seule figure du citoyen, national de l'Etat.

L'architecture constitutionnelle de la citoyenneté camerounaise repose aussi sur la prescription de devoirs à l' égard du citoyen, dont les versants touchent aux domaines sociopolitique et économique notamment.

C'est au regard de cette assise juridique, que se fonde l'idée selon laquelle la citoyenneté camerounaise est une réalité constitutionnelle.

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CHAPITRE II :

LA CONSECRATION D'UNE CITOYENNETE PROMOTRICE DE L'INTERET GENERAL

Le citoyen est considéré comme « celui qui est appelé à participer aux affaires de la cité »151. Assurément, la participation à la vie de la cité ne peut se faire sans l'adhésion à un ensemble de règles et de valeurs communes. Cet ensemble normatif et axiologique concret et/ou abstrait n'a pour finalité ultime que la promotion et la garantie de l'intérêt général, lequel relevant bien entendu de la citoyenneté collective.

Notons par ailleurs que la notion d'intérêt général n'est pas facile d'accès, étant donné qu'elle fait appel à des considérations d'ordre politique, administratif et social.

Sur le plan politique, l'intérêt général peut renvoyer à la conception que les gouvernants se font de l'Etat et des autres personnes publiques.

Vu sous l'angle administratif, l'intérêt général est incarné aussi bien par l'administration d'Etat que par les administrations locales décentralisées. C'est pour cette raison qu'il est permis de dire que l'intérêt général porte l'empreinte de la puissance publique.

Enfin, l'aspect social de l'intérêt général renvoie à la satisfaction des besoins collectifs de la population de l'Etat ; d'où la création de nombreux services publics dans des domaines variés.

Cependant, il faut se demander si l'intérêt général signifie l'addition des intérêts particuliers ou l'exclusion de ceux-ci. Autrement dit, les besoins particuliers ou individuels de chaque citoyen sont-ils nécessairement intégrés dans les besoins collectifs de la société ? A ce sujet, il faut dire que ce qui doit prévaloir c'est l'intérêt général ; car théoriquement, sa satisfaction entraîne conséquemment la satisfaction des besoins de chaque citoyen.

Si l'intérêt général constitue la finalité de toute démarche citoyenne vis-à-vis de la communauté152, cela révèle la centralité du lien qu'il a avec la citoyenneté (section 1).

151 Philippe Ardant, institutions politiques et droit constitutionnel, LGCD, 17e éd., 2009, p.141.

152 Le terme communauté peut renvoyer ici à l'Etat ou à une entité infra étatique telle que la région, la commune, le quartier etc.

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Toutefois, nous examinerons par ailleurs le déni de citoyenneté par les atteintes à l'intérêt général (section 2).

SECTION I : LA CENTRALITE DU LIEN CITOYENNETE - INTERET

GENERAL

L'un des aspects majeurs de la citoyenneté est l'intérêt général. En effet, les citoyens doivent avoir vocation à servir la communauté. Il apparait évident que cela ne peut être possible, au regard du constitutionnalisme camerounais, que par la construction de cet intérêt général autour de l'idéal d'unité nationale (§ 1). De même, il se dégage une certaine connexité entre l'intérêt général et l'action de la société civile (§ 2).

Paragraphe 1 : LA CONSTRUCTION DE L'INTERET GENERAL AUTOUR DE L'IDEAL D'UNITE NATIONALE

Aux termes de la loi constitutionnelle no 96/06 du 18 janvier 1996, il ressort que l'équilibre de la République du Cameroun est bâti autour du principe d'unité nationale153. Dès lors, si le destin commun réside en l'unité nationale, cela signifie que c'est en cette dernière que doit reposer de manière fondamentale la réalisation de l'intérêt général. Dans ce sens, Pauline Mortier relève à propos de la France que : « L'unité du peuple français se justifie [...] par la conception absolue de la souveraineté nationale qui impose que le peuple, composé de l'ensemble des citoyens, ne soit qu'une seule volonté, au service de l'intérêt général »154.

De ce qui précède, il est à constater que l'intérêt général réside et s'exprime dans la Nation, et nullement en dehors d'elle. Il en est ainsi en tant qu'elle est la communauté des citoyens (A), qui ne peut se maintenir et se renforcer que par l'existence d'un certain nombre de valeurs républicaines attachées à la citoyenneté (B).

153 Cette affirmation se dégage du premier considérant du préambule de la constitution, qui énonce que « Le peuple camerounais [...] profondément conscient de la nécessité impérieuse de parfaire son unité, proclame solennellement qu'il constitue une seule et même nation, engagée dans le même destin et affirme sa volonté inébranlable de construire de construire la Patrie camerounaise sur la base de l'idéal de fraternité, de justice et de progrès »

154 Pauline Mortier, Les métamorphoses de la souveraineté, thèse de doctorat de l'université d'Angers, 2011, p.146.

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A. La Nation comme communauté de citoyens

Le citoyen est avant tout un national, c'est-à-dire un individu juridiquement lié à l'Etat et membre de la Nation. Il est « membre d'une communauté » 155 . C'est ce qui explique l'existence d'une communauté solidaire d'intérêt politique, économique mais aussi social et culturel entre les citoyens de l'Etat ; car « l'ensemble des citoyens devient une Nation grâce à la volonté collective de construire un avenir commun »156. Dans le même ordre d'idées, Raymond Carré de Malberg appréhende le citoyen comme une composante de la nation. Il affirme à ce sujet qu'il y a un « manque d'autonomie du concept de citoyen. Au regard du droit public, [...] le citoyen n'existe pas vraiment en tant qu'individu. Il doit être compris comme la partie d'un tout, la nation»157. Cela signifie concrètement que la citoyenneté s'exprime dans la nation, c'est ce qu'on appelle la citoyenneté collective. Et, L'unité du peuple peut s'analyser comme le produit d'un consensus commun, par ailleurs nécessaire à la survie et au développement dudit peuple.

Avec la constitution du 4 Mars 1960, le constituant s'était particulièrement montré engagé dans la nécessité de masquer la diversité culturelle du Cameroun. Ce constat ressort du fait que ce texte constitutionnel, ni dans son préambule, ni dans son dispositif, ne fait mention de cette grande diversité qui caractérise indéniablement le pays. Ce refus d'objectiver, ne serait-ce que symboliquement, cette diversité peut traduire la volonté de conquérir et de raffermir l'unité nationale, fragilisée à cette époque par l'instabilité politique due à la guerre civile entre le gouvernement post colonial et le mouvement d'opposition UPC en particulier158.

Le Pr Claude Abé fait d'ailleurs remarquer à ce sujet que « Le Cameroun qui accède à la souveraineté internationale le 1er janvier 1960 va hériter d'une situation de conflictualité particulière »159. Dans ce contexte, le défi du nouveau pouvoir politique établi est absolument

155 Aristote, La politique, op. cit., p. 74.

156 Pauline Mortier, op.cit., p. 159.

157 Beaud Olivier, op. cit., pp. 12-13.

158 Agissant dans l'illégalité, l'Union des populations du Cameroun, interdite à la faveur d'un décret du 12 juillet 1955, s'opposait militairement au pouvoir postcolonial. L'affrontement entre les forces républicaines et les maquisards, appellation de la branche armée de l'UPC, a généré au Cameroun un climat identique à celui d'une guerre civile.

159 Claude Abé, « espace public et recompositions de la pratique politique au Cameroun », Polis R.C.S.P / C.P.S.R. vol. 13, nos 1-2, 2006, pp. 29-56, (spéc. p. 33).

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de bâtir la nation. C'est pourquoi « la gestion du cas UPC apparaît comme l'un des défis immédiats à affronter par le tout nouveau chef d'Etat camerounais Ahmadou Ahidjo. Aussi ce dernier s'est-il engagé dans une lutte sans merci contre ceux qu'il appelait les ennemis de la nation »160. Dans ce contexte de conflictualité, la construction de lintérêt général passe par l'homogénéisation de la communauté politique. Dès lors, le citoyen n'apparait ni plus ni moins qu'un « sujet de la nation »161.

Par contre, avec la Constitution du 2 Juin 1972 l'incontestable diversité sociologique du

Cameroun est mentionnée au sein de la loi fondamentale162. Elle est désormais déclinée, aussi bien sur le plan culturel que linguistique avec l'adoption solennelle du français et de l'anglais comme langues officielles. L'altérité devient dès lors une richesse qu'il convient de promouvoir.

Considérant qu'il « est exact que la cité est une sorte de communauté et que cette communauté réunit des citoyens »163, l'idée qui sous-tend la construction de l'unité nationale dans la diversité « n'est pas [...] celle de la construction d'un groupe social homogène, mais celle du rassemblement de toutes les communautés en un seul peuple unifié par le port des mêmes stigmates, de créer des repères autour desquels s'agrègent les représentants de la communauté »164.

C'est dans cet esprit que s'inscrivit le referendum constitutionnel du 20 Mai 1972 dont l'objet était de consulter les citoyens camerounais afin qu'ils se prononcent en faveur ou en défaveur de l'unification. L'adhésion massive du peuple au projet d'unification nationale constitua donc une parfaite illustration de la volonté de ce dernier de bâtir l'intérêt général, c'est-à dire l'intérêt de tous et de chacun, dans l'unité nationale.

Du reste, les destins que peuvent se forger les différentes communautés culturelles ou linguistiques doivent fusionner dans le tremplin du destin national.

160 Claude Abé, ibid., p. 34.

161 Cf. Olivier Beaud, op. cit., p. 32.

162 Selon le préambule de la constitution du Cameroun du 02 Juin 1972, le peuple camerounais, « fier de sa diversité linguistique et culturelle, élément de sa personnalité nationale [...], proclame solennellement qu'il constitue une seule et même nation, engagée dans le même destin ».

163 Aristote, La politique, op. cit., p. 74.

164 Léopold Donfack Sockeng, « Fondements et signification de l'hymne national du Cameroun », SOLON, revue africaine de parlementarisme et de démocratie, volume III, n°7, août 2013, pp. 7-18, (spéc. p. 16).

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius