Paragraphe 2 : LES DEVOIRS DU CITOYEN AU PLAN
ECONOMIQUE
Au plan économique, le citoyen est notamment astreint
aux devoirs de payer les impôts (A) et de travailler (B).
A. Le devoir de payer les impôts
Au Cameroun le principe de l'impôt est consacré
par le préambule de la Constitution, qui prévoit que : «
Chacun doit participer, en proportion de ses capacités, aux charges
publiques ». A la lecture de cette disposition l'on se rend bien compte
que le devoir du citoyen de payer les impôts est un mécanisme ou
un moyen de participation commune indispensable. Etant donné que la
citoyenneté est le foyer de la vie dans une communauté
donnée, le paiement de l'impôt est une manifestation ou une
conséquence de l'appartenance à cette communauté.
Hervé Andres soutient cette idée en affirmant que : « le
devoir de payer
143 La contribution financière et les dons en nature en
faveur des forces armées a connu une réelle participation des
citoyens. A ce sujet, il ressortait du communiqué du ministre
camerounais de la communication en date du 07 avril 2015 les données
suivantes : 22.750.000 F.cfa des chefs traditionnels du département des
Bamboutos ; l'élite politique du département de l'océan a
collecté 20.000.000 F.cfa; les dons en nature d'une valeur de 50.000.000
F.cfa offerts par l'élite politique de l'extrême-nord; le
comité régional du Nord a reçu des espèces d'un
montant de 60.000.000 F.cfa et un important stock de dons en nature; les
élèves de la classe de 6e B du collège de la
retraite de Yaoundé ont offert 301 palettes d'eau minérale d'une
contenance d'un litre par bouteille. Le ministère du commerce a
reçu des dons en espèce collectés en région et
versés au trésor public provenant de certaines régions
à l'instar de l'Adamaoua avec 7.775.550 ; de l'Est avec 2.453.000 F.cfa
; du Nord, 4. 830.000 F.cfa ; de l'Ouest 39.027.255 F.cfa ; du Nord-ouest,
1.472 500 F.cfa et du Sud-ouest 44.107.900 F.cfa. Le communiqué
précise d'une part qu'en date du 02 avril 2015, le total des
contributions s'élevait à 99.666.205 F.cfa, et d'autre part que
d'autres régions s'organisent pour joindre leur voix à ce
mouvement de soutien patriotique pour renchérir le compte spécial
intitulé « contribution du peuple lutte contre Boko haram ».
Le gouvernement a tenu à communiquer le numéro dudit compte,
ouvert dans les livres du trésor public, qui est 4504137.
144 Cf. Jean Pierre Meloupou, « L'évolution
de la défense et de la sécurité au Cameroun »,
op. cit., p. 15.
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des impôts fait partie des attributs du citoyen, en tant
que modalité de la mise en commun du vivre ensemble
»145.
La contribution à l'impôt est commune et
égalitaire. En ce sens, tous les citoyens sans exception y sont
concernés, chacun en fonction de ses capacités contributives.
Cependant, la contribution égalitaire à
l'impôt ne signifie pas que tous les citoyens doivent payer un montant
identique d'impôt, ni même qu'ils sont régis par un
régime fiscal commun. Elle signifie simplement que la loi fiscale ne
doit pas contenir des discriminations injustifiées qui se baseraient sur
le sexe, la race, la tribu ou l'origine du contribuable. De ce fait, le
législateur ne peut instituer des régimes fiscaux distincts entre
les contribuables que dans la mesure où cela se justifierait par une
différence de situations.
Sur un tout autre plan, il faut dire la contribution à
l'impôt est indispensable en vue de la couverture des dépenses
publiques146, tel est en effet la fonction financière de
l'impôt. Il importe donc, en vue de rendre l'impôt plus productif,
que le plus grand nombre de contribuables soient contraints à son
paiement. La participation à l'effort commun est indispensable pour
financer et faire vivre nos services publics : police, justice,
éducation,
hôpitaux, ramassage des ordures etc. Sans l'existence de
l'impôt, l'on aboutirait malheureusement à un
désengagement de l'Etat de ses missions régaliennes de
satisfaction du service public, pouvant déboucher sur la privatisation
de celui-ci.
De plus, le paiement de l'impôt permet d'assurer
l'allocation des aides aux couches sociales défavorisées. Par ce
moyen, la nation met ainsi en oeuvre le principe de la solidarité
nationale. Sous ce prisme, l'on peut dire que la nécessité de
l'impôt vise à assurer le système des
péréquations sociales. C'est ce qui explique le principe de la
progressivité de l'impôt, qui signifie que les charges fiscales du
citoyen évoluent proportionnellement à ses revenus.
145 Hervé Andres, « Le droit de vote des
étrangers. Etat des lieux et fondements théoriques »,
Thèse de doctorat de l'université de Paris 7 Denis Diderot,
2006-2007, p. 226.
146 L'impôt contribue dans une large proportion au
financement des dépenses du budget de l'Etat.
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B. Le devoir de travailler
La loi fondamentale du Cameroun énonce que : «
Tout homme a [...] le devoir de travailler » 147 . Le devoir de travailler
renvoie à la participation au progrès et au développement
social, économique, culturel ou technologique de l'Etat. Il en est ainsi
parce que, par le travail, les citoyens sont au service de l'Etat et des
objectifs qu'il s'est donné d'atteindre. En d'autres termes, tout
citoyen camerounais a le devoir de contribuer par son travail à la
construction et à la prospérité du pays.
Le travail constitue donc, au même titre que
l'école, un instrument d'intégration citoyenne dans la
communauté nationale ; car en fait « l'obligation de travailler est
l'un des facteurs principaux de l'intégration sociale
»148. Il est donc un élément essentiel de la
citoyenneté. Les citoyens ont le devoir de travailler pour le bien
commun. Cela consiste, particulièrement pour ceux d'entre eux qui sont
des employés, à remplir leurs obligations professionnelles
vis-à-vis de leurs employeurs et de la société globale. A
ce sujet, Léon Duguit affirmait que : « La conscience que l'homme
fait partie d'une nation, qu'il ne peut vivre que s'il fait partie d'une
nation, que son premier devoir comme son premier intérêt est [...]
de travailler à son développement, telle est en son essence
l'idée de patrie »149. Suivant ce raisonnement, le
travail ne vise plus seulement l'objectif d'assurer le bien-être social
et économique de l'individu qui l'exerce, mais produit une plus-value
davantage étendue à l'échelle de la nation toute
entière.
De toute évidence, les contributions citoyennes au
destin et au bien-être communs se font de manière
différente, ceci en fonction des capacités de chacun. Elles ne
sauraient être identiques pour tous les citoyens notamment en termes de
productivité.
Quoiqu'il en soit, ce qui importe dans le fond c'est qu'elles
remplissent toutes le même rôle : la satisfaction de
l'intérêt général.
En ce qui concerne les fonctionnaires par exemple, ils ont
l'obligation de servir et de se consacrer au service, c'est-à-dire
qu'ils doivent consacrer l'intégralité de leurs activités
professionnelles aux tâches qui leur sont confiées, ils doivent
respecter la durée et les horaires
147 Voir le préambule de la Constitution du Cameroun.
148 Sandro Cattacin , Matteo Gianni, et al. «
Workfare, citoyenneté et exclusion sociale », in Michel
Coutu, Pierre Bosset et al., op cit. , pp. 363- 383,
(spéc. p. 372).
149 Léon Duguit, Traité de droit
constitutionnel, op. cit. , p. 10.
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de travail, ils doivent mettre en oeuvre, par l'exercice
continu de leurs fonctions, le principe constitutionnel de la continuité
du service public150.
En outre, il est manifeste que l'obligation de travailler est
connexe à celle de s'acquitter de ses contributions fiscales. Cela
conforte davantage l'idée du travail comme moyen d'intégration
politique, économique et sociale, en ce sens que le citoyen se verra
prélever sur son revenu diverses taxes ou redevances qui serviront, soit
à financer la sécurité sociale, soit à assurer le
bon fonctionnement de certains services publics tels que la communication ou le
logement par exemple.
Au regard de tout ce qui précède, l'on peut
induire que le citoyen qui refuse de travailler, contrairement aux
prescriptions de la Constitution, représente une charge pour l'Etat tout
entier. Par ce refus, il s'inscrit aussi en marge de la dynamique sociale
commune, qui est l'atteinte du progrès et du développement ;
d'autant plus que la devise nationale au Cameroun est «
Paix-Travail-Patrie ». En référence à cette devise,
l'on peut aisément déduire la relation étroite entre le
travail et le patriotisme citoyen. Elle s'analyse dans l'idée que le
travail cumulé des citoyens permet de maintenir la Patrie encore plus
forte. Et, s'engager à travailler est une manifestation de son
patriotisme.
150 L'art. 36 al.1 du décret n° 94/199 du 07
octobre 1994 portant Statut Général de la Fonction Publique de
l'Etat, modifié et complété par le décret n°
2000/287 du 12 octobre 2000, prescrit à ce propos que « Le
fonctionnaire est tenu d'assurer personnellement le service public à lui
confier et de s'y consacrer en toute circonstance avec diligence,
probité, respect de la chose publique et sens de responsabilité
».
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