La citoyenneté en droit constitutionnel camerounaispar Ampère Romuald NGASSAM KANGUE Université de Douala - Master 2 en droit public 2015 |
B. Le devoir de défense de la PatrieAnalyser le devoir de défense de la Patrie consistera tout d'abord à aborder sa formulation théorique (1) avant de présenter ses aspects concrets (2). 1. La formulation théorique du devoir de défense de la Patrie « Tous les citoyens contribuent à la défense de la Patrie »139. Cette obligation constitue l'un des devoirs sacrés du citoyen. Dans le prolongement de l'énoncé suscité, la Constitution Camerounaise prévoit que sont du domaine de la loi « Les devoirs et obligations du citoyen en fonction des impératifs de la défense nationale »140. A l'analyse de cette disposition, l'on peut déduire que la défense nationale est étroitement liée à la souveraineté qui, dans le cadre constitutionnel camerounais, appartient au peuple. Cela signifie que contribuer à la défense de la Patrie c'est participer d'une certaine manière à l'exercice de la souveraineté nationale. A ce sujet, la défense, tout comme la citoyenneté, implique l'existence d'un lien d'allégeance au pouvoir souverain, un rattachement à l'Etat et une appartenance à la Nation. C'est ce que semblait relever Léon Duguit lorsqu'il affirmait que : « La conscience que l'homme fait partie d'une nation, qu'il ne peut vivre que s'il fait partie d'une nation, que son premier devoir comme son premier intérêt est de défendre l'intégrité de cette nation [...], telle est en son essence l'idée de patrie »141 138 Par conséquent, le respect de la loi paraît comme un moyen sûr de préservation de la morale, de l'ordre public, bref, de l'intérêt général à côté des multiples intérêts individuels. 139 Cf. préambule de la Constitution du Cameroun. 140 Cf. art. 26 al. 2a. de la Constitution du Cameroun. 141 Léon Duguit, Traité de droit constitutionnel, 3e édition en cinq volumes, Tome 2, La théorie générale de l'Etat, première partie. Eléments, fonctions et organes de l'Etat, p. 10. Disponible sur http://galicia.bnf.fr/Bibliothèquenationale de France. 41 Au Cameroun, le devoir des citoyens de défendre la Patrie est construit autour du paradigme de défense populaire. En effet, l'un des axes de la réforme de l'armée entamée en 2001 a été le renforcement du lien entre cette institution et la Nation. Lequel lien est donc plus que jamais l'un des axes majeurs de la politique de défense nationale. C'est dans ce moule que se forme la figure du « citoyen-soldat », c'est-à-dire le citoyen civil qui joue un rôle plus ou moins majeur dans l'opérationnalisation de la politique nationale de défense. A ce sujet, le Capitaine de Vaisseau Jean Pierre Meloupou affirme que l'un des enjeux de la professionnalisation de l'armée camerounaise est « Le renforcement de l'adhésion des populations à la défense nationale. L'interaction et les interrelations civilo-militaires doivent être systématisées, et normalisées pour mieux affronter la nouvelle conflictualité dont les rouages se construisent souvent dans la population »142. Sous le prisme de la politique de défense populaire, l'armée nationale et les citoyens forment en quelque sorte un duo qui se déploie au travers d'une collaboration synergique, dont l'ultime finalité est d'assurer la défense de l'intégrité du territoire national et la sécurité des personnes et des biens. 2. Les aspects du devoir de défense de la Patrie En dépit du fait que la défense nationale relève fondamentalement des missions d'un corps professionnel bien organisé et bien déterminé, génériquement dénommé les forces armées et de sécurité,l'esprit de défense de la patrie doit subsister en permanence chez chacun des citoyens : C'est l'idée de la défense civile. Ainsi, l'on peut identifier trois aspects du devoir citoyen de défense de la patrie. Le premier concerne le renseignement. Il peut consister en la dénonciation de toute personne ou activité suspecte susceptible de porter atteinte à la sécurité des hommes et de leurs biens. Pour ce faire, les forces armées et de sécurité doivent se positionner comme des forces de contact avec les populations pour la recherche dudit renseignement. D'ailleurs, l'efficacité des opérations militaires dépend en grande partie de la détention par l'armée du renseignement prévisionnel, qui dans la plupart du temps, est fourni par les populations civiles. Cela est d'autant important compte tenu de la montée du phénomène de guerre 142Jean Pierre Meloupou, «L'évolution de la défense et de la sécurité au Cameroun », Les actes du colloque 2011 sur « 50 ans de défense et de sécurité en Afrique : états et perspectives stratégiques », p. 12. 42 asymétrique dans laquelle l'ennemi des forces conventionnelles revêt parfois une forme nébuleuse qui lui permet de dissimuler au sein des populations civiles. Dès-lors, le citoyen apparait comme un rempart de la sécurité et de la défense nationales, qui se déploie à travers un cadre d'actions synergiques établi entre les forces armées et les populations. Le deuxième aspect est l'engagement des citoyens, principalement les jeunes, dans les forces de défense et de sécurité. L'idée-force ici est que chaque citoyen est un potentiel soldat. Quand l'Etat subit une agression de sorte que l'intégrité de son territoire ou de ses institutions est menacée, le devoir citoyen de défense de la patrie peut aller jusqu'à l'engagement volontaire ou non dans l'armée. Cela traduit la responsabilité du citoyen vis-à-vis de la Nation et de sa protection. Malgré l'inexistence de la conscription au Cameroun, la mobilisation des jeunes citoyens d'un certain âge dans les forces de défense, en cas d'agression extérieure, n'est pas pour autant exclue, d'autant plus que le préambule de la Constitution prescrit lato sensu que « Tous les citoyens contribuent à la défense de la Patrie ». Cela veut clairement dire qu'en période de guerre, c'est un devoir sacré et impérieux de répondre à l'appel du drapeau. Cela est révélateur de l'idée selon laquelle le concept de « citoyen-soldat » est étroitement lié à celui de Patrie ; car il y'a en chaque citoyen un soldat qui sommeille. Enfin, le troisième aspect est la contribution à l'effort de guerre. Elle consiste pour les citoyens, à titre individuel ou collectif, à mobiliser des ressources diverses en vue de soutenir les efforts matériels et financiers qu'implique une guerre. Concrètement, la contribution à l'effort de guerre se fonde sur un élan de solidarité des citoyens, qui peut être soit spontané, soit à la demande du gouvernement. Ce moyen de participation à la défense nationale connait d'ailleurs une résonnance particulière au Cameroun depuis le déclenchement de la guerre contre la secte terroriste nigériane Boko Haram. En effet, les citoyens de tous bords, exprimant à l'unisson la détermination de vaincre l'ennemi de la Nation, se sont regroupés à diverses échelles, notamment régional ou 43 départementale, en vue de collecter des fonds et des vivres alimentaires destinés aux forces de défense au front et aux populations déplacées des zones de conflit143. De manière générale, le devoir de défense de la Patrie s'avère être d'une importance absolue, c'est pourquoi l'Etat devrait instaurer « l'intégration du volet défense-sécurité dans l'éducation à la morale et à la citoyenneté à l'école »144. A ces temps de menaces à la paix et à la sécurité du Cameroun, l'option de l'institution du service militaire obligatoire pour les jeunes âgés d'au moins dix-huit ans apparait comme une question à examiner. |
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