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La citoyenneté en droit constitutionnel camerounais


par Ampère Romuald NGASSAM KANGUE
Université de Douala - Master 2 en droit public 2015
  

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SECTION 2 : LA PRESCRIPTION DE DEVOIRS A LA CHARGE

DU CITOYEN

Au même titre que les droits, les devoirs constituent un élément consubstantiel du statut du citoyen. A propos du terme devoir, signalons de prime abord qu'il peut être perçu au juridique et au plan moral : Le devoir juridique constitue une obligation qui pèse sur une personne en vertu du droit 119 , tandis que le devoir moral est une « obligation dont l'inexécution ne peut être poursuivie en justice, ne chargeant l'obligé que d'un devoir de conscience »120.

En tant que membre de la collectivité nationale, le citoyen est astreint à plusieurs obligations à l'égard de celle-ci, car « La citoyenneté est une fonction, comprenant des droits et des charges, qui bénéficient et pèsent sur les personnes »121.

Dans cette perspective, nous examinerons les devoirs du citoyen sur les plans socio-politique d'une part (§ 1), et économique d'autre part (§ 2).

Paragraphe 1 : LES DEVOIRS DU CITOYEN AU PLAN

SOCIO-POLITIQUE

Le citoyen est un être essentiellement juridique, de ce fait, il est astreint à l'obligation de respect de la loi (A). Et en tant que membre de la nation, il contribuer à la défense de la Patrie (B).

118 François Rocher, « Citoyenneté fonctionnelle et État multinational : pour une critique du jacobinisme juridique et de la quête d'homogénéité », in Michel Coutu, Pierre Bosset et al., op. cit., pp. 201-235, (spéc. p. 204).

119 Voir le Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 13e éd., 2001, p.203.

120 Ibidem.

121 A. Supiot (dir.), Au-delà de l'emploi. Transformation du travail et devenir du droit du travail en Europe, Flammarion, 1999. Cité par Olivier Déloye et Olivier Ihl, L'acte de vote, op. cit., pp. 16-17.

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A. L'obligation de respect de la loi

Le citoyen est soumis au devoir impératif de respecter la loi au sens large du terme, tel est en effet la signification du devoir civique. En effet, « le citoyen en tant que membre du Souverain a des droits [...]. Mais ces droits ont un envers : ils lui imposent une obligation, celle de respecter la décision collective prise par le Souverain » 122 . Aristote affirmait d'ailleurs que : « la vertu d'un citoyen digne d'estime consiste à savoir bien [...] obéir »123. L'obligation de respect de la loi est d'une part la conséquence de ce que les citoyens sont les auteurs de la loi (1), d'autre part elle constitue la garantie d'une vie sociale organisée d'autre part (2).

1. Les citoyens comme auteurs de la loi

Les citoyens doivent respecter les lois de l'Etat parce qu'ils en sont à l'origine ; car « La souveraineté nationale appartient au peuple »124. Raymond Carré de Malberg rappelait d'ailleurs fort opportunément le lien entre les citoyens et l'élaboration de la loi, en disant que : « Quant aux citoyens, les lois qui les régissent ne sont pas susceptibles d'être envisagées comme des manifestations d'une puissance de commandement extérieure à eux »125.

De plus, pour que la loi ait une force obligatoire à l'égard des citoyens,

il faut nécessairement supposer que l'acte fait par l'organe législatif est traité juridiquement comme une oeuvre collective qui n'est pas propre seulement à l'auteur effectif de la loi [...], mais qui, émanant d'un organe érigé en représentant de la nation souveraine, vaut comme l'oeuvre de la nation entière 126.

122 Olivier Beaud, « Fragments d'une théorie de la citoyenneté chez Carré de Malberg. Ou comment articuler le citoyen, l'État et la démocratie », Jus Politicum, n° 8, 2012, p. 24.

123 Aristote, La politique, op. cit., p. 76.

124 Voir L'art. 2 al. 1 de la Constitution.

125 Raymond Carré De Malberg, La loi, expression de la volonté générale, Paris, Économica (Classiques), 1984, p. 151, cité par Olivier Beaud, op. cit., p. 28.

126 Olivier Beaud, op. cit., p. 30.

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En d'autres termes, l'élaboration des lois de la République est incontestablement l'apanage de tous les citoyens127 ; lesquels « ont le droit de recourir personnellement, ou par leurs représentants à sa formation »128.

Mais dans le contexte camerounais de démocratie représentative129, c'est l'élaboration des lois par les représentants du peuple qui est le mécanisme le plus usité. En dépit de cela, il faut convenir avec Olivier Beaud que le mécanisme de la représentation n'entraine pas l'effacement du citoyen de l'oeuvre de légifération130.

L'élaboration indirecte de la loi se fait par le mécanisme de la représentation politique. Ainsi, en vertu de la Constitution, le Président de la République et les membres du parlement ont le pouvoir d'initier des lois131. Selon la procédure législative, les projets et propositions de loi qui sont déposés sur le bureau de l'Assemblée nationale et sur celui du Sénat, après leur examen par les commissions spécialisées de chacune de ces chambres132, feront l'objet de discussions et d'éventuels amendements en séance plénière. A la fin, le texte adopté par le Parlement doit être transmis au Président de la République aux fins de promulgation dans un délai de quinze (15) jours à compter de sa transmission, après vérification de la conformité dudit texte à la Constitution133. C'est seulement à partir de cette promulgation que le texte s'impose inexorablement au citoyen, car « le citoyen est réputé sortir de la communauté nationale s'il n'obéit pas à la loi promulguée »134.

Quant à l'élaboration directe de la loi par les citoyens, elle se fait par la voie du référendum. Il s'agit d'un procédé de vote permettant aux citoyens de se prononcer sur un texte émanant du pouvoir exécutif. Par ce moyen, le texte est soumis à l'appréciation du

127 Cette idée découle en fait de la théorie du Contrat social de Rousseau, qui se fonde sur le mythe de la volonté générale, source de la loi commune au sein de la communauté.

128 Arlette Heymann-Doat, Gwénaëlle Calvès, op. cit., p. 27.

129 L'art. 4 de la Constitution dispose en effet que l'autorité de l'Etat est exercée par le Président de la République et le parlement.

130 Pour cet auteur, « Les citoyens en tant qu'individus sont désormais inclus dans le concept du législateur et de loi ». Il renchérit cette idée en rapportant les propos de Raymond Carré de Malberg selon lesquels les citoyens, en tant que membres de la communauté nationale « ne peuvent donc point être considérés comme des tiers par rapport à cet acte [acte législatif], mais par l'effet d'une telle représentation, ils se trouvent associés à la confection de la loi, et chacun d'eux, pris individuellement, va dès lors, être traité comme ayant été partie à son adoption. ». Voir Olivier Beaud, op. cit., p. 31.

131 L'art. 25 de la Constitution dispose en effet que « L'initiative des lois appartient concurremment au Président de la République et aux membres du Parlement ».

132 Voir art. 29 a1. 1 de 1a Constitution.

133 Voir l'art. 31de la Constitution.

134 Olivier Beaud, op. cit., p. 30.

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peuple constitué en corps électoral et dont le consentement lui confère toute son autorité135. C'est par exemple à la faveur du référendum constituant du 20 mai 1972 au Cameroun que la Constitution du 02 juin 1972 fut adoptée.

Au regard du constitutionnalisme camerounais, il est à noter la décision de soumettre un texte au référendum appartient délibérément au Chef de l'Etat, ce qui lui permet d'opter à sa guise pour la voie législative en vue de l'adoption des projets de loi. Pourtant, aux termes de la Constitution du Congo du 20 janvier 2002, tout projet de révision de la Constitution, « Lorsqu'il émane du Président de la République, [...] est soumis directement au référendum »136

2. Le respect de la loi comme la garantie d'une vie

sociale organisée

Le respect de la loi s'impose aux citoyens en raison du fait qu'il constitue la garantie d'une vie sociale organisée. La violation de la loi est source d'insécurité juridique, car elle trouble l'ordonnancement juridique.

En effet, sans le respect de la loi, il pèse un réel danger sur la sécurité des droits et libertés des uns et des autres d'une part, et sur la stabilité des institutions étatiques d'autre part.

Une société dans laquelle l'ordre juridique n'est pas respecté par ses membres court le risque de sombrer dans l'anarchie ; ce qui entrainera inévitablement sa décadence. C'est pourquoi il est impératif que les citoyens respectent les lois existantes afin qu'elles demeurent le fondement de toute domination légitime qui puisse peser sur eux.

Aussi, les forts n'écraseront pas les faibles ; car la loi les en empêchera. Concrètement, le citoyen doit exercer ses droits et libertés de manière à ne pas attenter à ceux de ses concitoyens. C'est dans cette veine que la Constitution du Cameroun affirme que : « La liberté et la sécurité sont garanties à chaque individu dans le respect des droits d'autrui et de l'intérêt supérieur de l'Etat »137. Autrement dit, se prévaloir de ses droits dans le respect de ceux d'autrui est un devoir impérieux du citoyen.

135 L'art. 63 al. 4 de la Constitution dispose à cet effet que « Le Président de la République peut décider de soumettre tout projet ou toute proposition de révision de la Constitution au référendum. Dans ce cas, le texte est adopté à la majorité simple des suffrages exprimés ».

136 Cf. art.186 de la Constitution du Congo du 20 janvier 2002.

137 Cf. préambule de la Constitution du 2 juin 1972, modifiée par la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.

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En outre, il convient de noter que l'harmonie dans la société et le civisme sont intimement liés. En effet, le civisme, qui est un comportement individuel du citoyen consistant à respecter et à faire respecter les lois et les règlements en vigueur dans l'Etat, est l'un des piliers de l'organisation et du bon fonctionnement de la société138. Envisagé du point de vue horizontal, le respect de la loi impose à tout citoyen de respecter autrui, c'est-à-dire ses concitoyens.

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