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La citoyenneté en droit constitutionnel camerounais


par Ampère Romuald NGASSAM KANGUE
Université de Douala - Master 2 en droit public 2015
  

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A. Les Précisions terminologiques

Pour un meilleur éclairage terminologique du sujet objet de l'étude, il convient de définir la notion de citoyenneté d'une part (1), et d'autre part la confronter en particulier à la notion voisine de nationalité (1).

1. La notion de citoyenneté

Le terme citoyenneté a pour radical citoyen. C'est donc à partir de ce dernier que nous retracerons l'historique du premier. Son étymologie est tirée du terme latin civis, qui signifie « celui qui a droit de cité ».

Les origines les plus anciennes du terme citoyen remontent à l'Egypte antique. En effet, sous les « Lagides », avec la création de grandes cités telles Alexandrie, le citoyen est celui qui appartient à l'élite macédonienne4.

Dans sa conception moderne, la notion de citoyen découle de la Grèce antique. Le citoyen est une composante de la cité grecque ou « polis ». Il définit celui qui participe aux décisions de la cité et aux débats de l' « agora », c'est-à-dire le grand forum des citoyens. Aristote affirme d'ailleurs que : « dans le mesure où quelqu'un a le droit de participer au conseil et de siéger dans les tribunaux, nous lui donnons le nom de citoyen de la cité à laquelle il appartient »5. L'on retient donc que le trait qui distingue le citoyen des esclaves et des métèques, eux aussi membres de la cité6, est que le premier « participe aux charges honorifiques »7.

4 Cf. http://fr.wikipédia.org (consulté le 10 juillet 2012 à 17h20).

5 Aristote, La politique, Paris, Hermann, éditeurs des sciences et des arts, traduction nouvelle, 1996, p.71.

6 Aristote fait remarquer qu' « on n'est pas citoyens simplement par le fait d'être domicilié dans une cité : Les métèques et les esclaves y ont aussi un domicile ». Lire Aristote, La politique, op. cit. p.69.

7 Ibid., p.79.

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Le statut de citoyen dans la Rome antique diffère de celui des cités grecques. En effet, la citoyenneté romaine est définie en termes juridiques. Ainsi, le civis romanus, c'est-à-dire le citoyen romain, dispose de droits civils et personnels. Pour les romains la citoyenneté n'est pas liée à un critère d'origine ethnique ; les étrangers peuvent également accéder à la citoyenneté.

Avec les révolutions américaine, anglaise et française, le terme citoyen renvoie à l'égalité de droits entre les hommes. L'idée de sujet disparait. La citoyenneté apparait de plus en plus comme une manifestation de valeurs et de droits fondamentaux tels que la démocratie, la liberté, l'égalité. Elle devient aussi un incubateur d'actions et d'interactions à caractère politique, économique, social ou culturel au sein de la société.

De même, bien qu'éminemment juridique, la notion de citoyenneté a des racines sociologiques. En effet l'historien et sociologue britannique T.H. Marshall (1893-1981) est reconnu comme l'un des premiers, sinon le premier avoir théorisé le concept moderne de citoyenneté. En fait, « la plupart des analyses contemporaines de la citoyenneté trouvent leur source dans une conférence que T.H. Marshall prononça en 1949 »8. Cet auteur expose, lors de cette conférence intitulée « citizenship and social class », que « la citoyenneté constitue avant tout un statut juridique, lié à l'attribution ou à l'obtention de droits dotés d'une validité empirique. Mais elle forme aussi une représentation, un idéal fondé sur des croyances et valeurs spécifiques »9.

Dans l'un de ses travaux sur la citoyenneté, le Pr. Alain Didier Olinga relevait l'idée de Nicolet, qui affirmait que : « Le citoyen est le produit d'une construction rationnelle, c'est-à dire qu'il doit son existence à un combat constant et au déploiement de la raison »10. Cet auteur poursuivait par ailleurs que : « la citoyenneté est une condition de réalisation de

8 Guy Rocher, « Droits fondamentaux, citoyens minoritaires, citoyens majoritaires » in Michel Coutu, Bosset Pierre, et al. , Droits fondamentaux et citoyenneté. Une citoyenneté fragmentée, limitée, illusoire. Montréal, Thémis, 2005, pp. 23-41, (spéc. p. 25). [document numérique] disponible sur http://www.thémis.umontréal.ca.

9 Michel Coutu, « Introduction : Droits fondamentaux et citoyenneté », in Michel Coutu, Bosset Pierre, et al. , Ibid., pp. 1-20, (spéc. p. 7).

10 Cf. C. Nicolet, L'idée républicaine en France, essai d'histoire critique. Paris, Gallimard, 1982, p. 483. Cité par Alain Didier Olinga in Alain Ondoua (dir.), « La constitution camerounaise du 18 janvier 1996 : Bilan et perspectives », Yaoundé, Afrédit, 2007, pp.155-166, (spéc. p. 155).

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l'homme et, à ce titre, revêt un statut de primauté dans toutes les fins individuelles et sociales »11.

Le Pr. Alain Didier Olinga décèle d'ailleurs à travers le texte constitutionnel camerounais deux dimensions de la citoyenneté : une collective et l'autre individuelle.

La première renvoie aux notions de peuple, de nation et de patrie, et recouvre l'idée du vivre ensemble dans un univers politique ou culturel commun dont les membres peuvent influencer son fonctionnement et est adossée sur un sentiment d'appartenance générateur d'un esprit de solidarité.

Par contre, la seconde dimension concerne l'être individuel titulaire de droits et d'obligations. De là découle l'idée selon laquelle c'est l'assurance de la garantie des droits sociaux, culturels accessoirement, et, principalement des droits civils et politiques, qui confère à l'individu le statut du citoyen. Ainsi il n'y a pas de citoyenneté sans détention de libertés et droits fondamentaux. C'est d'ailleurs là la raison d'être de la disposition selon laquelle « L'Etat garantit à tous les citoyens de l'un et de l'autre sexe, les droits et libertés énumérés au préambule de la Constitution »12. La citoyenneté est donc l'assurance, mieux, la matrice de la garantie des droits fondamentaux de l'individu.

Au vu de toutes les définitions évoquées ci-dessus, l'on retient finalement que la citoyenneté est le statut accordé à l'individu au sein de l'Etat, lui conférant ainsi la détention et l'exercice des droits civils et politiques, économiques, sociaux et culturels. Elle confère notamment la capacité d'élire et de se faire élire et permet à cet effet la participation à l'exercice de la souveraineté par les membres de la communauté politique tant au plan national que local.

2. citoyenneté et nationalité

La notion de citoyenneté est voisine de celle de nationalité. Parce que touchant toutes les deux, plus ou moins différemment, au lien qui s'établit entre les habitants et la communauté politique à laquelle ils appartiennent, les notions de citoyenneté et de nationalité se confondent souvent. C'est ce qui justifie leur interchangeabilité, qui ne doit cependant pas voiler leur différence de sens. Il importe nécessairement de dégager une terminologie pour

11 Ibidem, p.155.

12 Cf. le préambule de la Constitution du Cameroun.

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chacune de ces notions qui soit le plus possible correcte et qui puisse faciliter leur compréhension et leur emploi.

Dans un premier sens, citoyenneté et nationalité se recouvrent presque entièrement. Lorsque dans un Etat donné la communauté des individus qui forment la nation, différents des étrangers, est unie par des éléments tels que la langue, la culture, la religion et la race communes, dans cette optique citoyenneté et nationalité ne font qu'un. Cela signifie que tous les citoyens d'un pays sont en principe les nationaux de celui-ci, et, seuls les nationaux en sont des citoyens. Dans cette optique, une notion est indifféremment utilisée pour désigner l'autre13. Ainsi, dans la batterie de droits fondamentaux reconnus et garantis à tout individu de par sa nature humaine14, il existe une catégorie substantielle de droits destinés exclusivement aux citoyens ou aux nationaux.

A l'état actuel du droit positif camerounais, le droit de vote et d'éligibilité par exemple ne sont pas reconnus aux étrangers ; seuls les nationaux en sont détenteurs. L'art. 2 al. 3 de la constitution camerounaise dispose que : « Le vote est légal et secret ; y participent tous les citoyens âgés d'au moins vingt (20) ans ». Une disposition analogue existe dans la Constitution française à son art. 3, qui affirme que : « Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français ». La lecture croisée de ces deux dispositions donne à constater que les électeurs sont à la fois des citoyens et des nationaux, ce qui révèle une certaine similitude entre les nations de citoyenneté et de nationalité.

Dans un second sens, citoyenneté et nationalité ne s'assimilent pas dans la mesure où il existe entre les deux une différence dans les droits à bénéficier. L'individu ne nait pas forcément citoyen, il ne le devient que lorsque le droit lui confère ce statut juridique : la citoyenneté est dans cette optique une sorte de « capacitation juridique » de l'individu. La nationalité serait quant à elle la connexion nécessaire de nature juridique entre le sentiment d'appartenance à la communauté de l'individu avec la faculté de ce dernier à détenir et à exercer des droits et aussi à être débiteur d'obligations envers cette même communauté.

13 G. Cornu précise que le mot citoyen est parfois synonyme de national. Voir G. Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, coll. Quadrige. Dicos de poche, 7e éd., 2005, 970p.

14 Voir la disposition du préambule de la Constitution selon laquelle : « Le peuple camerounais proclame que l'être humain, sans distinction de race, de religion, de sexe, de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ».

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Dans une autre hypothèse, le concept de citoyenneté ne renvoie pas à celui de nationalité lorsqu'on parle de citoyen du monde, expression qui s'inscrit dans le cadre de la mondialisation. Cette dernière voudrait que les interactions entre les Etats et les peuples soient suffisamment importantes pour que l'individu ne se considère plus seulement comme l'entité de la seule aire géographique, culturelle ou sociale dont il est originaire. C'est en fait un mouvement de déconstruction des frontières territoriales des Etats. Or, l'on sait que le cadre spatial de la citoyenneté est en principe le territoire de l'Etat au sein duquel elle est générée. Avec la mondialisation, le citoyen dévient un acteur transnational qui se déploie au-delà des frontières territoriales bien délimitées. Dans cette veine, le citoyen du monde n'a pas nécessairement la nationalité du pays dans lequel il porte des actions.

Au-delà de tout, il est important de retracer l'évolution de la citoyenneté au Cameroun, d'autant plus que les habitants des colonies et des territoires sous mandat de la France n'étaient pas des citoyens français 15 . Dans cette optique, l'on peut considérer que la revendication de la citoyenneté camerounaise est le fait de trois entités distinctes par leur nature.

La première entité est la Jeunesse camerounaise française (JEUCAFRA) qui, en tant que pionnière des organisations politiques camerounaises16, va réussir à contourner l'exclusion des « indigènes » du champ politique17, et, tenter de fabriquer pour ces derniers une certaine forme de citoyenneté18.

Par la suite, l'émergence du mouvement syndical donnera un nouveau tournant au mouvement de revendication populaire. En effet, ce mouvement est considéré comme une

15 Léon Duguit, Traité de droit constitutionnel. La théorie générale de l'Etat. Eléments, fonctions et organes de l'Etat, tome 2, 3e éd., première partie, 1928, p.16. Dans le même sens, il faut relever que la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 était « mise en veille en ce qui concerne les ressortissants des pays colonisés ou soumis à une limitation de souveraineté (tutelle) qui avaient été écartés [...] du bénéfice des droits et libertés ». Lire Jérôme Francis Wandji K., « L'organisation panafricaine dans son raport au principe d'humanité », Revue juridique et politique, no 4, 2013, pp. 395-431, (spéc. p.414).

16 C'est en fait le 15 décembre 1938 que remonte la première apparition publique de cette organisation. Lire à ce sujet Janvier Onana, « Entrée en politique : Voies promotionnelles de l'apprentissage et de l'insertion politiques des indigènes'' dans l'Etat colonial au Cameroun-l'expérience de la JEUCAFRA », polis, R.C.S.P./C.P.S.R., vol.7, no spécial, 1999-2000.

17 Le Pr. Janvier Onana parle dans ce sens d'un contexte « de disqualification civique et politique statutaire des indigènes'' ». Lire Janvier Onana, ibid., p.2.

18 Ibid., pp. 11-12.

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alternative permettant de mobiliser les populations camerounaises en vue de porter des revendications diverses19

Enfin, le dernier acteur est le mouvement partisan. Certes, « l'année 1947 vit la création de plusieurs partis politiques qui poussèrent comme des champignons dans plusieurs régions du Cameroun français »20.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore