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L'union africaine et l'accompagnement du développement politique en Afrique


par Fabrice Parfait OWONO
Université de Yaoundé 2 - Master 2013
  

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Section 2 : Les insuffisances du Mécanisme Africain d'Évaluation par les Pairs

Le MAEP est une initiative originale, un instrument conçu par les Africains pour faire l'auto évaluation de leurs gouvernances économique, politique, démocratique, et socio-économique et des entreprises qui datent de 2003. Regroupant 34 pays sur 54 en septembre 2014 sur la base d'une adhésion volontaire.

Le MAEP a été conçu après que les États africains ont créé le Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD). Ils se sont rendus compte que l'Afrique possède des ressources, dont dépendent le développement et la croissance. Après un bon diagnostic on s'est rendu compte qu'il y avait un problème de gouvernance qui se posait en Afrique. Le NEPAD a été conçu et adopté en 2001 ; et il y a eu de la déclaration sur la démocratie, la gouvernance politique, la gouvernance économique et l'intégration en 2002. Mais il fallait opérationnaliser cette déclaration ; C'est ainsi qu'en 2003, on a pensé à mettre en oeuvre le MAEP, qui est d'abord un diagnostic, puis une évaluation par les peuples et en suite par les Pairs. L'instrument d'accompagnement des États africains vers le développement politique, pour ce qui est de notre sujet, a des insuffisances qui lui sont inhérentes.

I- Un positionnement ambigu des bailleurs de fonds et difficultés administratives, Faiblesse de la sensibilisation populaire

Le Mécanisme Africain d'Évaluation par les Pairs a pour objectif d'accompagner les États membres vers le développement politique mais à bien y regarder l'on constate que cet instrument a des difficultés liées au financement et la sensibilisation populaire.

A- Un positionnement ambigu des bailleurs de fonds et insuffisance des moyens financiers

Le rôle des partenaires au développement extérieurs concerne le financement du processus lui-même, et le risque d'interférence que celui-ci pourrait engendrer : « Le MAEP fait partie de ces initiatives permettant de maîtriser les importations politiques et d'instaurer les règles de la modernité propres à chaque continent » affirme M. Ould- Aoudia.140(*)C'est à ce titre que celui-ci s'interroge sur l'impact de l'implication des bailleurs extérieurs dans le processus (comme la Banque mondiale ou des bilatéraux), au risque de les voir imposer des concepts et des modèles propres aux systèmes occidentaux, ce qui serait contradictoire avec la logique interne du MAEP. C'est précisément ce danger d'une perte de contrôle et de sens du mécanisme que combattent fermement les membres du panel, comme nous le rappelle DMuwonge « Le Panel actuel rend impossible toute forme d'ingérence, et ce grâce à l'indépendance et la personnalité de ses membres. Ce Panel a toujours accepté les financements proposés mais pas l'influence sur le processus ».141(*)Mme Savané confirme cette démarche résolue du Panel à « internationaliser » le processus, démarche qui semblait loin d'être acquise lors des prémices du mécanisme et de son lancement officiel. Résistance affichée donc d'une intervention directe des partenaires au développement dans le processus, qui traduit de manière plus large une dynamique encore largement ambiguë des relations d'aide au développement ; Ainsi Ross Herbert pensent que : « Il n'y a pas encore assez de sincérité dans les relations d'aide. Les financements extérieurs ont généralement pour ambition de réorienter une partie de l'action du partenaire, de le forcer à partir sur des voies spécifiques. Ce contrôle des bailleurs passe généralement par un contrôle étroit des dépenses de leur partenaire ». La position des chefs d'État est ambiguë sur l'aide des bailleurs de fonds au MAEP. D'un côté, la signature d'un engagement au sein du MAEP apparait pour nombre de pays africains comme un levier politique vis-à-vis des pays du Nord.

Un autre aspect à déplorer porte sur l'insuffisance des moyens financiers ; plusieurs promesses de financement n'ont pas été tenues, si bien qu'au Bénin sur les US$ 450 000 prévus au budget du processus seuls US$ 350 000 de contribution ont pu être recueillis. Une des conséquences de cette insuffisance des moyens financiers est que les membres de la Commission nationale devaient servir de façon bénévole, ce qui a eu un impact négatif sur la qualité de la participation. Plusieurs personnes membres de la Commission nationale qui se sont rendu compte que la présence au sein de la Commission n'était pas rémunérée ont abandonné le travail chemin faisant et la tache a pesé sur les autres. C'est l'espoir d'un payement du travail fait au sein de la Commission qui aurait fait gonfler le nombre de membres à 97 au départ. On a aussi noté une mobilité au niveau de certains agents désignés comme points focaux à des niveaux donnés, ce qui a causé quelques flottements.

L'insuffisance en moyens financiers a également eu un impact négatif sur la qualité du travail de terrain, d'après l'opinion générale, des acteurs du processus. Par exemple, les acteurs du processus ont éprouvé des difficultés à se déplacer pour joindre certaines localités. En effet, il a été mis à la disposition des communes de CFA 2000(US$ 4) pour le déplacement des points focaux. Une telle somme est de façon insuffisante. Dans les départements, notamment ceux du Nord Bénin, où les distances sont longues entre les différentes localités du fait des très grandes superficies, une telle somme peut même être considérée comme dérisoire voire ridicule. Certains points focaux ont reconnu que le travail n'a pas pu se faire correctement faute de moyens de déplacement ou de communication. D'autres points focaux, notamment ceux issus des préfectures, ont déploré le fait que la priorité ait été accordée aux communes en ce qui concerne la descente sur le terrain. Ainsi, bien que cela ait été initialement prévu, ils n'ont pas toujours pu se rendre sur le terrain pour le suivi du processus.142(*)

B- Difficultés administratives et Faiblesse de la sensibilisation populaire

Le processus d'auto-évaluation a commencé dans une certaine confusion due aux nombreuses insuffisances administratives de la structure chargée de sa conduite. Le secrétariat national du Bénin qui était dirigé par le coordonnateur national n'était composé que d'une secrétaire comptable et d'un conducteur de véhicule. Un consultant en communication a momentanément appuyé ce secrétariat, mais il est évident que ce personnel réduit a eu beaucoup de difficultés à faire face efficacement aux nombreuses attributions et sollicitations qui étaient les siennes. Par ailleurs, le secrétariat n'avait pas de locaux propres et était hébergé par deux bureaux au sein du ministère des affaires étrangères et de l'intégration africaine du Bénin, ce qui n'a pas donné une visibilité suffisante aux activités du secrétariat.

De même au Togo le secrétariat s'est aussi plaint de l'absence de matériel didactique (vidéo projecteur, tableau de conférence, écran de projection, etc.) alors qu'il devait organiser des présentations, ateliers et séminaires.143(*) Enfin, le retard dans le décaissement des font et certaines difficultés de collaboration entre le coordonnateur choisi après un test et le président de la Commission nationale ont conduit à la démission de ce premier et à son remplacement par un autre coordonnateur en avril 2006. Ces difficultés administratives ont eu un impact négatif sur le déroulement des activités, en particulier pendant leur démarrage. Par exemple, les ITR (Institut Technique de Recherche) ont commencé leur travail avant d'avoir passé un contrat avec la commission nationale et avant que les fonds n'aient été mis à leur disposition.

Pour ce qui est de la faiblesse de la sensibilisation populaire, quand les ITR ont commencé les enquêtes sur le terrain, plusieurs de leurs interlocuteurs n'étaient pas informés de ce qu'était le MAEP ni de l'état du processus d'autoévaluation en cours. Ces personnes contestaient parfois la légitimité des ITR à venir collecter toutes ces informations auprès d'eux. Certains répondants, y compris des autorités administratives, ont refusé de collaborer avec les enquêteurs des ITR. Les enquêtes des ITR se sont déroulées avant que la sensibilisation des populations et de certaines autorités administratives déconcentrées ou décentralisée n'ait lieu ou ne porte vraiment ses fruits. C'est au moment des consultations nationales, c'est-à-dire, au moment où les équipes de la commission nationale arrivaient dans des localités pour collecter les informations, que la sensibilisation, c'est-à-dire l'explication du MAEP et du processus d'autoévaluation, se faisait juste avant la distribution des questionnaires et collecte des données, points de vue, préoccupations et recommandations des acteurs.144(*) Que dire des autres insuffisances ?

II- Désignation des membres de la société civile, qualité de leur participation et difficulté d'accès aux résultats de l'autoévaluation et de l'évaluation

Le Mécanisme Africain d'Évaluation par les Pairs est un instrument qui a pour objectif d'accompagner les États membres vers le développement politique ; mais il a en lui plusieurs insuffisantes.

A. Désignation des membres de la société civile et qualité de leur participation

Il faut s'arrêter sur le rôle central que doit jouer la société civile dans le processus du MAEP. En effet, la nouveauté qu'introduit dans les mentalités le MAEP est le fait que les dirigeants africains puissent être évalués par leurs Pairs. La réelle révolution se situe quant à elle dans le fait que les dirigés aient leur mot à dire à travers des remarques dont les dirigeants doivent tenir compte. Ce postulat étant posé, qui mieux d'autre que la société civile, qui est censée représenter les populations, peut valablement jouer ce rôle ? Les regards étaient ainsi tournés vers cette dernière pour savoir si elle a rempli ses devoirs et obligations en représentant dignement les populations.

Au sein de la commission nationale indépendante, la société civile était largement représentée. Seulement, les associations qui devaient envoyer les membres au sein de la commission étaient désignées d'offices par l'État, dans le décret portant création de la commission nationale. Cette sélection officielle était malgré l'existence d'un cadre de concertation de la société civile qui aurait pu valablement opérer les désignations souhaitées et transmettre la liste au gouvernement comme cela se fait pour la désignation des organisations de la société civile au sein de la commission nationale électorale et de ses démembrements. Il est vrai que certains réseaux phares de la société civile se retrouvent dans la liste du gouvernement. C'est le cas au Bénin du Front National Anti-corruption (FONAC) qui lutte contre la corruption et de Social Watch qui contrôle l'action publique.145(*) On peut remarquer que certaines associations assez représentatives et menant des actions sur toute l'étendue du territoire national n'ont pas été associées malgré la pertinence de leurs actions. On ne saurait dire que cela ait été fait exprès, car il est difficile d'intégrer tout le monde dans un processus ; mais on constate quand même que, par exemple, certaines associations ou réseaux très représentatifs menant des actions dans le domaine du genre n'ont pas été associés. Les considérations sexo-spécifique (de genre) n'ont pas été prises en compte comme cela aurait dû l'être, malgré la présence d'association de femmes. En la matière, il est surprenant que des réseaux connus et très actifs tels que WILDAF (women in Law and development in Africa, section Bénin) et le RIFONGA (Réseau pour l'intégration des femmes des ONG et associations africaines) n'aient pas été associés directement dans le processus. La présidente du WILDAF a déploré cet état de choses. Toutefois, à la décharge du gouvernement béninois, WILDAF est membre du réseau Social Watch. De plus, la vice-présidente de la Commission nationale bien qu'ayant été impliquée comme vice-présidente de la commission nationale en sa qualité de membre du FONAC, est également la présidente du RIFONGA et a dit avoir fait de son mieux pour que le genre soit pris en compte146(*).

B. Difficultés d'accès aux résultats de l'autoévaluation et de l'évaluation

Alors que le processus est considéré comme participatif, les résultats de l'autoévaluation n'ont pas été rendus possibles au public. Aucun centre d'information ou de documentation, ne serait-ce que ce que sur le processus du MAEP, n'a été prévu, même si le PNUD-Bénin a consacré un numéro de son magazine à la mission d'évaluation. C'est sous le sceau de l'anonymat que, grâce à des relations personnelles, les différents documents du processus ont pu être obtenus pour l'analyse la rédaction de la présente étude.

Cette confidentialité cadre mal avec le souhait d'un travail participatif. Heureusement dans la plus part des pays membres, une séance publique de lancement du rapport a été organisée et le rapport distribué aux invités. Mais il reste des efforts de divulgation de ce rapport à faire. Ainsi dans les pays comme le Cameroun il est très difficile d'avoir des informations sur l'auto-évaluation et de l'évaluation. Au Bénin, le réseau Social Watch a appelé le gouvernement à associer tous ceux qui ont participé à l'auto-évaluation et à l'évaluation pour qu'ensemble avec toutes les personnes intéressées, un travail de suivi de la mise en oeuvre soit fait.147(*)

* 140 Vielajus (M), Escusa(E), Le Mécanisme Africain D'Evaluation par les Pairs, Table-Ronde du 10 juillet 2008, Paris.

* 141 Ibid. P. 6.

* 142 Badet(G), Une évaluation critique du processus du MAE P au Bénin, Université d'Abomey-Calavi, juillet 2008, p.21.

* 143 Secrétariat national du MAEP, Rapport général au gouvernement du Bénin et au PNUD, 2007, p. 25.

* 144 Badet (G), Une évaluation critique du processus du MAEP au Bénin, Université d'Abomey-Calavi, juillet 2008, p. 20.

* 145 Ibid.P.21.

* 146 Entretiens avec la présidente de wildaf et la présidente du rifonga Cotonou, 08 octobre et 11 octobre 2007 contenu dans le rapport d'évaluation sur le MAEP.

* 147 Ibid.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery