L'union africaine et l'accompagnement du développement politique en Afriquepar Fabrice Parfait OWONO Université de Yaoundé 2 - Master 2013 |
II -Le respect des principes et du jeu démocratiquePresque tous les théoriciens de la « démocratie» renvoient l'origine étymologique du terme aux deux mots grecs (demos + kratos), lesquels signifient littéralement « le pouvoir du peuple ». Cependant, comme le soutient Sartori, il ne s'agit pas seulement d'indiquer la signification du mot, ce qui est une démarche purement étymologique94(*). Si l'on se contentait d'une telle démarche, c'est à-dire la traduction littéraire de ces deux mots grecs en d'autres langues, nous n'aurions résolu qu'un problème de terminologie. Or, lorsque le terme est utilisé, une chose ou un système est sûrement sous-entendu. La question n'est donc pas, ou du moins pas seulement : que signifie le mot ? Mais aussi : quelle est cette chose ou quel est ce système qui peut être qualifié de « démocratique» ? Les auteurs diffèrent sur ce point, c'est-à-dire sur ce qu'ils entendent par le concept de «démocratie ». Selon Tocqueville, l'essence de la démocratie est dans « l'égalité des conditions» des citoyens95(*). Pour lui, l'aristocratie, qu'il oppose à la démocratie, avait fait de tous les citoyens une longue chaîne qui remontait du paysan au roi. Or, « la démocratie brise la chaîne et met chaque anneau à part ». Pour Sartori, Schmitter et Touraine, Bobbio et Lipset, la démocratie présuppose une liberté dans laquelle le système de relations entre gouvernants et gouvernés est régi par le principe selon lequel l'État est au service du citoyen, et non l'inverse96(*). C'est un système dans lequel les gouvernés choisissent librement leurs Gouvernants qui les représentent. Lipset insiste sur trois principes qui doivent exister dans tout système démocratique. D'abord, un ensemble de règles qui établissent et autorisent à prendre les décisions collectives et selon quelles procédures (donc le choix des gouvernants). Ensuite, des règles qui assurent qu'un plus grand nombre de personnes participent directement ou indirectement à la prise de décision (la garantie du gouvernement du peuple). Enfin il insiste, qu'il y ait des règles qui garantissent que le choix à faire soit réel, c'est-à-dire la totale liberté des gouvernés dans leur choix de ceux qui les gouvernent ou représentent. En outre Lipset définit la démocratie comme « un mécanisme social qui permet au plus grand nombre possible de la population d'influer sur les décisions importantes les concernant à travers des représentants des partis politiques dûment et librement choisis par eux»97(*) . Se situant dans le même sens, Jean-François Revel définit la démocratie comme une « forme de société qui parvient à concilier l'efficacité de l'État avec sa légitimité, son autorité avec la liberté des individus»98(*). Quant àMwayila Tshiyembe, l'État démocratique égale «l'État multinational », ce dernier· est «un pouvoir librement accepté et collectivement partagé» par les membres composants de l'entité99(*). Pour sa part, Legros définit le concept de démocratie à partir de deux principes : un principe culturel ou social et un principe politique. D'abord, il soutient que l'égalisation des conditions est à la source de la démocratie et que toutes les sociétés pré démocratiques reposent sur un principe d'inégalité des conditions100(*), ce qui le rapproche de la conception tocquevillienne. Ainsi, les États membres du Mécanisme Africain d'Évaluation par les Pairs ont adopté à leur sein les principes démocratiques. A- La tenue régulière des élections transparentes, libre et juste L'une des principes démocratiques que les États membres du Mécanisme Africain d'Évaluation par les Pairs ont adoptés est la tenue régulière des élections transparentes, libre et juste. L'État démocratique garantit que le processus d'accession au pouvoir d'exercice et d'alternance du pouvoir permettant une libre concurrence politique et émanent d'une participation populaire ouverte, libre et non discriminatoire exercée en accord avec la règle de droit, tant dans son esprit que dans sa lettre. L'élément clé de l'exercice de la démocratie est la tenue à intervalles périodiques d'élections libres et régulières permettant l'expression de la volonté populaire. Ces élections doivent se tenir, sur la base du suffrage universel, égal et secret, de telle sorte que tous les électeurs puissent choisir leurs représentants dans les conditions d'égalité, d'ouverture et de transparence qui stimulent la concurrence politique. C'est pourquoi les droits civils et politiques sont essentiels, et plus particulièrement, le droit à la liberté d'expression et de réunion, l'accès à l'information, et le droit de constituer des partis politiques et de mener des activités politiques. C'est pour cette raison que la plupart des États membres du MAEP organisent régulièrement des élections depuis le processus de démocratisation de ces pays : le Cameroun, Bénin, République Démocratique du Congo, et au bout du compte de plus en plus d'alternances démocratiques ; Comme l'élection du 26 février et 25 mars 2012 au Sénégal où Macky Sall a succédé à Abdoulaye Wade. Au Kenya, l'élection du 4 mars 2013 a vu l'arrivée au pouvoir Uruhu Kenyatta, et 28 mars 2015 Muhammadu Buhari a gagné des élections face à Goodluck Johnathan. Que dire de l'État de droit comme principe démocratique ? * 94 Sartori, Giovani, « Bien comparer, mal comparer, » revue internationale de politique comparé, 1 (1), 1994, p.3. * 95 Tocqueville(A), De la démocratie Américaine, Paris, flamarions, 1981. P. 127. * 96 ISSAKA, Souaré, Les partis politiques de l'opposition en Afrique de l'Ouest et leur quête pour le pouvoir d'État : Les cas du Bénin, du Ghana et de la Guinée, Thèse de Doctorat présenté à l'Université du québec à Montréal Service des bibliothèques, Juin 2010.P .15. * 97 Lipset, Seymour (M), « The Indispensability of political parties, » Journal of Democracy, 11 (1), 2000, P.12. * 98 Revel (J F), Comment les démocraties finissent, Paris, Bernard Grasset, 1983.P. 11. * 99 Tshiyembe, Mwayila, État multinational et démocratie africaine : sociologie de la renaissance politique, Paris, l'harmattan, 2001. P.94. * 100 Legros(R), L'avènement de la démocratie, Paris, Bernard Grasset, 1999.P.31. |
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