1.2 Un objet à l'intersection de la sociologie
politique et de la sociologie de l'action publique (politiques publiques) et de
la sociologie du développement
Le champ d'étude peut être perçu comme un
espace délimité dans lequel le chercheur conditionne des
éléments de recherche. Mesmin Noël Soumaho définit le
champ d'étude ou cadre de référence comme « le
cadre théorique général dans lequel s'intègre la
problématique de l'étude24 ».
L'étude dans cette perspective « se joue dans
le regard que le savant porte sur le réel ou selon une analogie
chère à pierre Bourdieu ou à Jean-Claude Passeron, elle
est fonction des « lunettes » qu'il prend. Il doit opter
premièrement pour des verres sociologiques, et deuxièmement
choisir, à l'intérieur de ce rayon disciplinaire, telles ou
telles lunettes sociologiques différenciées selon une orientation
théorique, selon une école de pensée. »25
22 K. Charles, Activités de recherche scientifiques
et développement économique des territoires : Les cas des
sciences de la mer en Bretagne Occidentale, Université de Brest,
Thèse de doctorat NR, soutenue le 06 Décembre 2016, p. 80.
23 D.F. Idiata, Quelle recherche scientifique en Afrique ?
Cas Gabon, Paris, L'harmattan, 2014, p.111.
24 M.-N. Soumaho, Éléments de
méthodologie pour une lecture critique, Paris, L'harmattan/CERGEP,
2002, p.123.
25 F. de Singly, Ch. De Girard et O. Martin, Nouveau
Manuel de sociologie, 2ème édition, Paris, Armand
Colin, 2013, p.21.
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Pour ce qui concerne notre travail, nous nous inscrivons dans
la sociologie politique et le champ de la sociologie de l'action publique.
1.2.1 Sociologie politique
La sociologie politique donne un regard concis de la
réalité sociale, mettant en scène les acteurs et le
pouvoir qu'ils entretiennent. Elle permet d'élucider les rouages du
fonctionnement du système politique. Le pouvoir conçu, non
seulement sur un volet institutionnel mais aussi comme capital. La politique
publique inclut une lisibilité du concept de champ politique, afin de
comprendre la mise en relief des éléments de ladite
théorie.
Jean-Yves Dormagen et Daniel Mouchard considèrent,
à ce titre que la sociologie politique a pour objet « tout ce
qui est relatif au gouvernement des sociétés et tout ce qui est
en rapport avec cette activité de gouvernement. »26
Elle peut être définie dans ce sens comme « science de
l'État ou des comportements politiques »27, courant
ainsi le risque « de glisser vers des analyses normatives et de
légitimer la construction d'un objet politique réduit aux seules
questions légitimes dans l'espace social. »28
Mais depuis quelques années, l'étude de l'action
de l'État connaît, comme le démontre Merrien (nous le
verrons plus loin) « un regain manifeste d'intérêt.
L'analyse en termes de politiques publiques a renouvelé les perspectives
traditionnelles de la recherche (É). La crise politique,
idéologique et intellectuelle des années quatre-vingt marque un
ébranlement de la légitimité de l'action publique, amenant
les chercheurs et les praticiens à se pencher sur les frontières
de l'action publique, sur des modes d'action et sur sa
légitimité. »29
Comme nous le disions au préalable, la sociologie
politique permet, par la notion de pouvoir qu'elle inclut, d'avoir une
dimension globale du concept de champ à savoir : la dimension
substantialiste, la dimension institutionnaliste, la dimension
interactionnisteÉ
Autrement dit, elle inclut la notion de pouvoir entant que
capital financier, entant qu'État ou gouvernants. Enfin, elle l'inclut
entant que ressource mobilisée, dans le but d'obtenir d'un tiers
(É). Le champ de la politique s'exprime en fonction des contextes dans
lesquels se trouvent les individus mais aussi de la rationalité des
agents.
26J.-Y. Dormagen et D. Mouchard, Introduction
à la sociologie politique, Bruxelles, De Boeck, coll. «
Ouvertures politiques », 2008, p. 6.
27 F.-X. Merrien, « Sociologie politique »
in J.-P. Durand et R. Weil, Sociologie contemporaine, Paris,
Vigot, 2006 (1ère édition 1993), p. 563.
28 Idem. 29Ibid. p.561.
19
1.2.2 Politiques publiques ou sociologie de l'action
publique
La sociologie de l'action publique ou politique publique
(entendue comme science de l'action publique) a pour objectif de
s'intéresser à « l'étude des politiques publiques
s'appliquant à l'action des autorités publiques au sein de la
société publique. »30 Les politiques
publiques ont pour ambition de porter une analyse sur l'action des gouvernants
sur la société publique.
Avant que l'analyse des politiques publiques - notion
essentiellement d'origine anglo-saxonne - s'érige en branche
spécifique, et sous-discipline récente des sciences politiques,
rappelle Muller, des études ponctuelles s'étaient
déjà intéressées aux résultats de l'action
politique en France et aux États-Unis.
Aux États-Unis, par exemple, l'analyse des
politiques publiques s'est particulièrement constituée comme
une science de l'action, une contribution des experts aux
décisions des autorités gouvernementales. L'objectif initial
était d'orienter la recherche pour l'action. En France, cet
intérêt se heurtait à une double limite : « le
sous-développement des instruments et des méthodes d'analyse et
de recherche d'une part, l'étroitesse des interventions publiques
d'autre part, qui jusqu'au XIXe siècle, se cantonnent pour l'essentiel
dans les domaines liés à l'imperium de l'État : police,
sécurité interne et externe, diplomatie, défense,
expansion militaire et coloniale. »31
Pour Mény et Thoenig, toute politique publique
témoigne et recouvre une théorie du changement
social.32 Les politiques publiques ont plusieurs paramètres,
notamment : Les objectifs poursuivis par la politique publique
considérée, les ressortissants visés par celle-ci, les
metteurs en oeuvre auxquels sont confiés l'application des mesures
gouvernementales, les types de politiques.33
Nous avons choisi comme champ secondaire d'étude, la
sociologie des politiques publiques car, celles-ci nous permettraient
d'observer, de façon objective les activités des
30 S. Duchesne et P. Muller, Sociologie et analyse de
l'action publique : Représentation croisée de l'Etat et du
citoyen, Presse science po, 2013, p.5.
31Y. Mény et J.-C. Thoenig, Politiques
publiques, Paris, Presses Universitaires de France, " Themis, science
politique", 1989, p.14.
32Ibid. p.140.
Pierre Muller souligne, à cet effet, que les travaux
classiques qui présentent les politiques publiques dans une logique
séquentielle, mettent la question du changement au coeur de leur
approche. La séquence (émergence du problème - formulation
- mise en oeuvre) constitue d'abord une tentative de traitement d'un
problème, en général, issu des transformations de la
société qui débouche sur une modification de l'état
initial du problème (Ç Esquisse d'une théorie du
changement dans l'action publique. Structures, acteurs et cadres cognitifs
», Revue française de sciences politiques, Presse de sciences
po, vol. 55, n°1, février 2005, p.156).
33Ibid. pp. 143-144.
20
autorités dans le secteur de la recherche scientifique.
Les politiques publiques sont « l'activité d'une puissance
investie de puissance publique et de légitimité gouvernementale
»34.
En d'autres termes, elle donne la capacité de percevoir
l'activité des agents politiques en action dans le champ et
évaluer l'influence de cette action, tout en observant les effets
consécutifs aux interactions, entre les agents qui font vivre ces
institutions et une multitude d'acteurs sociaux intéressés par
les décisions publiques. Cette situation est évidente dans la
mesure où, historiquement, l'approche des politiques publique ait permis
d'ôter, de façon progressive, le côté sacré de
l'État, en montrant que les résultats attendus pouvant être
différents des résultats produits.
Ainsi, cela revient-il à comprendre le rapport
dialectique entre le champ des politiques publiques et le champ politique de
façon générale. Pierre Muller parle à cet effet des
« outputs » et des « inputs ». Les « inputs »
sont des facteurs entrants donc interne à la politique et qui mettent en
relief les acteurs du champ. Et les « outputs » comme les
éléments externes au champ ou des éléments
extérieurs35.
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