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Le Cameroun et la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques


par Eric Salomon Ngono
Université de Yaoundé I  - Master 2 2020
  

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A- Un cadre juridique et institutionnel balbutiant et embryonnaire

La mise en application de la CCNUCC au Cameroun se heurte aux difficultés à la fois institutionnelles, techniques et financières. Cela se manifeste clairement par la crise structurelle générale qui touche le pays. De manière explicite, le manque d'une volonté politique, l'existence des institutions bureaucratiques et l'absence d'un cadre légal propre aux questions climatiques sont autant d'éléments qui freinent le processus.

1- Problèmes liés à la gouvernance et à la gestion des projets

Le Cameroun fait partie des pays dont les instances étatiques n'ont pas la capacité et/ou la volonté politique d'assurer les fonctions essentielles dans de nombreux secteurs où l'action de l'Etat doit se déployer. En réalité, il y a un contraste entre les discours officiels et engagement en matière de lutte contre les changements climatiques et l'inertie qui caractérise la formulation de politiques, de stratégies et de leur mise en oeuvre. Cette contradiction fondamentale amène à se demander si la question du réchauffement climatique constitue un élément important de l'agenda politique du gouvernement camerounais20. L'association de plusieurs départements ministériels fragilise la gouvernance climatique dans le pays. Cette interdépendance des différents ministères est source de plusieurs blocages. Cette difficulté institutionnelle fragilise aussi le MINEPDED dans sa mission, par conséquent considéré dans le cas d'espèce comme un ministère transversal. Institutionnellement parlant, le MINEPDED n'a pas de pouvoir sur d'autres ministères ce qui limite l'efficacité de son action21.

La prédominance du secteur informel, l'amateurisme qui a cours dans la plupart des pays les moins avancés, en occurrence le Cameroun, rend difficile la maîtrise et le contrôle et la déforestation et même de la dégradation des écosystèmes. L'exploitation illicite du bois et des autres produits forestiers a pour cause l'absence d'un cadre de concertation entre les

20 G. P. Dkamela, Le contexte de la REDD+ au Cameroun : causes, agents et institutions, Papier occasionnel 57 CIFOR, 2011, p.55.

21 T. Kagombe, Coordonnateur national du CDN-Cameroun au MINEPDED.

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différentes administrations. Cela entraîne parfois des superpositions des droits d'exploitation sur un même espace22. L'incapacité de l'Etat à avoir une mainmise et un contrôle absolu sur les activités forestières rend difficile la réussite de certains projets engagés dans le cadre du processus REDD+ qui, à moyen et à long terme sont supposés générer des fonds pour l'intérêt du pays. Une telle gouvernance est un frein dans l'accomplissement des engagements sur les conventions internationales sur l'environnement et les changements climatiques.

L'administration camerounaise est insidieusement infiltrée par la corruption. Dans le rapport de la Commission Anticorruption (CONAC) de 2010, le secteur des forêts et de l'environnement était l'un des plus touchés. De ce fait, les procédures relatives aux efforts d'atténuation des changements climatiques sont soumises à plusieurs types de menaces de corruption et à des différents niveaux. Cela peut se manifester par l'influence de certaines personnalités et entreprises pendant la préparation et la mise en oeuvre des projets (MDP, REDD+ etc). La corruption s'exprime sous forme de collusion, notamment par le versement des pots de vins aux agents en charge de ces projets afin de fermer les yeux sur les infractions ou pour délivrer des titres frauduleux23.

Les changements climatiques ne font pas partie des principales préoccupations du pays. Ces questions sont rarement ou quasi absentes à l'ordre du jour de la gouvernance globale tracée par les autorités de Yaoundé. Les plans de développement ne traitent pas en profondeur des incidences et les défis des changements climatiques. Dans cette perspective, le Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi n'a pas accordé aux questions environnementales et climatiques une place considérable.

2- Cadrage institutionnel bureaucratique, centralisé et balbutiant

Les institutions chargées de mener les activités de lutte contre le dérèglement climatique sont centralisées et détachées de la réalité du terrain. En effet, les multiples comités de pilotage créés dans le cadre de l'élaboration des stratégies et de la réalisation des projets tels que les MDP, la REDD+ sont pour l'essentiel situés dans la capitale Yaoundé. Cette approche a souvent pour conséquence immédiate l'échec desdits projets dû à un travail mal élaboré à cause de la précipitation et la logique du retour en ville. Le schisme entre les structures mise en place pour la coordination et le suivi des actions liées à la CCNUCC entraîne une faible intégration des parties prenantes. Cette architecture institutionnelle limite l'accès à l'information de l'immense majorité de la population. Par conséquent, le Cameroun faillit dans son engagement de transfert

22 F. Saha, «les instruments économiques pour l'atténuation des changements climatiques au Cameroun», Geo-Eco-Trop, 2019, p.98.

23 Ibid.

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d'information, la sensibilisation et l'éducation de la population sur les changements climatiques et leurs corolaires.

De même, le caractère bureaucratique des institutions conduit au prolongement de la phase de préparation des projets qui dans certains cas est plus longue que la phase de réalisation. Cette perte de temps, causée par des procédures administratives lentes associées aux commissions interminables est à l'origine du retard légendaire dont souffrent beaucoup de projets du secteur. De même, des institutions telles que l'ONACC sont encore en structuration. Créé en 2009, c'est en novembre 2015 qu'il devient opérationnel avec la nomination des responsables24.

3- Absence d'un cadre juridique spécifique aux changements climatiques

La mise en application de la CCNUCC au Cameroun souffre d'un vide juridique causé par l'absence d'un cadre juridique et des lois spécifiques sur les changements climatiques. En effet, nous notons l'existence des textes généraux encadrant dans la plupart des cas le secteur environnement. Le principal texte relatif à la lutte contre les changements climatiques est la loi n°96/12 du 05 août 1996 sur la gestion de l'environnement. Ce texte comporte un extrait sur le climat et l'atmosphère, sur la lutte contre les pollutions, lequel vise au premier chef la protection de l'air. Ce qui semble insuffisant dans la mesure où cet extrait se limite à évoquer dans son article 21 la protection de l'atmosphère25. Elle devait être complétée par de lois sectorielles. Mais, depuis 1996, un nombre considérable de lois a émergé, mais aucune ne traite spécifiquement des questions de changement climatique.

Entre 2009 et 2014, malgré la volonté du gouvernement de doter ce secteur d'un cadre juridique digne de ce nom, force est de constater que les différents textes priorisent l'environnement. Mis à part le décret N°2009/410 du 10 décembre 2009 dédié juste à la création et à l'organisation de l'ONACC, les autres traitent uniquement des questions environnementales. Parmi ces domaines nous avons d'une part, les questions de nuisance sonore et olfactive, de protection des sols et sous-sol et de la protection de l'atmosphère. D'autre part ces textes se sont intéressés à la problématique de la gestion des déchets. Elles fixent les conditions de collecte, de tri, de stockage, de récupération, de transport, de recyclage, de traitement et d'élimination finale des déchets26.

En réalité, l'on a l'impression que les choix qui guident l'adoption des textes sont influencés par les calendriers politiques et diplomatiques, et non pas par une véritable stratégie

24 A. Batha, Géographe expert sur les questions de changement climatique à l'ONACC.

25 Loi n°96/12 du 5 août 1996 portant loi-cadre relative à la gestion de l'environnement.

26 Décret n°2012/2809/PM du 26 septembre 2012.

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de lutte contre les changements climatiques. En effet, l'adoption des textes règlementaires sus évoqués a été accélérée à la veille de la COP 21. Mais sur les changements climatiques ça n'existe pas. Il n'y a aucun texte juridique spécifique à la lutte aux changements climatiques au Cameroun27. Ce manque de reconnaissance juridique et de clarté de fonctionnement des structures mise en place pour la coordination et le suivi des actions liées à la CCNUCC a entraîné une démobilisation des ressources tant humaines que financières28.

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