A- Dépendance des institutions chargées de la
mise en oeuvre de la Convention
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Kyoto dont le Cameroun fait partie, participent dès
lors au manque d'intérêt de la part de ces derniers.
1- Incertitude scientifique et marginalisation des
pays du Sud au
Protocole de Kyoto
Possédant des moyens limités pour le
développement de la recherche scientifique, les incertitudes
scientifiques énoncées par la CCNUCC étaient un mobile qui
a joué un rôle à la démotivation des Parties.
L'absence de certitude scientifique absolue incertitude a vraisemblablement
affecté les dirigeants des PED qui s'interrogeaient sur la
capacité de la communauté internationale à agir face aux
changements climatiques. Dans les arènes climatiques, les PED
étaient en retrait et peu concernés. Ils manifestaient leur
insatisfaction vis-à-vis du cadrage politique du problème et
disent que les Occidentaux effacent le passé, naturalisent le
présent et globalisent le futur1.
Le texte du Protocole de Kyoto comprenait des
difficultés majeures et défauts dans la gouvernance climatique
globale. D'abord, ses engagements étaient faibles pour peser
réellement sur les parties. Cela se manifestait, entre autres, par un
niveau insuffisant de réductions pour stabiliser le taux de carbone dans
l'atmosphère et les engagements quantifiés mal repartis. Ensuite,
la présence des imprécisions laissant des moyens de contourner
les traités. Enfin l'observation d'un dynamisme fragilisé entre
les pays du Nord indifférencie les pays du Sud2.
Sur la base du principe des responsabilités communes
mais différenciées, l'approche par le haut du Protocole de Kyoto
met en avant les Pays Développés figurant à l'annexe I de
la CCNUCC dans le cadre du Burden sharing des
émissions3. En effet, les PED sont introduit dans les
mécanismes de flexibilité qui créaient les MDP. Il
était question d'accompagner des projets de réduction des
émissions des GES et de développement durable. L'exclusion et la
marginalisation des pays du Sud dans le Protocole de Kyoto ont redessiné
et renforcé les clivages Nord-Sud contraires à la logique de
l'équité Nord-Sud. Cette approche a été un facteur
ayant contribué au désintérêt et à un manque
de motivation dans le respect et l'atteinte de leurs engagements. Par
conséquent, les MDP ont essentiellement profité aux pays en
développement d'Asie et d'Amérique latine (Brésil, Chine,
Corée du Sud, Inde, Indonésie et Mexique) qui
1 A. Dahan & H. Guillemot, «Les relations
entre science et politique dans le régime climatique : à la
recherche d'un nouveau modèle d'expertise ?» Nature Science
Société, No 23, supplément, 2015, p.10.
2 A. Bonduelle, « Dix défauts du
Protocole de Kyoto», Institut d'Evaluation des Stratégies sur
l'Environnement et l'Energie en Europe, p.7.
3 C. Cassen, «Les négociations
internationales sur le climat : Enjeux, structurations et perspectives
(1990-2017)», 2017, p.30.
4 B. Andrianarisoa et al, «Changements
climatiques et transformation des relations Nord-Sud», in Revue
Liaison Energie-Francophonie No 75, 2007, p.11.
110
représentaient plus de 90% des crédits provenant
des projets enregistrés4. Pour les pays africains, les autres
pays les moins avancés (PMA) et les pays insulaires, le bilan a
été médiocre. Le graphique ci-dessous présente les
profits tirés par les pays dans les projets MDP.
Graphique n°1 : Répartition du
profit des projets MDP dans les pays émergents.
Chine Inde Corée du Sud Brésil Mexique Autres
Source : C. Cassen, Les négociations
internationales sur le climat : enjeux, structuration et perspectives
(19902017), CIRED, 2017, p.37.
Le graphique ci-dessus présente proportionnellement
comment les MDP ont essentiellement profité aux pays émergents.
La première catégorie est dominée par les pays de l'Asie
du Sud-Est près de 85% des profits. La Chine hachurée en bleu
représente 60% de profits. L'Inde talonne avec 15%, après la
Corée du sud qui avait enregistré 9% du profit des MDP. Le second
bloc est celui des pays émergents d'Amérique latine
dominés par le Brésil avec 7% du profit suivi du Mexique avec 2%.
Dans les deux premiers groupes, nous avons aussi les pays tels
l'Indonésie et l'Argentine qui se sont investis mais leurs efforts n'ont
pas atteint 1%. Le troisième et dernier groupe est celui composé
des PMA d'Afrique et les pays insulaires qui ont profité de 7% des
projets MDP.
2- La domination des grandes puissances et le
renforcement des clivages Nord-Sud
Comme toutes les conventions et les traités
signés à l'échelle internationale, la CCNUCC connaît
une mainmise des puissances économiques. C'est dans ce contexte que les
autres parties subissent l'influence et le diktat de ces
dernières. Ces puissances, qui sont des
111
grands contributeurs, prennent en otage et handicapent le
fonctionnement des institutions en charge de la mise en oeuvre de la convention
qui dépendent de leurs financements5. Le manque de
mécanismes de sanction, l'absence de règles de
vérification du respect des engagements sont des freins qui favorisent
l'affaiblissement des dispositions de la Convention et mettent en péril
sa mise en application effective. La stabilisation du système climatique
devient ainsi une illusion politique orchestrée par la communauté
internationale. Dès lors, la survie de la Convention est tributaire de
la volonté et le degré d'implication de celle-ci. Le
caractère unilatéral des rapports entre les pays
développés pollueurs historiques et les pays en
développement vulnérables aux effets néfastes des
changements climatiques est un frein considérable qui limite le champ
d'application des pays du Sud6.
L'essentiel de l'effort de réduction des
émissions tel que défini par la CCNUCC et le Protocole de Kyoto
reposait sur les pays développés et les pays d'Europe de l'Est
à économie de transition. Les pays en développement, y
compris les pays dits émergents de l'époque comme la Chine et le
Brésil, étaient dispensés d'engagement contraignant la
réduction. Cette différence de traitement a conduit à une
sorte de bipolarisation avec, d'un côté, les pays
développés appelés à fournir les efforts
nécessaires, et, de l'autre côté, les pays en
développement, appelés à accorder la priorité
à la lutte contre la pauvreté pour sortir du
sous-développement7. Ce renforcement des clivages est en
contradiction avec les principes d'équité énoncés
dans l'article 3 de la Convention.
3- Echec des négociations internationales sur
le climat à l'ère de la course au développement
imposée par la mondialisation
Les difficultés de la gouvernance climatique et son
enlisement sont des effets difficilement contestables, depuis plus de 25 ans,
les négociations piétinent et les émissions globales de
CO2 ne cessent de croitre. L'échec du Protocole de Kyoto, de la
conclusion d'un accord à Copenhague et le retrait récent des
Etats-Unis de l'Accord de Paris attestent à suffisance le fiasco et les
antagonismes qui règnent au sein de la communauté internationale
pour l'atteinte de l'objectif ultime de la CCNUCC. La décennie 1990,
occupée par la préparation du Protocole de Kyoto, investie de
toutes les espérances mais qui concernait seulement les pays
développés devant partager le fardeau des réductions des
émissions, a finalement connu le refus de ratification des
Etats-Unis8.
5 Ibid.
6 Ibid., p.13.
7 M. Tsayem Demaze, «Le Protocole de
Kyoto, le clivage Nord-Sud et le défi du développement
durable», Espace Géographique, Edition Berlin,
2009, p.141.
8 Ibid.
112
En effet, les USA avaient conditionné leur acceptation
à l'engagement des pays développés catégorie
comprenant des Etats aux économies émergentes tels que le
Brésil, la Chine, la Corée du Sud, l'Inde et le Mexique à
réduire leurs émissions des GES9. Ce retrait de la
première puissance économique mondiale et première
émettrice de GES a jeté une suspicion sur le processus de lutte
contre les changements climatiques, en particulier aux yeux des pays du Sud
dont le Cameroun fait partie. En décembre 2009, la COP 15 était
censée préparer la suite du Protocole de Kyoto, a
été sanctionnée par le nouvel ordre géopolitique
mondial dominé par le couple Chine-USA. Elle n'aboutit qu'à un
accord minimaliste préparé par les deux plus grands
émetteurs. Un échec douloureux de trop qui inaugure une phase de
régression des questions environnementales et climatiques à
l'échelle globale10.
Il faut constater une disjonction fondamentale entre, d'une
part, le processus de gouvernance mondiale du climat et son imaginaire de
régulateur central apte à définir et distribuer les droits
d'émissions, et d'autre part, la réalité du monde
complexe, multiforme, en plein crises et mutations liées à la
globalisation, à la concurrence économique des Etats
accrochés à leur souveraineté d'exploitation
effrénée des énergies et ressources fossiles ; une
réalité sur laquelle la CCNUCC n'a pas pris en
compte11. La prise en otage du Protocole de Kyoto par les USA qui a
prolongé les négociations sur l'accord d'où son
entrée en vigueur tardive huit ans après son émergence ;
l'échec de la Conférence de Copenhague sont des signes qui
affaiblissent la convention et handicapent la mise en application effective qui
se manifeste par la fragmentation croissante du processus.
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