Le Cameroun et la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiquespar Eric Salomon Ngono Université de Yaoundé I - Master 2 2020 |
III- Les projets et actions du Cameroun dans la lutte contre les changementsclimatiques Malgré son faible taux d'émission des GES, cependant les effets des changements climatiques sont perceptibles au Cameroun, le climat y est de plus en plus instable. Cette instabilité s'accompagne des phénomènes extrêmes tels que les inondations dans plusieurs régions du pays. Le problème d'accès à l'eau devient de plus en plus invivable et au Nord du pays, la sécheresse fait obstruction aux pâturages et on observe au Sud du pays une baisse de la productivité agricole83. Face à ces effets observés, le gouvernement camerounais a élaboré des stratégies et projets pour y remédier à son niveau. Dans cette partie, nous présenterons d'une part de manière sommaire les différentes stratégies réalisées dans le domaine, d'autre part nous insisterons sur les grands projets de lutte contre les changements climatiques initiés par le pays. A- Les efforts du Cameroun sur le plan international et national dans la mise enapplication de la CCNUCC Depuis son engagement à la sauvegarde du système climatique international le Cameroun participe aux rencontres internationales se référant aux questions climatiques, environnementales et écologiques. Dans sa sous-région, il est l'un des pionniers de la mise en place de plusieurs organisations et institutions de lutte contre le changement climatique, la protection de l'environnement et de la biodiversité. Sur le terrain, il se déploie sur plusieurs champs pour l'atteinte maximale de ces engagements. 1- Participation aux rencontres internationales Dans le strict respect des engagements de la CCNUCC, le Cameroun a pris part à toutes les Conférences des Parties depuis la COP 1 à Berlin en 1995 jusqu'à la COP 21 en 2015 à 96 Paris. L'intérêt du pouvoir de Yaoundé des questions climatiques se manifeste par la participation de Paul BIYA président de la République du Cameroun à plusieurs COP. Ce fut le cas de sa participation à la COP 15 qui s'est tenue du 7 au 18 décembre 2009 à Copenhague au Danemark. Il était ainsi à la tête d'une délégation de 18 personnes constituée de Ministres et spécialistes des questions climatiques et environnementales84. De même lors de la COP 21 qui s'est tenue à Paris en France du 30 novembre au 12 décembre 2015, le président de la République accompagné de son épouse était à la tête d'une délégation de 216 personnes85. Le président Paul BIYA du Cameroun a toujours plaidé pour une mobilisation générale de la communauté internationale face à la menace pour "la survie de l'espèce humaine" que constitue le réchauffement climatique. Il déclarait le 17 septembre 2009 à Copenhague que : "il y a urgence" car "Déjà certains dommages causés par les changements climatiques sont irréversibles. Il faut donc à tout prix arrêter ce processus d'autodestruction"86. Par la suite, il précisait à Paris : pour les pays en développement ou sur la route de l'émergence parmi lesquels le Cameroun, la réduction des gaz à effet de serre reste conditionnée à un soutien de la communauté internationale notamment des pays industrialisés sous forme de financements, de renforcement des capacités et de transfert de technologie, le Cameroun, faible émetteur de gaz à effet de serre, qui entend poursuivre sa contribution à la réduction87. Le Cameroun par la voix de son Président a exprimé cette volonté lors de plusieurs rencontres internationales par exemple pendant ses déclarations aux 60ème sessions le 16 septembre 2005, 63ème session le 24 septembre 2008 et 67ème sessions le 26 octobre 2012 de l'Assemblée Générale (AG) de l'ONU88. Il s'inscrit dans la même logique lors des 12ème (Montreux, Suisse en octobre 2010), 14ème (Kinshasa, RDC en octobre 2012) et 15ème (Dakar, Sénégal en septembre 2014) sommet de la Francophonie89. C'est dans ce cadre que le pays prend part aux différentes rencontres et donne son point de vue lors des discussions et négociations sur le climat. Depuis le Cameroun a signé et ratifié tous les textes internationaux sur les changements climatiques. Le tableau ci-dessous présente le répertoire de toutes les COP depuis 1995 respectivement par ville et par pays et auxquels le Cameroun a participé. 84 Dossier de presse de la cellule de communication du Cabinet Civil pour la Cop 21, p-6. 85 FCCC/CP/2015/INF.3 (Part 1), List of participants, pp.44-50. 86 Dossier de presse de la cellule de communication du Cabinet Civil pour la Cop 21, p.14. 87 Ibid. 88 Ibid., p.6. 89 Ibid., p.7. 97 Tableau n°6 : Liste des Conférences des Parties de1995 à 2015
Source : https://www.compteco2.com/article/historique-cop-conference-des-parties/ consulté le 09-04-2019 à 22h11min. 2- Les différents programmes et études réalisés S'agissant des actions visibles visant à lutter contre les changements climatiques, de milliers d'hectares de forêts camerounaises sont aujourd'hui classés "Zones protégées", ce qui permet de les préserver, et, par la même occasion, de réduire les émissions liées à la déforestation. Outre la préservation des forêts, le gouvernement camerounais met un accent particulier sur la régénération des forêts à travers des initiatives comme l'Opération Sahel Vert avec apport du MINFOF et l'Agence Nationale de l'Appui au Développement Forestier (ANAFOR)90. Des instruments juridiques pour lutter contre la coupe et l'exploitation illicite du 90 http://www.minep.gov.cm/index.php?option=com_content&view=article&id=2%3Apoint-de-presse-du-ministre-de-lenvironnement-et-de-la-protection-de-la-nature&catid=64%3Aflash-infos&Itemid=21&lang=fr consulté le 09-04-2019 à 22h11min. 98 bois ont également été mis sur pied. Pour protéger sa faune ainsi que les espèces en voie de disparition, le Cameroun mène, avec la participation des ONG la lutte contre le braconnage91. Le gouvernement, par l'entremise du MINEPDED, sensibilise les populations rurales sur les effets néfastes de l'usage abusif du bois de chauffe. Il a été lancé, en juin 2009, une campagne de vulgarisation des foyers améliorés qui utilisent moins de bois de chauffe. En décembre, près de 20 000 fours de ces foyers avaient été distribués aux populations des régions septentrionales. Possédant d'énormes potentialités en matière d'énergies renouvelables, parmi lesquelles l'hydroélectrique, la biomasse et l'énergie solaire ; le MINEE, soucieux de la protection de l'environnement a mène des réflexions à l'éradication progressive afin de passer du fossile aux énergies renouvelables92. Le Cameroun a déjà procédé à l'élaboration de deux communications sur les changements climatiques dans l'optique de faire l'inventaire des GES. La première appelée Communication Initiale Nationale (CIN) sur les changements climatiques a été élaborée en 2005 avec pour année initiale d'inventaire 1994. Et la seconde communication élaborée en 2014 a pour année initiale d'inventaire 2000. La communication permet au gouvernement d'évaluer l'état des lieux des émissions des GES afin de développer des stratégies fiables pour leur atténuation93. En 2009, le pays a adopté sa vision volontariste à long terme, avec comme l'un des axes stratégiques dont la phase I (2010-2019) vise à élaborer et engager la mise en oeuvre d'une politique ambitieuse de préservation de l'environnement et de lutte contre les effets néfastes des changements climatiques94. En 2009, le Cameroun s'est doté du Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi (DSCE) qui est une feuille de route détaillée de projets et d'objectifs sectoriels pour l'atteinte de son émergence. Dans cette entreprise d'industrialisation poussée, la protection de l'environnement occupe une place de choix dans ce document95. En octobre 2011, avec l'aide du gouvernement japonais, le Cameroun a réalisé sa stratégie nationale de communication sur l'adaptation aux changements climatiques pour la période 2012-2014. Le 24 octobre 2015, il a élaboré le Plan National d'Adaptation aux changements climatiques. Le pays a élaboré sa première Contribution déterminée au niveau national (CDN) pour la réduction des gaz à effet de serre en 2015 avant la COP 21. Dans ce document, il prévoit de réduire ses émissions à 32% 91 Ibid. 92 Ibid. 93 R. Pismo, Ingénieur d'Etude n°1 à la Sous-Direction du Monitoring Ecologique et du Suivi du Climat. 94 Seconde Communication sur les changements climatiques, 2014, p.17. 95 B. R. Mbodiam in Investir au Cameroun, no 43, novembre 2015, p.8. 99 à l'horizon 2035 avec 47 actions96. En 2016, il a révisé sa CDN avec dix programmes et 30 idées de projet. Il a maintenu les 32%, mais intègre des éléments pour atteindre son objectif. Dès lors, il décide que 21% de réduction des GES conditionnée, c'est-à-dire le financement des activités, sera pris en change par la communauté internationale et 11% non conditionnée, c'est-à-dire que les activités de réduction émaneront des fonds nationaux97. 3- Le Plan National de Gestion de l'Environnement (PNGE) Après la conférence de Rio de Janeiro, plusieurs Etats se sont dotés d'un plan national pour l'environnement. Le Cameroun en a adopté le sien avec la promulgation de la Loi-Cadre relative à la gestion de l'environnement en 199698.
L'objectif principal du PNGE est d'assurer la protection de l'environnement. Pour se faire il doit réaliser la planification et de veiller à la gestion rationnelle de l'environnement, mettre en place un système d'information environnementale comportant une base de données 96 C. Mokom Chef service Suivi du Climat au MINEPDED, 19-03-2018,14h30mn. 97 R. Pismo, Ingénieur d'Etude n°1 à la Sous-Direction du Monitoring Ecologique et du Suivi du Climat. 98 C. M NGUE BEDGA, Contribution à l'amélioration de la gestion des ordures ménagères dans les quartiers Mokolo Elobi à Yaoundé, Mémoire de Master en géographie, UY1, 2013, p.62. 99 Rapport général, Table ronde internationale des donateurs sur l'environnement au Cameroun allocution du Ministre de l'Environnement et des Forêts lors de la présentation des politiques, projets et programmes du PNGE, 1996, p.42. 100 Commination Initiale Nationale...p.64. 101 Loi no96/12 du 5 août 1996 portant Loi-cadre à la gestion de l'environnement, art 13. 100 sur différents aspects de l'environnement au niveau national et international102. A cette fin, elle enregistre toutes les données scientifiques et technologiques relatives à l'environnement, et tient un recueil à jour de la législation et réglementation nationales et des instruments juridiques internationaux en matière d'environnement auxquels le Cameroun a adhéré. L'administration doit établir un rapport biannuel sur l'état de l'environnement au Cameroun et le soumet à l'approbation du Comité Interministériel de l'Environnement103. c- Structures de gestion de l'environnement et la mise en oeuvre du PNGE Trois structures spécialisées ont été retenues pour assurer la mise en oeuvre du PNGE. Nous avons d'abord le Comité Interministériel de l'Environnement qui est responsable de la définition des grandes orientations, de la conception de la politique nationale et doit assurer la collaboration de tous les départements ministériels à la mise en oeuvre de la politique de gestion de l'environnement et des ressources naturelles. Ensuite nous avons la Commission Nationale Consultative de l'Environnement et du Développement Durable (CNCEDD) créée par le décret no94/259 du Premier Ministre en date du 31 mai 1994104. Elle prend la relève du Comité de Coordination du PNGE, afin d'assurer la participation de toutes les parties prenantes, la mise en application des politiques et stratégies du PNGE et à la réalisation des projets et programmes environnementaux. Enfin, nous avons le Secrétariat Permanent à l'Environnement qui était rattaché au MINEF. Cette structure permettait le suivi efficace de l'exécution du PNGE et était chargée d'élaboration de la politique nationale en matière d'environnement ; la coordination et le suivi de l'exécution des programmes et projets du PGNE ; de la gestion du Fonds National pour l'Environnement et le Développement Durable ; de la coopération internationale et sous-régionale en matière d'environnement etc. Le Secrétariat Permanent à l'Environnement était constitué de deux divisions à savoir la Division de la politique environnementale et de la mise en oeuvre du PNGE et la Division chargée du cadre normatif et d'études d'impact 105. Certaines structures d'appui assuraient aussi la mise en oeuvre du PNGE à savoir la Cellule de sensibilisation et de l'éducation en matière de l'environnement et la cellule de l'information environnementale. Le PNGE fut financé par le Fonds National de l'Environnement et de Développement Durable (FONEDD) qui devait centraliser les contributions financières provenant de l'Etat, des donateurs bilatéraux et des organismes internationaux. Ce fonds était 102 Ibid. 103 Ibid., p.16. 104 Plan National de Gestion de l'Environnement, 1996, p.21. 105 Ibid., p.23. 101 géré par le Secrétariat à l'environnement. En 2010, le programme a été révisé pour donner le PNGE II dont les axes majeurs sont la gestion des risques et catastrophes naturel106. B- Les MDP, l'opération Sahel Vert et la REDD : Trois projets majeurs dans la lutte contre les changements climatiques au Cameroun. En 1997, le Protocole de Kyoto à la CCNUCC présente un texte contraignant donnant les directives pour la lutte contre le réchauffement climatique et l'atténuation des émissions des GES sous forme de projets intégrés. Le Cameroun dans sa contribution à cette lutte a développé plusieurs projets dans le cadre de la mise en application de la CCNUCC. 1- Les projets MDP au Cameroun Pour l'atteinte des engagements des pays de l'Annexe B, trois mécanismes de flexibilité ont été développés par le Protocole de Kyoto en 1997. Parmi ceux-ci le Mécanisme de Développement Propre (MDP). Le MDP est un instrument de marché qui consiste au financement des projets dans les pays du Sud par les pays du Nord. En novembre 2001, les Accords de Marrakech ont établi les modalité et procédures de fonctionnement du MDP107. a- Principe et objectif des projets MDP Le principe directeur du MDP stipule qu'un Etat ou une entreprise de l'Annexe I investit dans un projet de réduction des émissions de GES dans un pays en développement (PED) en échange des réductions constatées, un volume équivalent d'Unités de Réductions d'Emissions Certifiées (UREC) lui est délivré108. Le MDP est défini dans l'article 1er du Protocole de Kyoto de la manière suivante : l'objet du mécanisme pour un développement propre est d'aider les Parties ne figurant pas à l'annexe I à parvenir à un développement durable ainsi qu'à contribuer à l'objectif ultime de la Convention et d'aider les Parties visées à l'annexe I à remplir leurs engagements chiffrés de limitation et de réduction de leurs émissions prévues à l'article 3109. Les secteurs concernés par les projets MDP sont l'énergie, le traitement des déchets, l'industrie, le secteur résidentiel et tertiaire, les transports, l'agriculture et le secteur forestier. Ils peuvent être des projets d'économie d'énergie, de changement de combustible, d'énergies renouvelables ou des projets "puits de carbone"110. 106 Présentation du Cameroun à l'Atelier Régional de Sensibilisation Relative à la Coopération et la Coordination pour la mise en oeuvre des conventions de Bale, Rotterdam et Stockholm pour les pays d'Afrique francophones, Sénégal, Dakar du 5 au 9 juillet 2011, p.3. 107 P-M Boulanger et al, le Mécanisme pour un Développement Propre tiendra-t-il les promesses ? Reflets et perspectives de la vie économique, Tome XLIV, 2005, p.8. 108 https://unfccc.int/fr/new/le-mdp-de-lonu-davantage-simplifie-et-rationalise consulté le 03-04- 2019 à 12h28mn. 109 A. Karsenty, "Le Mécanisme de Développement Propre (MDP)", p.2. 110 H. Yambene Bomono, "Le Mécanisme pour un Développement Propre (MDP)", p.5. 102
Après la création du Comité National du MDP par le Cameroun en 2006, 23 projets ont été réalisés jusqu'au 28 février 2015. Ils étaient répartis comme suit : 11 projets dans le secteur de l'énergie, quatre dans le traitement des déchets et huit dans le secteur forestier et 111 Décision n°0009/MINEP/CAB du 16 Janvier 2006 portant création, organisation et fonctionnement du Comité national chargé de la mise en oeuvre du Mécanisme pour un développement propre (MDP) au Cameroun. 112 Ngwanza Owono, La mise en oeuvre de la convention-cadre..., p.36. 113 Décision n°0009/MINEP/CAB du 16 Janvier 2006 portant création, organisation et fonctionnement du Comité national chargé de la mise en oeuvre du Mécanisme pour un développement propre (MDP) au Cameroun. 103 agroforestier. Parmi eux le projet de captage et de destruction du méthane de Nkolfoulou à Yaoundé. Quatre projets de reboisement ont été initiés par la mairie de Paris à Tonga, Magba, Mandjou et Ngambe-Tikar114.
Le réchauffement de la terre est une réalité et ses conséquences sont visibles. Le Cameroun, comme d'autres pays est touché par ce phénomène. Les pays Parties à la CCNUCC 114 Yambene Bomono, "Mécanisme pour un Développement...", p.15. 115 http://www.initiativesclimat.org/toutes-les-initiatives/projet-pilote-sahel-vert-HIMO consulté le 30-05-2019 à 09h48min. 116 http://www.minep.gov.cm/index.php?option=com_content&view=article&id=2%3Apoint-de-presse-du-ministre-de-lenvironnement-et-de-la-protection-de-la-nature&catid=64%3Aflash-infos&Itemid=21&lang=fr consulté le 09-04-2019 à 22h11min. 104 ont proposé l'atténuation des émissions des GES qui sont à l'origine de ce dérèglement climatique à l'échelle planétaire. Il est reconnu d'une part que les forêts à l'instar des deux grands massifs de forêts tropicales que sont le bassin de l'Amazonie et le bassin du Congo, stockent de grandes quantités de carbone qui sont rejetées dans l'atmosphère. Et d'autre part, la déforestation cause près de 20% des émissions globales. La réduction des émissions provenant de la déforestation est considérée comme une option rentable pour aborder le réchauffement climatique d'où la mise en place d'un processus visant à réduire les émissions issues de la perte des forêts « REDD+ »117. a- Historique et présentation de la REDD+ Après 1992, la lutte contre les changements climatiques se matérialise en 1997 par l'adoption du Protocole de Kyoto à travers les MDP. Ce mécanisme n'intégrait que les forêts plantées (afforestation ou reforestation) dans les efforts en vue de l'atténuation des effets du changement climatique. En 2005, lors de la COP 11 à Montréal, le Costa Rica et la Papouasie-Nouvelle-Guinée ont introduit une proposition pour que la réduction des émissions de GES liées à la déforestation dans les pays en développement soit reconnue comme moyen de lutte contre les changements climatiques. Elle sera acceptée en décembre 2007 à la COP 13 à Bali. De-même, un Plan d'action de lutte contre les changements climatiques visant à limiter la hausse des températures moyennes à 2°C est adopté à cette conférence et consacre la Réduction des Emissions issues de la Déforestation et de la dégradation des Forêts comme mécanisme pertinent d'atténuation des changements climatiques118. Le concept REDD+ émerge et est successivement passé de « RED » Réduction des Emissions issues de la Déforestation en 2005, à « REDD » Réduction des Emissions issues de la Déforestation et de la Dégradation des Forêts en 2007 lors des négociations de Bali. Le langage officiel de REDD+ a été ajouté en 2008 à Poznan avec l'inclusion de la conservation des stocks de carbone forestier, la gestion durable des forêts et l'amélioration des stocks de carbone forestier119. L'objectif principal du processus REDD+ est de réduire les émissions de GES issues du secteur forestier pour contribuer à la lutte contre les changements climatiques. La décision 1/CP.19 de la CCNUCC de l'Accord de Cancún invite les pays en développement parties à entreprendre la REDD+ dans le cadre de la mise à la disposition d'un appui financier , un 117 Secrétariat Technique REDD+, Les petites questions pour comprendre le processus REDD+ au Cameroun, 2016, P.3. 118 P. Bigombe Logo, «Analyse de la cohérence entre les politiques et lois sectorielles dans la perspective de la mise en oeuvre efficace du mécanisme REDD+ au Cameroun», 2017, p.2. 119 Stratégie Nationale de Réduction des Emissions dues à la Déforestation et à la Dégradation des forêts, Gestion Durable des forêts, Conservation des forêts et Augmentation des Stocks de Carbone, Version 3, 2018, p.8. 105 soutien technique et technologique, et un renforcement des capacités pour développer : (i) une stratégie ou un plan national ; (ii) un niveau national d'émission de référence et/ou un niveau de référence forestier ou le cas échéant une mesure provisoire ; (iii) des niveaux d'émission de référence forestiers infranationaux et/ou des niveaux de référence forestiers, surveiller, signaler et vérifier les émissions et (iv) un système sur la manière dont les informations relatives aux sauvegardes sont traitées et respectées pendant la mise en oeuvre de la REDD+120. Le processus REDD+ est construit en trois phases parmi lesquelles la Phase de préparation, la Phase Investissement/Démonstration et la Phase de paiement basée sur les résultats. Il est globalement guidé par le Cadre de Varsovie sur la REDD+ et a été inclus dans l'Accord de Paris comme une des mesures pour maintenir la température mondiale à 2°C au-dessus des niveaux préindustriels et de limiter l'augmentation des températures à 1,5°C121. b- Evolution du processus REDD+ au Cameroun Conscient des impacts indéniables de la déforestation et de la dégradation des forêts sur le climat, le Cameroun a adhéré au processus REDD+. L'architecture mondiale de la REDD+ influençant l'élaboration et la mise en oeuvre des programmes nationaux, le Cameroun a intégré dans sa politique nationale et s'est engagé à le mettre en oeuvre comme un moyen indispensable de lutte contre les changements climatiques dès son émergence au niveau international en 2005122. Il a élaboré une architecture nécessaire pour une coordination efficace et un suivi technique de la mise en oeuvre des politiques et stratégies multisectorielles. Au Cameroun, le MINEPDED est le point focal national désigné par le gouvernement pour la mise en oeuvre de la CCNUCC. A cet égard, le MINEPDED est responsable de la REDD+. Il est accompagné dans ce processus par le MINFOF ainsi que par d'autres Ministères.123 Deux institutions appelées organes centraux assurent les activités à savoir le Comité de pilotage national REDD+ créé par le Décret no103/CAB/PM du 13 juin 2012 portant création, organisation et fonctionnement du Comité de Pilotage des activités de la REDD+ ; et le Secrétariat technique REDD+124. Le Comité de Pilotage REDD+ est un organe de prise de décision composé de 17 membres. Il a pour président le Ministre en charge de l'Environnement et pour vice-président le Ministre en charge des Forêts. Parmi les 17 membres, nous avons un représentant de la Présidence de la République, de l'Assemblée Nationale, des services du Premier Ministre, de 120 S. Wertz-Kanounnikoff, A. Angelsen, «Architectures mondiale et nationale de la REDD+ : Lien entre les institutions et le mesures», in Réaliser la REED+ : Options stratégiques et politiques nationales, Bogor, CIFOR, 2010, p.15. 121 Ibid. 122 Ibid., p.13. 123 V. Eteth, Chef de la Division de la Coopération et de la Programmation au MINFOF. 124 Rapport Individuel Final sur le cadre institutionnel et les outils de gestion de la REDD+, 2017, p.8. 106 10 représentants des administrations telles que le MINEPDED, le MINFOF, le MINEPAT, le MINADER, le MINFI, le MINEE, le MINAS, le MINRESI, le MINEPIA, le MINATD ; un représentant de la société civile ; des peuples autochtones, du secteur privé ; un représentant des Communes et villes Unies du Cameroun125. Le Secrétariat Technique REDD+, quant à lui, est l'organe technique de la mise en oeuvre des activités. Il est placé sous la coordination du Directeur de la Conservation et de la Gestion des Ressources Naturelles au MINEPDED. Il comprend à sa tête le Point Focal CCNUCC, le Coordonnateur National REDD+ et le Directeur de Forêts au MINFOF. Il est soutenu par des experts techniques regroupés en cinq cellules, sous la direction de Chefs de cellules supervisées par un coordonnateur technique. Parmi ces cellules nous avons la Cellule Information, Education et Communication (IEC), la Cellule Mesure, Notification et vérification (MNV), la Cellule Evaluation Environnementale et Sociale Stratégique (EESS), la Cellule Programme et Projets REDD+ et la Cellule administrative et financière.126 Certains organes décentralisés jouent un rôle majeur dans la mise en oeuvre du processus REDD+ au niveau local à l'instar des Comités Régionaux REDD+ (CR-REDD+) et les Unités Opérationnelles Locales REDD+ (UOL-REDD+). D'autres institutions accompagnent le Cameroun dans la mise en oeuvre du processus REDD+. Parmi celles-ci nous avons les ministères sectoriels, les institutions gouvernementales (ONACC, la Cellule APV FLEGT du MINFOF, l'ANAFOR, l'Institut National de la Cartographie (INC) et l'Institut National de la Statistique (INS) ; les partenaires de développement technique, des instituts de recherche et les établissements d'enseignement, ainsi que les organisations locales, internationales et ONG. c- Des réalisations conséquentes Les préoccupations relatives au changement climatique au niveau international se sont traduites par un intérêt considérable pour la lutte contre les facteurs liés à la déforestation et de la dégradation. La REDD+ devient aussi rapidement une réalité en termes de politique nationale et sur le terrain127. Le Cameroun, pour sa part, présente un tableau scintillant en termes de réalisations. C'est en février 2008 que le Cameroun a procédé au lancement du Projet Pilote REDD. Il a élaboré le 31 juillet 2008 une Note d'Idée de Projets en anglais Readiness Plan Idea Note (R-PIN). Ce document a mis en évidence le potentiel forestier du pays et sa volonté de 125 Arrêté N° 103/CAB/PM du 13 juin 2012 portant création, organisation et fonctionnement du Comité de pilotage des activités des émissions issues de la déforestation, de la dégradation, de la gestion durable et de la conservation des forêts "REDD+". 126 Secrétariat Technique REDD+, Les petites questions..., p.9. 127 L. Peskett, M. Brockhaus, «Quand la REDD+ devient nationale : Bilan des réalités, des opportunités et de enjeux», in Réaliser la REED+ : Options stratégiques et politiques nationales, Bogor, CIFOR, 2010, p.26. 107 participer au processus REDD+ et a été soumis au Fonds de Partenariat pour le Carbone Forestier (FCPF) qui l'a validé la même année128. Depuis 2010, le pays a organisé des ateliers d'information, de sensibilisation et de consultation des parties prenantes sur la REDD+. Lancé en juin 2011, c'est en 2012 que le Cameroun a préparé sa Proposition de mesure pour l'état de Préparation (R-PP) qui signifie en anglais Readiness Preparation Projet. Ledit document présente les activités, le plan d'action et budgétaire pour la préparation de la stratégie nationale REDD+. Soumis au FCPF le 6 août 2012, pour examen et approbation, le document a été approuvé par le Comité des participants du FCPF en février 2013. Suite à sa validation en 2013, la CN-REDD+ a bénéficié d'un appui financier de la Banque Mondiale et de la KfW d'une part, et de l'appui des partenaires au développement d'autre part pour l'élaboration de sa stratégie129. Ces appuis ont permis de réaliser de nombreuses activités avec, entre autres, l'opérationnalisation du ST-REDD+ et la réalisation de nombreuses études préliminaires dans le cadre de la préparation de la stratégie nationale. Parmi celles-ci, nous pouvons citer le manuel de procédure et d'exécution pour les opérations du Secrétariat Technique REDD+ ; celui des directives nationales pour l'obtention d'un Consentement Libre, Informé et Préalable (CLIP) qui ont été validées en février 2014; de l'analyse des causes de la déforestation et de la dégradation des forêts, du plan national de consultation des parties prenantes sur la REDD+ ; de l'étude d'identification des projets pilotes REDD+ ; l'étude sur la gouvernance dans la REDD+ ; l'étude préalable sur les mécanismes de partage des bénéfices. En juin 2014 le pays lance l'élaboration de la stratégie nationale REDD+130. De même, nous avons l'élaboration du plan d'action du Système National de Surveillance du Carbone Forestier qui été validé en juillet 2014. Elle s'étendait sur la période allant de 2015 à 2019. En mars 2016, les cellules techniques et fiduciaires du Secrétariat Technique REDD+ sont devenues opérationnelles ; et en mai, la stratégie Nationale de communication sur la REDD+131. Nous venons de présenter les actions du Cameroun dans la lutte contre les changements climatiques, qui se sont illustrées par l'élaboration d'un cadre réglementaire et institutionnel et des réalisations conséquentes observées depuis 1996 par le PNGE, en passant par les projets MDP, la relance de l'Opération Sahel Vert et la REDD+. Malgré cette volonté manifestée par le Cameroun, le pays présente d'énormes difficultés pour la réalisation de tous les projets visant à limiter les conséquences des dérèglements climatiques. 128 Transparence dans le secteur de l'environnement au Cameroun : Analyse du contexte de l'accès à l'information pour REDD+, 2016, p.7. 129 Plan de consultation des parties prenantes REDD+ au Cameroun, 2016, p.12. 130 Secrétariat Technique REDD+, Les petites questions..., p.13. 131 Plan d'action pour la mise en oeuvre d'un Système National de Surveillance du Carbone Forestier au Cameroun, p, 54. Négociée dans un contexte de fin de guerre froide, sur fond d'une incertitude scientifique encadrée par le GIEC, ainsi que du caractère exclusif des PED du Protocole de 108 CHAPITRE IV : LES ENTRAVES À LA LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES AU CAMEROUN Le changement climatique est un processus global et très complexe. Son émergence sur la scène politique mondiale a été appréhendée comme un problème de pollution globale dont la solution allait passer par la réduction des émissions des GES. La mise en application d'une convention internationale par les Etats est sujette à plusieurs aléas. Les complexités liées à l'hégémonie due au rapport de force entre les parties, et les réalités locales propres à chaque pays compliquent davantage le respect des engagements des Etats à l'échelle planétaire. Le Cameroun, acteur à part entière de la vie internationale n'échappe pas à cette réalité dans l'atteinte de ses engagements vis-à-vis de la CCNUCC. Ces facteurs limitent d'une part les capacités du Cameroun à remplir ses engagements vis-à-vis de la CCNUCC. D'autre part, il se trouve dans un dilemme à concilier la lutte contre les changements climatiques et ses impératifs sociopolitiques entant que pays aspirant à l'émergence à l'horizon 2035. Dans ce chapitre, nous présenterons de prime abord les obstacles inhérents à la Convention et du jeu des acteurs internationaux comme frein à la mise en application de la CCNUCC. Par la suite, nous analyserons les facteurs endogènes propres au Cameroun qui obstruent l'atteinte de ses engagements vis-à-vis de la CCNUCC. Et enfin nous présenterons la vision et l'approche camerounaise de l'adaptation aux effets irréversibles des changements climatiques. I- Obstacles exogènes inhérents à la
convention et à la communauté La CCNUCC, le Protocole de Kyoto, ainsi que les institutions chargées de leur mise en application présentent des failles qui handicapent son imposition consensuelle au sein de la communauté internationale. Dans cette partie, nous présenterons, d'une part, la dépendance des institutions liées à la mise en application de la Convention, et, d'autre part, nous nous pencherons sur les difficultés éprouvées par la communauté internationale depuis 1992 à trouver un accord consensuel et contraignant pour toutes les parties. |
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