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étude de la migration clandestine somalienne vers l'europe ses causes et conséquences à  travers la presse arabe


par Bilal HACHIN IBRAHIM
Université de Lorraine - Master 1 2018
  

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C. La torture et les autres mauvais traitements

Dans cette partie, nous allons mettre en lumière les détentions et la torture subis par les émigrés somaliens depuis leur départ de la Somalie jusqu'à leur arrivée dans les différents pays. Tous d'abord, il semble important de rappeler que le phénomène de l'émigration des Somaliens vers l'Europe à travers la Libye existe depuis longtemps. Il y a ceux qui tentaient d'aller en Europe en passant par ce pays et en se confrontant à toute sorte de souffrance pour y arriver, en effet : « D'après l'OIM, la plupart des étrangers qui vivent en Libye sont originaires des pays d'Afrique. La majorité de ceux qui traversent le pays avant de rejoindre l'Italie par bateau viennent des pays comme la Somalie. Ceux originaires de l'Érythrée, de l'Éthiopie et de la Somalie qui arrivent par le Soudan passent par Al Koufra, puis voyagent jusqu'à Adjedabia qui sont deux villes dans la région nord-est du pays. Les bateaux à destination de l'Europe partent pour la plupart du nord-ouest du pays. Avant d'embarquer, les étrangers sont retenus dans des maisons ou des fermes jusqu'à ce qu'ils soient assez nombreux pour prendre le large85».

Notre étude se concentrera sur les faits qui se sont déroulés de 2010 jusqu'à 2017, car les mouvements migratoires ont augmenté depuis 2011 à cause du soulèvement en Libye. Nous allons faire une relation entre le chaos libyen qui a débuté avec la chute du régime en 2011 et l'augmentation de la souffrance des émigrés, car le trajet des émigrés semble prendre fin en Lybie sous la menace et la torture des trafiquants d'êtres humains.

En décembre 2010, un rapport d'Amnesty International a communiqué comment les émigrés somaliens fuyant la guerre civile retrouve un autre enfer en Libye. Le choix des Somaliens de rentrer en Europe par la Libye est un choix par dépit, puisqu'il n'existe pas autre itinéraire sûr et régulier vers l'Europe, alors l'entrée en Italie depuis la Libye est devenue la seule voie importante pour ceux qui tentent d'atteindre l'Europe. Amnesty International confirme que des dizaines de milliers de personnes parmi les émigrés somaliens sont détenues indéfiniment dans des centres de détention surpeuplés en Libye où ils sont l'objet d'abus systématiques :

85 AMNESTY INTERNATIONAL, En Libye, les réfugiés et les migrants fuient les sévices sexuels, les violences et l'exploitation, publié le 10 juillet 2016, en ligne : https://www.amnesty.org/fr/press-releases/2016/07/refugees-and-migrants-fleeing-sexual-violence-abuse-and-exploitation-in-libya/ , consulté le 24/11/2017.

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« Depuis la guerre civile en Somalie en 1991, des dizaines de milliers de Somaliens ont fui le conflit qui a déchiré leur pays. Certains se sont dirigés vers les pays voisins et certains d'autres vers des régions au-delà à la quête d'un refuge. La majorité du temps, ils entreprennent des voyages dangereux à travers l'Éthiopie, le Soudan et la Libye où ils perdent souvent leurs espoirs car ils sont arrêtés et détenus pour de longues périodes, ils sont torturés et subissent d'autres mauvais traitements car ils n'ont pas la possibilité de demander la protection ou de se soigner.».

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« Chaque année, des milliers de Somaliens fuient leur pays déchiré par la guerre à la quête d'un refuge. Ceux d'entre eux qui arrivent en Libye sont détenus à des durées indéterminées, sont torturés et subissent d'autres mauvais traitements. Malgré cela plusieurs entreprennent le voyage terrible vers l'Europe, et ceux qui survivent au naufrage font face à l'arrestation, l'isolement, la misère et la pauvreté dans des logements insuffisants en Malte. ».

Il faut d'abord rappeler que les émigrés durant leur voyage, sont confrontés dans les pays de passage à des conditions difficiles telles que le racisme, la torture, la détention indéterminée, la xénophobie...etc. En ce qui concerne la Libye, les différentes milices armées qui contrôlent le pays sont apparues après la chute deKADHAFI en 2011, malgré cette situation, beaucoup d'émigrés de plusieurs pays africains prennent ce chemin pour atteindre l'Europe.

86 AMNESTY INTERNATIONAL,Ils cherchaient la sécurité mais n'ont trouvé que la peur, publiée 14 décembre 2010, en ligne : https://www.amnesty.org/ar/documents/mde19/1191/2010/ar/ , consulté le 14/11/2017.

87 AMNESTY INTERNATIONAL, Op., cit., consulté le 13/11/2017.

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« Des centaines de milliers de migrants, en provenance d'Afrique subsaharienne, pour la plupart, rejoignent la Libye pour fuir la guerre, les persécutions ou l'extrême pauvreté, souvent dans l'espoir de s'installer en Europe. Personne ne devrait risquer d'être enlevé, torturé ou violé en Libye afin d'obtenir une protection .Dans un contexte où le non-droit et la violence continuent de miner la Libye, une industrie lucrative de trafic d'êtres humains s'est installé le long des itinéraires qui relient le sud du pays à la côte méditerranéenne, au nord, d'où partent les bateaux pour l'Europe. Amnesty s'est entretenue des migrants qui ont expliqué avoir été victimes de violations de leurs droits à toutes les étapes de leur périple, de leur entrée sur le territoire libyen. D'autres vivaient dans le pays depuis des années, mais avaient cherché à s'enfuir en raison du harcèlement et des violences qu'ils subissaient de la part de bandes locales, de la police ou de groupes armés88. ».

Amnesty International sort annuellement un rapport concernant la situation des droits des hommes dans chaque pays du monde, et dans son rapport de 2012 on trouve des témoignages relatifs à des violations contre des émigrés somaliens. Des jeunes émigrés somaliens incarcérés dans des centres de détentions libyens ont informé l'organisation de leurs souffrances durant la détention, ils ont témoigné qu'ils avaient été frappés et torturés à plusieurs reprises à l'aide des bâtons électriques, d'objets métalliques et tous ce qu'il peut être utilisé pour frapper. Un émigré somalien venu se réfugier en Libye a raconté à Amnesty International en février 2012 le récit de son expérience douloureuse et a dit :

« Je suis dans ce pays depuis sept mois et depuis je n'ai pas connu une seule bonne journée. Après avoir voyagé pendant16 jours dans le désert avec mes compagnons d'infortune, j'ai été enfermé dans une maison par les passeurs. Ils refusaient de nous laisser repartir à moins que nous ne payions 300 dollars chacun - qui venaient s'ajouter aux 600 dollars que nous avions déjà versés pour rejoindre la Libye depuis le Soudan. Ils nous ont finalement conduits à Tripoli à bord d'un camion de marchandises. Nous y étions entassés comme des légumes. Je suis resté libre pendant quelque temps, je faisais de petits boulots malgré mon diplôme universitaire. Je me tenais sur un rond-point et j'attendais qu'on me propose du travail. Parfois, un Libyen charitable m'engageait et me payait raiment à la fin de la journée. D'autres fois, je travaillais du matin au soir sans rien obtenir en retour que des insultes. Si je me plaignais, l'employeur me menaçait en disant :

88 AMNESTY INTERNATIONAL, En Libye, les réfugiés et les migrants fuient les sévices sexuels, les violences et l'exploitation, publié le 10 juillet 2016, en ligne : https://www.amnesty.org/fr/press-releases/2016/07/refugees-and-migrants-fleeing-sexual-violence-abuse-and-exploitation-in-libya/ , consulté le 24/11/2017.

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«Tu veux appeler la police ?» ...etc. En juillet, j'ai été arrêté par un poste de contrôle et transféré dans un centre de détention à Misratah89.Les conditions de vie y étaient épouvantables. Ils frappaient tout le monde, y compris les femmes, à l'aide de tuyaux en caoutchouc, de bâtons, de balais, de tout ce qu'ils pouvaient trouver à porter de main...J'ai été transféré ici il y a trois semaines. Je ne suis pas frappé, mais ceux qui tentent de s'évader le sont... On m'oblige à laver les Toilettes sans qu'il soit possible de refuser90. ».

Une fois arrivé dans en Libye, ce jeune émigré voulait travailler et réaliser ses rêves, mais il a été enfermé dans une maison et a été dépourvu de sa liberté. Les trafiquants d'êtres humains pratiquent tortures contre les émigrés pour des raisons pécuniaires, en effet, pour racheter sa liberté, les trafiquants exigent d'importantes rançons que la majorité de ces personnes ne peuvent régler, et s'il ne paie pas il restera enfermé dans une maison, torturé jusqu'à ce que sa famille lui envoie de l'argent ou jusqu'à ce qu'il meure. Lorsque le détenu est au téléphone avec sa famille, les passeurs le frappe pour que celle-ci se presse à payer la rançon, mais si la famille ne possède les moyens pour verser la rançon, celle-ci ne cessera d'augmenter. Partant de l'extrait précédent, ce jeune nous a décrit son calvaire dans l'espace migratoire à travers les termes suivants : « enfermé dans une maison », « voyagé pendant 16 jours dans le désert », « conduits à Tripoli à bord d'un camion de marchandises », il a mentionné aussi les outils que les passeurs utilisent pour torturer les détenus : « l'aide de tuyaux en caoutchouc, de bâtons, de balais ».Parfois, la vie et le sort des émigrés dépendent du passeur, si ce dernier est inhumain alors leur chance de vie sera écourtée.

En juin 2012, un autre émigré somalien arrêté dans un centre de détention en Libye a affirmé qu'il souffrait depuis son arrivé en Libye : « Je voulais fuir et trouver un endroit où je serais en sécurité et où ma vie serait meilleure. Au lieu de cela, j'ai effectué un voyage terrible et j'ai trouvé un pays terrible. Je suis arrivé à Al-Koufra91 en janvier 2012, mes ennuis ont alors commencé... Il y a deux mois, j'ai été transféré avec 600 autres personnes à

89 Misrata est ville libyenne.

90 AMNESTY INTERNATIONAL, Nous sommes des étrangers nous n'avons aucun droit, publié en novembre 2012, en ligne sur : https://www.amnesty.be/IMG/pdf/mde190202012fr-1-2.pdf , consulté le 26/11/2017.

91 Koufra est une ville libyenne à la frontière soudano-libyenne, c'est l'entrée en Libye depuis le Soudan.

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Ganfouda92 à bord d'un camion...Pour les Somaliens, la vie est difficile. Est-ce là le destin des réfugiés93 ? dit-t-il. ».

Après la traversé du Sahara, les émigrés rentrent en Libye par al-Koufra. Dès l'arrivée dans cette ville, les trafiquants les torturent, ce jeune a perdu son oeil gauche à cause des coups donnés par les trafiquants et ceux qui essaient d'échapper à la prison reçoivent les punitions les plus sévères. Toujours selon un rapport d'Amnesty International, un groupe de jeunes somaliens a tenté de s'échapper et a raconté la conséquence de cette tentative de fuite :

« En septembre 2012, des Somaliens ont tenté de s'évader du centre de détention de Khoms, à la faveur du chaos qui avait succédé à un différend entre plusieurs détenus. Ils ont indiqué à Amnesty International que, après avoir été repris, ils avaient été passés à tabac par des hommes armés en civil. Mohamed Abdallah Mohamed (19 ans) a raconté qu'il avait été roué de coups de pied, traîné sur le sol, frappé à l'oeil et battu à coups de bâtonnet de crosse de fusil. Atteint de plusieurs blessures, en particulier à l'oeil gauche, il a déclaré que les soins médicaux qu'on lui avait finalement prodigués étaient insuffisants. Khadar Mohamed Ali (16 ans) et Khadar Warsame (21 ans), ont eux aussi été repris et frappés. Blessé à la tête, Khadar Warsame a été admis dans l'unité de soins intensifs de l'hôpital de Khoms94».

Dans ce témoignage on voit des jeunes qui n'ont même pas atteint l'âge de vingt ans, et qui sont tous à la recherche d'un avenir meilleur, détenus dans des centres des quels ils ne peuvent s'évader. Si l'on prend le cas de Mohamed ABDALLAH, il a été battu à coups de crosse de fusil, roué de coups de pied, traîné sur le sol et frappé à l'oeil. Ce témoignage sur la torture confirme que plusieurs autres victimes subissent la même souffrance, et ce dernier témoignage est parmi ceux les plus significatifs car ils nous montrent la réalité de la souffrance des émigrés.

Au début du soulèvement libyen en 2011, la Libye qui est le principal point de départ des émigrés clandestins vers l'Europe est en proie à la guerre civile entre le régime et des milices armées. Durant cette année-là, il y a eu de nombreuses rumeurs selon lesquelles le colonel Mouammar KADHAFI aurait fait venir des mercenaires étrangers combattre son peuple pour réprimer le soulèvement contre lui. À ce moment-là, l'ancien ambassadeur libyen

92Ganfouda est une ville située dans la banlieue de Benghazi, deuxième ville de Libye.

93 AMNESTY INTERNATIONAL, Op., cit., consulté le 26/011/2017.

94 Ibid.

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qui avait démissionné à la suite du soulèvement a affirmé à al-Jazeera: « les gens disent qu'ils sont africains, de peaux noires et ne parlent arabe. Ils font des choses terribles, ils entrent dans les maisons et tuent les femmes et les enfants (the guardian.2011). »

Cette information a été relayée dans toute la Libye et les émigrés africains y compris les somaliens ont été donc pris pour cible. Cependant, une agence du haut-commissariat pour les réfugiés a déclaré avoir reçu des "rapports alarmants" selon lesquels les Libyens se retourneraient contre des réfugiés africains qu'ils accusaient d'être mercenaires pour Kadhafi. « Certaines des informations provenant de tierces parties sont très inquiétantes. Un journaliste a communiqué les dires de somaliens à Tripoli qui affirment avoir été pourchassés car on les soupçonnait d'être des mercenaires. Le journaliste explique également que les somaliens à Tripoli se sentent pris au piège et qu'ils ont peur de sortir de chez eux, même s'ils ont peu ou pas de nourriture95. ».

Pour étudier ce phénomène, IRINNEWS a publié le 3 mai 2012 un article consacré aux violences contre les émigrés en Libye durant les soulèvements en 2011. Le journal affirme qu'ils avaient été accusés d'être mercenaires de la part des opposants.

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« En 2011, pendant le soulèvement en Libye, certains émigrés d'Afrique subsaharienne ont été accusés de travailler comme mercenaires pour Kadhafi. En l'absence de système judiciaire officiel, avec des milices qui contrôlent de vastes régions du pays et avec un sentiment anti-africain omniprésent en Libye, beaucoup d'entre eux ont été arrêtés,

95EDWARDS Adrian, publié le 22 février 2011, http://www.unhcr.org/fr/news/stories/2011/2/4d63d6fc2/hcr-craint-securite-refugies-pris-violences-libye.html , consulté le 02/03/2018.

IRIN, Detained migrants face harsh conditions, Les migrants détenus sont confrontés à des conditions difficiles, des limbes juridiques, publié le 3 Mai 2012, en ligne : http://www.irinnews.org/feature/2012/05/03/detained-migrants-face-harsh-conditions-legal-limbo , consulté le 16/12/2017.

96 Ibid.

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battus et détenus. Les autorités affirment que les migrants actuellement détenus n'ont pas été accusés d'être des mercenaires, mais qu'ils ont été emprisonnés pour n'avoir aucun document officiel, ils avaient soit des documents expirés soit de faux visas. Le centre compte environ 400 personnes, dont 150 Somaliens. ».

Comme il est mentionné ci-dessus, cet article soulève le fait que les émigrés sont devenus une cible uniquement parce qu'ils sont soupçonnés d'être mercenaires « murtazaqa »en arabe. Une Murtazaqa est celle qui accomplit une mission pour gagner de l'argent, et selon le dictionnaire français Larousse, le mercenaire est un soldat qui sert à prix d'argent un gouvernement étranger. Ce terme a été employé et partagé par les groupes armés qui prenaient pour cible tous les étrangers sous prétexte qu'ils sont mercenaires. Et c'est pour cette raison qu'on voit l'utilisation de ce terme dans l'article car il porte à une charge négative ce qui légitime l'arrestation et les détentions des émigrés. Par conséquent, si un migrant est soupçonné d'être une Murtazaqa par les Libyens.

Le même journal a effectué une visite dans les centres de détentions en Libye en 2012, et retrace avec transparence, dans un article, la réalité des faits grâce aux entretiens avec des jeunes détenus :

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« Souleymane MANSOUR, un jeune somalien passe ses journées emprisonné dans une des cellules du centre de détention à Benghazi, deuxième plus grande ville de Libye. Tu les trouves allongés sur des matelas contre un mur sur lequel sont inscrits des noms et des slogans comme « J'aime la Somalie ». Dans une entrevue avec IRINNEWS, « Je suis ici depuis quatre mois, j'ai quitté Mogadiscio en août de l'année dernière et j'ai été arrêté à Kufra avant d'être ramené ici, dit Mansour. » ».

97Ibid.

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On observe dans le texte ci-dessus, la nostalgie que portent les jeunes pour leur pays. Les slogans gravés au mur « j'aime la Somalie » nous évoque l'amour, l'affection et l'attachement à leur pays, ce sont uniquement les circonstances qui les ont obligés à quitter leurs proches, leurs familles et leur pays.

Figure 4 : Photo des émigrés somaliens en prison à Benghazi.

Lorsqu'une personne est en prison, on observe sur son visage le stress, l'inquiétude et la tristesse, cependant, et étant élevés dans un pays déchiré par la guerre civile depuis plus de deux décennies, les Somaliens se sont habitués et se sont adaptés à cette situation difficile, ainsi on remarque le sourire et la sérénité sur leurs visages malgré la souffrance d'un avenir incertain.

Après ce long et dangereux périple, ces émigrés obtiennent-ils ce qu'ils espéraient ? C'est une question que l'on se doit de poser pour comprendre les ambitions qui les poussent à mettre leur vie en péril pour vivre en Europe, terre paradisiaque selon eux mais difficile d'accès. En effet, certains émigrés et avant même d'entamer le périple pensent que la vraie vie se trouve en Europe, puisque la majorité d'eux sont trompés par les fausses informations trouvées sur Internet et publiées surtout par les passeurs.

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« Ahmed OMAR ISAAK, 31 ans, a fui le conflit dans son pays natal, la Somalie, en janvier 2012. Son intention était simplement de déménager dans un lieu sécurisé, mais c'était bien plus difficile que ce qu'il avait imaginé. Durant les derniers 16 mois, il a parcouru près de 5 000 km en camions, en bus, en bateaux et même dans le coffre d'une voiture, il a été détenu, battu et coincé dans le désert du Sahara. Il a raconté son voyage à IRIN par téléphone depuis Malte99. ».

Ainsi, les émigrés font tout ce qu'ils peuvent pour atteindre le continent européen. Ahmed a risqué sa vie pour atteindre l'Europe et a traversé 5000 kilomètres. D'après la phrase « il a parcouru près de 5 000 km en camions, en bus, en bateaux et même dans le coffre d'une voiture », il apparaît bien clair que les émigrés clandestins utilisent tous les moyens de transports pour rentrer en Europe. Dans l'extrait, Ahmed a même risqué sa vie en se cachant dans le coffre d'une voiture pour passer les frontières fermées, ce n'est pas ici un cas exceptionnel, c'est le cas de toutes les personnes comme lui. Néanmoins, ils ont d'autres méthodes pour ne pas être détecté par les patrouilles frontalières, en effet, certains achètent de faux documents afin de rentrer dans un pays européen... etc.

Selon un Médecin Sans Frontières, il y a des réseaux de passeurs qui prennent en charge les émigrés à la frontière, qui les font voyager dans des conteneurs ou dans des camions dans des conditions plus que rudimentaires. Ils les emmènent après dans des marchés où ils sont vendus comme des esclaves, une autre partie sera remise à des bourreaux qui vont les torturer. Ils sont électrocutés, battus, et pour exiger que leurs familles versent des rançons qui peuvent atteindre 5.000 dollars, ils sont torturés jusqu'à la mort. Le but c'est d'obtenir des rançons quel que soit le prix (Europe1, le 30 novembre 2017).

Concernant la question de la torture, GEELEE Hussein est un auteur somalien et ancien immigré, il vivait en Libye durant des années et il voulait rentrer en Europe par l'Italie, mais après avoir échoué trois fois à traverser la Méditerranée, il est retourné dans son pays et a rédigé un ouvrage intituléwehave kissed the ground, Nous avons embrassé le sol, dans lequel il raconte son expérience et ses souffrances en Libye:

98IRIN, Horn migrants risk new routes to reach Europe, Les émigrés de la Corne se risquent dans de nouvelles routes pour atteindre l'Europe, publié le 11 Novembre 2013, en ligne : http://www.irinnews.org/analysis/2013/11/11/horn-migrants-risk-new-routes-reach-europe, consulté le 19/12/2017.

99 Ibid. c'est une traduction du texte arabe en français par le site IRINNEWS.

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« Dès que nous sommes arrivés en prison, ils ont commencé à nous torturer parce que nous étions des émigrés somaliens. C'était horrible de voir ceux qui étaient dans la prison. Nous avons rencontré des Somaliens qui étaient là depuis quatre ou cinq ans. Certains d'entre eux avaient les jambes handicapées et devaient donc ramper. Tu seras choqué si tu vois les séquelles sur leur peau et le sang coulé, certains ressemblaient à des fantômes. On leur demandait pourquoi ils étaient comme ça, ils répondaient qu'ils étaient frappés pendant trois heures chaque jour et que les gardiens de prison empoisonnaient l'eau qu'ils buvaient avec des médicaments, ce qui leur a causé des éruptions cutanées et la sécrétion de pus. Et en raison du manque d'hygiène dans la prison, les poux habitaient chaque partie de leur corps. Dans la prison, des centaines de personnes ont été logées dans une même cellule et il n'y avait pas un endroit où on pouvait dormir parce qu'il y avait trop des gens, hommes et femmes dans une même chambre. On n'était pas nourri et la seule chose qu'on nous donnait c'était l'eau qui nous faisait dormir. Ils ont fait cela pour nous empêcher de fuir de la prison et pour nous faire oublier le besoin de nourriture. Je pense qu'ils ont fait tout cela parce que la Libye est envahie par les étrangers. ».

Il a dû endurer ce calvaire et raconte comment il a été torturé : « D'après les témoignages recueillis par Amnesty International, certains auraient reçu des décharges électriques et auraient été suspendus dans des postures contorsionnées. Depuis la chute du gouvernement de Kadhafi, l'organisation recueilli des informations sur deux migrants dont un Somalien qui sont morts des suites des tortures infligées par des miliciens armés100 ».

Avant l'embarcation des migrants vers l'Europe, les passeurs les emprisonnent par grande quantité dans des maisons inconnues pour qu'ils puissent les envoyer tous en une seule fois. Cet ancien émigré somalien nous raconte comment il s'est fait arrêter avec ses camarades par la police quand les trafiquants les avaient emprisonnés dans une maison à Tripoli :

« La police m'a emmené, battu et frappé avec un bâton électrique. C'était très douloureux. J'ai vu des gens très fatigués, certains avec des os brisés [...]. C'était incroyable de voir comment les gens étaient torturés par l'électricité surtout si on soupçonnait que vous avez tenté de vous échapper. J'ai réussi à m'échapper quand le policier était occupé à attraper un autre jeune homme. J'ai couru dans une autre maison qui était occupée par des femmes, certaines étaient enceintes et d'autre malades. Pendant que nous étions dans cette maison, nous avons réalisé que la police nous cherchait, donc, nous avons commencé à courir. Une femme enceinte souffrait beaucoup et en courant elle

100 AMNESTY INTERNATIONAL, Nous sommes des étrangers nous n'avons aucun droit, publié le novembre 2012, en ligne sur : https://www.amnesty.be/IMG/pdf/mde190202012fr-1-2.pdf , consulté le 26/011/2017.

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a glissé, s'est coincée les jambes et a heurté son le ventre contre le sol. Elle saignait et n'avait aucune aide. Je l'ai entendu pleurer. Je l'ai regardé et elle était gravement blessée. Je l'ai laissé parce que je ne pouvais pas l'aider. J'ai croisé une autre fille qui a perdu conscience, on m'a dit qu'elle était traumatisée et malade. Les gens étaient vraiment désespérés. D'une certaine façon, les plus touchées étaient les femmes. Les hommes pouvaient s'enfuir et en même temps, c'étaient les hommes que la police visait. Ils étaient accusés d'être derrière tous ce qui se passait. Les femmes couraient pour éviter d'être arrêtées et rapatriées101.».

Dans la même perspective, le journal Somali Al-Yawma publié le 13 Mai 2012, deux mois après le témoignage de ce jeune migrant, un article relatif à la question de la souffrance des émigrés somaliens. Le journal soulève que les souffrances des émigrés somaliens en Libye sont causées parles bouleversements politiques dans ce pays. Somali Al-Yawmnous explique que même les Somaliens qui vivaient légalement en Libye avant le soulèvement ont dû fuir le pays, Aujourd'hui dans la Libye en guerre, ils affrontent le pillage et les arrestations arbitraires:

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« Les émigrés somaliens résidant en Libye souffrent à cause des troubles dans ce pays, après que les autorités ont commencé des opérations contre les étrangers qui se trouvent dans leur pays d'une manière illégale. Yonis Mohammed, porte-parole des immigrants somaliens en Libye, lors de sa communication à un média local a déclaré qu'ils sont confrontés à des risques sécuritaires et qu'ils ont peur d'être arrêtés par la police lors de l'expulsion des immigrés clandestins qui tentent de traverser la mer Méditerranée pour l'Europe. Il a aussi souligné que les émigrés somaliens sont dans une situation très

101GEELDOON Mohamed, Op., cit.

101SOMALI AL-YAWM, Des émigrés somaliens face au danger de l'insécuritéenLibye, publie le 13 Mai 2012, enligne : http://www.somaliatodaynews.com/port/2010-01-04-20-51-44/3066-2012-05-13-07-27-10.html, consulté le 11/09/2017.

102 SOMALI AL-YAWN, Op., cit.

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difficile puisqu'ils n'obtiennent pas de séjour légal et chaque jour ils sont exposés à des pillages par des groupes armés inconnus sur leur chemin vers les côtes libyennes. ».

Somali Al-Yawm souligne, premièrement, que les autorités libyennes qui détiennent les immigrés sont contre l'immigration clandestine, pour cette raison, le journal affirme que la police pense que tous les migrants en Libye veulent traverser la Méditerranée, ils sont donc détenus dans des centres de détentions. Deuxièmement, la presse définit deux catégories d'immigrés: ceux qui viennent en Libye pour traverser la Méditerranée et se rendre en Europe et ceux qui travaillent en Libye et envoient une partie de leurs revenus en Somalie pour aider leurs familles. Cependant, la police ne peut pas différencier entre ces deux groupes et les emprisonne tous : « Les représentants de l'État libyen et les miliciens ne font aucune différence entre les migrants, les demandeurs d'asile et les réfugiés. En raison de leur situation au regard de la législation relative à l'immigration, les personnes qui ont besoin d'une protection internationale risquent d'être arrêtées arbitrairement, placées en détention pour une durée indéfinie, torturées et soumises à d'autres mauvais traitements103. ».

Les autorités ont lancé une campagne contre les immigrés clandestins, en effet, les arrestations deviennent très fréquentes et les détenus sont exposés aux tortures, aux séquestrations, certains sont même tués si la rançon n'est pas payée. Comme nous l'avons déjà mentionné, un grand nombre de réfugiés et de demandeurs d'asile en Libye sont soupçonnés d'être des mercenaires du régime KADHAFI, malgré ces rumeurs véhiculées dans les médias et dans les rues, certains intellectuels indiquent que ces fausses rumeurs ont été diffusées par l'OTAN, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, car ils voulaient déstabiliser le régime libyen à de KADHAFI:

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104

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103 AMNESTY INTERNATIONAL, Op., cit., consulté le 26/011/2017.

104ARAB AL-YAWM, Les émigrés africains fuient la vie pour la torture des centre de détention

libyens, publié le 09/25/2015, en ligne :

http://www.arabstoday.net/326/%D8%A7%D9%84%D9%85%D9%87%D8%A7%D8%AC%D8%B1%D9%88%D9%86-%D8%A7%D9%84%D8%A3%D9%81%D8%A7%D8%B1%D9%82%D8%A9-%D9%8A%D9%87%D8%B1%D8%A8%D9%88%D9%86-%D9%85%D9%86-%D9%88%D9%8A%D9%84%D8%A7%D8%AA-%D8%A7%D9%84%D8%AD%D9%8A%D8%A7%D8%A9-%D8%A5%D9%84%D9%89-%D9%85%D8%B9%D8%A7%D9%86%D8%A7%D8%A9-

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« 590 personnes ont été arrêtées dans une opération [...] Bachir ELAJI, un Somalien de 30 ans en détention, déclare qu'avant la guerre en Libye, la traversée vers l'Europe était extrêmement difficile mais que tu pouvais travailler à Tripoli sans être arrêté [...]. Il poursuit en disant que la situation économique n'est plus aussi forte qu'avant et les immigrés clandestins sont arrêtés et ajoute en disant que les immigrés se rendent en l'Italie pour pouvoir subvenir aux besoins de leur famille. Aussi, il se questionne sur la raison qui laisse une personne effectuer ce voyage si elle a du travail en Somalie et si elle peut subvenir aux besoins de sa famille de 15 personnes. Il n'y a pas d'avenir en Somalie. ELAJI s'était déjà fait arrêter en Libye dans la prison d'Abou Salim ».

Parfois, ils prennent des immigrés en otages et parfois ils les obligent à des travaux forcés dans des champs de plantations ou certains affirment qu'ils avaient travaillé sans salaire. Les trafiquants d'êtres humains vendent ceux qui ne peuvent pas payer la rançon et les propriétaires des champs qui ont besoin de mains d'oeuvre les achètent comme travailleur sans salaire.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille