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étude de la migration clandestine somalienne vers l'europe ses causes et conséquences à  travers la presse arabe


par Bilal HACHIN IBRAHIM
Université de Lorraine - Master 1 2018
  

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B. Le viol des femmes émigrées

Les personnes qui fuient le conflit, la persécution et la pauvreté dans leurs pays et partent vivre en Libye font face à des violations quotidiennes dont le viol, la torture et l'enlèvement. Les témoignages de certains Somaliens emprisonnés dans des centres de détentions sont nombreux, il existe, en effet, plusieurs rapports sur les violences sexuelles, les tortures contre les émigrés somaliens dans les pays de passage, en Libye surtout depuis la chute du régime de KADHAFI en 2011.

Il existe des évidences concrètes qui démontrent des mauvais traitements contre les émigrés en Libye et les Somaliens sont parmi ces personnes qui sont quotidiennement maltraitées par les trafiquants d'êtres humains. D'après le témoignage d'un émigré somalien rapporté par l'équipe de HCR et ses partenaires, cette personne a été embauchée temporairement dans le secteur de la construction dans la capitale libyenne et y a subi plusieurs agressions et discriminations raciales, quant à sa femme et ses filles, elles ont subi des abus sexuels : « J'ai été confronté à de nombreux problèmes : vol, mauvais traitement, discrimination, exploitation et tentative de viol sur ma femme et mes filles. ». Les journalistes de HCR racontent dans leur article que :

« Le sort désespéré de cette famille est malheureusement courant parmi un nombre croissant de réfugiés et de migrants qui fuient la guerre et les difficultés en Afrique pour rejoindre ce pays nord-africain. Parmi les arrivants en Libye, le pêcheur somalien a rejoint le Sud-ouest du pays depuis le Soudan avec un passeur, après une marche qui l'a mené à travers l'Éthiopie et Djibouti. Une fois dans la ville de Rebyana au milieu du désert, il a été détenu par des autorités inconnues pendant cinq jours. Dans sa quête désespérée de nourriture et d'un logement décent, il ne voit aucune autre alternative que de poursuivre son voyage vers l'Europe : « Je ne peux pas rentrer chez moi en raison de

62OSMAN Abdulaziz et PINAULT Nicolas, Le cauchemar des migrants africains vers l'Europe, publié en février 2016, en ligne : https://projects.voanews.com/adrift-african-diaspora/french/#part-3 , consulté le 11/04/2017.

45

la guerre en Somalie et de l'absence du gouvernement depuis plus de deux décennies », a-t-il déclaré63. »».

Le trafic humain est devenu un business lucratif, nous allons donc dans cette partie dévoiler les conséquences de l'émigration clandestine somalienne. Nous allons et par la presse arabe et les journaux francophones et anglophones examiner les violences sexuelles subies par les femmes durant le trajet.

La majorité des jeunes ayant déclaré avoir subi de mauvais traitement sont été emprisonnés par des passeurs dès leur entrée en Libye, où ils ont été vendus à des bandes criminelles. En effet, de nombreux jeunes indiquent qu'ils ont été maltraités par ceux qui les détenaient en prison, certains ont été témoins de meurtres sur les émigrés et par les passeurs même, d'autres ont vu des personnes mourir à cause des mauvais traitements.

Ici nous allons procéder à une analyse approfondie des actes de violence contre les émigrés somaliens durant ce voyage vers l'Europe. La presse al-Jazeera évoque ce phénomène et nous présente la situation de ces personnes à travers le témoignage d'un garçon somalien :

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« Les émigrés sont exposés à divers abus tels que le viol, le meurtre et la torture commis par des passeurs et des autorités. Ismail, un jeune homme somalien a raconté à l'organisation « Sauver Les Enfants » comment les passeurs ont violé à plusieurs reprises une émigrée enceinte de sept mois. Cette femme avait tenté de se suicider à plusieurs reprises mais Ismail et les autres migrants l'en ont empêché de le faire. ».

D'après cet extrait, nous constatons les violences contre les émigrés par l'utilisation dans la première phrase de termes comme « al-igti?âb», « al-qatl », « atta?dîb ».Aussi, le

63 HCR et ses partenaires, Hausse des flux de réfugiés et de migrants traversant la Libye, selon un rapport, publié le juillet 2017, disponible sur : http://www.unhcr.org/fr/news/stories/2017/7/595a8126a/hausse-flux-refugies-migrants-traversant-libye-rapport-hcr.html?query=jeunes%20somaliens%20en%20libye, consulté le 07/12/2017.

64 AL-JAZEERA, Les émigrés se rendant en Europe et les histoires d'agressions et d'extorsion, publié le 16/08/2015, en ligne :

http://www.aljazeera.net/news/presstour/2015/8/16/%D8%A7%D9%84%D9%85%D9%87%D8%A7%D8%AC%D8%B1%D9%88%D9%8 6-%D8%A5%D9%84%D9%89-%D8%A3%D9%88%D8%B1%D9%88%D8%A8%D8%A7-%D9%88%D9%82%D8%B5%D8%B5-%D8%A7%D9%84%D8%B6%D8%B1%D8%A8-

%D9%88%D8%A7%D9%84%D8%A7%D8%A8%D8%AA%D8%B2%D8%A7%D8%B2 , consulté le 12/01/2018.

46

substantif «viol » et le participe passé « violés» conjugué à la troisième personne du pluriel ont été mentionnés deux fois dans le but de marquer l'idée d'insistance et la gravité de cet acte subi par les femmes. Également, on remarque qu'une femme enceinte de sept mois a tenté de se suicider après s'être fait violer par l'expression « taðniqunafsahâ65», cette personne désespérée a préféré la mort car elle a perdu sa dignité à cause des passeurs.

A présent, nous allons étudier un article en anglais publié le 15 août 2015 et portant sur le même récit que celui d'al-Jazeera. Le journal Indépendant a publié des témoignages concernant les agressions des émigrés et des rapports sur les viols et d'autres mauvais traitements auxquels ils font face. Le journal a interviewé un médecin qui travaille pour l'organisation MSF66, selon son témoignage ainsi que celui des victimes, un grand nombre d'émigrées somaliennes sont violées, torturées au cours de leur voyage vers l'Europe et certains à cause de la faim et de la soif meurent en plein désert avant même d'embarquer pour la traversée de la Méditerranée.

Plusieurs survivants ont raconté la manière dont ces passeurs humiliaient les femmes émigrées. Ainsi, dans l'article de DEARDEN Lizzie, un immigré qui a rejoint clandestinement l'Europe et qui a été interviewé par Amnesty Internationale raconte les agressions sexuelles contre les femmes:

«a teenager, from Somalia, told how he travelled through the desert with women who were raped and forced to perform sex acts on smugglers as they drove.«One of the women who was raped was seven months pregnant,» Ismail said.«When she came back to the group took a scarf and tried to strangle herself but luckily we stopped her67. ».

« Un adolescent originaire de la Somalie a raconté qu'il avait voyagé dans le désert avec des femmes qui se sont fait violer et qui ont été forcées d'avoir des actes sexuels avec les passeurs alors qu'ils conduisaient. « L'une des femmes violées était enceinte de sept mois », a déclaré Ismail, et « lorsqu'elle est revenue dans le groupe, elle a pris une écharpe et a essayé de se suicider, heureusement nous l'avons arrêtée. ».

65 Elle a tenté de se suicider.

66MSF : Médecins Sans Frontières.

67DEARDEN Lizzie, Migrants being raped, shot and tortured on desperate journeys to Europe, doctor reveals, un MSF révèleque des migrants sont violés, fusillés et torturés lors de voyages désespérés en Europe,publié le 15/08/2015, enligne : http://www.independent.co.uk/news/world/europe/migrants-being-raped-shot-and-tortured-on-desperate-journeys-to-europe-doctor-reveals-10457130.html , consulté le 08/12/2017.

47

Ce témoignage nous montre la gravité des actes commis contre les femmes, ces passeurs les violent sans âme ni conscience, quel que soit l'âge de la femme, quel que soit son état de santé, etc. On constate que les faits rapportés dans cette interview sont similaires à ceux d'al- Jazeera cités précédemment, comme nous pouvons remarquer que cette presse anglaise a employé les mêmes termes que ceux utilisés par al-Jazzera, ainsi, on observe bien l'emploi du terme « violés » et l'expression « forced to perform sex acts on...» utilisés aussi dans l'article d'al-Jazeera. Les articles ont employé les mêmes termes puisqu'ils sont le champ lexical mettant en évidence la description de l'état des victimes et reflète la réalité. En effet, les deux articles analysent cet incident de la même manière ce qui montre qu'il existe une similitude et une volonté de la part de la presse arabe comme l'occidentale de transmettre et dénoncer la souffrance de ces personnes.

D'après ces deux articles nous remarquons que le viol est l'un des problèmes majeurs que rencontrent les femmes pendant leur voyage. Cependant, la plupart d'elles n'osent pas dénoncer ces violences par peur d'être rejetée de leur famille, d'être stigmatisée par leur société ou répudiée par leurs maris. En effet, «Dans les sociétés Arabo-musulmanes, le viol constitue une honte pour l'ensemble de la constellation familiale. La femme violée est considérée par les autres et même par ses proches comme abîmée. Elle se considère comme coupable et est rejetée par autrui. Ce rejet des autres et destructeur pour elle. Par ailleurs, le viol reste un sujet tabou, entouré d'un silence très difficile à briser68. ».

Malheureusement, le nombre d'émigrés quittant la Somalie n'est pas estimé, ces personnes se retrouvent bloquées entre la Somalie et l'Europe et essaient de trouver un refuge pour vivre en paix et dans la sérénité. Le 2 Avril 2012, al-Jazeera rapporte que les Somaliens souffrent à cause des guerres interminables, du chômage, de la pauvreté et de l'absence d'un gouvernement somalien qui pourrait prendre soin de ses citoyens, ce qui les obligent à fuir la Somalie et à se lancer au péril de leur vie dans un voyage vers l'Europe. Certaines de ces personnes voyagent clandestinement dans des camions et font des centaines de kilomètres pour atteindre la Libye, puis l'Europe par des bateaux de fortune qui ne résistent ni aux vagues ni au vent :

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68 BOUZIDI Houda, Le Viol et Ses Conséquences Traumatiques Sur La Femme, thèse en ligne sur : https://bu.umc.edu.dz/theses/psychologie/BOU941.pdf , consulté le 28/02/2018.

48

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« Dans le désert libyen, les Somaliens souffrent de nombreuses violations et agressions qui enfreignent les principes de l'humanité comme le viol des femmes et le vol de l'argent qu'ils avaient amassé dans des travaux pénibles. Fatouma est une fille somalienne du Bossasso , une ville côtière en Somalie. Après avoir payé 80 dollars, elle voyagea à bord d'un bateau de pêche avec 100 autres émigrés. Elle confirme que les gangs des trafiquants frappaient les migrants au cours de leur voyage à l'aide de bâtons, ils épuisaient les femmes, et ont violé son amie, elle souligne aussi que les contrebandiers récoltaient des sommes d'argent importantes avec l'émigration clandestine. ».

Ici al-Jazeera évoque le récit de Fatouma, cette jeune fille somalienne tombée entre les mains des trafiquants, le journal indique selon son témoignage que les émigrés souffrent physiquement et psychologiquement. Dans la première partie de l'article, on peut voir l'emploi du verbe « yu?ânî » de la racine « ?.a.n » qui en français signifie «souffrir ». Ensuite, il est noté dans cet article que les émigrés souffrent de nombreuses violations et agressions qui constituent un crime contre l'humanité en utilisant les termes suivants : « al-igti?âb70 », « al-Nahb71 ». Également, pour bien expliquer les agressions des trafiquants, l'article poursuit et présente dans la dernière ligne quelques verbes qui reflètent ces actes tels que : « ya?ribûna72», « yata?araðûna73 », « igtu?ibat74 », « taganâ75 ». Ce champ lexical met en

69 AL-JAZEERA, L'émigration clandestine, les souffrances des somaliens, publié le 02/04/2012, en

ligne sur : http://www.aljazeera.net/news/reportsandinterviews/2012/4/2/%D8%A7%D9%84%D9%87%D8%AC%D8%B1%D8%A9-%D8%BA%D9%8A%D8%B1-%D8%A7%D9%84%D8%B4%D8%B1%D8%B9%D9%8A%D8%A9-%D9%85%D8%B9%D8%A7%D9%86%D8%A7%D8%A9-

%D8%A7%D9%84%D8%B5%D9%88%D9%85%D8%A7%D9%84%D9%8A%D9%8A%D9%86, consulté le 28/02/2018. 70Le viol.

71Le pillage.

72 Ils les frappaient.

73 Ils les agressaient sexuellement.

74 Violée.

75 Profités.

lumière les agressions et la souffrance des émigrés en général et l'usage de termes différents liés au viol nous montre que les femmes sont toujours les plus vulnérables car elles sont violées directement et subissent des harcèlements sexuels.

L'émigration clandestine pour de nombreux jeunes est une aventure sans danger, avant le départ ils ont dans leur esprit des destinations comme l'Europe, l'Asie ou l'Amérique, des destinations qui leur permettront d'avoir une vie meilleure, une vie prometteuse mieux que dans leur pays d'origine. Nous savons maintenant que la pauvreté dans le pays de ces jeunes somaliens les force à prendre de grands risques pour atteindre l'Occident, mais beaucoup d'entre eux ne réfléchissent pas aux conséquences de cet acte et se trouvent dans des situations désastreuses.

Un jeune somalien qui faisait partie des émigrés clandestins somaliens détenus en 2013 en Libye a raconté au PNUD76 lors d'une interview la souffrance que les émigrés somaliens surtout les femmes ressentent durant l'émigration clandestine vers l'Europe. Dans cette interview, il a témoigné du viol subi par les femmes, et d'après lui, deux femmes sur 55 qui voyageaient avec lui ont été violées entre le Soudan et l'Éthiopie et ont par la suite été libérées des violeurs. Ici, nous allons étudier les termes utilisés par cette presse anglaise pour décrire cet acte et les violences subies :

« There were two rape victims. They were raped on the border between Sudan and Ethiopia as they were crossing the border by foot. In the same night of the incident some people came to us and rescued the two ladies from the rapists. The condition of the two ladies is stable now. One of them managed to proceed with her journey and the other one is still with us77».

« Il y avait deux victimes de viol. Elles ont été violées à la frontière entre le Soudan et l'Éthiopie alors qu'elles traversaient la frontière à pied. Dans la même nuit, quelques personnes sont venues à nous et ont sauvé les deux femmes des violeurs. Leur état est stable pour le moment, l'une a continué son voyage et l'autre est toujours avec nous. ».

of children and youth

76 Programme des Nations Unies pour le développement.

in Somalia,

77 UNDP, Illegal immigration

49

Immigration illégale d'enfants et des jeunes en Somalie,enligne

 

:

http://www.so.undp.org/content/somalia/en/home/search.html?q=Illegal+immigration+of+children+and+youth+in+Somalia, consulté

le 24/11/2017.

50

Dans cet extrait, les émigrés risquent d'être enlevés, d'être torturés et d'être victimes de violences sexuelles dans l'espace migratoire avant d'atteindre la destination. Ce journal emploie les mêmes termes vus précédemment, «viol », « violées », «violeurs », et on remarque alors que ces termes ont le même sens que les autres présents dans les extraits analysés précédemment. Aussi, la répétition de ces termes souligne la douleur et l'image de l'horrible sort de ces personnes, enfin, on note que le viol des femmes est l'une des conséquences les plus sévères de l'émigration clandestine.

Les risques pendant le voyage, comme les dommages corporels causés par la traversée du désert à pied, la mort, le viol, les détentions et les autres mauvais traitements laissent des séquelles psychologiques difficiles à oublier. Le jeune migrant interviewé par le PNUD affirme que les femmes qui voyageaient avec lui avaient souffert de violences sexuelles, pour cela, le terme« viol » a été employé à trois reprises dans son témoignage pour montrer la continuité de cette violence durant le voyage. Certains des émigrés ne croient pas en la véracité de ces obstacles et difficultés et pensent seulement à l'Europe, comme nous l'avons déjà mentionné, l'émigration clandestine est un phénomène dont les femmes et hommes somaliens en sont victimes. GEELDOON est l'un des jeunes somaliens qui a essayé de rejoindre l'Europe sans succès et qui finalement est retourné en Somalie. Comme la majorité des Somaliens, il a emprunté le même itinéraire, passage par l'Éthiopie, le Soudan, la Libye, puis la traversée de la mer Méditerranée. Et au cours de l'année 2014, il a écrit un livre sur son voyage en langue somali, qui a été ensuite traduit en anglais. Dans son livre il raconte les souffrances subies durant son trajet, ses difficultés et expériences reflètent la souffrance de nombreux autres Somaliens. Ce jeune homme a eu la chance de survivre et a décidé de raconter dans son livre la réalité du voyage pour l'Europe, par conséquent, depuis son retour en Somalie, il a organisé des compagnes de sensibilisations contre l'émigration clandestine et encourage ainsi les jeunes à créer leur avenir dans leur pays.

Dans son ouvrage, il a évoqué de nombreuses souffrances dont il a été témoin jusqu'à son arrivée en Libye. Au cours de son trajet, l'un des événements importants fut lorsque lui et ses camarades ont été bloqués à la frontière soudano-libyenne :

«We were asked to get out of the bus. We showed our papers. The other Somalis who had no papers were detained. We continued our journey and again stopped at a checkpoint in the town of Warawar. On the bus, I had chatted with a young Sudanese man

51

who spoke English. He had told me that there were Somalis who were held here. Money was demanded from the men and the women were held for sex78.» .

«On nous a demandé de descendre du bus, on a montré nos papiers, et ceux qui n'avaient pas de papiers ont été arrêtés. Nous avons poursuivi notre voyage et nous nous sommes encore arrêtés à un poste de contrôle dans la ville de Warawar79.Dans le bus, j'ai discuté avec un jeune soudanais qui parlait l'anglais, il m'a dit qu'il existe des Somaliens détenus et à qui on demande de l'argent, et les femmes étaient détenues pour le sexe. ».

Comme GEELDOON avait de faux documents d'identité il a pu traverser cette frontière et continué son voyage vers la Libye. Durant leur marche dans le désert, GEELDOON et ses camarades sont entrés dans une maison abandonnée et y ont découvert une femme enchainée parlant le somali : « «Oh, mes frères, entrez! »Elle était enchaînée au sol, elle a pleuré et nous a dit: «Frères! Asseyez-vous. Vous êtes Somaliens. Cela fait deux ans que je n'ai pas vu de Somaliens » Nous nous sommes assis et elle a commencé à raconter son histoire : « j'ai immigré et j'ai beaucoup souffert. J'ai été kidnappée par un homme arabe près d'Adjedabia80, j'étais trop faible pour marcher. Il m'a emmené dans sa voiture, m'a nourri et enchaîné. La nuit, il venait et me donnait quelque chose à manger, il abusait de moi sexuellement et m'enchainait81. ».

Cette femme détenue dans le désert en Libye était en route pour l'Europe quand un homme l'a kidnappée et retenue comme esclave sexuelle, elle a été enfermée dans une maison isolée au milieu du désert. La phrase « il abusait de moi sexuellement et m'enchainait » démontre qu'elle était dépourvue de liberté, elle a été violée, affamée et abandonnée seule et chaque soir avec inquiétude, elle attendait le retour de son violeur qui la traitait comme un animal.

Bien que toutes les femmes émigrées rencontrent ce genre d'agressions lors de leur trajet, le cas de cette dernière reste un cas général et sa souffrance n'est pas unique, elle la lie à toutes les autres femmes violées et séquestrées lors de ces voyages.

78GEELDOON, Op., cit.,

79Warawar est une ville située au Nord de la région du Bahr el-Ghazal au Sud du Soudan. 80AJdabiya est une ville libyenne située dans le Nord-Est de la Libye.

81GEELDOON Mohamed, Op., cit.,

52

Le 20 août 2015, le journal britannique BBC a publié

l'article Fedussa's story: Surviving the mediterranean migrant crossing, L'histoire
de Fedussa: la survivante de la traversée de la Méditerranée
, dans lequel ont été décrit le périple de Fedussa, une fille somalienne de 15 ans et les actes inhumains et immoraux qu'ont subi les femmes qui ont voyagé avec elle jusqu'à leur arrivée en Italie. Elle rapporte que : « le viol affecte en pleine profondeur l'intimité de la femme, son honneur, sa dignité, car il touche l'endroit le plus intime de son corps82 », et pour cette raison, lorsqu'une victime de viol témoigne, la majorité des autres femmes violées n'osent témoigner ou elles le font de manière anonyme ou elle reporte l'acte de viol sur une autre personne préservant ainsi leur propre viol.

« On the journey to Tripoli many things happened - including rape," Fedussasays."When it was night the smugglers separated the men and women. They wanted the women to go with them so that they could rape them."I refused to go with them but they took away my friend Qani."She said six men raped her which she remembers resisting and fighting, but after the sixth she lost consciousness. "Qani left for Europe 15 days before I did. I don't know where she is but I hope to find her. ».

« Au cours du voyage vers Tripoli, beaucoup de choses se sont passées- y compris le viol, dit Fedussa.Le soir, les passeurs séparaient les hommes des femmes. Ils voulaient que les femmes les accompagnent pour les violer. J'ai refusé d'aller avec eux et ils ont enlevé mon amie Qani. Elle a dit que six hommes l'avaient violée et qu'elle se souvenait d'avoir résister, mais après le sixième, elle avait perdu conscience. Qani est entré en Europe 15 jours avant moi. Je ne sais pas où elle est actuellement, mais j'espère la retrouver83. ».

Sous la menace d'une arme, la femme sera obligée de se soumettre au viol, car sa vie est menacée de mort. Lorsque les trafiquants d'êtres humains les forcent à choisir entre la mort ou le viol, certaines accepte le viol par dépit car elles n'ont pas d'autres choix et ne peuvent pas se défendre. D'autres comme Qani résistent « elle se souvenait d'avoir résisté, mais après le sixième, elle avait perdu conscience », cette phrase montre que la victime a essayé de se défendre jusqu'à en perdre conscience. Malheureusement, les témoignages de celles ayant

82 BOUZIDI Houda, Op., cit., consulté le 28/02/2018.

83 NEWSBEAT, Fedussa's story: Surviving the Mediterranean migrant crossing, L'histoire de Fedussa: la survivante de la traversée de la Méditerranée, publié le 20 août

2015, http://www.bbc.co.uk/newsbeat/article/33987125/fedussas-story-surviving-the-mediterranean-migrant-crossing , consulté le
01/11/2017.

survécu indiquent que les femmes voyageant avec elles ont subi des viols mais ne peuvent témoigner, l'acte de viol est toujours porté sur une autre pour préserver leur dignité. Ainsi, on remarque dans l'article que Fedusa n'a pas mentionné qu'elle a été violée, mais seulement le viol de son amie Qani. Aussi, étant donné que les passeurs connaissent les proches des femmes émigrées, alors ces dernières n'osent témoigner par peur des représailles. Enfin, dans le paragraphe ci-dessus, on entend la honte ressentie par la femme violée quand elle rejoint le groupe.

Le 22 Août 2015, le journal al-`Arab al-Yawm a publié,deux jours après l'article de la BBC, un article intitulé Une somalienne témoigne que des femmes migrantes sont violées et assassinées par les trafiquants d'êtres humains, dans lequel une jeune femme somalienne de 20 ans raconte sa souffrance qui reflète celle des milliers d'émigrées clandestines entre le Soudan et la Libye. Après son arrivée en Italie par la Méditerranée, cette jeune femme a raconté au journal en détail son voyage, sa souffrance et le coût de son trajet. Elle relate que les passeurs les avaient emmenés au Soudan avant de se faire arrêter par la police soudanaise à la frontière soudano-éthiopienne. Comme a dit Fatouma, lorsqu'ils sont arrivés là-bas, ils racontèrent à la police qu'ils avaient fui la guerre et la pauvreté en Somalie, et la prièrent de les laisser passer. Malheureusement, la police refusa et certains décidèrent de courir pour échapper à la police:

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84Al?arab al-yawm, Une somalienne témoigne des femmes migrantes violées et assassinées par les trafiquants d'êtres humains, publié le 22/08/2015, enligne :

http://www.arabstoday.net/43/%D8%B5%D9%88%D9%85%D8%A7%D9%84%D9%8A%D8%A9-%D8%AA%D8%B1%D9%88%D9%8A-%D8%A7%D8%BA%D8%AA%D8%B5%D8%A7%D8%A8-%D8%A7%D9%84%D9%85%D9%87%D8%A7%D8%AC%D8%B1%D8%A7%D8%AA-

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«Fedoussa avait dit que la police les avait arrêtés à la frontière soudanaise, qu'ils l'avaient informé qu'ils venaient de la Somalie fuyant la guerre civile et la pauvreté et qu'ils lui avaient ensuite demandé de leur céder le passage. Mais la police refusa et certains des migrants ont couru sous les coups de feu qui visaient aussi le petit bus qui les transportait. Étant la seule femme voyageant parmi les hommes, Fedoussa a fait face à des menaces plus dangereuses qu'une balle réelle. Elle se souvient de son voyage vers Tripoli où les contrebandiers l'ont violé et infligé de douleurs. La jeune femme affirme que les contrebandiers venaient le soir pour séparer les hommes des femmes. Deux des contrebandiers ont demandé aux femmes de les accompagner pour les loger et leur donner de la nourriture. Fedoussa a dit que les femmes savaient que c'était un mensonge, ils voulaient seulement qu'elles aillent avec eux afin de les violer. Elles répondaient qu'elles n'avaient ni faim ni froid, puis ils sont revenus encore avec d'autres moyens de pression, cette fois-ci, les deux hommes portaient des armes et ils ont pris son ami Qani. Lorsque le conducteur l'a retrouvé, elle était en état de choc et inconsciente, pendant 24 heures elle ne répondait plus au point qu'on pensait qu'elle était morte. Qani informason ami Fedoussa qu'elle se souvient avoir résisté puis qu'elle a perdu conscience après le sixième viol. ».

Pendant l'émigration, toutes les femmes ne sont pas en sécurité face à la violence sexuelle. Dans le texte ci-dessus, nous avons vu comment l'amie de Fedussa a été violée par un groupe de six hommes et comment elle a résisté jusqu'à perdre conscience. Cette jeune femme et même si elle a eu la chance de survivre va vivre avec ces séquelles et ce traumatisme. Dans la phrase « al muharibûna -al?aqûbihim al- âlâm », on trouve le terme « âlâm» signifiant en français « douleurs », c'est le pluriel du mot « alam » et cela montre la douleur que les émigrées rencontrent durant leur voyage clandestin. Aussi, le journal emploie le terme « viol » trois fois, il est utilisé comme un nom attaché avec « äå » à la troisième personne du pluriel féminin « igti?âbihina» ce qui souligne que le viol est limité au genre féminin. Le terme « al-igti?âb» « viol » est employé deux fois afin de mettre en évidence la gravité des agressions. À part ces actes de violence sexuelles, nous remarquons que les trafiquants d'êtres humains utilisent la nourriture comme moyen de pression pour violer les femmes, si elles refusent elles seront

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forcées au viol et privées de nourriture, la nourriture peut donc être une récompense comme elle peut être une punition.

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