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La répression de l'infraction de viol sur mineur en droit burundais à  la lumiere de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989


par Jean Bosco MUHUNGU
Université de Nantes - Master 2 en Droit International et Europeen des Droits Fondamentaux 2021
  

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III. CONDUITE DE L'ETUDE

La conduite de cette étude s'effectue aussi bien sur base de la revue de la littérature(A) que sur la méthodologie choisie (B) aboutissant à l'articulation et à la justification du plan (C).

A. REVUE DE LA LITTERATURE

D'emblée, il sied de constater que rares sont les auteurs burundais qui ont publié des ouvrages sur la répression du viol au Burundi, encore moins du viol sur le mineur(e). Les hommes et les femmes dans la quête de leurs droits peuvent rédiger des ouvrages. Les enfants, surtout burundais, n'ont pas cette possibilité dans leur grande majorité. Les principaux ouvrages généraux sur les droits de l'enfant sont des mémoires111 ou des rapports des institutions et organisations internationales et des organisations non gouvernementales.

La présente revue se base principalement sur des oeuvres des auteurs étrangers. Une mise en parallèle de ces oeuvres avec les écrits des auteurs burundais est nécessaire en ce qui est de la coutume et de la culture burundaise. Dans le cadre d'une étude de la protection des droits des enfants à travers la répression du viol sur mineur, il semble nécessaire de s'interroger sur la façon dont le droit du mineur comme sujet des droits est reconnu par la société dans laquelle le mineur évolue.

Au Burundi, la CIDE a consacré une toute nouvelle conception de l'enfant. Auparavant, l'enfant était perçu comme un être fragile, à protéger contre lui-même, contre autrui, contre les risques de la vie.112. L'enfant était l'objet de droit. Avec la CIDE l'enfant devient sujet de droits et il se voit donc reconnaitre tous les droits de la personne, au premier rang desquels se trouvent les droits humains fondamentaux (liberté de pensée, de conscience, d'expression, etc.). Doté de pensées et de sentiments, il participe à l'orientation de sa vie et il peut prendre des décisions le concernant. Son opinion doit être prise en compte même s'il ne dispose pas d'une pleine capacité de décision. Cette conception de l'enfant est celle développée par les « New social studies of Childhood », approche interdisciplinaire qui a émergé dans les années 1980-1990 et qui défend l'idée selon laquelle les enfants sont des « acteurs sociaux » à part entière et non seulement des adultes en

111 NININAHAZWE G., Respect des droits des mineurs en cas d'arrestation et de détention en droit burundais », Mémoire, Bujumbura : Université du Burundi, Chaire UNESCO en éducation à la paix et la résolution pacifique des conflits, 2009, p. 33.

112 ROSENCZVEIG J.P., Le droit des enfants, Montrouge : Bayard, 2011, p. 19.

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devenir113. En plus des droits humains de base, la CIDE reconnaît ainsi à l'enfant des droits renforcés (ex : droit à l'intégrité physique et morale) et des droits spécifiques (ex : droit d'être plus protégé que la femme du viol suite à son absence de consentement) liés à ses besoins spécifiques et à sa condition d'enfant114.

Des auteurs, comme Jean-Claude Quentel, réfutent l'idée selon laquelle « l'enfant est une personne »115car il présente bien des spécificités, par rapport à l'adulte, qui risquent d'être occultées si on affirme que l'enfant est un sujet. Ceci pourrait conduire à priver l'enfant de son enfance.

A l'inverse, certains auteurs considèrent que les enfants sont dans une situation d'infériorité notamment car la raison serait une caractéristique de l'adulte à laquelle l'enfant n'accéderait que par l'éducation116. Ce point de vue est plus proche de celui de la majorité de la population burundais.

Par ailleurs, certains auteurs comme Guy Raymond117 estiment que la CIDE reconnaît à l'enfant des droits et libertés dont l'exercice peut générer des difficultés par rapport aux prérogatives des parents. Ainsi G. Raymond s'interroge : comment peut-on concilier cette liberté de pensée, de conscience et de religion de l'enfant avec le contrôle des parents. Selon lui, il revient dès lors au juge de faire la part entre l'intérêt de l'enfant et l'autoritarisme des parents, d'articuler droits et

libertés de l'enfant avec les prérogatives d'autorité parentale. De même, Guillemette Meunier
estime qu'un équilibre droit être trouvé entre les droits et responsabilités de la famille d'un côté et le renforcement de l'aptitude de l'enfant à devenir protagoniste dans l'exercice de ses droits et responsabilités de l'autre118 .

113 NIKITINA, O. -DEN BESTEN, « What's New in the New Social Studies of Childhood? The Changing Meaning of `Childhood» in Social Science», Social Science Research Netwok, 15 octobre 2008, ( http://papers.ssrn.com/so13/papers.cfm?abstractid=1285085) (consulté le 27 mars 20121), cité par Elsa Bourget, La protection des droits des enfants placés en institution en Haiti, Mémoire ,Inédit, Université de Nantes, 2004, p.28

114 ROSENCZVEIG J. P., op.cit., p. 19-20.

115 QUENTEL J.C., L'enfant n'est pas une personne, Bruxelles : Yapaka, 2008, p. 38.

116 GHEUDE M., : Rencontre avec le psychologue Jean-Claude Quentel,

( http://michelgheude.skyrock.com/922219620-52-RENCONTRE-AVEC-LE-PSYCHOLOGUE-JEAN-CLAUDE-QUENTEL.html), (consulté le 25 février 2021).

117 RAYMOND, G., Droit de l'enfance et de l'adolescence : Le droit français est-il conforme à la Convention internationale des Droits de l'enfant ? Paris : Litec, 1995, p. 109-110.

118 MEUNIER, G., L'application de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant dans le droit interne des Etats Parties, Paris : L'Harmattan, 2002, p. 76

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D'autres auteurs mettent plutôt en avant les droits des parents sur l'enfant. L'idée dominante est alors que l'enfant appartient aux parents qui peuvent donc en faire ce qu'ils veulent. Jean-Pierre Resenczveig, juge pour enfants en France, fait la remarque suivante concernant certains parents : « Lorsqu'on leur dit qu'ils n'ont pas le droit de battre leur enfant, ils ont l'impression de ne plus être les parents. Ils confondent autorité et violence119 ». Cette idée est prédominante au Burundi. Les parents restent convaincus qu'ils peuvent décider en lieux et places de l'enfant, peu importe l'intérêt supérieur de l'enfant. Cette façon de voir, plus liée à culture ferait penser à l'autorité parentale. Or, il n'en est rien. La véritable autorité de l'enfant appartient au père, et subsidiairement à la mère.

Corollairement, J-P Rosenczveig affirme que depuis quelques années, la tendance est plutôt à considérer que les enfants ont des devoirs avant d'avoir des droits, à renforcer la mise en cause de leurs responsabilités. Certains pensent que reconnaitre des droits aux enfants nuit à l'autorité des adultes et favorise ainsi l'augmentation de la violence. Pour eux, dès lors que les enfants ont des droits, la société n'est plus protégée : les jeunes commettent des délits, enfreignent la loi et ne respectent plus ni leurs parents, ni les enseignants, ni les policiers. Les tenants de cette thèse ont vigoureusement dénoncé « le droit de l'hommisme »120. Cette approche est plus théorique et se fonde sur des hypothèses de projection et fait une fuite en avant face à l'empirisme.

Malgré ces débats, la perception des droits de l'enfant a évolué au fil des années. Selon Frydman « Du respect de la morale familiale (...), la période contemporaine consacre la subjectivisation du droit, manifestation de la postmodernité qui a présidé à un déplacement de ce contrôle vers des rapports interpersonnels au sein de la famille 121». Les Etats ont déplacé leur centre d'intérêt de pater familias vers les membres de la famille pris individuellement, le mineur, dispose des droits protégés et exigibles à l'Etat sans passer par les aménagements raisonnables de l'autorité parentale.

Un autre aspect mérite une attention particulière. C'est la conception culturelle du viol. La culture burundaise ; le droit positif, et la CIDE ne conçoivent pas le viol et partant le viol sur mineur de la même façon. L'éducation de la fille étant confiée à sa mère, son père n'intervient que rarement dans de telles questions. Néanmoins, la femme elle-même, en milieu rural continue d'être considérée, non pas comme un sujet de droit, mais un objet de droit. La femme burundaise

119 ROSENCZVEIG, J.P. op.cit., p.34

120 ROSENCZVEIG, J.P. op.cit., p. 23-24.

121 FERRON, L., op. cit. , p.357

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n'appartient pas seulement à son mari, mais aussi à tous les hommes de la famille proche de son mari. En témoigne le brocard « Umugore si uwumwe, umugore ni uw `umuryango122 ».Il en va sans dire que la mère, en éduquant sa fille l'apprend à être la plus docile possible, cette docilité pouvant impliquer l'obligation de se taire même en cas de viol.

Certaines pratiques tendent à légitimer ou à tolérer le viol et partant du viol sur mineur dans la société burundaise, se traduisant même en adages populaires. Innocent BARANGENZA et Mathieu NDIHOKUBWAYO123 en dénombre les pratiques suivantes :

Gutera intobo » : Il s'agit d'une pratique incestueuse qui consiste en ce que le beau-père courtise sa belle-fille. Il entretient des relations sexuelles avec sa belle-fille, en échange des avantages et privilèges au niveau de la famille : vaches au couple, une part de la propriété fertile,etc. Les beaux-pères désirent avoir des rapports sexuelles avec des femmes encore jeunes ou maintenir la femme au ménage en l'absence de son fils ou encore en cas de mariage précoce chez le garçon, le beau-père entretient la femme en attendant la majorité de son fils124.

Umwonga umwe wonza inyoni » : Une seule femme ne suffit pas pour un homme125.

Impfizi ntiyimirwa » : Pour les personnes, cela veut dire que tout être masculin peut avoir des rapports sexuels avec toute femme qu'il désire126. La CIDE a accordé à l'enfant, un statut différent de celui que lui reconnaît le droit coutumier. L'objectif est d'analyser si le viol sur mineur est phénomène social ou un phénomène criminel au regard de la culture burundaise.

Avant l'avènement de la CIDE, la coutume considère les droits de l'enfant dans un sens de rapport des droits des autres catégories sociales et y adjoint des soins liés à sa fragilité. Selon l'adage (Umwana si uwumwe), l'enfant n'appartient pas aux seuls parents, mais à la communauté entière127. Or, la civilisation judéo chrétienne privilégie une approche des droits individuels de l'enfant, distinct des droits de la communauté sur l'enfant dans la coutume burundaise. Il en découle une dialectique, des thèses et antithèses qui tendent vers une synthèse sur la notion de viol sur mineur. Selon les propos de Koffi Annan, si l'enfant appartient à la communauté dans

122Ministère de l'Action sociale et de la Promotion de la femme, Module de formation des formateurs sur la communication pour le changement de comportement et de plaidoyer, Burundi, Inedit,2003, p.87

123 De l'infraction du viol en droit pénal burundais, Mémoire, Université de Lumière de Bujumbura, Bujumbura, Inédit, 2007.

124 Ministère de l'Action sociale et de la Promotion de la femme, Module de formation des formateurs sur la communication pour le changement de comportement et de plaidoyer, Burundi, Inedit,2003, p.53

125Idem . p.18

126Ministère de l'Action sociale et de la Promotion de la femme, Module de formation des formateurs sur la communication pour le changement de comportement et de plaidoyer, Burundi, Inedit,2003, op. cit.102 HAKIZIMANA, A., op. cit. p. 102.

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son ensemble, à celle-ci incombent des devoirs envers cet être vulnérable qui demande une attention particulière et spécifique128.L'autorité parentale tire son essence en partie, de la coutume. Si cette autorité se pose avec acuité en France, dans la civilisation judéo-chrétienne, civilisation qui a influencé la CIDE, le questionnement devient plus problématique en droit burundais.

Les périodes de guerres que le Burundi a traversées ont catalysé les viols en général, et les viols sur mineurs en particulier. Emilie Matignon estime que « les violences sexuelles exercées pendant la guerre n'ont pas cessé avec celle-ci, bien au contraire elles sont devenues endémique selon plusieurs études. Cette persistance peut s'expliquer par la modification des perceptions sur les comportements correctes à laquelle ont pu aboutir la brutalité et la violence vécues pendant la crise, ce qui est appelé banalisation des violences trouve une origine dans la dislocation des structures communautaires qui n'opèrent plus des bornes de contrôle, de sanctions et de réparations habituelles129 ».

Sur le plan international et européen, l'évolution historique du viol au niveau international, a démontré une intolérance de la société contre le viol. Selon Georges Vigarello, « C'est au XVIIIe siècle que s'esquissent les premières inflexions. La société s'indigne du libertin noble et fortuné, qui, à l'instar de Sade, se livre à des actes barbares. Le viol des enfants commence à s'individualiser et à émouvoir les contemporains. La justice reste clémente certes, mais se fait plus inquisitoriale130 ».De ce qui précède, on peut en déduire que la réaction sociale face au viol a connue des périodes timides, mais que progressivement, elle s'est affirmée, puis s'est affinée et s'affine encore de nos jours.

Le droit positif burundais, avec le temps tend à empiéter sur l'espace juridique jadis réservée à la coutume en matière de protection de la répression du viol et du viol sur mineur. En analysant les facteurs sociaux qui ont influencé les avancées plus ou moins rapides de la répression du viol en général, et du viol sur mineur en particulier, on a tendance en particulier à évaluer en particulier le rôle des institutions judiciaires et du juge, pour dégager leurs rôles au Burundi. C'est ce point de vue que défend Georges Vigarello. Selon lui, « les énoncés se font plus explicites, cependant que l'explication s'étoffe et incrimine de plus en plus souvent le

128 Koffi ANNAN , Secrétaire général de l'ONU de 1997 à 2006.

129Emilie Matignon, in les Cahiers d'Afrique de l'Est, « Assistance juridique aux mineurs délinquants et protection des mineurs victimes au Burundi ».The East African Review, 46-2, 2013, 25-65

130FERRON, L., op.cit., p.357

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fonctionnement de la société. Enfin, si le livre met l'accent sur la distorsion entre justice et opinion, il n'en propose pas d'interprétation. Routine et conservatisme des magistrats ? Poids des procédures et de la jurisprudence du passé ?131 ».

L'évaluation de l'institution judiciaire évoque les aspects à évaluer, les différents indicateurs, quand, comment les mettre et les méthodes à mettre en oeuvre. Ce travail n'est pas aisé. Romulo A. Virola132 reconnait la difficulté de cette tâche en ces termes : « Même si les discussions sur la possibilité de mesurer les droits de l'homme et la gouvernance démocratique n'ont pas toujours été faciles- car chaque partenaire avait un contexte conceptuel, une méthode de travail et un ordre du jour spécifique-nous avons pris conscience que notre institution avait beaucoup à gagner et à offrir dans ce processus de dialogue et collaboration naissante ».

En rapport avec la CIDE, les indicateurs à utiliser sont ceux de la CIDE elle-même, mais aussi les indicateurs du Comité des droits de l'enfant, ce dernier ayant pour mission de contrôler la mise en oeuvre de la CIDE, en se basant sur les rares documents de politique, de planification et d'évaluation sectorielle du Ministère de la Justice.

L'originalité de ce travail réside dans la démonstration d'une possibilité de conciliation possible du sous-développement socio-économique couplée aux sanctions économiques de l'Union européenne133 depuis 2015, et de la culture burundaise pourtant différente de celle de civilisation judéo-chrétienne, la protection des droits de l'enfant par la répression du viol sur mineur selon les standards de la CIDE est possible .

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