A. INTERET DE L'ETUDE
L'intérêt de l'étude se situe sur deux plans:
l'intérêt social (1) et l'intérêt scientifique
(2).
1. Intérêt social
L'intérêt social se conçoit en rapport
avec l'objet social envisagé dans cette étude. Le sujet
envisagé met un relief la nécessité d'un dialogue social
constructif et continue entre le droit international des droits de l'homme et
le droit interne burundais, pour une protection plus complète de la
société burundaise contre le viol en général, et
sur le viol sur mineur en particulier. Ce dialogue qui passe par les autres
sciences sociales prend en compte la culture burundaise, participe à la
reconnaissance et à la gestion d'un phénomène social
qu'est le viol.
Les mineurs sont majoritaires dans la composante de la
population burundaise, ce qui donne à ce sujet une dimension sociale par
excellence. Leur prise en compte en tant que groupe le plus
représentatif de la pyramide d'âge burundais, groupe
vulnérable qui ne peut pas revendiquer par et pour lui-même leurs
droits, tient d'une considération d'intérêt social qui
légitime cette étude.
Les textes existants, sur le plan international et sur le plan
interne sont en eux-mêmes plus ou moins outillés. Néanmoins
cette étude tend à faire une plaidoirie sur les articulations
entre ces normes, leurs évaluations dans la mise en oeuvre et les
garanties procurées aux mineurs.
La répression des droits des mineurs pour qu'elle soit
efficace, mérite d'être encadrée à travers une
synergie d'acteurs évoluant dans un cadre légal et des
mécanismes institutionnels efficaces qui ne désirent qu'une mise
en oeuvre bien dimensionnée. A défaut, les efforts risquent
d'être dispersés et rater leur but. L'Etat du Burundi, la
société toute entière, les décideurs politiques,
les leaders d'opinions, sont les destinataires privilégiés de
notre travail, afin qu'ils s'en approprient les articulations en vue de leur
réplication. A côté de ces destinataires, les leaders
communautaires et les tenanciers de l'institution de l'équité
communautaire sur le plan local« ubushingantahe » et les
élus locaux ne manqueront pas de s'inspirer de ce travail, pour
opérer un tri entre les bonnes et les mauvaises pratiques.
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Au Burundi, les appellations des ministères sectoriels
qui prennent en charge la prévention, la protection et la gestion des
suites de l'infraction de viol sur mineur attirent à elles-mêmes
l'attention sur leur coordination. Il s'agit du Ministère de la
Solidarité Nationale, des Affaires sociales, des Droits de la Personne
Humaine et du genre, du Ministère de l'Intérieur, du
Développement Communautaire et de la Sécurité Publique qui
a la police dans ses attributions, du Ministère de la Justice, du
Ministère de la Santé Publique et de la Lutte contre le SIDA qui
prend en charge les aspects médicaux du viol sur mineur. L'encadrement
de la jeunesse revient à la fois au Ministère de la
Communauté Est Africaine, de la Jeunesse, des sports et de la Culture et
au Ministère de l'Education Nationale et de la Recherche
scientifique106.
On note aussi l'existence des autres acteurs non
gouvernementaux.107La répression de l'infraction de viol sur
mineur est une matière transversale qui nécessite l'intervention
de la communauté en général sur toute la chaîne
pénale, depuis la dénonciation des auteurs jusqu'à la
réparation du dommage. Elle a un intérêt social
évident eu égard aux acteurs divers que sa mise en oeuvre
implique et son effectivité. Elle interpelle la société
sur plusieurs aspects, tel un phénomène social.
2. Intérêt scientifique
Ce sujet présente un intérêt scientifique
certain en termes de recherche. Il porte sur une Convention internationale
catégorielle qui a été la plus ratifiée et une des
dernières générations des catégories de personnes
susceptibles d'une protection internationale et nationale particulières
actuellement. La plupart des enfants n'ont pas la capacité de
connaître leurs droits, de les réclamer et encore moins initier un
travail de recherche sur leurs droits. Le champ d'étude sur la
répression de l'infraction de viol sur mineur en rapport avec le CIDE
reste presque vierge en droit burundais. L'étude établit une
confrontation constructive entre le droit international des droits de l'enfant
et le droit interne des droits de l'enfant et à la lumière de la
CIDE.
La mise en oeuvre des droits internationaux reconnus par la
CIDE, quoique domestiqués en droit interne, passe par une conception
culturelle et coutumière qui aborde les droits de l'enfant d'une
façon différente de la civilisation
judéo-chrétienne qui inspire la CIDE. Or, contrairement aux
106 Décret no 100/008 du 28 juin 2020 portant nomination
des membres du Gouvernement du Burundi.
107 Les Organisations internationales, les ONG tant nationales
qu'internationales.
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droits de l'enfant consacrés par la CIDE qui sont
universels et indivisibles, la coutume est particulariste et évolue
lentement. Un effort pour changer le statu quo ante s'impose. Le droit
à son corps, à son intégrité physique et morale
constitue une des normes du jus cogens traité dans cette
étude.
L'autre intérêt scientifique porte sur le champ
géographique de l'étude qu'est la Province de Bubanza. Elle est
une des dix-neuf provinces du Burundi. Des études similaires sur les
autres provinces non couvertes par l'étude, si elles sont
réalisées en temps raisonnable, permettront de formuler des
hypothèses de projections de l'ampleur de ce phénomène
criminel de viol sur mineur sur toute l'étendue du territoire
burundais.
La présente étude pourra fournir de la
matière aux autres travaux de recherches sur la répression de
l'infraction du viol sur mineur, en l'insérant dans un contexte national
aux particularités culturelles. L'analyse critique de la jurisprudence
pourra faire évoluer le statu quo en y introduisant une vision
évolutive de l'intérêt supérieur de l'enfant. Quant
aux coutumes rétrogrades et à leurs ténors, elles seront
mises à jour et évolueront lentement mais sûrement, en
s'affranchissant des usages anachroniques complices du viol sur mineur, vers
les droits de l'enfant reconnus par la CIDE. Les acteurs du changement ne
manqueront pas de frayer un chemin à la société burundaise
vers un idéal progressiste.
Le législateur burundais, qui fixe l'âge de la
majorité civile à 21ans108 pourra, à la
lumière de la CIDE, reconsidérer sa position, en comparaison des
pesanteurs sociologiques entre la coutume judéo chrétienne et la
coutume burundaise. L'Etat du Burundi, à travers les apports de cette
étude, pourra mettre en place une politique générale et un
cadre de concertation entre les intervenants du secteur de la protection de
l'enfant pour l'efficacité de leur action.
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