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La répression de l'infraction de viol sur mineur en droit burundais à  la lumiere de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989


par Jean Bosco MUHUNGU
Université de Nantes - Master 2 en Droit International et Europeen des Droits Fondamentaux 2021
  

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II. CADRE DE L'ETUDE

La précision du cadre de l'étude se conçoit en rapport avec l'analyse conceptuelle (A), de l'intérêt de l'étude (B), de la problématique et des hypothèses (C).

A. APPROCHE CONCEPTUELLE

L'approche conceptuelle est axée sur la définition des notions clés de la présente étude. Il s'agit des notions de l'infraction de viol33 (1), de l'enfant mineur (2).

1. La définition de l'infraction de viol

Le Code pénal burundais34 prévoit et réprime l'infraction de viol. A la lecture de l'article 578 , « Commet un viol, soit à l'aide de violence ou de menaces graves, ou par contrainte à l'encontre d'une personne, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers, soit par surprise, par pression psychologique, soit à l'occasion d'un environnement coercitif, soit en abusant d'une personne qui, par le fait d'une maladie, par l'altération de ses facultés ou par toute autre cause accidentelle aurait perdu l'usage de ses sens ou en aurait été privé par quelques artifices, et même si la victime est l'époux de cette personne :

1° Tout homme, quel que soit son âge qui introduit son organe sexuel, même superficiellement dans celui d'une femme, ou toute femme, quel que soit son âge, qui a obligé un homme à introduire, même superficiellement, son organe sexuel dans le sien ,
·

2° Tout homme qui a fait pénétrer, même superficiellement, par la voie annale, la bouche ou tout autre orifice du corps d'une femme ou d'un homme son organe sexuel, tout autre partie du corps ou tout autre objet quelconque ,
·

3° Toute personne qui a introduit, même superficiellement, toute autre partie du corps ou un objet quelconque dans le sexe féminin ,
·

33Loi no.1/27 du 29 décembre 2017 portant révision du Code pénale burundais 34Ibidem

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4° Toute personne qui oblige à un homme ou une femme de pénétrer, même superficiellement, son orifice anal, sa bouche par un organe sexuel ; est puni de cinq ans à quinze ans de servitude pénale, et d'une amende de cinquante mille francs à cent mille francs ».

Il sied de constater que le législateur burundais a évolué par rapport aux objectifs de la CIDE en donnant une définition la plus large possible. C'est une reconnaissance de la généralité du Code pénal, loi sur laquelle les lois spéciales viennent se greffer, pour légitimer l'incrimination. Mais la définition du viol n'a pas toujours été ainsi.

Au Burundi, une certaine jurisprudence estime que le viol est le fait d'imposer des relations sexuelles à une femme contre sa volonté35. Toutes les autres formes de violence sexuelle tombent sous la qualification d'attentat à la pudeur. Le viol suppose donc, selon cette jurisprudence, l'introduction du membre viril de l'homme dans les parties génitales de la femme. Il en découle la constatation selon laquelle l'auteur du viol est toujours de sexe masculin, la victime étant nécessairement une femme.

A titre d'illustration, le tribunal de grande instance de Bujumbura Mairie siégeant à Bujumbura en matière pénale a reconnu coupable d'attentat à la pudeur et non de viol mademoiselle Chantal M. En effet, celle-ci excitée a amené l'enfant Jean N. de six sans dont elle avait en charge comme bonne dans sa chambre et déshabillée elle a placé l'enfant au-dessus d'elle mais l'enfant n'a pas pu la pénétrer36. Elle a été reconnue coupable d'attentat à la pudeur et non de viol car selon cette jurisprudence, une femme ne peut se rendre coupable de viol.

Une certaine doctrine penche vers cette thèse. Selon VERON, il y a viol quand un homme impose à une femme une conjonction sexuelle contre son gré ou sans son consentement libre. Le coupable ne peut être qu'un homme et la victime qu'une femme37. Selon le dictionnaire juridique, le viol est défini comme étant un crime consistant en tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature que ce soit commis sur la personne d'autrui par violence, menace, contrainte ou surprise38.

Dans la législation française par contre, la définition du viol est allée en évoluant selon RASSAT. En effet, la loi de 1810 ne définissait pas le viol et la doctrine considérait que le viol consistait dans le fait de « connaître charnellement une femme sans la participation de sa volonté »

35 NZITONDA A., Problématique d'administration de la preuve de l'infraction de viol en droit pénal burundais, Mémoire, Université Lumière de Bujumbura, Inédit , décembre 2007, p. 4

36 R.P 13. 684 RMP 108.695 République du Burundi, ministère de la justice, T.G.I. Bujumbura, in recueil des décisions judiciaires, contentieux des violences sexuelles, Bujumbura, inédit, p. 12.

37VERON B., Droit pénal spécial, 2ème éd., Paris : Masson, 1982, p. 192. 38CORNU G., Vocabulaire juridique, 4ème éd., Paris : PUF, 2003, p.931.

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ou encore dans « le coït illicite avec une femme qu'on sait n'y point consentir ». Le caractère matériel de viol consistait donc spécifiquement dans une conjonction sexuelle, c'est-à-dire l'introduction d'un membre viril de l'homme dans la cavité vaginale de la femme39.

Avec l'évolution du droit, le domaine du viol a été élargi afin de supprimer toute discrimination de nature sexuelle entre les auteurs potentiels de l'infraction. Le viol devient donc avec le Code pénal français de 1980 « tout acte sexuel de quelque nature qu'il soit imposé à autrui »40. Cette définition, quoique plus évoluée sur l'aspect genre est lacunaire sur un point. Elle ne permettait pas en effet de faire une distinction du viol avec les autres infractions comme l'attentat à la pudeur.

Une autre définition fut proposée par le législateur français. Le viol est « tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu'il soit commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise »41. Cette définition marque un progrès considérable dans la recherche d'une plus grande précision. Elle offre de nombreuses possibilités de poursuivre le viol sous toute ses formes, notamment les actes de pénétration anale (sodomisation) ou buccale (fellation) commis au moyen du sexe. Elle permet de poursuivre également le viol avec introduction d'objets quelconques dans le vagin ou l'anus de la victime.

Le législateur doit définir l'incrimination en la précisant, et notamment en décrivant les moyens de parvenir à ce résultat qui, seuls seront incriminés42. L'élément légal réside donc dans le fait que cette infraction soit prévue et punie par la loi. En effet, la définition fournie par le texte doit être la plus précise possible parce que d'une part la précision de la loi est une condition de la légitimité de l'incrimination, d'autre part la règle correspond à une pure exigence technique, dans la mesure où elle est une condition de l'efficience de l'incrimination43.

L'infraction de viol est punie et prévue par le Code pénal burundais44par les articles 577 à 585sous le chapitre des infractions contre les moeurs relevant lui-même du titre 8, à propos des infractions contre la famille et la moralité publique.

39RASSAT M.L., Droit pénal spécial, infractions des et contre les particuliers, 3ème éd., Paris : Dalloz, 2001, p. 484 40RASSAT M.L., op. cit. p. 484

41Idem, p. 485.

42 PHILIPPEC., et PATRICKM., Droit pénal général, 6ème éd., Jouve : Armand colin, 2002, p. 123

43 RASSAT M.L., op.cit., p. 210

44 Loi no.1/27 du 29 décembre 2017 portant révision du Code pénal burundais

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L'article 577 dispose que : « Est réputé viol avec violence tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu'il soit et de quelque moyen que ce soit, commis par une personne pénalement responsable sur un mineur de 18 ans même consentant.

Est réputé viol avec violences, le seul fait du rapprochement charnel des sexes commis sur un mineur de 18 ans même consentant(...) ».

Le viol est puni de 15 à 25 ans de servitude pénale et d'une amande de cinquante mille à deux cent mille francs burundais lorsque le viol est commis sur un mineur de quinze à dix-huit ans même consentant45. Le viol est puni de 20 ans à 30 ans et d'une amende de cent mille à cinq cent mille francs burundais lorsqu'il a été commis sur un enfant de douze à quinze ans46.Le viol est puni de la servitude pénale à perpétuité lorsqu'il a été commis sur un enfant de moins de douze ans47.

Force est de constater que la gradation des peines suit le sens inverse de la gradation d'âge, ce qui démontre un souci de protéger les mineurs les moins âgés et les plus fragiles. Néanmoins, si les deux premières tranches d'âge sont espacées de quelques années seulement, il convient de s'interroger pourquoi la tranche d'âge de zéro à douze ans bénéficie d'un régime unique de répression de viol, alors que la fragilité des enfants n'est pas la même.

Quant à l'élément matériel, il est l'action ou l'omission illicite permettant de parvenir au résultat prohibé. Une action existe par son activité matérielle qui est la manifestation extérieure de l'infraction48.L'élément matériel du viol est composé non seulement d'un acte qui implique le recours à la violence, la menace, la contrainte ou la surprise mais aussi et surtout de la pénétration sexuelle commise sur la personne d'autrui. La qualification du viol doit être retenue dès lors qu'une pénétration sexuelle a été réalisée sur la personne de la victime. Le résultat du viol est ainsi également réalisé en cas de pénétration buccale (fellation), pénétration vaginale, pénétration anale (sodomisation) ou même en cas d'introduction d'un objet dans le vagin ou l'anus de la personne de la victime. Dans ce cas, le viol peut donc être commis indifféremment par un homme ou une femme sur un homme ou une femme, ce qui préserve l'égalité des sexes.

Mais pour que la pénétration vaginale puisse être valablement retenue comme qualifiant le viol, il doit revêtir deux caractères principaux :

45 Article 578, 1° de la loi no.1/27 du 29 décembre 2017 portant révision du Code pénal burundais

46 Article 580 5° de la loi no.1/27 du 29 décembre 2017 portant révision du Code pénal burundais

47 Article 581 3°, Idem.

48PRADEL, J. et DANTI-JUAN, M., Droit pénal spécial, 2ème éd, Paris : Cujas, 2001, p. 612

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Primo, la pénétration doit être commise sur la personne d'autrui. Ceci implique que le viol ne peut être commis que sur une personne vivante. La pénétration sexuelle sur un cadavre49 peut en revanche tomber sur le coup de la qualification d'atteinte à l'intégrité du cadavre50. Le viol n'est également constitué que si la pénétration est pratiquée sur la personne de la victime. Le crime de viol n'est caractérisé que si l'auteur réalise l'acte de pénétration sexuelle sur la personne de la victime51.

Secundo, la pénétration doit être de nature sexuelle. Ceci désigne toute pénétration par le sexe, qu'elle soit vaginale ou orale et toute introduction de corps étranger dans le sexe ou l'anus dans un but sexuel, que ce soit par la main ou d'autres objets. Et dans ce cas, le viol d'un homme par une femme est envisageable52. Le critère de la pénétration sexuelle évite donc que de simples attouchements ou des comportements analogues soient considérés comme du viol. Il ne peut y avoir de viol en l'absence de pénétration par le sexe ou par un autre objet quelconque, il doit s'agir d'une pénétration sexuelle. Des actes de pénétration dépourvus de cette dominante sexuelle ne pourront être qualifiés de viol. La présence de l'élément sexuel s'apprécie en fonction des normes ayant cours en matière de comportement sexuel et sur base d'un facteur subjectif qui est la motivation sexuelle dans le chef de l'auteur. Ces deux aspects doivent être réunis. Dès qu'on se trouve en présence d'une pénétration sexuelle, la localisation de celle-ci n'a plus aucune importance : le viol peut consister tant en une pénétration vaginale qu'en une pénétration anale ou buccale. Il n'y a pas de distinction entre la pénétration par le sexe ou par un objet.

Le consentement de la victime est l'adhésion donnée d'avance par une personne à une infraction portant atteinte à ses droits. Il ne supprime pas légalement l'infraction sauf si celle-ci exige pour sa constitution une fraude ou une violence53. Ce défaut de consentement peut résulter des moyens employés par l'agresseur pour imposer sa volonté comme la violence, les menaces, la ruse, la contrainte, la surprise ou en abusant de la personne de la victime, notamment du mineur.

49 GATTEGNO P., Droit pénal spécial, 5ème éd., Paris : Dalloz, 2003, p. 80.

50 D.L. n°1/6 du 4 avril 1981 portant réforme du code pénal, art. 164

51 GATTEGNO P., op. cit., p. 80

52Idem, p. 81

53 CORNU G., Vocabulaire juridique, 6ème éd., Paris : P.U.F, 1996, p. 196.

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Quand la victime est un mineur, cette absence de consentement n'est pas requise pour que l'infraction soit constituée. En effet, la loi présume qu'un enfant de moins de 18 ans ne peut pas donner un consentement légalement valable.

Ce qui fait que la personne majeure qui a des relations sexuelles avec un mineur même consentant se rend coupable d'une infraction de viol. Le terme « violence » désigne les pressions physiques exercées sur la victime pour obtenir d'elle le comportement sexuel qu'on souhaite54. La violence peut être directe et physique ou violence morale sur la victime. Par violence physique on sous-entend qu'il y a utilisation de la force pour obtenir le consentement de la victime. L'agresseur exerce des pressions corporelles pour obtenir ce qu'il désire.

Selon BOLONGO, le défaut de consentement s'établit aisément lorsque la femme n'a cédé qu'à la force. Il n'est même pas requis qu'elle ait conservé sur son corps les traces de brutalité de l'assaut dont elle a été victime ou qu'elle ait crié au secours. Il est ainsi évidemment de la femme à qui un agresseur impose la conjonction sexuelle après une lutte et qui n'a cessé de résister qu'à cause de la supériorité musculaire de l'homme55.

S'agissant de la menace, elle supprime le consentement et caractérise l'agression. La violence morale résulte des menaces reçues par la femme pouvant inspirer à celle-ci la crainte sérieuse et immédiate d'exposer sa personne ou celle de ses proches à un péril considérable et imminent56. La menace est en effet toute forme d'expression morale. Elle se confond avec la contrainte morale par le fait que tous les deux consistent à menacer quelqu'un de lui faire du mal à lui ou à ses proches, voire de causer du tort à ses biens. Ainsi, pour BOLONGO, constituent un viol à l'aide de menaces, le fait pour une femme mariée surprise en flagrant délit d'adultère de se livrer à un témoin qui la menacerait de la dénoncer à son mari57.

Pour le cas de la surprise, le défaut de consentement peut résulter d'un acte commis à l'insu des intéressés. Il faudra comprendre le mot « surprise » dans le sens juridique de tromperie. C'est le cas d'un agresseur qui s'introduirait dans le lit d'une femme marié, la nuit, pour se livrer à des attouchements et qui parviendrai à avoir des rapports sexuels avec elle, alors qu'elle croyait se livrer à son mari58.

54 MINEUR et VOVIN, Droit pénal spécial, 3ème éd., Paris : Dalloz, 1992, p. 326

55 BOLONGO L., Droit pénal spécial zaïrois, Paris : Librairie de droit et de jurisprudence, 1985, p. 332

56 RASSAT M.L, op.cit., 2001, p.481

57 BOLONGO L., op.cit., p. 333

58 DURRIEU & WANQUET : Aide aux victimes : les agressions sexuelles : http://www.SOSfemmes.com/violence/viol.menu.httm (27/03/2021)

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Sera également poursuivi de viol par ruse un féticheur qui aurait des relations sexuelles avec une femme mariée stérile qui chercherait à avoir des enfants en lui affirmant faussement que c'est le seul moyen pour elle de concevoir59. Il y a abus de la faiblesse de la victime lorsque celle-ci, en raison de son état physique ou de son état mental, est dans l'incapacité de consentir.60

L'infirmité ou la déficience qui porte sur l'état physique ou sur l'état mental de la victime peut être définitive, mais aussi temporaire et résulter, à titre d'exemple, de l'absorption d'un médicament, de l'alcool ou de la drogue61. C'est le cas pour l'agresseur qui profiterait de l'état d'évanouissement ou de l'état d'ivresse de la victime pour la violer.

Par élément moral, on entend l'élément intellectuel ou psychologique. Cet élément détermine la psychologie, l'attitude intellectuelle, l'état d'esprit lors de la commission de l'infraction. Le viol est un crime, donc une infraction intentionnelle. Cette intention est constituée dès lors que l'auteur a la volonté ou la conscience d'imposer des rapports non désirés à la victime. Il existe une difficulté lorsque l'auteur explique qu'il s'est mépris sur l'absence de consentement. Les tribunaux vont alors apprécier le défaut d'intention de l'auteur selon les circonstances. Le viol n'est donc constitué tout d'abord que si l'auteur a voulu l'acte de pénétration sexuelle et ensuite que s'il l'a perçu comme tel. Le caractère volontaire de l'acte ne pose pas en principe de difficulté et découlera de la nature de l'acte accompli62.

Pour montrer que l'acte de pénétration a été perçu comme tel par l'auteur du viol, il faut en revanche établir deux éléments :

1° Que l'auteur a eu conscience d'aller à l'encontre de la volonté de la victime. Cette conscience est le plus souvent établie par la nature des actes accomplis. Ainsi, celui qui a employé la violence pour arriver à ses fins comme celui qui accomplit le viol sur une victime inconsciente ne peut qu'avoir conscience de l'absence de consentement de la victime : à défaut, en effet, il n'aurait pas employé ces moyens ou exploité ces circonstances.63

58 BOLONGO (L.), Droit pénal spécial zaïrois, Paris : Librairie de droit et de jurisprudence, 1985, p. 332 58 RASSAT M.L., op.cit., 2001, p.481

58 BOLONGO,( L.), op. cit. p. 333

58 DURRIEU & WANQUET : Aide aux victimes : les agressions

sexuelles : http://www.SOSfemmes.com/violence/viol.menu.httm (27/03/2021

59 BOLONGO, L., op. cit. 334

60 GARCON, G., Attentat contre les personnes, Ministère de la justice, édition RCN, Kigali : 2004, p. 36 61Ibidem

62 MACKELLARJ., Le viol « l'appât et le piège », Paris : Dalloz, 1980, p. 50

63 BROWNMILLERS., Le viol, New York : Stock pour tradition française, 1975, p. 112

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2° Que l'auteur a eu conscience d'accomplir un acte de nature sexuelle. Cette conscience pourra être déduite de la matérialité même de ces actes. Celui qui impose par exemple à la victime d'accomplir une fellation peut difficilement prétendre ne pas avoir conscience de la nature sexuelle. C'est la preuve de l'élément matériel qui détermine l'élément moral64.

Dans le même sens, il y a tentative de viol lorsqu'un agresseur tente ou menace de commettre un viol ou d'imposer toute forme de relation sexuelle à autrui sans son consentement. Lors d'une tentative de viol, il peut y avoir rapprochement ou contact des sexes avec ou sans éjaculation65. Selon l'article 9 du Code pénal burundais, la tentative est punie de la même peine que pour le crime et le délit consommé. On observe par contre que la jurisprudence et la doctrine dominante au Burundi ne révèlent aucun cas de tentative de viol punissable comme telle. La société est assez tolérante en matière de viol pour réprimer la tentative. Toutes les situations ont été réprimées comme attentat à la pudeur. Pour LEVASSEUR, il est très rare qu'on poursuive pour tentative de viol parce qu'il faut que le Ministère Public fasse la preuve que l'individu avait l'intention de violer. Cette preuve serait difficile à donner si l'auteur de l'infraction qui par hypothèse n'a pu la réaliser par suite des circonstances indépendantes de sa volonté n'était pas assez près de ses fins66.

L'intention de nuire est toujours présente même en cas de tentative. Le commencement d'exécution et l'absence de désistement volontaire feraient que l'article 9 du Code pénal burundais s'applique. C'est ce sens que pour MERLE et VITU, la tentative de viol punissable existe dès qu'il y a commencement d'exécution et une absence d'un désistement volontaire67. Pour un mineur, le simple fait du rapprochement charnel des sexes suffit pour incriminer l'auteur de viol.

L'acte de viol revêt diverses formes. Citons notamment le viol individuel, viol collectif, viol avec violence et, selon la qualité de l'auteur du viol, le viol incestueux, le viol conjugal, le viol par une autorité morale et enfin de viol en temps de guerre.

Le viol est individuel si l'acte a été réalisé par une seule personne. Souvent le viol individuel est prémédité car il est préparé et généralement l'agresseur connaît la victime.

64Ibid.

65 Ministère de la santé publique, manuel de formation pour la prise en charge de victimes des violences Sexuelles à l'attention du personnel de santé, Bujumbura : inédit, 2002, p. 12

66 LEVASSEUR G., Cours de droit pénal spécial, Paris : les cours de droit, 1967-1968, p. 395.

67 MERLE R. et VITU A., Traité de droit criminel, D.P.S., 4ème éd., Paris : Cujas, 1981, p.1506.

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Le viol est collectif si l'acte est réalisé par deux ou plusieurs personnes sur une seule et même victime dans un temps assez rapproché. A titre d'illustration, « Dans la nuit du 8 au 9 mai 2006, vers 2h du matin, dans le secteur de Giko, zone, commune et province de Bubanza, un groupe de six personnes armées ont violé une fillette de 13 ans. Ces violeurs ont ordonné à la mère de l'enfant d'aller puiser de l'eau pour qu'ils violent l'enfant en son absence. Le matin on a retrouvé au domicile de la victime une carte de la mutuelle de la fonction publique contenant un billet de sortie d'un militaire, le caporal Simbiyara, de la position de Muramba en commune de Bubanza. Il avait demandé une permission pour se rendre à Bujumbura »68.

Le viol avec violence est constaté quand le violeur a fait recourt à la force physique par le ou les violeurs pour arriver à ses fins. « En date du 9 juillet 2006, sur la colline Sampeke, zone Bigina, commune Kayogoro, deux hommes répondant aux noms de Ntukamazina et Nzaniye ont été pointés du doigt pour avoir violé et étranglé leur victime du nom de Mélanie, épouse de Kabura, tout près du domicile de la victime. Cette dernière rentrait du marché. Les présumés auteurs ont été arrêtés »69.

Le viol est incestueux quand le violeur est une parenté de la victime. Il s'agit d'une circonstance aggravante de l'infraction de viol. Ainsi, « en date du 17 août 2006, vers 17h en commune urbaine de Cibitoke, quartier Bubanza, 14ème avenue, n°53, un homme a violé sa propre fillette âgée de 8 ans. La mère de la victime a vu un liquide blanc sur le sous-vêtement de sa fille, puis elle lui a demandé d'où elle était venue. La victime a répondu que son père avait introduit son sexe dans le sien et avait « uriné » un liquide blanc sous son sous-vêtement. La victime a ajouté que ce n'était pas pour la première fois. Souvent en l'absence de sa mère, son père l'appelait dans la chambre pour lui faire cela. L'auteur a accepté les faits devant sa femme. La mère de la victime a porté plainte en justice »70.

Parlant du viol prenant en compte la qualité de l'auteur, il s'agit d'une forme de viol qui est constatée dans les organisations et les communautés où les autorités profitent de leur position pour abuser de leurs subalternes. C'est aussi une circonstance aggravante de l'infraction de viol. A titre d'illustration, « En date du 13 janvier 2006, le Directeur de l'école primaire de

68 Ligue des droits de l'homme « ITEKA » : Rapport annuel sur la situation des droits de l'homme, Bujumbura, Inédit, 2007, p. 106

69 Ligue des droits de l'homme « ITEKA » : Rapport annuel sur la situation des droits de l'homme, Bujumbura, Inédit, 2007, p. 106

70Ligue des droits de l'homme « ITEKA » : Rapport annuel sur la situation des droits de l'homme, Bujumbura, 2007, p. 106

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Gitibu,Ndizamagambo Dismas de 35 ans, originaire de la colline Gikungere, commune Butaganzwa, marié père de deux enfants a violé une jeune fille fraîchement affectée à son école. Le violeur a intimé l'ordre à sa victime de passer dans son bureau, pour la finalisation d'un rapport et quand cette dernière est arrivée dans son bureau le directeur est passé à l'acte. Ce dernier a été détenu au cachot de la PSI Kayanza. »71

Les violences sexuelles conjugales ébranlent le fondement des relations hommes-femmes dans une société où la sexualité, même taboue, définit l'essence des relations féminin-masculin. Celui qui est censé être protecteur pour la femme devient dans ce cas l'agresseur, un loup qui s'ignore72. En effet le viol conjugal est un rapport sexuel forcé par un des conjoints sans le consentement de l'autre. Cependant, le consentement aux relations sexuelles entre époux est plus difficilement mis en doute. Entre époux, il y a une présomption de consentement.

Selon DURRIEU-DIEBOLT et WANQUET, lorsqu'une procédure de divorce est ouverte, il n'y a aucun problème. Le viol est reconnu dès lors que les conditions générales sont remplies. Le problème se pose quand le viol est commis durant le mariage. Pendant longtemps, la justice présumait le consentement des époux et cela ne permettait pas de retenir le viol d'un mari à l'égard de sa femme. Les seuls cas ayant entraîné une condamnation étaient des viols accompagnés de violences proches de la torture73.

Certains pays sont finalement arrivés à admettre l'accusation de viol d'une femme par son mari dont par exemple la France et la Suisse. Il en est de même du Burundi74.Mais il est très difficile de le faire comprendre même aux femmes qui le subissent car la tradition estime qu'une bonne femme est celle qui est soumise entièrement à son mari. Mais le rapport fait par la ligue burundaise des droits de l'homme « ITEKA », démontre que le viol conjugal est une réalité au Burundi. Les résultats de l'enquête sont assez frappants comme l'indique les chiffres ci-après : 33,6% des femmes contre 14,4% des hommes affirment qu'il leur est déjà arrivé de faire des

71Ligue Burundaise des droits de l'homme « ITEKA » : op.cit. p. 106

72Ligue Burundaise des droits de l'homme « ITEKA » : Enquête sur les violences sexuelles dans les sites des sinistrés et leurs alentours dans les communes de Buyengero, Burambi, Rumonge, Kayogoro, Nyanza-Lac, Bukeye et Ruhororo, Bujumbura, inédit, 2004, p. 7

73 BURRIEU-DIEBOLT et WANQUET, aide aux victimes des agressions sexuelles, ( http://www.SOSfemme.com/violence/viol.menu.htm). (Consulté 24/03/2021) 74L'article 578 du Code pénal burundais de 2018 reconnaît le viol entre époux.

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rapports sexuels forcés dans leur vie conjugale ; 27,9% des femmes contre 11,9% des hommes interrogés les jugent fréquents75.

La loi n° 1/13 du 22 septembre 2016 portant prévention, protection et répression des violences basées sur le genre, punit le viol conjugal d'une servitude pénale de 15 à 30 jours et d'une amande de dix mille à cinquante mille francs ou l'une de ces peines seulement76. Quoiqu'aucune enquête de satisfaction des usagers de cette loi n'ait été diligentée, on peut se poser la question du dimensionnement de la peine. S'agit-il dès lors d'un viol mineur plus ou moins toléré ?

Parlant du « viol comme arme de guerre », les viols commis durant le génocide au Rwanda et au cours de la guerre au Burundi, au Libéria et plus récemment au Congo ont fait l'objet d'une attention croissante de la communauté internationale77.Cette forme de viol s'observe en temps de conflits armés. En effet, ces conflits armés exposent les femmes et les mineurs à un risque accru. Selon la CEDEF, le vocable« femme » désigne aussi bien la femme majeure que la fille mineure. L'emploi de l'expression « ...de toutes formes de discrimination» fait sous-entendre l'âge comme étant un des critères de discrimination.

On distingue différents types de viols en temps de guerre comme par exemple :

1° Viol comme arme de guerre : cette forme de viol vise l'exclusion symbolique du sujet par destruction de l'identité individuelle, culturelle et ethnique. Selon Denis MUKWEGE78, « le viol est une arme de destruction massive ».Il s'agit généralement des viols de masse, de viols multiples et des viols collectifs accompagnés le plus souvent de brutalité et de coups79. En effet, les femmes sont vues comme l'incarnation de l'identité comme un territoire à conquérir ou comme un moyen d'humilier les hommes de leurs communautés. Dans certains cas, le viol est une stratégie délibérée visant à corrompre les liens communautaires. Il constitue une forme

75Ligue Burundaise des droits de l'homme « ITEKA » : Enquête sur les violences sexuelles dans les sites des sinistrés et leurs alentours dans les communes de Buyengero, Burambi, Rumonge, Kayogoro, Nyanza-Lac, Bukeye et Ruhororo, Bujumbura, inédit, 2004, p. 8

76Article27 de la loi no. 1/13 du 22 septembre2016 portant prévention, protection des victimes et répression des violences basées sur le genre au Burundi

77 JOSSE E., Violence sexuelles et conflits armés en Afrique : http://www.resilience.netfirms.com. (consulté le 27/03/2021)

78MUKWEGE D., Prix Nobel de la Paix, originaire de la Province du Sud Kivu, en R.D.C, frontalière de la zone d'étude de cette étude qu'est la Province de Bubanza au Burundi.

79 JOSSE E., Violence sexuelles et conflits armés en Afrique : http://www.resilience.netfirms.com. (consulté 27/03/2021)

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d'attaque contre l'ennemi et caractérise la conquête et l'avilissement de femmes et des combattants.

2° Viol opportuniste : les belligérants profitent de l'avantage que leur procurent leurs armes pour exiger les faveurs sexuelles des femmes de la communauté adverse, voire de la leur. Ainsi, lors des conflits armés au Burundi, les femmes n'étaient pas violées uniquement par les combattants ennemis mais également par les hommes de leur propre camp80.

3° Les viols perpétrés par des individus infectés par le VIH en vue de contaminer volontairement les femmes de la communauté adverse.

4° Les violences sexuelles comme monnaie d'échange : certaines femmes sont contraintes de consentir à des relations sexuelles pour survivre, en échange de nourriture, d'un abri de protection81.

Le Code des personnes et de la famille fixe la majorité à de21ans accomplis82. Cet âge, une fois révolu, correspond à la majorité civile. On estime donc qu'un enfant âgé de moins de 21 ans est incapable d'émettre un consentement valable. On comprend donc par l'article précité (art.335 du CPF) que pour un mineur, il ne faut pas nécessairement qu'il y ait pénétration pour que l'infraction de viol soit consommée, le seul fait du rapprochement charnel des sexes suffit pour condamner l'agresseur pour viol.

Ainsi, à titre d'illustration, le Tribunal de grande instance de Gitega reconnut Monsieur Ladislas G. responsable de viol sur un mineur de 10 ans alors que celui-ci surexcité s'était contenté de frotter son pénis sur les cuisses de la jeune fillette sans être parvenu à introduire son organe. Bien que le rapport médical précise qu'il n'y avait pas eu pénétration, pour un mineur, les seuls faits d'avoir essayé de le pénétrer en vain et d'avoir seulement frotté son pénis sur les cuisses de l'enfant sont également punissables comme viol. Monsieur Ladislas G. a été condamné à une servitude pénale principale de 10 ans83.

De façon sommaire, la CIDE ne donne pas une définition claire du viol sur mineur. Selon l'article 34 de la CIDE, « Les Etats s'engagent à protéger l'enfant contre toutes les formes

80 JOSSE E., Violence sexuelles et conflits armés en Afrique : http://www.resilience.netfirms.com. (consulté le 27/03/2021)

81 JOSSEE., Violence sexuelles et conflits armés en Afrique ( http://www.resilience.netfirms.com). (consulté le 27/0/2007)

82Article 335 du Code des Personnes et de la Famille

83 DRPA 198/GIT, RP 1609, RNP20177/GIT, in recueil des décisions judiciaires burundaises ; Contentieux des violences sexuelles, Bujumbura : 2003, p. 55.

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d'exploitation sexuelle et de violence sexuelle84 ».Force et de constater que la CIDE reprend l'infraction de violence sexuelle au titre des droits sociaux sous le thème de protection contre l'exploitation sexuelle85.Elle ne spécifie pas à travers les viols sexuels, la place du viol, encore moins du viol sur mineur. Les enfants font l'objet d'une protection internationale générale et d'une protection catégorielle. La CIDE a repris à son compte les différents droits de l'enfant codifiés dans les autres instruments internationaux de protection globale tout en les adaptant chaque fois que de besoin. Tel est le cas du viol.

Faute de mieux, le Bureau des Nations-Unies au Burundi, organe des Nations Unies inspiré de la CIDE en tant qu'institution imbue des réalités locales, en donne la définition suivante : « Le viol est défini comme un acte de violence par lequel une personne a des relations sexuelles avec autrui contre sa volonté »86.Cette définition est lacunaire à plusieurs égards et rend sa protection limitée. L'acte de violence dont il est question dans cette définition est peu défini, laissant échapper les autres stratagèmes du criminel. En outre, exiger dans une définition du viol que sa constitution de l'infraction dépende du fait d'avoir des relations sexuelles rétrécit la protection juridique en cas de tentative. Elle ne prend nullement en compte les autres orifices ou zones érogènes.

La jurisprudence internationale, mieux que la plupart des instruments internationaux des droits de l'homme, s'est ingéniée pour trouver les définitions du viol. Le Tribunal Pénal Internationale pour le Rwanda a défini le viol comme : « Tout acte de pénétration physique de nature sexuelle commis sur la personne d'autrui sous l'empire de la coercition ».Cette définition n'est pas assez explicite. Le commencement d'exécution exige la pénétration physique, implicitement, des mouvements de va-et-vient, ce qui est une exigence de plus par rapport aux définitions ultérieures.

La définition du viol dans le Code pénal burundais est à rapprocher à celle de l'article2, h. de la loi n° 1/13 du 22 septembre2016 portant prévention, protection des victimes et répression des violences basées sur le genre. Le viol est : « Tout acte à caractère sexuel, de quelconque nature qu'il soit et de quelque moyen que ce soit commis par une personne sur une autre non

84 Art. 34 de la CIDE

85 Art. 3 de la CIDE.

86 ONUB/Unité Genre, Etude sur les causes et les conséquences du viol dans la société burundaise, Bujumbura :inédit, 2006, p.14

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consentante87 ». La même disposition définit la sodomie comme « une pratique sexuelle qui peut s'exercer tant sur l'homme que sur la femme qui consiste à faire la pénétration anale88 ».

Cette définition n'est pas exhaustive. Quoique l'intitulé de la loi se veuille ambitieuse, la loi ne donne pas une définition du viol sur mineur. Elle protège le genre, mais laisse de côté les droits de l'enfant qui peut subir une double discrimination en tant qu'enfant, mais aussi en rapport avec le genre.

La lecture combinée des deux définitions témoigne de la volonté du législateur à étendre la protection juridique sur des catégories les plus larges de victimes, tout en se souciant moins d'une définition particulariste du viol sur mineur. Le législateur va au-delà des considérations selon lesquelles il y a viol quand un homme impose à une femme une conjonction sexuelle contre son gré ou son consentement libre. Le coupable ou la victime peut être, d'après le législateur89 burundais, un homme et une femme. Mais ces deux définitions pèchent également par le flou qu'elles font planer sur l'imprécision des termes« caractère » ou « pratique sexuelle » certes généralistes, mais imprécises. Quelle est la limite précise entre le sexuel et le non sexuel ? L'interprétation stricte du droit pénal risque de laisser certains faits impunis suite à ces imprécisions.

Quant au Tribunal Pénal International pour la Yougoslavie, elle a défini le viol comme : « la pénétration sexuelle, fut-elle légère :

a) du vagin ou l'anus de la victime par le pénis ou tout autre objet utilisé par lui, ou

b) de la bouche de la victime par le pénis du violeur, dès lors que cette pénétration sexuelle a eu lieu sans le consentement de la victime »90.

Cette définition semble plus protectrice que les précédentes car elle élargit l'élément moral, l'élément légal et l'élément matériel de l'infraction de viol. Mutatis mutandis pour les mineurs, c'est cette définition qui servira de fil conducteur lors de ce travail pour les développements ultérieurs en raison de la proximité de la CIDE et du TPIY, dans leur quête de l'universalité des droits de l'homme et pour des besoins d'efficience dans la répression du viol comme crimes contre l'humanité.

87Art.2, h. de la loi n°. 1/13 du 22 septembre2016 portant prévention, protection des victimes et répression des

violences basées sur le genre.

88 Article 2, k.

89Article 1 de la CIDE.

90TPIY

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1. Définition du mineur

La CIDE utilise le mot « enfant ».La définition du mineur ci-dessous développée n'est pas destinée à opposer le mot « enfant », cher à la CIDE, et le mot « mineur » cher au droit pénal, mais plutôt de rechercher leur compatibilité ou, au mieux, leur synonymie dans le cadre de ce travail. La distinction est seulement d'ordre pédagogique. Le concept de « mineur » peut avoir plusieurs significations selon que l'on se place sous l'angle du droit civil ou sous l'angle du droit pénal. Les âges de la minorité n'étant pas les mêmes dans toutes les législations, il importe de préciser les divers contours de cette notion en droit civil d'abord et en droit pénal ensuite.

La définition juridique de la minorité n'est pas a priori uniforme dans toutes les législations. Cependant, tous les pays prévoient la minorité qui est une condition d'une protection catégorielle renforcée par rapport à la protection générale reconnus aux personnes majeures. Il y a l'incapacité naturelle d'une part et l'incapacité technique d'autre part qui justifient la minorité civile et la minorité pénale, la protection étant limitée par le degré d'âge.

Mais il faut opérer un distinguo entre l'enfant qui n'a pas l'âge de discernement de l'adolescent qui est déjà doté d'une certaine maturité. C'est ainsi qu'on distingue l'enfant et le mineur doué de raison. Ce que l'on appelait chez les romains « infans ou infantia proximus », le premier étant l'enfant dans son jeune âge qui ne pouvait accomplir aucun acte juridique puisque dépourvu de volonté consciente. Cette période étant « infantia » s'étendait à 7 ans91.

En ce qui concerne, le mineur doué de raison, il correspond à l'âge de discernement qui n'est pas malheureusement déterminé de façon précise et il appartient au juge d'apprécier. La CIDE s'en est tenue à l'indication d'un plafond maximum au-dessus duquel on ne pourrait plus parler de minorité : «un enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable »92.

Cette disposition de la CIDE est critiquable à plus d'un titre. Elle autorise les législations internes à revoir à la baisse l'âge de la majorité sans déterminer les limites inférieures en dessous desquels les législations internes ne peuvent aller. Autrement, selon la CIDE, les législations internes peuvent, sur base de la CIDE, fixer l'âge de la majorité entre 0 et 18 ans impunément. A

91 DEPAGE, H., Traité élémentaire de droit civil belge, les personnes, T.2, Etablissement Emile Bruylant, Bruxelles : 1964, p.27.

92 Article7 de la CIDE

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cela s'ajoute la constatation selon laquelle il n'est nullement fait mention des critères de fixation de cet âge.

En rapport avec le sujet, la question qui se pose devient celle de savoir si à moins de 18 ans, le consentement du mineur est valable. Si oui, jusqu'à quel âge le législateur burundais peut faire baisser le pallier inférieur de l'âgé charnière de la minorité et de la majorité ? Au Burundi, il ressort que la CIDE, en fixant l'âge de minorité à moins de 18 ans, ôte la protection légale des mineurs à une catégorie de personnes âgées entre 18 ans accomplis et 21 ans accomplis, ce dernier âge étant celui retenu comme l'âge de la majorité au Burundi par le Code des personnes et de la famille(art.335).

En rapport avec la pyramide d'âge au Burundi, pays avec une population jeune que la CIDE, si elle était strictement appliquée, laisserait en dehors de la protection légale contre le viol en tant que mineur, une tranche d'âge importante de la population. Qui plus est, cette tranche de bénéficiaires aurait eu tendance à s'accroitre si la législation interne aurait eu le choix de fixer l'âge de la majorité à moins de 18 ans.

En ce qui concerne le droit burundais sur la minorité, il faut constater que les droit de l'enfant ne sont pas consacrés ou organisés d'une façon uniforme. Ils sont repérés ici et là dans de nombreux textes de loi, ce qui pose le problème de définition de la notion de mineur car chaque texte législatif adopte sa propre définition et l'âge selon lequel l'enfant n'est plus considéré comme mineur varie selon le domaine dans lequel on se situe. C'est ainsi qu'il y a lieu d'envisager le mineur sur le plan civil dont l'âge limite se situe à moins de 21 ans, ce qui est inconstitutionnel car contraire à la CIDE sur le même objet et le mineur sur le plan pénal, commercial en conformité avec les 18 ans en tant qu'âge charnière entre la minorité et la majorité.

En droit civil burundais, la minorité civile est consacrée par le Code des personnes et de la famille. Est mineure toute personne qui n'a pas encore atteint l'âge de 21 ans accomplis93. Cependant, l'on n'oserait pas traiter indifféremment de la même manière un enfant de 1 an et un mineur de 20 ans. Il est nécessaire de distinguer le mineur doué de raison d'une part et l'enfant en bas âge d'autre part. C'est ce que consacre la législation burundaise en distinguant en matière civile, le mineur capable de discernement, le mineur incapable de discernement et le mineur émancipé.

93Art 335 du D.L No1/024 du 28 avril 1993 portant réforme du code des personnes et de la famille

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Passé l'âge de l'enfance, le mineur demeure incapable, mais il entre dans le stade de semi-capacité où il peut comprendre la portée de certains actes accomplis par lui ou sur lui. Le mineur a donc à ce stade une volonté consciente, il est doué d'intelligence mais il reste toujours dans la catégorie des personnes protégées en raison de son inexpérience présumée. Etant dans une certaine mesure, douée de raison et par conséquent en état de comprendre la portée de ses actes, le mineur capable de discernement peut accomplir, seul, certains actes de la vie civile. Il s`agit notamment des actes conservatoires, ceux de la vie courante ou ceux de pure administration pour autant qu'ils soient compatibles avec son état et sa fortune94.

Tout en faisant la distinction entre mineurs capables de discernement et mineur incapable de discernement, le Code des personnes et de la famille burundais se limite à parler de leur incapacité sans pour autant préciser la durée exacte de cette période d'incapacité absolue. Il s'agit d'une lacune qui laisse au juge une marge de manoeuvre pour s'ingénier en interprétant le législateur, tout en exposant les justiciables à l'arbitraire.

S'agissant des législations française et belge, qui ont largement inspiré le droit civil burundais, la question est plus que controversée. Dans un premier temps, les droits belge et français ont adopté la position des romains qui étendaient cette période d'incapacité absolue à 7 ans « l'infantia ».Après avoir constaté que cet âge était trop bas dans certains cas, notamment pour pouvoir contracter, ils ont renoncé à cette position. Ils ont fixé alors le discernement à 13 ans qui était l'âge en dessous duquel il ne pouvait pas y avoir de responsabilité pénale95.Mais cet âge paraissait très élevé pour le droit civil et n'a pas été retenu pour longtemps.

Faute de fixer de façon uniforme l'âge de discernement, les législations française et belge ont laissé au juge la libre appréciation et c'est cette solution que le droit burundais a consacrée. C'est au juge d'apprécier en tenant compte du développement psychique de l'enfant, ainsi que de la gravité de l'acte au regard duquel le problème de capacité est soulevé, pour affirmer si oui ou non le mineur est capable de discernement. De toute façon, le discernement apparaît plus tard et non pas à l'âge de 7 ans comme chez les romains. En effet, c'est souvent au moment de l'adolescence que le mineur songe déjà à déployer une activité juridique.

94Art 339 du D.L no.1/024 du 28 avril 1993 portant réforme du code des personnes et de la famille, art 339 in B.O.B. 63/93, p.240 95 CARBONNIER J., Droit civil, la famille, les incapacités, 10 e édition, P.U.F. Avenue Ronsard, 411000 Vendôme, Paris : 1977, p.625.

33

L'article 361 du C.P.F. burundais dispose qu'à 16 ans, le mineur peut être émancipé par décision du tribunal de résidence de son domicile. L'émancipation confère au mineur la capacité du majeur sauf en matière commerciale où il doit atteindre 18 ans. On peut estimer que l'âge de l'émancipation reconnue dans la loi est une reconnaissance tacite de l'âge de discernement. Mais il s'agit d'une reconnaissance de discernement qui procède d'un raisonnement par déduction, susceptible d'une preuve contraire et partant fragile. De cette disposition, on peut conclure que l'âge de discernement peut être fixé à 16 ans et l'on peut estimer qu'en dessous de cet âge le mineur est incapable de discernement.

Même si la loi présume qu'une personne mineure est incapable de se gouverner elle-même quant à sa personne et à ses biens, c'est une présomption qui ne répond pas toujours à la réalité. En effet, il y a des personnes qui n'ont pas encore atteint l'âge de la majorité mais qui font preuve d'une grande maturité. Le mariage confère aux époux de lourdes responsabilités qui, si le régime de la minorité restait fixe, il se révèlerait plus gênant dans certains cas. Dès lors, toutes les législations admettent qu'il est possible de libérer, exceptionnellement, le mineur à partir d'un certain âge du régime qui le gouverne jusqu'à sa majorité pour le soumettre avant cet âge à un régime plus favorable. C'est l'émancipation. L'émancipation est un acte qui confère au mineur la capacité du majeur et entraîne par conséquent la cessation de l'autorité parentale96.

Les législations prévoient l'émancipation par le mariage et l'émancipation judiciaire. L'émancipation par le mariage est dite légale. Elle est de plein droit et irrévocable. Cela revient à dire que lorsqu'une personne se marie avant d'atteindre l'âge de la majorité légale, elle est de plein droit majeur. L'émancipation judiciaire est celle qui est accordée par décision du juge.

Contrairement à l'émancipation par le mariage à laquelle ne s'applique aucune condition d'âge et qui est définitive, l'émancipation judiciaire ne peut intervenir avant l'âge de 16 ans97.Elle peut en outre être révoquée, à la demande de toute personne intéressée ou du ministère public s'il est établi que l'intéressé n'a pas du tout fait preuve d'un discernement suffisant.

S'il est un peu facile de préciser la notion de mineur en droit civil, la question de l'âge de la majorité pénale est sujette à diverses discussions dans les législations actuelles. Il est rare que les législations de différents pays s'accordent sur l'âge de la minorité pénale qui serait dès lors universelle. En droit belge par exemple, la loi de 1965 relative à la protection de la jeunesse fixe

96 CARBONIER J., op. cit. , p.626

97 Art. 355 du C.P.F

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l'âge de la minorité pénale à 18 ans accomplis au moment des faits98. Il est important alors de présenter d'une façon exhaustive, la situation des différents systèmes juridiques quant aux âges de la minorité pénale pour la comparer ensuite à ce que prévoit la législation burundaise en la matière.

Parmi les enfants, écrit Mugard de Vouglans, « il y en a que leur état rend également exempts et de crime et de peine ; d'autres dont l'état sans diminuer leur crime, peut seulement servir à en faire diminuer la peine »99. La minorité est donc tantôt une cause d'irresponsabilité, tantôt une excuse atténuante abaissant la peine due à l'infraction commise et tout cela montre que l'ancien droit s'est montré soucieux du sort des mineurs. Depuis qu'il existe une législation pénale particulière aux mineurs, le mineur est l'individu qui n'est pas âgé, à l'époque des faits délictueux, de plus de 18 ans selon la CIDE.

En d'autres termes, alors que la majorité civile est fixée à 21 ans accomplis, la majorité pénale est fixée à 15 ans pour l'auteur de l'infraction. Il convient donc de déterminer le seuil au-delà duquel le jeune âge ne peut plus être considéré comme une cause de justification. Le développement intellectuel ou social des enfants n'est pas en effet tout à fait identique pour tous les jeunes et varie selon le milieu dans lequel l'on se trouve, et les conditions économiques dans lesquelles évolue le mineur, lesquelles conditions déterminent les conditions de développement physique et psychique de l'enfant.

Aux Pays-Bas, cet âge se situe à 12 ans, il s'établit à 14 ans en Allemagne et en Italie. Tant en Allemagne qu'en France se dessine une tendance pour fixer à 16 ans l'âge pour prononcer une peine. C'est l'âge qu'avait retenu la législation française de 1912 sur la protection de l'enfance délinquante. Par ailleurs, les codes de 1810 et 1867 l'avaient accepté comme étant l'âge où tout doute sur la possibilité de l'imputation disparaît100.

D'éminents juristes praticiens, tels le juge P.Wets et le Docteur Vervaeck, défendaient cette extension de la minorité pénale mais ils tempéraient leurs propositions par la création de « prisons-école » où les mineurs seraient admis à partir de 14 ans ou de 15 ans. Le docteur VERVAECK estimait en effet qu'à l'âge de 15 ans, l'enfant normal pouvait avoir la faculté deliberandi.C'est au congrès international pénitentiaire qui s'est tenu à Paris en 1995 que le

98 Travaux de l'association Henri Capitan, Protection de l'enfant, Paris : Economica, 1979, p.238

99 LANGUI A., La responsabilité pénale dans l'ancien droit, L.G.D.J, rue Soufflot, Paris : 1979, p.219.

100 NDIZIGIYER., Le problème de la responsabilité pénale du mineur, mémoire, Bujumbura : Université du Burundi, Faculté de droit, Inédit, Décembre 1983, p.14

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jurisconsulte au Ministère de la justice Peters Bourg Drill, préconisait la nécessité logique de rapprocher la majorité pénale de la majorité civile. Il faut signaler que lors de la discussion du projet qui allait devenir la loi du 15 mai 1912, le Gouvernement belge avait proposé de fixer l'âge de la majorité pénale à 18 ans. Cependant, la section centrale dans son rapport, se prononçait contre cet amendement qui, selon elle, écartait la répression101.

On comprend qu'à l'âge de 15 ans on donne un éducateur à celui qui n'en trouve pas chez ses parents, mais qu'après cet âge, le mineur a le discernement suffisamment développé pour comprendre ce qui est fait contre ou sur lui et pour savoir qu'il contrevient à loi et qu'il doit être puni. Les développements précédents témoignent la difficulté, voire l'impossibilité de fixer l'âge requis pour la majorité pénale pour établir ou pas la responsabilité pénale.

La question de la protection du mineur tenant à l'âge, chaque pays se réfère à un âge qui est distinct de celui d'un tel autre à tel enseigne qu'on doute de l'existence des critères objectifs de sa détermination. Mais les âges de la minorité pénale sont identiques pour certains pays et même là où il y a des différences, ils sont rapprochés. L'âge de la minorité pénale au Burundi ne s'éloigne pas de celui que nous venons de voir.

S'agissant de la minorité pénale en droit burundais, la loi burundaise fixe l'âge de la minorité pénale à 15 ans. « Les mineurs de moins de 15 ans sont pénalement irresponsables. Les infractions commises par ces derniers ne donnent lieu qu'à des réparations civiles »102.Il ressort de cet article que la minorité pénale se situe en dessous de 15 ans. A partir de 15 ans accomplis, l'enfant peut subir une peine, soit-elle mitigée.

Parlant du mineur, il peut être victime ou auteur de l'infraction du viol. La minorité pénale a été prévue dans le cadre de la protection des mineurs qu'ils soient délinquants ou victimes. Par conséquent, si la loi est douce pour les mineurs délinquants, a fortiori, elle doit être plus sévère pour les auteurs de l'infraction quand les mineurs sont victimes. Les âges de la minorité sont pris en compte pour aggraver ou atténuer la sanction du responsable des crimes commis sur mineur. Il en est de même des différences d'âge.

Heureusement, le Code pénal burundais, pour le cas du viol sur mineur, a été, on ne peut plus clair, sur les différents âges du mineur victime et les différentes peines qui s'y

101 NDIZIGIYE R.,op. cit., p.15

102 Art.28 de la loi n° 1/27 du 29 décembre 2017 portant Code pénal burundais.

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rattachent103.La détermination de l'âge de la minorité pour le mineur étant précisée par le Code pénal pour l'infraction de viol sur mineur, la question risque de se poser sur les autres infractions. Heureusement, elles ne retiennent pas notre attention dans le cadre de ce travail.

Selon la CIDE, « l'enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans révolus, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable »104. Cette définition fixe la limite supérieure du mineur à 18 ans et donne une grande latitude aux législations internes de rabaisser l'âge de la majorité. L'âge, la maturité biologique et psychologique dépend de plusieurs facteurs liés eux-mêmes aux conditions sociales, économiques et culturelles qui ne sauraient être les mêmes sur tous les continents. Au sein d'un même continent, ces conditions de vie peuvent même varier d'un pays à un autre ou d'une région à une autre.

La définition de la CIDE quant à l'âge de la minorité est donc critiquable à plus d'un titre. Elle ne reconnaît pas aux législations nationales la possibilité de revoir à la hausse l'âge de la majorité et la qualité de mineur. Elle passe sous silence les conditions de vie ou de survie des enfants ressortissant des Etats pauvres comme le Burundi, qui atteignent leur maturité physique, physiologiques et psychique à un âge plus avancé. Le cas de viol entre mineur se retrouve difficilement dans cette définition. Ainsi, le Code des personnes et de la famille burundais a fixé l'âge de la majorité civile à vingt-et-un ans accomplis105en violation de la CIDE. Le principe d'universalité et d'indivisibilité des droits de l'homme aurait dû tolérer par souci de réalisme les différences entre les Etats parties, en ce qui est de la réplication des conditions économiques des citoyens sur leur degré de développement biologique, physique, psychique et mental des mineurs.

Malgré les imperfections liées à un certain européocentrisme économique, physiologique et psychique de la définition de la CIDE, elle servira de fil conducteur en raison du prestige qu'elle tire de l'instrument juridique de référence qu'est la CIDE et pour les besoins d'évaluation de l'effectivité de la répression du viol sur mineur à base des standards et indicateurs de la CIDE. Qui plus est, cette définition de la CIDE alimentera le débat tout au long de ce travail, donnant un sens au choix du sujet.

103 Articles 578, 1°, 580 5° et 581 3° de la loi no.1/27 du 29 décembre 2017 portant révision du Code pénal burundais

105Art.335 du Code des Personnes et d la Famille burundais

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand